Batman #50 n’est pas qu’un numéro anniversaire/cinquantenaire. C’est aussi et surtout un point culminant, le moment tant annoncé du mariage entre ledit Batman et sa chère Catwoman, promis depuis environ 25 numéros. Tom King, Mikel Janin et un défilé de dessinateurs stars se succèdent pour faire de cette histoire un classique. Ou plutôt pour nous installer dans un sentiment de sécurité. Problème : malgré les efforts déployés, un autre comic-book récent utilisait un twist relativement proche. Ou comment se faire coiffer au poteau par la concurrence…
Scénario de Tom King
Dessins de Mikel Janin
Parution aux USA le mercredi 4 juillet 2018
Les super-héros aiment à se battre contre l’injustice. Mais il est des situations où les histoires de super-héros elles-mêmes sont victimes d’injustice et Batman #50 est tiré de ce tonneau. C’est-à-dire que Tom King et Mikel Janin se lancent dans une cérémonie promise, attendue, en donnant tous les gages nécessaires de fidélité, de sens historique et de progrès du héros en même temps. Finalement, Batman et Catwoman se décident enfin à franchir le pas. Avant l’aube ils veulent se marier et s’affairent à préparer la cérémonie, chacun de leur côté. King fait un excellent travail pour donner à cet élan quelque chose de naturel. Là où d’autres scénaristes auraient décidé que, pour des raisons commerciales, les témoins du couple se doivent d’être Superman et Harley Quinn (ou quelque chose du genre), ici les choix sont plus humains, plus intimistes, plus personnels. Ils sont autant d’extension des personnages. De plus la narration s’appuie sur deux logiques narratives qui permettent de saluer les auteurs qui ont permis d’arriver à ce moment. Bruce et Selina traversent donc une Gotham où les adresses, les noms propres, sont autant d’astuces pour saluer Bill Finger, Jerry Robinson, Bob Kane, Marv Wolfman et d’autres. Si les numéros anniversaires sont propices à des pin-ups publiées à la fin, là elles sont insérées au milieu de l’histoire, comme autant de micro-flashbacks qui montrent que Batman et Catwoman se souviennent, avant de passer à l’étape suivante, de tout ce qui les a uni ou séparé au fil des décennies. José Garcia-Lopez, Frank Miller, Neal Adams ou Paul Pope (et d’autres encore) se succèdent ainsi aux crayons, excusez du peu.
« It’s been the two of us. Since the beginning. I can’t do anything without you. »
L’équipe créative ne ménage pas ses efforts, bien au contraire. Il y a de la tranche de vie bien sentie, une sorte de montée ascensionnelle, malgré les masques, la cape et le décorum. Mais malgré toute cette bonne volonté il y a quand même des endroits où le récit trébuche. D’abord pour des raisons internes. Passé un certain cap le raisonnement de Selina devient pratiquement aléatoire. Parce qu’il faut que l’histoire aille dans une certaine direction, le scénariste cesse pratiquement d’un coup de nous montrer ce qui se passe dans sa tête. Et puis, toujours en interne, il y a le plan secret du gros méchant aperçu vers la fin, plan qui (s’il a l’avantage d’inscrire ces cinquante premiers numéros du run de King dans un tout cohérent) n’en tient pas moins sur le dos d’un timbre-poste. Qu’est-ce qui fait que le méchant peut influer (ou pas) sur les événements. Pratiquement rien. Et finalement l’un des deux tourteraux (peut-être même les deux en un sens) en sort montré comme quelqu’un d’aisément manipulable, sur la foi de quelques phrases. Ce n’est pas la meilleure manière de saluer la force du couple Batman/Catwoman. Et là où cela bloque pour des raisons externes, c’est qu’un autre comic-book très récent s’est appuyé sur une conclusion voisine (à défaut d’être identique). DC Comics se moquera sans doute de cette proximité car ce n’est plus (sauf exception) le contenu qui vend les comics aux USA mais plutôt le système de commandes à l’avance, qui fait qu’un lecteur ou un grossiste réserve trois mois à l’avance une parution particulière. Batman est l’une des séries les plus en vue du moment, nul doute que le numéro du mariage annoncé à la garantie d’être un hit en termes de ventes. Nul doute, également, qu’un nombre non-négligeable de lecteurs en ressortiront avec la ferme impression qu’on les a encore roulés dans la farine et qu’on leur a fait rechercher un numéro qui ne correspond pas exactement à la promesse, malgré d’autres qualités. Batman #50 est un joli hold-up, assuré de faire un carton, un coup. Mais à force, peut-être ne faut-il pas/plus s’étonner de voir le public peiner de plus à se motiver autour d’annonces. Ce numéro devait nous amener à un Batman transformé par un nouveau mode de vie. Mais la conclusion nous amène au contraire vers du déjà-vu. Et ce n’est pas simplement parce que Marvel a joué un coup similaire ces dernières semaines. Un rebondissement ? Non, une pirouette…
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