[FRENCH] Après une série consacrée de manière quasiment exclusive (à l’exception de l’apparition forcément énigmatique du Mysterious Traveller) aux personnages de DC Comics, la chronique de cette semaine ouvre un nouvel horizon avec l’apparition d’un nouvel éditeur en France comme aux Etats-Unis.
En 1965, les comics de super-héros sont de nouveau populaire suite au lancement par DC Comics de nouvelles versions de ses personnages secondaires les plus populaires, notamment Flash [Barry Allen] fin 1956 (Cf. French Collection #82) et à la naissance de l’univers Marvel contemporain avec la parution de Fantastic Four #1 fin 1961. Cette période appelée le Silver Age va donner des idées à pas mal d’autres éditeurs.
En 1965 Harry Shorten est à la tête de Tower Books, un petit éditeur de livre de poche (paperback). Il a été le premier Editor de l’éditeur MLJ Comics qui pendant le golden age publiait une ligne de super-héros important. Il changera de nom à la fin du golden age pour prendre la dénomination de son personnage vedette Archie Comics. Pionnier du Golden Age il décide de lancer sa propre ligne de comics et créé une filiale baptisée Tower Comics. Il décide de lancer deux lignes de comics. La première ligne comprend Tippy Teen, une clone d’Archie, Undersea Agent (sur lequel nous reviendrons dans un prochain French Collection) et Fight the Enemy qui est un comic de guerre. Shorten fait venir pour cela Samm Schwartz comme Managing Editor / Head Administrator.
Pour la deuxième ligne qu’il souhaite aborder le genre super-héros, Schwartz n’est pas compétent et déjà trop occupé avec ses fonctions. A cette époque, Wallace « Wally » Wood est en rupture avec la plupart des éditeurs pour qui il a travaillé. Un désaccord artistique l’a fait quitter les pages de Mad publié par EC Comics et sa collaboration avec Marvel le laisse insatisfait. Il faut dire que Wally Wood a soif d’absolu et notamment de liberté. C’est un artiste qui veut s’extraire des contraintes du système de production des comics et qui par ailleurs à une vie personnelle complexe. Il est donc logique qu’il s’enthousiasme lorsqu’Harry Shorten lui propose de créer une ligne de comics entière avec une liberté artistique totale.
Fin novembre 1965 Tower Comics lance T.H.U.N.D.E.R. Agents #1 avec Dynamo [Len Brown] en couverture. Le concept des T.H.U.N.D.E.R. Agents est une création du scénariste Len Brown qui travaillera avec Wally Wood sur la ligne. Ce dernier donnera, comme vous pouvez le constater, au personnage principal de l’équipe le même nom civil que son créateur.
Le concept des T.H.U.N.D.E.R. Agents ressort bien du style super-héroïque mais comporte également un volet « espionnage » très en vogue à cette époque. The Higher United Nations Defense Enforcement Reserves est une organisation paramilitaire proche du United Network Command for Law and Enforcement de la série télé The Man from U.N.C.L.E. elle-même inspirée du SPecial Executive for Counter-intelligence, Terrorism, Revenge and Extortion (SPECTRE) de James Bond et bien entendu du Supreme Headquarters, International Espionage, Law-Enforcement Division (S.H.I.E.L.D.) créé par Stan Lee & Jack Kirby chez Marvel en août 1965.
Dans le premier épisode, que T.H.U.N.D.E.R. est une agence des Nations Unies chargé des missions spéciales. Il dispose, contrairement à la réalité, d’une force d’intervention armé et de ressources propres. Alerté par l’un de leur chercheur, un commando arrive au laboratoire montagneux (et isolé) du Professeur Jennings (je ne mets pas à dessein son prénom car il variera selon les épisodes) uniquement pour découvrir que leur plus brillant savant a été tué par The Warlord, leur pire ennemi dont ils ne savent quasiment rien. Le personnage apparaîtra au cours du premier épisode mais uniquement dans l’ombre et via en réalité un mannequin équipé d’un émetteur radio.
Mais dans les décombres du laboratoire, le commando trouve trois des derniers prototypes sur lequel le Professeur Jennings travaillait (ainsi que quelques autres objets qui resteront mystérieux dans un premier temps). Il s’agit d’une ceinture, d’une cape et d’un casque.
A New-York, les responsables du T.H.U.N.D.E.R. décident de former l’équipe des T.H.U.N.D.E.R. Agents après comprit le fonctionnement des trois objets. Ils choisissent trois de leurs agents pour devenir des super-héros à leur service. Ils décident de ne pas confier les trois objets à un même agent. Et ceci parce qu’ils considèrent, assez froidement, qu’en cas de décès de l’agent ils perdraient les trois objets à la fois. Alors qu’en répartissant les objets le risque de perte des objets, et pas des agents, est moindre.
Nous voyons ici une des originalités de la ligne éditoriale de la continuité de Tower Comics. Les personnages ne sont pas des individus isolés qui décident en leur âme et conscience de devenir des justiciers suite à un traumatisme originel. Il s’agit à l’inverse de fonctionnaire à qui leurs supérieurs confient des missions d’intelligence ou militaire. Cela ne les empêchera pas d’avoir de temps à autre des états d’âmes mais nous voyons clairement que le schéma n’est pas identique. Ainsi, pas de nécessité d’avoir réellement une identité secrète pour eux même s’ils disposent d’un costume distinctif qui les rapproche des autres super-héros classiques. Même s’ils doivent garder un secret absolu sur l’existence de T.H.U.N.D.E.R..
