Tout l’univers Marvel se prépare au Jugement Dernier. Les Avengers réunifiés sont-ils de taille à repousser les Celestials, êtres colossaux qui sont ni-plus ni-moins qu’à l’origine de l’humanité ? Jason Aaron brasse des héros dont il est familier et cherche à canaliser une sorte de vibration kirbyesque dans son script. Et pourtant ce dernier chapitre de l’arc génère un certain sentiment de fouillis.
Scénario de Jason Aaron
Dessins d’Ed McGuinness
Parution aux USA le mercredi 22 août 2018
Jason Aaron applique aux Avengers les techniques mises en œuvre sur son run de Thor depuis maintenant plus de 5 ans (et peut-être aussi, sans doute, dans son crossover Original Sin), à savoir que les héros du présent doivent payer l’addition pour des fautes lointaines dont ils ne sont pas responsables, fautes que leurs prédécesseurs ont caché sous le tapis depuis des millions d’années. Une partie du casting de cette nouvelle mouture des Avengers fait sens puisqu’au fil des ans Aaron a non seulement écrit Thor mais il est aussi passé sur les séries de Ghost Rider (quand bien même une version différente) ou encore de Doctor Strange. Il maitrise assez bien son propos, connait les personnages et fait preuve d’une envie de brasser tout l’univers Marvel en mentionnant des sources diverses. Bien entendu ce premier arc est largement basé sur la mythologie de fond des Eternals de Jack Kirby mais le script multiplie les références à des éléments aussi divers que K’Un-Lun, Man-Thing ou encore l’Imperial Guard. Il a, à l’évidence, l’envie de montrer à quel point les enjeux sont élevés. Malheureusement, si la direction scénaristique est soutenue depuis le début, le combat des Avengers contre les Celestials nous a perdu depuis quelques épisodes. L’ambition est là, mais c’est la mise en œuvre qui fait défaut, à un niveau autre que le scénario.
« We are all god’s vomit. »
Ed McGuinness n’est certainement plus un dessinateur débutant. Paco Medina non plus. Au fil de leurs carrières ils ont mis en images des personnages très différents les uns des autres. Mais en ce qui concerne cet arc, c’est bien eux le point faible. Techniquement, leur trait est cohérent avec ce qu’ils produisent d’habitude mais la narration est à la peine. D’une part, ils souvent jongler avec beaucoup de protagonistes. Un team-book, ce n’est pas un titre solo, c’est certain. Mais les dessinateurs, pourtant, n’en sont pas non plus à leur première représentation d’un groupe de super-héros. En fait, ce qui pêche depuis quelques numéros devient particulièrement apparent dans celui-ci. C’est à dire que ce n’est pas seulement la profusion de protagonistes qui plombe McGuinness et Medina mais bien la non-gestion des tailles différentes. On a d’un côté une partie des Avengers qui ont gardé taille humaine et de l’autre des héros qui ont été fusionnés avec de bons Celestials pour lutter contre les mauvais. Dans la pratique, les Celestials sont des êtres hauts comme des immeubles. Seulement les deux artistes évitent la plupart du temps tout effet de perspective. Il y a bien un gant géant qui manque d’écraser, à un moment, Black Panther, Captain Marvel et Iron Man. Mais c’est comme si on avait voulu séparer les deux échelles de l’action, ne pas les confronter. Les « petits » regardent rarement les « grands » et inversement. Il n’y a pas d’effet de perspective, pas (ou presque) de plongée ou de contre-plongée. Si le scénario ne nous guidait pas, par le dialogue, en ce qui concerne qui fait quoi, le dessin deviendrait parfois indéchiffrable. On n’aurait pas la moindre indication visuelle que Cap est une fourmi comparée à Iron Man. C’est comme si vous aviez Giant-Man mais que vous ne le représentiez que dans des cases à part, sans indication relative aux autres personnages. Manque à cette histoire des angles de vue, quelque chose de similaire à ce qu’Alex Ross pouvait amener à Marvels dans des scènes où Hank Pym enjambe la foule. Ce n’est pas le seul problème visuel d’Avengers #6. Par exemple les expressions faciales sont peu subtiles et là aussi, par endroits, si le scénario ne nous disait pas ce qu’un personnage ressent, le visuel ne suffirait pas à faire passer le message. Dans un passage, Loki est supposé ressentir de la fierté mais on représente un personnage hilare, dans une expression digne du joker. Un moment clé, le recours à l’Uni-Mind, est bâclé, expédié en cinq cases alors que c’est un tournant de l’aventure… Tout cela fait qu’on aurait été curieux de voir l’arc dessiné par un Esad Ribic ou un Nick Bradshaw, des gens qui, de manière différente, savent jongler avec une foule de détails et des gabarits de personnages très différents. Là, le dessin est techniquement efficace mais la narration est aux abonnés absents, le sens du dramatique y perd énormément. Du coup on est pressé de voir ce que valent les Avengers d’Aaron avec d’autres dessinateurs (ou sans ce problème d’échelle), en espérant cette fois voir une série à plein régime.
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