French Collection #16

[FRENCH] French Collection #7 explorait les débuts de Batman en France. Cette fois-ci nous allons explorer les adaptations du personnage avant son début dans l’hebdomadaire Tarzan après guerre. Revue de détail des aventures du Justicier dans Les Grandes Aventures et les autres publications d’avant la libération.

Suite à l’invasion de la France par les armées nazies, le paysage des revues illustrées pour la jeunesse fut profondément modifié. Comme nous l’avons déjà vu dans plusieurs French Collection plusieurs journaux connurent deux versions en parallèle, une en zone occupée et une en zone libre. Mais quelques hebdomadaires furent également créés pendant l’occupation. C’est ainsi que les Éditions Théophraste Renaudot (qui devinrent très rapidement les Éditions de Demain) lancèrent Les Grandes Aventures en septembre 1940

Comme nous l’avons indiqué dans French Collection #10, Batman a déjà fait l’objet d’une brève publication dans les derniers numéros d’Hurrah ! de juin 1940. Il s’agit d’une publication en noir et blanc qui ne comporte aucune particularité par rapport à la version originelle du magazine Detective Comics (et non pas d’un format de comic strips comme les adaptations de Superman) si ce n’est le titre français (Masque Rouge) qui fait référence à deux bandes antérieurement publiées dans Hurrah ! au même emplacement. Batman resurgit donc dans le nouvel hebdomadaire alors même qu’aucune des formules de Hurrah ! ne sont ressorties (ni en zone occupée ni en zone libre). Il s’agit de la traduction de l’épisode sans titre de Detective Comics # 30. Batman a été rebaptisé « Le justicier » s’ajoutant ainsi à la liste des victimes des traducteurs français. Il s’agit de l’épisode où Batman affronte pour la deuxième fois Doctor Death (traduit en Dr. Brun) sans que le lecteur français n’ait jamais lu le récit de leur premier affrontement.

La première différence vient du passage en couleur. D’autant plus qu’un examen, même rapide, nous permet de constater qu’il ne s’agit pas de la colorisation originelle mais d’une colorisation visiblement réalisée en France. Cette impression est renforcée par un remontage des cases complètement différent de celui de Detective Comics qui s’explique par une nécessaire adaptation au grand format de l’hebdomadaire. Les retouches sont alors de deux ordres. Suite à la traduction et au lettrage des nouveaux dialogues, la taille des phylactères à changée et il faut retoucher certaines parties du dessin pour éviter un chevauchement de celui-ci avec les phylactères. En effet, tous les traducteurs et lettreurs savent que le passage d’une version anglaise à une version française prend environ un tiers de place supplémentaire. Ceci du fait que l’anglais est une langue plus « concise » que le français. L’exemple le plus célèbre est celui du personnage Sandman dont la traduction française est Le marchand de sable. Deuxièmement, il est aussi nécessaire « d’harmoniser » la taille des cases afin d’avoir une meilleure lisibilité pour le lecteur. Des pans de murs apparaissent alors venant prolonger les décors. L’éditeur Artima / Arédit aura également recours bien plus tard à ce genre de retouche pour des problèmes d’homothétie équivalents. Il s’agissait alors d’une opération « inverse ». Faire tenir des adaptations de comics traditionnels à un format de poche. Néanmoins, les dessins originaux de Detective Comics # 30 ne sont que très rarement retouchés et sont parfaitement reconnaissables.

Suite à la publication de cet épisode, un autre débute dans les pages des Grandes Aventures n° 5 du 27 octobre 1940. Il s’agit de l’adaptation (nous n’utilisons pas le mot traduction à dessein) de l’épisode The horde of the Green Dragon paru initialement dans Detective Comics # 38. Il est important de remarquer qu’il s’agit de la première apparition de Robin en Français et qu’il a même conservé son nom.