Deuxième particularités, les équipements qui leur confèrent leurs pouvoirs ne leur appartiennent pas. Ils peuvent donc passer d’un agent à un autre sans qu’ils puissent avoir de contrôle. Enfin, ces pouvoirs sont dangereux. Chaque objet ayant un effet négatif sur la santé de celui qui le porte. Lenoard « Len » Brown est donc le premier agent de T.H.U.N.D.E.R. choisit pour intégrer l’équipe des T.H.U.N.D.E.R. Agents. Homme puissamment bâti, Lenoard Brown est malgré cela assez falot. Son travail au sein de T.H.U.N.D.E.R. ne le satisfait pas réellement et bien qu’il soit attiré par Alice, la secrétaire de chef de T.H.U.N.D.E.R., il a du mal à se déclarer.
Sa vie va radicalement changé lorsque ses supérieurs vont lui confier la ceinture de Dynamo. La ceinture une fois syntonisé à son métabolisme peut être activée. Dans un éclair, elle modifie la structure moléculaire de son porteur et lui confère la densité du plus dur des aciers. Elle lui procure donc une invulnérabilité relative et une super-force équivalente à celle de dix hommes. Mais l’utilisation de la ceinture doit être limitée sous peine de quoi son porteur meurt. En effet, la ceinture utilise l’énergie vitale du porteur comme « alimentation ». Un temps d’utilisation trop long l’épuise donc jusqu’à la mort. Comme Dynamo [Len Brown] montrera des signes d’indiscipline, ses supérieurs installeront un minuteur sur la ceinture. Après trente minutes consécutives, la ceinture se coupe automatiquement, avec un signal de fin cinq minutes avant la fin pour permettre à l’agent de faire retraite.
En plus de la ceinture, Dynamo [Len Brown] est doté d’un costume spécial qui lui sert de gilet pare-balles lorsque la ceinture est désactivée. Par ailleurs Lenoard Brown est visiblement un agent ayant reçu un entrainement militaire au combat. Toutes les ressources de l’organisation sont également à son disposition dont des équipements technologiques qui ressortent de l’anticipation pour l’époque et qu’encore une fois il est possible de rapprocher des séries The Man from U.N.C.L.E. ou S.H.I.E.L.D. notamment au niveau des moyens de déplacement.
Dès le premier épisode, Dynamo [Len Brown] affronte l’organisation mystérieuse du Warlord (baptisé « Démon de la guerre » en France). Cet adversaire reste des plus mystérieux. Son organisation agit sur toute la planète et cherche à s’emparer des prototypes scientifiques les plus avancés du monde. Il a engagé tous les criminels et espions du monde mais aucun ne l’a jamais vu. T.H.U.N.D.E.R. ne tient ces renseignements que parce qu’il a réussi à capturer un de ses hommes lors d’une tentative avortée du vol d’un moteur atomique.
Pour sa première mission, Dynamo [Len Brown] affrontera les agents dotés d’armure de la sublime Iron Maiden (La Dame de Fer en français) qui capture Dynamo [Len Brown]. A remarqué que l’apparence d’ Iron Maiden renvoie directement aux femmes fatales du Spirit de Will Eisner que Wally Wood dessina pendant un temps. Les deux adversaires ressentiront immédiatement une attirance forte qui marquera leurs affrontements futurs.
La structure des Tower Comics étaient atypique de l’époque, ce qui causera d’une certaine manière leur échec. Imprégné des comics du Golden Age, Harry Shorten essayera de les faire revivre en termes de format et de structure. Les Tower Comics comportaient 64 pages pour 25 cents à l’époque ou le format comic classique était de 36 pages pour 12 ou 15 cents. De ce fait, chaque Tower Comics comportait plusieurs épisodes avec chacun des personnages de l’équipe (au moins dans un premier temps) avec un épisode final réunissant les fils scénaristiques des épisodes individuels. Un peu sur le modèle des All-Star Comics de DC Comics qui publiait la Justice Society of America.
En France, le personnage de Dynamo [Len Brown] est le premier T.H.U.N.D.E.R. Agents à apparaître. A quelques exceptions tardives près, tous les épisodes des T.H.U.N.D.E.R. Agents et des magazines dérivés apparaîtront aux Editions des Remparts. Cet éditeur Lyonnais était jusqu’alors spécialisé dans la publication des comics trips américains et notamment The Pantom (devenu du Bengale sous les latitudes françaises), Mandrake, Flash Gordon, Rip Kyrby, etc. C’est dans Le Fantôme Aventures Américaines, une de leur publication phare, qu’apparait Dynamo [Len Brown] le 15 octobre 1966 à partir du n° 112. Une des particularités de cette série est qu’elle est hebdomadaire.
Les lecteurs découvriront donc trois à cinq épisodes des T.H.U.N.D.E.R. Agents par mois. Ce système de parution n’est donc pas vraiment compatible l’originel qui prévoyait un regroupement des intrigues d’un même numéro dans un épisode final. C’est ainsi que dans le dernier épisode de T.H.U.N.D.E.R. Agents publié dans Le Fantôme Aventures Américaines n° 114 apparaissent sans aucunes explications Noman, Menthor & T.H.U.N.D.E.R. Squad. Nous reviendrons dans plusieurs chroniques pour évoquer l’historique de publication des super-héros de Tower Comics, ce qui nous permettra également de bénéficier d’un peu de diversité dans nos chroniques.
[Jean-Michel Ferragatti]