Outre Benedict Cumberbatch (interview à paraître dans Comic Box #103) nous avons pu rencontrer également une bonne partie de l’équipe de Doctor Strange, lors de la présentation à Londres du film de Marvel Studios. D’où cette petite interview du réalisateur Scott Derrickson, fan déclaré du Strange de Ditko. C’est cadeau et sans spoilers…
Non. J’ai été le premier engagé. Nous avons vite choisi Benedict. Il était notre premier choix. Je l’ai rencontré à Londres. Je lui ai décrits le film et il était très intéressé. Malheureusement, il s’était engagé pour la pièce Hamlet. Il ne voulait pas rompre cet engagement, et c’est tout à son mérite. À ce moment-là, le film devait sortir durant l’été. Nous avions cru qu’il se désengagerait de Hamlet. C’était quand même Doctor Strange ! (Rires) Mais pour lui, c’était impossible car il s’était engagé auprès de la production. J’ai donc rencontré d’autres talentueux acteurs. Mais aucun n’était aussi parfait pour le rôle que Benedict. J’ai donc demandé à Marvel de décaler la date de sortie. Et ils ont accepté. Nous sortons donc à l’automne. Dès qu’il l’a su, il était partant.
Pourquoi pensiez-vous qu’il ferait un bon Stephen Strange ?
J’ai grandi en lisant les comics Marvel. Je connaissais très bien l’histoire du Doctor Strange. Vous avez cet acteur qui monte, et qui correspond au personnage. Instinctivement, je l’ai associé au personnage. C’est une combinaison d’attitude et de personnalité du personnage et je trouvais que Benedict Cumberbatch pourrait interpréter un neurochirurgien de New York. Quelque part, je voulais un acteur qui, s’il avait choisi une autre voie, aurait pu être un des meilleurs neurochirurgiens de New York. Dans l’histoire, après l’accident, il traverse toutes ces épreuves qui le font passer de la peur à l’illumination en passant par la colère, l’humilité. Je devais donc trouver un acteur qui pouvait passer par cette gamme d’émotions. De plus, pour moi, c’est un acteur parfait pour l’action. Et je dis ça pour avoir vu son travail sur Sherlock ou Imitation Game. Je trouvais qu’il avait cette qualité avec laquelle les vedettes des films d’action vous embarquent dans leur aventure. Quand la caméra se tourne vers lui, même dans les zones d’action, vous comprenez ce qu’il ressent.
Avez-vous dû convaincre Benedict qu’il pouvait travailler tenir le rôle principal d’un film d’action ?
C’est une bonne question. Je ne sais pas s’il a eu besoin d’être convaincu. Il avait envie de le faire. Je ne crois pas qu’il ait douté. Mais je crois qu’il ne réalisait pas ce que cela demandait avant d’être sur le tournage. Il ne doutait pas que c’était si difficile d’être la vedette d’un film d’action. Physiquement, tout d’abord. Vous devez vous entraîner pendant des semaines pour chaque séquence. Et, si vous ne voulez pas être doublé, vous allez tomber, vous êtes frappé, tiré, projet, coupé… Et tout ça tout en restant dans personnage et en délivrant une performance. Je crois qu’il a été surpris par tout ça. J’ai été ravi de voir que, très rapidement, j’avais fait le bon choix. Il n’a pas eu le temps de douter car je lui ai affirmé qu’il était fait pour ce rôle.
Dans la scène en voiture, peu avant l’accident, Benedict porte un smoking, il conduit une voiture de sport, regarde sa montre dernier cri et consulte son smartphone. Est-ce un clin d’œil à James Bond ? Le voyez-vous un jour en James Bond ?
J’y ai pensé quand on tournait cette séquence. Il ferait un excellent Bond. Je le verrai bien assembler un fusil de sniper et tirer sur quelqu’un discrètement. C’est sûr ! (rires) Beaucoup d’acteurs pourraient jouer ce genre d’action. Mais combien seraient capables de passer d’une scène d’action à une scène psychologique comme celle où Strange confronte Rachel sur sa condition. Il « crache » son venin et son désespoir sur quelqu’un d’autre. Il est horrible dans cette scène. Les spectateurs sont stupéfaits de le voir s’acharner sur elle. C’est l’un des rares acteurs qui peut délivrer ce genre d’émotion.
