French Collection #119

[FRENCH] Le Superman du Silver Age francophone connaitra ses premiers adverses significatifs dans le numéro 6 de la série Superman chez l’éditeur belge interpresse dont nous avons parlé la semaine dernière. Il s’agissait de Batman et Lex Luthor dans un Elseworld. Mais le même numéro contient également un adversaire bizarrement d’une toute autre catégorie.

Nous avons essayé de démontrer dans nos six dernières chroniques l’existence d’une véritable politique éditoriale d’Interpresse. Après avoir fait une présentation complète de Superman (cf. French Collection #113), mis en perspective sous alter ego (cf. French Collection #114), son meilleur ami (cf. French Collection #115), sa jeunesse (cf. French Collection #116) et son point faible (cf. French Collection #117) il aurait été logique d’introduire un ou plusieurs adversaires emblématiques ou bien son allié le plus connu.

Comme nous l’avons vu dans la chronique précédente, les publications Interpresse subirent une absence prolongée de parution pendant six mois.
Cela a-t-il été volontaire ? Sans doute pas, quel éditeur arrêterait volontairement la production d’une nouvelle série sur lequel il semble beaucoup miser.
Il y a plus à parier que des circonstances extérieures ont forcées Interpresse à changer ses projets. Est-il possible que dans cette période de tension le planning éditorial ait été changé ? Cette théorie est probable mais ne peut être prouvée.

Quoi qu’il en soit, lorsque Superman n° 6 de 1966 (le premier de l’année à priori) reparait, il remplit de manière assez étrange les objectifs de présentation de Batman, l’allié incontournable de Superman, et de son pire ennemi Lex Luthor.

La deuxième histoire de ce numéro est beaucoup plus anecdotique même si elle présente le premier super-vilain de Superman dans la continuité du silver age. Et le choix de ce personnage est très étrange puisqu’il possède la double caractéristique d’être très anecdotique et principalement associé au golden age de la continuité DC Comics.

Winslow Schott apparait en effet en septembre 1943 dans Action Comics #64. Il faut partie de cette galerie de super-vilain farfelu caractéristique de cette époque. Il a l’honneur de la couverture et le lecteur peut tout de suite constater que son apparence et ses moyens sont incompatible avec la condition de menace majeure pour Superman.

En effet, Winslow Schott est un fabricant de jouet qui décide d’utiliser ses créations pour commettre des vols. D’où son nom de « scène » de Toyman [Winslow Schott]. Il utilise majoritairement des figurines miniatures qui agissent comme des soldats miniatures et disposent d’armes diverses et variés.
Le personnage connaîtra une dizaine d’apparition et son mode opératoire ne variera que très peu.

Il ressurgit dans le silver age dans Superman (1939 series) #182 de janvier 1966. Et c’est justement cet épisode que nous présente Interpresse. Winslow arrive à déjouer une tentative d’évasion de ses codétenus au moyen d’une figurine à l’effigie de Superman. Cet exploit lui vaut d’être libéré. Il commence alors une activité de marchand de jouet en vendant ses figurines de Superman. Mais ceci n’est qu’une couverture pour reprendre ses activités.

Et cette fois-ci son plan est très ambitieux. Il explique à ses anciens complices qu’une de ses figurines contient de la Red Kryptonite et que grâce à elle il a pris le contrôle de Superman. Et en effet, Superman semble être obligé de réaliser tout ce que la figurine animée fait. Toyman [Winslow Schott] oblige au départ donc Superman à réaliser des choses irrationnelles comme s’il était affecté par de la Red Kryptonite. Puis dans un deuxième temps, il lui fait commettre des hold-ups.

Mais en fait, Toyman [Winslow Schott] ne contrôle pas réellement Superman. Ayant appris que ce dernier serait absent pendant longtemps il a construit un robot grandeur nature. Winslow souhaite ainsi ternir l’image de Superman pour se venger. Mais Superman découvre la supercherie et neutralise le robot avant d’arrêter Toyman. L’épisode est très enfantin mais contient déjà tous les éléments qui seront utilisés dans la douzaine d’épisode où apparaitra Toyman [Winslow Schott] pendant le silver age et même après. Premièrement, la prétendue volonté de s’amender et la couverture de marchand de jouet deviendront une réalité. En effet, Toyman [Winslow Schott] prendra effectivement sa retraite de criminel pour fabriquer des jouets.

L’apparition d’un second Toyman [Jack Nimball] le poussera à sortir de sa retraite et même à faire équipe avec Superman pour le neutralisé et préserver sa réputation. Car la motivation principale de Toyman [Winslow Schott] ne semble pas être la cupidité mais une certaine forme de reconnaissance. Ainsi dans Action Comics #561 il organise un jeu télévisé doté d’un million de dollars de récompense pour retrouver Chester Y. Dunholtz, son ami d’enfance qui lui avait volé le premier jouet qu’il ait créé. Durant tout l’épisode, Winslow menace Chester de rapporter son méfait à sa mère alors que tous les deux semblent avoir plus de quarante ans. Comportement enfantin qui laisse à penser que Toyman [Winslow Schott] à quelques problèmes affectifs.

Cette hypothèse est confirmée par l’affection que Toyman [Winslow Schott] porte à ses créations, les considérant visiblement comme ses propres enfants. Ce comportement existe déjà dans l’épisode publié par Interpresse en 1966.

Toutes ses caractéristiques primaires aboutiront récemment à une réécriture complète du personnage qui deviendra un personnage psychotique et sombre bien éloigné du super-vilain farfelu de ses débuts.

Triste destin pour un personnage qui symbolise assez bien le côté naïf et rafraichissant du silver age et qui eut l’honneur d’être le premier véritable adversaire de Superman du silver age francophone. Cela méritait bien une petite chronique.

[Jean-Michel Ferragatti]
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