Les Wonder Twins furent à la télévision les faire-valoirs des héros de DC Comics dans les années 70, du temps de l’antique dessin animé Superfriends. S’ils ont déjà fait l’objet de quelques tentatives mineures de les importer dans la continuité des comics, les voici pour la première fois à la tête de leur propre série, dans le label Wonder Comics. Est-ce que la magie opère ?
Scénario de Mark Russell
Dessins de Stephen Byrne
Parution aux USA le mercredi 13 février 2019
Si le lancement de la gamme « Wonder Comics » doit tout à Brian Michael Bendis, voici un nouveau titre qui n’est pourtant pas écrit par lui. Mark Russell a – involontairement – beaucoup fait parler de lui ces derniers jours, avec l’annulation d’un autre titre qui mixait Jésus et super-héroïsme. Les Wonder Twins sont sans doute d’un tonneau bien plus conventionnel puisque ce sont deux jeunes extraterrestres, Zan et Jayna, bien connus d’une génération de téléspectateurs américains (chez nous, le dessin animé Superfriends n’a pas connu un succès comparable). Aux USA, ils appartiennent au même type de nostalgie de l’enfance qu’un Casimir ou un Récré A2 chez nous. Le problème de DC Comics pour les importer a toujours été le côté improbable des pouvoirs de Zan. Si Jayna (qui peut se transformer en n’importe quel animal) est un équivalent féminin de Beast Boy, Zan, lui, se transforme… en eau, sans la versatilité de certains personnages plus tardifs comme Fathom. Bref, ils fonctionnent bien dans un registre animé, mais dès qu’on tente de les faire entrer dans l’univers DC, c’est un problème. Si on tente de les « moderniser » ou de les rendre plus sérieux, les fans d’origine des personnages ne les reconnaissent pas. Et si on les laisse dans l’état, c’est le public moderne qui a du mal à les prendre au sérieux. Mais il faut reconnaître à Wonder Comics de changer un peu la donne tant le maître-mot de la gamme est plutôt de mettre l’accent sur la capacité d’émerveillement, le fameux « sense of wonder ». Et dans ce registre-là, Russell peut revenir à ces jumeaux relativement innocents, un peu en marge des autres héros, tout en leur restant liés. Le scénariste trouve une trame pour expliquer que les deux personnages sont sur Terre et travaillent comme auxiliaires de la Justice League. Le fait est que – si on est dans la continuité – la cible visée semble (un peu) plus jeune que le tout-venant des titres DC. Rien de véritablement « bébé » mais plutôt quelque chose qui s’adresse aux ados (on a même droit à une petite « caméo » d’un personnage ressemblant fortement à Archie, d’Archie Comics, dès la première page).
D’où une forme de pensée bicéphale : D’un côté on s’adresse à un public jeune, de l’autre on surfe sur une nostalgie qui touche surtout des gens qui ont formé le primo-public des Super Friends dans les années 70, autant dire des quinquas et des quadras. Dans l’absolu on pourrait penser que la série peut contenter les deux publics mais il y a des partis pris bizarres. Comme la parabole d’une puberté qui touche ces personnages en cas d’orage, puberté qui chez eux prend une dimension un peu lubrique. Sans en faire des tonnes non plus (c’est bon, âmes chastes et prudes, respirez, il n’y pas de nudité dans l’épisode, les Wonder Twins c’est pas Batman: Damned), cela s’articule de façon un peu bizarre avec l’objectif du sense of wonder. Et puis il faut bien dire que Stephen Byrne, aux dessins, y va à la truelle, avec des traits un peu massifs d’une part et des effets de matière traités sans grande réflexion (regardez, dès la première page, les lumières et les matières sont à peu près les mêmes qu’il s’agisse de représenter le sol où les vêtements des personnages. C’est en deçà de ce qu’on pourrait espérer et on a l’impression de regarder non pas un comic-book officiel de DC mais une BD publicitaire, sous licence, qu’on trouve dans des menus de fast-food ou des trucs de ce genre. Mark Russell dégage quelques pistes intéressantes et reflète bien le caractère d’étrangeté de deux personnages pas du tout habitués à la Terre et qui doivent apprendre à réguler leurs émotions. Mais le dessin plombe véritablement le projet. Scénaristiquement, il y a de l’idée et c’est plus ambitieux qu’on pourrait le croire. Visuellement… ça sent surtout le boulot de commande, plombant l’ensemble. Sauf reprise du dessinateur ou changement de style, on voit mal comment la série pourrait s’installer sur le long terme.
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