A quelques jours de la sortie du film Aquaman, DC Comics achève le crossover qui le place en évidence dans l’univers des comics. Alors que la plus grande partie de la « population de la surface » a été transformée en créatures marines, Aquaman et Mera semblent être le dernier espoir de la planète. Une chose est sûre, on ne pourra pas taxer Scott Snyder d’originalité sur ce coup-là.
Scénario de Scott Snyder
Dessins de Francis Manapul et Howard Porter
Parution aux USA le mercredi 28 novembre 2018
Chez la plupart des grands auteurs de comics, on peut remarquer des marottes narratives, des éléments et des thèmes maniés parfois avec obsession. Grant Morrison aime à explorer sous tous les angles la notion entre fiction et réel, Tom King s’intéresse aux traumatismes, Jack Kirby surfe sur des structures cosmiques. Ce n’est pas vraiment de l’uniformisation puisqu’ils sont virtuoses dans la manière de remettre sur le tapis les mêmes figures tout en restant originaux et frais dans leur approche. Si Scott Snyder est assurément un grand scénariste dans ses moments d’inspiration (par exemple « la Cour des Hiboux » sur Batman), il a malheureusement tendance à s’enfoncer dans une routine de base qui reste la même ces dernières années, en particulier depuis qu’il s’est lancé dans Metal. Donc, comme dans Metal ou dans No Justice ou dans Justice League, on a droit une nouvelle fois à un récit générique où il suffirait pratiquement de changer les noms propres, sans qu’il y ait au passage de grande valeur ajoutée. Le héros-type de Snyder (cette fois Aquaman) ignorait donc qu’il y avait un secret ancien (ici un truc remontant à Arion, qui a sans doute pour but d’injecter dans les comics le pacte entre Atlantis et les Amazones évoqués dans le film Justice League). Et puis arrive la menace, souvent représentée par une horde de personnages (les Talons dans Batman, Les Dark Knights dans Metal). Cette fois, pour coller au thème d’Aquaman, on est donc dans les hommes-poissons. Et pas de façon très subtile, les uns ayant été transformés en créature-crabe, les autres en demi-pieuvre. On se croirait dans un Pirates des Caraïbes. Et quand arrive le Superman pirate, avec un bandeau sur l’œil, on sait qu’on a basculé dans… une sorte de comédie mécanique où les « moments » sont lâches les uns après les autres mais sans beaucoup d’âme. Pire, dans ce qui est le dernier numéro de l’arc, sans vouloir spoiler, Aquaman et Mera finissent dans une situation qui est, en gros, celle que l’on connaissait il n’y a pas si longtemps pour la Justice League écrite par Bryan Hitch. Drowned Earth, c’est donc beaucoup de bruit pour revenir à une situation récente. Snyder nous donne sa formule habituelle et, on a envie de dire, que sa formule, sans grand-chose de plus. A partir de là vous pouvez décliner à l’envie de futurs arcs de la Justice League. Demain, un arc à la Snyder nous parlera du pacte ancien des Amazones, avec un secret que forcément Diana ne connait pas et une force cosmique inconnue, si possible des Amazones venues d’un autre monde. Vous voulez reproduire le procédé à volonté avec Superman, Green Lantern et ainsi de suite ? Changez les noms propres dans votre fichier Snyder.doc
Niveau dessin, on a deux bons artistes, Francis Manapul et Howard Porter, mais utilisés de manière inégale. D’abord parce que leurs deux styles sont très distincts l’un de l’autre. Ensuite, en particulier au niveau de Porter, ce n’est pas vouloir le rabaisser que de dire qu’il n’est pas G. Pérez quand il s’agit de manier des hordes de personnages. Ici, la tâche est de plus compliquée par le fait que les héros sont recouverts d’une sorte de texture évoquant les crustacés. Ce qui nous donne des pages entières de chaos en termes de narration visuelle, où les protagonistes gesticulent plus qu’ils n’agissent réellement. Qu’on ne s’y trompe pas, Aquaman/Justice League: Drowned Earth #1 n’est pas le pire comic-book produit à ce jour. Peut-être qu’il n’est même pas un « mauvais » comic-book en un sens. Mais c’est juste du réchauffé, un crossover servi selon une recette déjà éprouvée maintes fois ces derniers mois et qui débouche sur un changement de situation qui n’en n’est pas réellement un. C’est très dispensable et la mise en évidence d’un Aquaman méritait sans doute un peu plus d’effort, plus de caractère.
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