Cela fait un bail, déjà, que la série Doomsday Clock a commencé (22 mois !). Cela fait un bail, aussi, que nous attendions un nouveau numéro (quatre mois sans nouvelles d’Ozymandias et les autres). Cela fait un moment, aussi, que nous nous disions que la ballade était belle, qu’on aurait bien prit des dizaines d’épisodes de cette série mais que, dans le même temps, on s’inquiétait que la mousse retombe vers la fin. Eh bien voilà, nous y sommes, l’avant-dernier épisode de Doomsday Clock. Et comment dire…
Scénario de Geoff Johns
Dessin de Gary Frank
Parution aux USA le mercredi 4 septembre 2019
Dans le Watchmen originel, le onzième épisode est le moment où tout casse. Ou Ozymandias déballe son plan mais où il est déjà trop tard, le dernier épisode laissant les personnages s’interroger sur les suites à donner aux événements. Doomsday Clock #11 implique lui aussi beaucoup de discussions, de dialogue d’exposition. Que ce soit Lex Luthor ou Ozymandias, on énumère un certain nombre d’éléments, de comment du pourquoi. C’est loin d’être inutile (par exemple Geoff Johns connecte finalement un personnage de cette série au Rebirth de 2016 et au retour de Wally, encore que d’une manière inattendue) mais cela ne décolle pas vraiment. Plusieurs éléments n’ont pas l’ampleur désirée. Par exemple le détachement de Black Adam et son concept de « nation des puissants » n’est pas très charismatique. Mis a par le Creeper, qui n’est quand même pas vraiment l’un des héros majeurs de DC (quoi que soient les mérites qu’on peut lui trouver), on a l’impression qu’Adam est allé faire ses courses parmi les « invendus » des super-villains. Dans le même temps où est passée la promesse qui voulait que Doomsday Clock représente l’univers DC « un an dans le futur » au moment où la série commençait ? La géopolitique que Johns s’est efforcé de dégager, les équipes de super-héros impliquées en toile de fond, tout ça est passé à la trappe. Les Outsiders que le scénariste a mentionné un temps dans la série ne sont absolument pas ceux qui évoluent en ce moment dans leur propre série, Metamorpho, cloué au pilori dans Doomsday Clock, n’a pas les mêmes problèmes dans Terrifics, le Lex Luthor « local » n’a pas grand-chose à voir avec celui qui opère en ce moment dans les pages de la Justice League.
A un moment c’est à se demander si Doomsday Clock ne se passe pas dans un univers à la Earth One tant les choses ne sont pas raccord. Et ceux qui suivaient la maxi-série pour en savoir plus sur la Légion des Super-Héros ou comment cela s’articule avec ce que Bendis fait actuellement dans ses propres titres, vous aurez, cette fois, une forme de résolution. Mais sans doute pas celle que vous attendiez. La continuité intertitres ne fait pas tout. Parfois le propos l’emporte. Par exemple sous le vernis des costumes Watchmen ou Dark Knight avaient une vision politique. Mais le problème, ici, c’est qu’on a clairement l’impression que l’objectif a changé en cours de route. Il y a peu de vision sociétale ou politique et on se retrouve donc avec quelque chose qui tient plus d’un Infinity Crisis. Seulement voilà, un Infinity Crisis où, entre le début et la fin, les objectifs auraient changé. Exemple avec la Légion. Johns a publié le premier numéro de son projet à peu près au moment où Bendis annonçait son départ de Marvel. Entretemps il est donc arrivé chez l’éditeur et a lancé ses propres idées. On a singulièrement l’impression que Johns est obligé de passer un coup d’éponge sur Saturn Girl et d’enchaîner avec autre choses. Plusieurs intrigues plus ou moins importantes (le sort du bébé, par exemple) sont ainsi expédiées en quelques pages. Après de nombreux épisodes assez posés, cette accélération donne l’impression d’une certaine fébrilité. Certaines paraboles laissent même songeur, comme le reportage sur un vieil homme qui refuse de déménager alors qu’un barrage vieux de 85 ans est sur le point de rompre. Difficile de ne pas faire le rapprochement entre ce barrage et DC Comics (ou les comics tout court) et un certain ton désabusé de Johns (envers la maison d’édition ou envers les lecteurs ? Allez savoir qui est le vieux qui refuse d’éviter la cata). Les dessins de Gary Frank sont toujours aussi efficaces et réguliers. Mais il ne peut, à lui seul, rétablir la barre. Doomsday Clock #11 est un peu « Doomsday Clock pour les Nuls », nous expliquant les plans de Lex et d’Ozy alors qu’ils avaient déjà été sous-entendus dans les précédents numéros. Ça discute tellement qu’on s’ennuie plutôt alors qu’on devrait avoir le sentiment d’une apocalypse imminente. Il reste une vingtaine de pages pour conclure la série, sauver deux mondes et connecter les choses de manière satisfaisantes. Et là, au bord de la conclusion, on a l’impression que l’étincelle a quitté la série. Comment s’en tirer en un seul épisode restant ? Là, d’un coup, Johns viens de nous donner un gros doute sur l’issue d’une balade que, jusqu’ici, on avait plutôt apprécié. On se gardera bien de dire que c’est perdu d’avance. Mais à ce stade, ce n’est clairement pas gagné et il y a comme un effet de douche froide. Là, d’un seul coup, le compte n’y est plus.
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