Depuis quelques années, il y a tendance dans les films de super-héros d’intégrer des musiques rétro et populaires. Qu’en pensez-vous ?
C’était particulièrement réussi dans Les Gardiens de la Galaxie. Cet élément était parti intégrante de l’histoire car vous avez un héros qui a grandi durant les années 80. Je voulais le faire avec Doctor Strange. Durant l’écriture, j’écoutais du rock psychédélique de la fin des années 60. J’écoutais tout ce que je trouvais dans ce style. Ça a influencé le film. Puis quand nous sommes entrés en préproduction, je n’ai pas voulu que ce soit une forte influence pour le film. L’influence visuelle de Ditko ainsi que les références orientales sont issues des années 60. Je voulais garder cet esprit mais je ne voulais pas pour autant utilise ces références musicales. Ça n’avait pas d’intérêt pour ancrer le film dans une ère contemporaine. J’ai quand même gardé quelques références aux Pink Floyd.
Le film a cependant beaucoup de références musicales. Les avez-vous choisies vous-mêmes ?
Oui. Il y en avait encore plus dans la première version du script. J’adorais le fait que sa mémoire photographique lui permette de retenir tout ça. Les passionnés de musique ont tendance à être sérieux quand on parle de ce sujet. Je le suis. Je crois que si j’avais aussi une mémoire photographique, je parlerais constamment de toutes ses anecdotes sur les chanteurs que j’adore, comme Bob Dylan par exemple.
Avez-vous ressenti une pression particulière durant le tournage ? Connu des doutes ?
Ce n’était pas durant le tournage mais durant la phase de pré-production. Il y a trois phases dans la fabrication d’un film : la pré-production, la production/le tournage et la post-production. Si vous devez raccourci les délais, c’est mieux durant le tournage. Plus vous avez du temps pour vous préparer en pré-production, plus les choses se passent bien en production, plus vous avez du temps pour la post-production, notamment pour les effets spéciaux dans le cas de Doctor Strange. À cause du changement de planning pour intégrer Benedict, nous avions moins de temps pour faire le film. À six semaines du début du tournage, j’ai eu un rendez-vous avec Kevin Feige [NDLR : le responsable de Marvel Studios]. Il m’a dit : « Il y a un gros problème de scénario dans la première partie ». Il m’a expliqué ce que nous devions changer. C’était assez important. Je ne voulais pas faire venir un autre scénariste, ça aurait pris trop de temps. Alors, je l’ai fait. C’est là où j’ai senti la pression ! Je me suis dit que ça allait me mettre en retard pour la suite du processus. J’ai dû aller écrire pendant une semaine. Je n’étais pas certain qu’il ait raison de faire ces changements. J’avais l’impression que tout allait s’écrouler. Faire un film, c’est comme courir sur une voie ferrée ! (rires) Si vous ne trébuchez pas, le train ne vous écrasera pas. Heureusement pour moi, je ne me suis pas fait écrasé ! Mais je sentais le train se rapprochait. J’avais cette appréhension durant le reste de la production. Mais, finalement, Kevin avait raison. Nous avons bien fait d’apporter ces modifications avant de commencer, plutôt que de corriger nos erreurs par la suite. Ça aurait été une catastrophe.
Parlons un peu des scènes post-générique… Nous allons donc revoir Stephen Strange très vite ?
Je ne savais pas ce qu’allait être la première scène post-générique ! (rires). Le réalisateur du film concerné a utilisé notre immense et coûteux décor avant que nous le démontions. Marvel s’est dit : « Tournons la scène où Strange et [****] se rencontre maintenant ! » Tous les réalisateurs Marvel sont potes. On se téléphone souvent. La séquence était géniale et collait parfaitement. Par contre, nous avons écrit la deuxième scène post-générique, avec Mordo. Nous avions envie de continuer l’arc narratif de Mordo. Et le mettre à la fin était la meilleure façon de le faire.
Propos recueillis par Pierre Bisson
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