Ceux qui attendaient des réponses depuis le début de Black Hammer vol.1 vont être comblés. Et peut-être même au-delà de toutes leurs espérances car en quelques pages Jeff Lemire et Dean Ormston répondent… à tout. Qu’est-ce que c’était que cette ferme où les héros ont été piégés pendant des années ? Pourquoi étaient-ils là ? Tellement de réponses qu’en fait on se demande comment les auteurs espèrent poursuivre après ça…
Scénario de Jeff Lemire
Dessins de Dean Ormston
Parution aux USA le mercredi 19 sep 2018
La base de l’excellent Black Hammer, c’est qu’une Justice League dysfonctionnelle est prisonnière depuis des années d’une sorte de bulle de normalité rurale. Incapables de retourner chez eux, les héros en sont quittes pour oublier leur puissance tout en pestant les uns contre les autres. En tout cas c’est la ligne de départ et ce qui a animé depuis le début la tonalité de la série. Mais, clairement, depuis l’épisode précédent, les deux auteurs soldent ce passif du titre. Avec Black Hammer, on était dans une narration lente, où des questions étaient posées mais les rebondissements peu nombreux. Black Hammer reposait sur l’attente, sur une sorte de logique tantrique où les personnages attendaient que quelque chose se passe, dans une logique post-super héroïque. Et c’était efficace, c’est certain. C’est ce qui a fait jusqu’ici le succès de la série. Là, Lemire et Ormston donnent un coup de pied dans la fourmilière. Non. Disons même qu’à ce stade ils sautent à pieds joints sur la fourmilière : les héros sont enfin libérés du monde de la ferme, apprennent ce qu’était ce monde et ce qu’ils y faisaient, qui les avait mis là. Après une telle attente, c’est presque trop d’un seul coup. Non pas que les réponses en elles-mêmes soient mauvaises ou bonnes mais on se demande vraiment comme Lemire et Ormston espèrent renouveler, après ça, l’intérêt pour l’univers de Black Hammer. La base du projet, un avatar de la JLA en position d’échec, évolue effectivement de manière spectaculaire. On pourrait même dire qu’elle retrouve une situation plus classique, avec une partie des membres se retournant contre ceux que l’on peut considérer comme les « super-villains » (même s’ils avaient leurs raisons).
« There is no story I won’t chase down. Not when I believe in it. »
Et pourtant il ne s’agit pas de dire que Black Hammer a dépassé sa « date de consommation » ou a égaré son sens. Il y a des signes qu’au niveau scénaristique Lemire continue sa logique d’archétypes, de similitudes. Il a cependant changé de registre. Dans le réveil des héros de Spiral City, il y a quelque chose qui tient du réveil de Miracleman et Miraclewoman. Tout comme Doctor Star est une allusion inversée au Starman de Robinson (au lieu d’être l’histoire d’un fils qui succède à son père, c’est le récit d’un père qui a laissé tomber son fils), Black Hammer en arrive à un stade où ce n’est plus la variation de la Justice League qui dirige l’histoire. On est dans du Miracleman inversé. Là où la création d’Alan Moore croyait avoir vécue des exploits surhumains (mais dans une réalité virtuelle naïve, correspondant à la carrière de l’ancien Marvelman) avant de revenir à la réalité, les héros de Lemire et Ormston sont bien des surhommes que l’on a condamné à un monde factice où ils se croyaient « normaux ». Black Hammer passe donc à une autre forme de méta commentaire mais on se demande réellement où les auteurs peuvent emmener leurs personnages – et NOUS emmener – à partir de là. Au « pire », Black Hammer est un concept pensé comme « fini », avec une conclusion qui approche. Au « mieux », Lemire est sur le point de démontrer qu’il peut transformer l’essai et poursuivre la logique de Black Hammer (éventuellement dans une autre série) sous une forme totalement renouvelée.
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