Terminés les previews et autres numéros anniversaires. Man of Steel #1 marque la véritable arrivée de Brian Michael Bendis dans le monde de Superman, à l’instar de ce que le premier Man of Steel avait été pour John Byrne en son temps. Mais cette fois il ne s’agit pas d’une réécriture de l’historique du personnage. Pas de reboot mais une prise de contact d’un Superman à la fois moderne et classique, le passé étant traité sous forme d’ellipse chère au scénariste.
Scénario de Brian Michael Bendis
Dessins d’Ivan Reis et Jay Fabok
Parution aux USA le mercredi 30 mai 2018
Qui touche à Superman touche au taulier de l’univers DC. La chose peut être perçue de façon variable parce que certains trouvent Batman plus crédible et badass, d’autres pointeront que depuis 1956 Flash a toujours été à la base des grands virages de DC. Ou bien que Wonder Woman est plus mythologique et féministe, Green Lantern est plus cosmique, que Green Arrow est plus social. Mais Superman reste le métronome. Rien ne symbolise plus l’après-Crisis que le Man of Steel de Byrne. Quand Superman va, l’univers DC va… Quand il se perd, ce serait TRES excessif de dire que toutes les autres séries DC partent en vrille. Mais dans ces cas-là, DC perd quand même son repère moral. Un Superman qui passe au troisième plan et c’est la Justice League qui perd de sa superbe. Une relance de Superman fait donc des ricochets dans le reste de l’univers DC et la couverture de ce premier numéro exprime d’ailleurs très bien que ce n’est pas important que pour le seul Superman. Ces dernières années, l’éditeur a beaucoup bégayé dans son usage du personnage, chaque interprétation durant difficilement plus d’un an, la plus récente avait amorcé un retour au Superman classique, en fusionnant des éléments de la continuité pré-2011. C’est clairement ce Superman-là – une sorte de modernisation du héros du Bronze Age – que Bendis veut continuer d’écrire sans jouer les iconoclastes. Cela ne l’empêche pas de continuer d’injecter de nouveaux personnages secondaires (après une nouvelle collaboratrice au Daily Planet il y a quelques semaines, voici la nouvelle gradée chez les pompiers), permettant de féminiser un peu plus Metropolis. Ce n’est d’ailleurs pas un mal car trop souvent dans le passé on pouvait croire que Lois était pratiquement la seule femme de la ville.
« You’re p-ulling all his triggers. »
Le dessinateur Ivan Reis n’en est plus à son premier contact avec Superman. C’est même un gage de continuité avec ce qui se faisait encore récemment avec ce personnage. Mais si l’on fait l’effort de ne regarder que le seul script, la patte de Bendis devient manifeste. Dans l’histoire des transferts entre Marvel et DC il y a deux grands cas de figures. Les scénaristes qui, sans se renier, improvisent selon la matière première à leur disposition. Typiquement un Geoff Johns écrivait les Avengers avec son style mais avec des mécanismes très différents de JSA. La chose vaut aussi pour Grant Morrison, selon qu’on le lise dans New X-Men et Batman. A l’inverse, il y a ceux qui écrivent chez un éditeur comme une continuation de ce qu’ils ont pu écrire chez l’autre. On pouvait reconnaître dans le Fourth World de Kirby le prolongement de Thor, dans la JLA d’Englehart la suite de ses Avengers. Et Bendis semble s’orienter vers cette catégorie. Typiquement, il nous donne un récit réparti sur plusieurs époques, avec des aller-retours dans le temps. Introduit rapidement dans Action Comics #1000, l’extra-terrestre Rogol Zaar y gagne d’ailleurs, avec tout un travail de mise en place. Et si Bendis n’est pas le premier à utiliser un Conseil Galactique chez DC, celui qu’il montre ici a un air de famille prononcé avec ce qu’il écrivait dans Guardians of the Galaxy. Ce qui, traduit en des termes de fans-hooligans, peut se résumer bien sûr à un simple « si vous détestiez Bendis chez Marvel, vous allez le détester chez DC Comics ». Mais d’une, si vous avez détesté les 15 dernières années de Bendis, rendez-vous service et arrêtez de à la suivre à la fois ses projets et ce qui s’en dit. Par la force des choses cela ne vous concerne plus. De deux, de façon plus réaliste, mesurée et équitable, si un auteur reste cohérent dans son écriture, il n’en reste pas moins qu’il convient plus ou moins à certaines ambiances, certains personnages. Et là, de la même manière qu’il y avait un fossé entre son Daredevil et ses X-Men, il existe le même genre d’écart entre la fin expédiée de son Iron Man et ce début de son Superman. Sans pour autant juger à l’avance de tout un run, ce démarrage semble plutôt prometteur et atteste de la compatibilité de Bendis avec Kal-El.
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