« Filles perdues » flirte délicieusement entre le sublime et la grâce… Un parfum de sacré rôde autour de ce recueil que l’on saisit volontiers comme une bible du profane. Difficile de ne pas se perdre avec volupté dans ce temple de l’érotisme où il n’y a qu’un pas à franchir de l’images à la sensation. Alice, Wendy et Dorothy, des amies d’enfance avec qui l’on s’abandonne avec plaisir en pénétrant de l’autre côté du miroir. Les histoires racontées autour d’un feu sensuel nous replonge dans les réminiscences de l’enfance en brisant la ligne des interdits…
Lost in translation
Que sont devenues Alice, Wendy et Dorothy à l’âge adulte ? L’âge d’or de l’enfance mis entre parenthèses, les trois héroïnes se retrouvent prises dans les fers de l’âge adulte. Le magicien d’Oz de Dorothy, l’envers du miroir et la recherche du grand lapin blanc pour Alice, La découverte de Neverland pour Wendy… Ce temps semble bien loin et les souvenirs consciencieusement enfouis. Mais derrière les traits vieillissants de la femme se cache l’ombre de la petite fille qui refuse d’abandonner son rêve. Le destin les réunit toutes les trois dans un palace autrichien en 1913. Préservées momentanément de la montée d’une violence virulente en cette veille de première guerre mondiale, leur vision similaire d’un monde parallèle finit par les rapprocher. Conscientes d’avoir beaucoup à partager, complices de leurs histoires, elles se transforment, chacune leur tour, en conteuses ensorcelantes, fabriquant leurs mythes au fil du récit. Les souvenirs et les corps s’entremêlent. Les langues se délient pour faire tomber tous les tabous et remonter le fleuve des émotions jusqu’au point d’origine de l’éveil des sens et de la source du plaisir.
Alice, détentrice du secret du miroir, joue les maîtresses de cérémonie et initie ses compagnes d’aventures aux mille et un délices du tribadisme. Les fantasmes se fondent dans la réalité, les rêves envahissent l’espace, abolissant la frontière des bienséances. Les trois héroïnes tâtonnent et retrouvent, au fil des pages, l’absolu et la sensation d’infini que procure l’enfance. Bruno Bettelheim avait été un des premiers à introduire la sexualité dans sa Psychanalyse des contes de fée. Alice, Wendy et Dorothy préservent cette tradition orale (beaucoup d’anal également) du conte comme un talking cure si cher à Freud, qui permet à l’inconscient de s’exprimer librement. Filles perdues jouent avec plusieurs niveaux d’interprétation à déchiffrer, mettant sur un même plan, comme des calques qu’on superpose, l’érotisme, la psychanalyse et une intertextualité qui fait de l’oeuvre d’Alan Moore et de Melinda Gebbie un creuset culturel. Egon Schiele et ses peintures licencieuses cohabite joyeusement avec l’Art nouveau. Pierre Louÿs s’encanaille dans les saynètes de Moore où le double sens est roi. Les codes sont inversés, les images parfois trompeuses. La crudité des dialogues s’harmonise avec la poésie épique d’un Ginsberg qui déchire le formatage des bonnes moeurs pour vaguer vers l’horizon de la déraison. Alan Moore s’enfonce toujours plus loin dans l’irrévérence pour nous entraîner au royaume du pays des merveilles. Le graphisme de Melinda Gebbie saisit la volupté dans sa quintessence, entre douceur et violence. On se laisse bercer de sensations jusqu’à l’ivresse. Un bain bouillonnant dans lequel on se plonge avec malice sans avoir la moindre envie d’en sortir la dernière page venue. A la fin du livre, les filles perdues se sont retrouvées, quant à la lectrice que je suis, elle s’est perdue avec plaisir…
[Ange Lise]
Filles perdues
D’Alan Moore et Melinda Gebbie
Editions Delcourt, mars 2008
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