French Collection #10

[FRENCH] Superman est le premier des super-héros mais il fut suivi d’une cohorte d’autres personnages hors du commun. Certains comme Masked Marvel ou Yarko the great sombrèrent dans l’oubli. Mais d’autres connurent un destin similaire à leur aîné et sont toujours publiés de nos jours. C’est le cas de Batman, même si son parcours français fut à ses débuts bien moins glorieux que celui de son illustre prédécesseur.

En 1939, les émules de Superman envahissaient toujours plus nombreux les pages des comics, lancés par des éditeurs en quête d’un succès équivalent. DC Comics (nom générique recouvrant National Allied Publications, Detective Comics et All-American Publications) ne souhaitant pas se laisser distancer sur le créneau qu’il avait créé demanda à plusieurs de ses artistes d’inventer de nouveaux super-héros.

Un jeune homme du nom de Bob Kane crayonna un personnage nocturne inspiré à la fois de Leonard de Vinci, Zorro et d’un héros de pulp’s. Conscient du caractère perfectible de sa création il s’en ouvrit à un de ses amis ; Bill Finger. Ce dernier améliora de manière substantielle le design du personnage, tant au niveau des couleurs du costume que de la majorité des signes distinctifs de celui-ci (la cagoule, les gants, la cape, etc.) ainsi que son identité secrète. Les premiers scénarios sont également essentiellement (si ce n’est complètement) de la plume de Finger. Bob Kane qui réalise les dessins au départ seul est très rapidement aidé de « ghosts ». Mais si Kane a besoin de soutien artistique pour soutenir le rythme des parutions, il est par contre un homme d’affaire extrêmement avisé qui n’a besoin de personne pour tirer la couverture à soi.

Premièrement, il ne crédite aucun de ses « collaborateurs » sur les travaux qu’il livre à DC Comics. Ce n’est que quelques mois plus tard que l’éditeur découvre que Bill Finger et d’autres sont partie prenante avec le personnage. Entre temps, Kane a vendu les droits du personnage en prenant garde d’inclure une clause contractuelle obligeant l’éditeur à cité son nom. En quelque sorte le précurseur du « Batman créé par Bob Kane » s’arrogeant l’intégralité de la renommé d’une création partagé (un procédé similaire sera utilisé ultérieurement avec « Stan Lee présente » même si Stan Lee assure qu’il n’y est pour rien). Et malgré l’apport déterminant de Finger et d’autres par la suite, seul Kane est crédité de l’ensemble. Finger qui souffrait de problèmes comportementaux liés à l’alcoolisme mourut dans la misère, méconnu de presque tous pour son rôle déterminant dans la création d’un des personnages les plus célèbres de la culture populaire moderne.

Deuxièmement, Kane réussira un fantastique coût de bluff qui lui permettra de renégocier fortement à la hausse son intéressement financier à sa création. Joe Shuster et Jerry Siegel, les créateurs de Superman, sont en contentieux depuis des années avec DC Comics sur la propriété du personnage. DC Comics a déjà perdu un procès sur le personnage de Superboy (inventé par Siegel et publié sans son consentement alors qu’il était sous les drapeaux). Une transaction financière est venue régler ce volet mais le reste est pendant. Shuster et Siegel décident une nouvelle fois de porter l’affaire devant les tribunaux. Afin d’être en position de force, ils contactent Bob Kane et lui propose de se joindre à leur procédure. A plusieurs, ils auront plus de poids dans leurs argument.

