Wonder Woman aborde son 750ème anniversaire. C’est, selon la tradition, l’occasion de réunir beaucoup d’autrices et d’auteurs en vue, dont plusieurs sont très associés avec des ères passées de l’amazone. Mais DC Comics se sert aussi de ce numéro pour établir une nouvelle version de Wonder Woman dans l’univers DC. Ou une nouvelle version de DC via Diana M
Scénario de Steve Orlando, Gail Simone, Mariko Tamaki, Greg Rucka, Kami Garcia, Shannon & Dean Hale, Marguerite Bennett, Vita Ayala, Scott Snyder
Dessin de Jesus Merino, Colleen Doran, Elena Casagrande, Nicola Scott, Phil Hester, Riley Rossmo, Laura Braga, Amancay Nahuelpan, Bryan Hitch.
Parution aux USA le mercredi 22 janvier 2020
Wonder Woman n’est pas Batman ou Superman. C’est une lapalissade évidente mais précisons : DC Comics et à travers les années les personnes qui ont contribué à l’histoire de Wonder Woman n’ont pas considéré son destin de la même manière et ce 750ème numéro en est, peut-être, la démonstration évidente. Pour Batman ou Superman, vous avez de nombreuses versions, nées de runs différents, qui cohabitent. D’une certaine manière cela explique d’ailleurs la demi-douzaine de versions alternatives de Bat et de Sup qui se promènent chaque mois dans les titres de DC. Wonder Woman, c’est différent parce que chaque « run » notable à tendance à exclure les autres. Il y a des raisons parfois naturelles à cela (on n’envisageait pas le féminisme de la même manière dans les années 50, les années 80 ou de nos jours). Il y a des récits qui se distinguent (comme par exemple celui de Gail Simone et Colleen Doran, avec Star Blossom, regard totalement différent sur un personnage féminin). Mais le sentiment qui demeure est qu’un clou chasse l’autre et ce 750 numéro en est le reflet. En théorie on devrait picorer ces différentes histoires comme étant différents reflets du personnage. Et des reflets pour la plupart agréables à lire, qu’on parle de la réunion de Marguerite Bennett avec Laura Braga ou du tournant amorcé par Scott Snyder ou Bryan Hitch. Mais cela reste des versions concurrentes, qui se marchent parfois sur le pied. Ainsi le premier segment, qui termine l’arc en cours de la série, est superbement dessiné par Jesus Merino mais le scénariste est bien à la peine pour jouer sur le côté psychologique de Cheetah, d’autant qu’il lui faut escamoter le personnage pour justifier la chronologie des événements de Justice League. Quelques pages plus loin, Greg Rucka et Nicola Scott exécutent à peu près la même situation (Diana est prête à tout pour racheter son amie/ennemie bien que cette cause soit perdue d’avance) mais de manière ô combien plus adroite. Retrouver un Ares finalement très proche de ce qu’il était sous la patte de Pérez alors que dans le même temps Rucka l’a fait évoluer dans un sens totalement différent est un autre témoignage de cette réécriture permanente.
« That was it. The moment. »
S’il est courant que Superman et Batman connaissent quelques mises à jour de leurs origines, l’ardoise magique (le reboot complet) se fait beaucoup plus rare. Grosso modo, même si le Superman à T-Shirt de Grant Morrison en 2011 n’est plus guère de mise, ils s’inscrivent dans un esprit de progression. Wonder Woman en est à sa troisième redéfinition profonde depuis 2011. Il y a eu la version lancée par Azzarello puis, en 2016, la version de Greg Rucka (et on vous fait cadeau de Wonder Woman : Earth 1, qui est dans une autre continuité). En 2020, pour rebondir sur les événements récents de Doomsday Clock, de Justice League ou d’autres choses, Wonder Woman s’offre un nouveau lifting qui vise à lui redonner une importance centrale et historique dans l’univers DC. La fin du numéro, avec Snyder et Hitch, s’emploie à mettre en place cette nouvelle donne (et donc déjà à invalider le « Year One » de Rucka et Scott). C’est spectaculaire et plein de promesses, c’est sans doute à rapprocher de la résurgence de la Justice Society. Mais en semblant renouveler l’importance de l’amazone, Wonder Woman #750 nous laisse avec cette question lancinante : serait-il possible d’arrêter de rebooter le personnage tous les cinq ans, de réinventer la poudre de façon cyclique pour, enfin, vraiment construire des choses sur la durée. En un sens cette Wonder Woman, réinstallée en pionnière des super-héros, préfigure une nouvelle mouture de l’univers DC. Espérons que cette fois sera la bonne, car « reconstruire » n’est pas « construire »..
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