Par contre, contrairement à l’épisode précédent il est visible à l’œil nu que l’approche de travail a été totalement différente. Il ne s’agit plus ici de modifications liées à la traduction et au format mais bien d’un travail complet de recréation graphique de l’épisode. En effet, le scénario et l’intrigue originelle sont parfaitement respectés de même que le découpage des cases. Par contre, les dessins ont été entièrement refaits (sans doute à la table lumineuse) avec deux conséquences majeures. La première est que la qualité graphique de l’épisode est nettement moins bonne que celle de l’original. L’artiste français, dans lequel certains exégètes reconnaissaient René Brantonne, est soit nettement moins bon que les artistes d’origines soit le temps qui lui a été imparti pour réaliser le travail a été extrêmement court, ne lui permettant pas de donner le meilleur de son talent.

La deuxième est que les masques de Batman et Robin ont disparus dans l’opération, même la case d’introduction a été modifiée dans chaque livraison afin de supprimer le masque de Batman. Deux hypothèses peuvent être avancées quant à cette modification majeure. La première tient à un possible avis de la commission de censure. Cette dernière n’aimait pas les héros masqué qui encourageaient selon elle les actions clandestines et pouvait servir d’inspiration aux résistants. La deuxième est qu’au delà du caractère masqué la commission de censure donnait régulièrement des avis défavorables à la publication de bandes dessinées étrangères et notamment américaine (même si les Etats-Unis n’étaient pas encore entré en guerre contre les forces de l’Axe). Les Éditions de Demain ont peut être intentionnellement retouché ce deuxième épisode afin de dissimuler les origines américaines de la bande. Quel qu’en soit les raisons, ce deuxième épisode sera le dernier publié en zone occupée.

Les personnages réapparaîtront dans les pages du numéro 30 de L’Audacieux de 1940 en date du 8 septembre 1941 (la suite publiée en zone libre de L’Aventureux). Il s’agit de la traduction très fidèle de l’épisode Clayface walks again publié dans Detective Comics # 49. Le début de l’épisode est en couleur mais très rapidement passe en N & B sur fond jaune. Si les deux héros gardent leur nom, Clayface I a été traduit par « L’homme au masque de cire » et Bruce Wayne est devenu Claude Vayne. Sa fiancée Julie ne voit pas son nom changé mais son pseudonyme de cinéma « Portia Storme » devient « Sophie Tornade » (sic).

La particularité de cette traduction provient de son format de publication et de son ordre de parution. Les aventures de Batman & Robin ont été publiés en page centrale de l’hebdomadaire. Elles ont été remontées pour tenir sur deux colonnes, une sur chaque page. Enfin, elles n’apparaissent que dans les numéros 30 à 34 puis uniquement dans les numéros 37, 39, 41 et 43 (les numéros impairs).

Durant le 4ème trimestre 1945 le fascicule « La Chauve-Souris Le Rayon Rouge » de la Collection Fantôme 1ère série (non numérotée) des Éditions Mondiales réédite l’épisode de Detective Comics # 30 publié précédemment dans Les Grandes Aventures. Il ne s’agit pas de la reprise exacte de cette version mais il est tout de même possible de remarquer des retouches par rapport à la version originelle.

Toujours sous le nom de « La Chauve Souris », Batman aura trois autres fois l’honneur d’un fascicule de cette collection. Le deuxième est la traduction de The Batman Meets Doctor Death paru dans Detective Comics #29. Le lecteur a donc lu la suite avant le début ! Le troisième, qui fera l’objet d’une réédition à l’identique dans le fanzine Golden Color n° 11, est la traduction de Peril in Paris paru dans Detective Comics #34. Le quatrième, qui fera l’objet d’une réédition à l’identique dans le trimestriel Ran Tan Plan n° 25, intitulé « La Chauve Souris 2ème épisode » est la traduction entière cette fois-ci de Detective Comics #33. Et bien que le visage de Robin apparaisse sur la couverture il est absent de l’épisode.

[Jean-Michel Ferragatti]
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