Bob Kane contacte les dirigeants de DC Comics et leur rapporte la proposition de Shuster et Siegel. Les dirigeants sont extrêmement confiants quant à leur chance de victoire concernant le procès relatif à Superman. Quant à Batman, ils rappellent à Kane qu’ils ont un contrat parfaitement licite. C’est là que Kane soulève un nouvel argument. Il laisse planer un doute sur son état civil. Il raconte qu’il est né en Europe et que ses parents ont détruits ses papiers en arrivant aux Etats-Unis (pratique très courante chez les immigrés). Du fait de la guerre, son état civil est perdu et de ce fait sa date de naissance est incertaine. Or, le contrat qu’il a signé avec DC Comics pourrait être caduc car signé alors qu’il était mineur. La pleine propriété du personnage et des droits dérivés lui reviendrait donc. Cela donnerait aussi un doute légitime sur la moralité de la société et donnerait du poids aux arguments de Siegel et Shuster. Ne souhaitant prendre aucun risque, les dirigeants de DC Comics signent un avenant avec Kane qui revoit substantiellement ses conditions financières. Certains comparent cet arrangement au 30 deniers du nouveau testament. Il n’en reste pas moins que Kane vécut avec grand train alors que de nombreux artistes du golden age vivaient dans l’indigence.

La création de Kane eu un parcours beaucoup plus « rectiligne ». Dès son apparition, il connu le succès. Les innovations de l’équipe que formait Kane avec Finger, et plus tard Robinson, donna naissance à une mythologie populaire peuplée de figure encore d’actualité. Robin fut le premier sidekick de l’histoire du comic field et le Joker reste une figure incontournable et sans réel pendant chez les autres éditeurs (ce qui démontre magistralement son originalité et la perfection du personnage).

DC Comics lance très rapidement un deuxième titre pour le Dark Knight. Apparu dans les pages de Detective Comics, Batman se voit attribué un magazine à son nom (comme Superman). Le succès ne se démentira jamais même si, bien sur, le personnage eu plusieurs période et artiste symboliques. Des origines à la période Camp en passant par la période sombre inaugurée par Frank Miller. En France la carrière du personnage fut moins couronnée de succès, en tout cas au début.

Avant même l’apparition de ses deux premiers héros de comics dans ses pages, l’hebdomadaire Hurrah ! publiera une série intitulée « Masque Rouge », même si elle apparaît dans les pages en N & B de l’hebdomadaire. Dans un premier temps il s’agit d’une création française qui raconte les histoires d’un justicier masqué. Les enquêtes tirent sur le policier et l’espionnage. A partir du numéro 233, la série française disparaît pour laisser place à une traduction. Il s’agit des aventures de Zigomar, production yougoslave, sans que le nom de la série ne soit changé. Cette série est intéressante à bien des égards. Zigomar est un proto-super héros. Il a été créé par Nikola Navojev en Yougoslavie avant la seconde guerre mondiale. Il s’agit d’un héros fortement inspiré par des personnages de la littérature populaire et par The Phantom (qu’il rencontrera d’ailleurs dans une aventure totalement apocryphe) dans le domaine du neuvième art.

Au numéro 261, Zygomar disparaît pour laisser place à Batman sans que le nom de la série ne change encore une fois. Batman étant lui-même inspiré de proto-super héros de la littérature populaire il s’agit d’un des rares cas où des personnages inspirés des mêmes sources se substituent l’un à l’autre. Le seul et unique épisode publié par Hurrah ! est en fait un montage de deux épisodes américains. Le début est repris de Detective Comics # 33 qui raconte les origines de Batman tandis que la suite de l’épisode est la traduction de l’épisode sans titre publié dans Detective Comics # 28.

Mais très rapidement Batman disparaît des pages de Hurrah !, suite à l’arrêt temporaire du journal. Le personnage réapparaît brièvement dans Les Grandes Aventures, un nouvel hebdomadaire. Il fera ensuite un bref passage dans l’Audacieux dans un format très atypique. Il faudra ensuite attendre la Collection Fantôme 1ère série pour retrouver Batman dans plusieurs Récit Complet intitulés « La Chauve-souris ». A noter pour les complétistes que deux de ces fascicules ont été réédités. L’un dans les pages de Golden Color n° 11 et l’autre dans le trimestriel Ran Tan Plan n° 25. Nous évoquerons dans un prochain French Collection ces différentes apparitions.

Mais le vrai commencement en France de la carrière du personnage commencera suite à la création de Tarzan après-guerre dans une version dont nous reparlerons dans un prochain French Collection.

[Jean-Michel Ferragatti]
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