Comic Box Virgin #52 : Scalped
17 septembre 2009[FRENCH] Un Comic Box Virgin spécial « Retour au Futur ». Ou « Nostradamus » ou comme vous préférez, j’ai toujours du mal à trouver la bonne accroche pour une chronique… L’album présenté aujourd’hui sort du schéma des autres « CBV ». Il n’y a toujours pas de super héros, mais… il n’a pas encore été publié en France. Pourtant, il en vaut largement le coup !
Aux USA, Scalped – le creator-owned de Jason Aaron et R.M. Guéra chez Vertigo- en est à son cinquième tome, épisode 29, après des débuts en janvier 2007. Le scénariste a à plusieurs reprises déclaré son intention d’en faire une histoire complète, n’allant fort probablement pas au delà du 50° album. Comic Box –le mag- avait interviewé Aaron dans le numéro 58, pour parler de ses histoires Marvel, notamment Ghost Rider, Black Panther et par dessus tout Wolverine, sans oublier le Hellblazer chez Vertigo.
Le coup de maître qui a révélé Jason au grand public, The Other Side, sur la guerre du Vietnam, candidat aux Eisner Award, est encore inédit en VF. On (moi quoi) attend avec impatience depuis 2 ans la traduction de Scalped, série qui se déroule de nos jours dans une réserve indienne du Dakota. Dashiell Bad Horse, après une absence de 15 ans et un rejet violent de ses origines qui l’avait même poussé à changer de nom, rentre à la « rez » de Prairie Rose. Le tout étant de savoir pourquoi était-il parti, où était-il passé, pourquoi est-il revenu et comment va-t-il gérer la relation avec sa mère, son ex… et une longue liste de pourris. Dash joue un double jeu, mais où penche vraiment son cœur ?
Dans Scalped, les conditions de vie des indiens Oglala Lakota sont relatées de façon crue et réaliste, que certains ont comparée aux dialogues de la série TV Soprano. Il n’y a pas de victimisme ni de sensationnalisme dans cette approche d’une minorité américaine : exit le romantisme du natif torse nu corrompu ou sauvé par l’homme blanc, le système des casinos et de leurs intérêts économico-politiques y est froidement présentés, le mouvement des années 1970 Red Power n’est pas idéalisé. Le ton est résolument moderne, dans un mélange de crime story et western, où les personnages acquièrent au fil des pages une épaisseur remarquable, bien que les clés de leurs actions soient plutôt évidentes : des conflits familiaux, des rêves brisés, des secrets du passé qui ressurgissent, des sentiments inavouables.
Certains passages montrant ces descendants d’un peuple fier et libre, aujourd’hui réduit à se battre en sordides luttes intestines, peuvent rappeler le film Once Were Warriors, sur les Maori d’Australie, et y déploient le même degré de violence, déclinée de toutes les façons possibles, sans oublier évidemment la méthode « traditionnelle » du scalp. Pour pimenter le tout, une bonne dose de sexe trash.
Aux dessins on trouve le slave R.M. Guéra, figure discrète ayant pourtant beaucoup travaillé en Europe, notamment en Espagne où il s’est installé pour fuir le conflit dans l’ex-Yougoslavie, et aussi en France (Howard Blake et Le Lièvre de Mars chez Glénat). Les épatantes couvertures de Jock saisissent parfaitement la dimension dramatique des histoires.
Il paraît qu’une traduction française soit prévue courant 2010, au plus tard 2011. Enfin, parce que pouvoir lire en VF une série si exceptionnelle, nous le valons bien !
[Camilla Patruno]