La Justice League semble avoir trouvé le Paradis… et il s’agit du propre futur des héros ! Les versions plus vieilles de Superman et des autres leaguers ont instauré la paix sur Terre et même domestiqués toutes les différentes formes de chaos qui empoisonnent le présent de l’univers DC pour instaurer une utopie. Mais on sait bien qu’en général l’utopie cache tout autre chose…
Scénario de Scott Snyder
Dessins de Jorge Jimenez
Parution aux USA le mercredi 20 mars 2019
On parlait dans la chronique précédente de couvertures qui spoilent des éléments mineurs d’épisode à venir ? Justice League #20 fait très fort dans ce registre puisque la plus grosse partie de l’épisode voit les héros d’aujourd’hui rencontrant leur équivalent de demain et ayant droit à un tour d’horizon où tout va bien, où le crime semble avoir disparu de Gotham, où le Martian Manhunter est devenu papa et Superman le patriarche d’une société qui ne connait que l’optimisme. Tout le sens de l’épisode étant de retourner la chose comme un gant vers la fin du numéro (cela dit on sait que dans les comics l’utopie cache généralement quelque chose d’horrible). Bref, le lecteur n’est pas supposé être certain de quoi que ce soit avant de lire les dernières pages et DC… a trouvé malin de valider une couverture où les deux versions de Superman se tapent dessus (scène qui d’ailleurs n’arrive pas dans l’épisode). Ou comment désintégrer tout effet de suspens concernant la bonne volonté apparente de la League du futur. Mais, on l’a dit, le ressort habituel des utopies dans les comics fait qu’une partie du public se doutait sans doute du cours des choses. D’autant (et là c’est plus problématique) que l’épisode surfe ni plus ni moins sur des éléments vus il n’y pas si longtemps dans la série (à savoir la visite de Hawkgirl et Martian Manhunter), avec le même sens d’émerveillement apparent (« whaou vous avez un monde super ») pour qu’en définitive les héros (parmi lesquels Hawkgirl et le Manhunter) se rendent compte là aussi d’une imposture. Si la suite sera forcément différente (enfin on l’espère), on a l’impression de se retaper le premier épisode de l’arc d’Hawkworld (avec un vieux Superman remplaçant au pied levé la Hawkwoman malfaisante). Scott Snyder est sans doute un scénariste prolifique du moment, entre les différentes séries régulières, les minis, les events et les spéciaux mais s’il pouvait éviter de changer quelques noms propres dans son tableur pour nous refiler un script si voisin, à quelques mois d’écart et dans la même série, ce ne serait pas un mal. Et pour le malheur du scénariste, il faut dire qu’en plus même les éléments ajoutés ne sont pas si originaux. A un moment quand même on croirait presque que DC Comics n’aime plus ses figures de proues telles que Superman ou Batman. Les versions maléfiques/corrompues/alternatives de ces deux-là se promènent un peu partout. Au bas mot, il suffit de regarder Injustice ou le retour récent du Crime Syndicate dans la série Superman, sans oublier les variantes de Batman issues de Metal. Et enfin, cerise sur le gâteau, lors du run précédent (celui de Bryan Hitch), là aussi il n’y a pas si longtemps, on a pu voir un autre futur de la Justice League ou Wonder Woman et quelques autres avaient mal tourné. A un moment, c’est quand même un peu comme un sentiment de « déjà vu » en recouvrait un autre et on ne peut pas dire que tout ça soit original. A part une courte scène assez rigolote qui concerne Jarro (le mini-Starro adopté par la League) et la manière qu’il a d’imaginer son propre futur. Sorti de là…
Sorti de là, donc, alors que le scénario est en pilote automatique, c’est bel et bien sur les épaules du dessinateur Jorge Jimenez que se joue l’intérêt du numéro. Là pour le coup l’artiste est énergique quand il le faut, aussi à l’aise dans les scènes tendues que dans les moments de repos. Parfois, les lecteurs qui suivent son travail de longue date reconnaîtront un peu à l’avance ses intentions (pas très difficile de deviner qui est le Batman du futur lorsqu’on fait le parallèle avec la manière qu’avait Jimenez de dessiner un autre Batman dans Earth 2) mais là où le scénario fait très conventionnel, le dessinateur l’emporte en dressant un véritable cadre. Par exemple son application à représenter les différentes villes du futur et leur culture. Jimenez est un artiste inspiré, ses planches valent le détour, mais néanmoins il n’arrive pas à lui seul à faire sortir le numéro de cette impression de déjà-vu. Espérons que la présence des « imps » aidera à réveiller la fin de cet arc parce que là Snyder s’entête à penser que pour faire monter la tension il suffit de toujours rajouter encore plus de dangers conceptuels façon « oh mon dieu non seulement le Mur de la Source s’est percé mais en plus le Multivers dérive dans le vide, on va faire comment ??? ». Alors qu’en fait ce qu’il faut à ces personnages, c’est un peu d’humanité. C’est sans doute pour cela que les scènes avec Jarro et le petit martien se distinguent, sont plus sympas. Mais sinon ça sent beaucoup la roue libre…
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