Le lecteur fait donc la connaissance de Hans von Hammer : The Enemy Ace ! Personnage extraordinairement complexe (ce qui explique en partie son succès) il sort du manichéisme des War comics pour montrer l’envers du décor d’une guerre en exposant le point de vue de l’adversaire.
Sans doute car les souvenirs de la seconde guerre mondiale étaient trop présents, Robert Kanigher positionne son histoire pendant la première guerre mondiale. Son personnage assume d’ailleurs de manière quasi-explicite sa proximité avec un personnage réel : Manfred von Richthofen.
Comme lui, Hans von Hammer est The Enemy Ace. Pilote du conflit ayant le plus de victoire à son actif, c’est un aristocrate allemand, homme d’honneur qui vole sur un Fokker Dr. I triplan rouge. Mais si Manfred von Richthofen était de ce fait surnommé « Le baron rouge », Hans von Hammer est lui surnommé « The Hammer of Hell » (Le marteau de l’enfer).
Hans von Hammer est présenté comme un homme tourmenté et incompris. Alors qu’il ne combat que par devoir, les autres pilotes (y compris ses hommes) ne le voit que comme une machine de guerre. Le plus souvent écœuré par la guerre, The Enemy Ace a pleinement conscience du gâchis que représente la mort de centaines de jeunes pilotes. Il sait aussi qu’un jour son tour viendra et que le seul grand vainqueur de ces combats absurdes est « Le ciel » lui-même qui les tuera tous un jour. Cet aspect de sa personnalité se développera au fur et à mesure des épisodes, et aussi du succès de personnage.
D’abord publié comme back-up story de Our Army at War (1952 Series) il benefice de deux numéros de Showcase (1956 Series) avant de devenir la vedette de Star Spangled War Stories (1952 Series) qui prendra même quasiment son nom. Il émigre ensuite dans le nouveau mensuel Men of War (1977 Series), période pendant laquelle il fera même une apparition dans Justice League of America (1956 Series) par la volonté du Lord of Time.
Mis à part ses épisodes « spéciaux », les aventures « classiques », The Enemy Ace sont extrêmement réalistes. Dans son introduction à The Enemy Ace DC Comics Archives vol. 1, Joe Kubert raconte comment Hans von Hammer, The Enemy Ace est né et les efforts qu’il a dû déployer pour rendre ses épisodes réalistes, lisant des dizaines de livres sur tous les aspects de la vie des pilotes de la première guerre mondiale.
Le caractère et l’histoire de Hans von Hammer sont extrêmement développés. Il est le descendant d’une longue famille d’aristocrate combattant. Comme tout héritier, il apprend l’art de la guerre et devient un escrimeur d’exception. Mais son père lui apprend aussi les vertus de l’honneur et The Enemy Ace représente également l’idéal chevaleresque que les pilotes de chasse de la première guerre mondiale reprendront fortement à leur compte.
Mais The Enemy Ace est également capable de rentrer dans une rage folle. Dans un épisode, il recueille un jeune chiot blessé à la pâte sur son terrain d’aviation. Il se prend d’amitié pour lui, le soigne et le présente même à son compagnon le loup sauvage qui l’accepte également. Emerveillé, il le baptise Schatzi et le garde avec lui comme un signe de rédemption. Il l’emmène même en mission. Mais alors qu’il combat un escadron anglais, Schatzi est éjecté du cockpit dans une manœuvre d’évasion et tombe dans une chute mortelle. Aveuglé de rage, The Enemy Ace abat tous les pilotes anglais avant d’atterrir seul sur le champ de bataille pour retrouver le corps de Schatzi et lui donner une sépulture décente enterrant également ce qui lui restait d’innocence.
Mais, bien que réaliste les aventures de The Enemy Ace sont aussi « extraordinaires » notamment du fait de la personnalité de ses adversaires. C’est ainsi qu’il affrontera The Hangman (un aristocrate français défiguré) qui lui sauvera la vie en le capturant et le retiendra prisonnier dans son château en compagnie de sa sœur Denise. Mais von Hammer réussira à s’échapper et à abattre The Hangman. Il sera alors confronté à la comtesse Denise qui, sous le nom de The Harpy, viendra lui demander vengeance et à qui il sauvera la vie en réparation. Réparation indue car The Hangman a survécu au crash de son appareil et reviendra hanter The Enemy Ace.
Comme Sgt. Rock, la fin de The Enemy Ace resta longtemps « floue ». Mis à part les épisodes de Justice League of America (1956 Series), son sort est révélé dans un épisode de Batman [Bruce Wayne]. Les plateaux d’un film consacré à Hans von Hammer sont l’objet de meurtres étranges.
Il s’agit en fait d’un « prétendu » descendant de von Hammer qui cherche à saborder le film qu’il juge insultant pour son ancêtre. L’épisode se finit dans un duel aérien pendant lequel l’esprit de Hans von Hammer vient en aide à Batman [Bruce Wayne]. Hans von Hammer semble donc bien mort même si les circonstances de sa mort son inconnu. Par comparaison, Manfred von Richthofen est mort au combat peu avant la fin de la première guerre mondiale. Ceux qui connaissent un peu l’œuvre de Robert Kanigher se doute qu’il s’agissait aussi de la volonté de l’auteur.
Mais les réalités éditoriales en décideront autrement et Hans von Hammer, The Enemy Ace réapparaitra une première fois en 1990 dans le graphic novel Enemy Ace: War Idyll dans lequel un Hans von Hammer vieillissant raconte ses souvenirs de guerre à un jeune journaliste vétéran du Vietnam. Cela ouvrira le personnage à d’autres aventures qu’il
En France, la série a comme nous l’avons indiqué fait les beaux jours de Brûlant 1ère série dans laquelle beaucoup des épisodes « classiques » fondateurs. Ils seront ensuite republiés dans les autres Petits Formats de guerre de l’éditeur au fur et à mesure des années. Ces épisodes ont malheureusement « subis » les affres de l’atelier de remontage de l’éditeur et les superbes planches de Joe Kubert perdent malheureusement en impact.
Pour les puristes il est donc important de remarquer que les premiers épisodes de The Enemy Ace ont été publiés en album aux Editions du Fromage dans une superbe édition. Je dois d’ailleurs avouer que je n’ai pas eu le cœur de casser la reliure très fragile de mon exemplaire pour réaliser les scans de cette chronique qui viennent donc de mes Petits Formats.
[Jean-Michel Ferragatti]
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