[FRENCH] Cette semaine, nous allons consacrer notre chronique à André Lunet. Je doute que quiconque parmi les fans de comics ne sache qui est ce personnage qui n’a que comme avantage d’être ce que les historiens des comics appellent un prototype. Sgt. Rock et la Easy Company participent aux opérations préalables au « D-Day », le débarquement allié de juin 1944 mené par des bataillon de canadiens. Ils doivent débarquer sur les côtes normandes pour rejoindre André Lunet, un chef de réseau de résistance français pour neutraliser un canon géant nazi. A peine débarqués sous un déluge de feu, Le Sgt. Rock et ses hommes se retrouvent face à un enfant d’une dizaine d’année sortant des décombres d’une voiture en feu portant béret et mitraillette anglaise.
L’enfant se présente comme André Lunet sous les regards stupéfait des G.I.’s. Sgt. Rock le rabroue un peu et lui demande d’arrêter de jouer au petit soldat et de les amener auprès du vrai André Lunet. Il leur explique alors que son père qui s’appelle également André Lunet, git dans les décombres de la voiture après avoir subi le feu des nazis. Son père lui a alors fait jurer de conduire la Easy Company jusqu’au canon. Incapable de faire autrement, le Sgt. Rock et ses hommes le suivent. En chemin, le jeune André Lunet leur raconte son histoire familiale et pourquoi il ne peut renoncer à sa promesse. Chez les Lunet, une promesse est sacrée comme le démontra son arrière-grand-père, Pierre Lunet qui tint une batterie de canon jusqu’au sacrifice suprême pendant la guerre franco-prussienne.
En souvenir de cette histoire, son grand-père, Marcel Lunet tomba également au champ d’honneur lors de la grande guerre. Tout naturellement, son père s’engagea dans la résistance et donna sa parole lorsqu’il lui a été demandé de guider la Easy Company vers un canon géant camouflé. Malheureusement, André Lunet père tomba sous les balles d’une patrouille nazie et ne put que faire jurer à son fils de tenir sa promesse. Grâce au jeune André Lunet, le Sgt. Rock et ses hommes traversent un champ de mine puis se retrouvent au pied d’une falaise à laquelle ils ne peuvent que grimper un par un. André explique que son père l’a initié à l’alpinisme sur cette falaise et qu’il est capable de les guider au moyen des crochets d’alpinisme qui sont posés.
A ce moment, le canon géant commence à tirer en direction de l’océan. Arrivé au milieu de la falaise, le petit garçon se faufile dans un tunnel invisible à qui ne le connait pas. Suivi du Sgt. Rock il débouche dans une sorte de cage d’ascenseur. Au-dessus d’eux se trouve le canon géant qui lorsqu’il est en action est soulevé en haut de la falaise. Au repos, il est descendu grâce à ce système d’ascenseur en bas de la cavité, invisible du ciel. A ce moment d’ailleurs, le canon est redescendu sans doute pour le recharger. Mais heureusement pour Rock, le canon laisse un espace livre comme le savait déjà le jeune André. Pendant que l’américain pose un explosif sous le canon, le petit français l’attend.
Au moment de sortir, les deux combattants sont pris à partie par des nazis. L’explosion du canon permettra au Sgt. Rock et à la Easy Company tout en portant le jeune André qui a été blessé. Mais, le jour du débarquement, c’est un jeune André Lunet en pleine forme qui les attend au pied des barges de débarquement. Ceux qui ont lu le French Collection #189 consacré à The Unit 3 publiée pour la première fois dans Our Army at War #189 (1952 Series) reconnaitront immédiatement le canevas scénaristique de l’épisode (et pour les autres, nous les invitons à lire notre ancienne chronique).
André Lunet est donc le prototype d’Henri, le jeune leader de l’unité de résistance composée uniquement de jeunes enfants. La similitude est d’autant plus grande que le regretté Joe Kubert illustre les deux épisodes et que la ressemblance entre les deux jeunes héros est frappante. Comme nous l’avons déjà indiqué, les bandes de gamins combattants sont un classique des comics avec des équipes comme Boys Commandos, Young Allies, etc.
Comme souvent dans les épisodes des séries américaines de guerre mettant en scène la résistance française, les hommes adultes sont les grands absents. Nous pouvons y voir un certain a priori comme quoi l’absence de résistance des armées françaises vient de l’absence de combativité des hommes les constituants. Bob Kanigher, Editor & principal scénariste des war comics de DC Comics, & Joe Kubert ne nieront pas les actions de résistance française mais mettront plutôt en scène une jeune femme, Mademoiselle Marie (cf. French Collection #72) et des enfants comme The Unit 3 & André Lunet.
En France, l’épisode mettant en scène André Lunet a été publié dans Brûlant 1ère série n° 2 chez l’éditeur nordiste Artima – Arédit. Cette chronique qui est également la première que je rédige depuis les événements dramatiques de la tuerie de Charlie Hebdo, du fait de l’avance que j’essaye de maintenir, me permet de rebondir sur ce triste sujet. Car malgré cet a priori, Bob Kanigher & Joe Kubert nous montrent qu’ils possèdent une certaine admiration pour ces trois générations de français tué pendant les guerres européennes sans jamais rien abandonner de leurs idéaux.
La chronique de cet épisode dont je ne pensais pas initialement parler me permet donc d’apporter modestement ma petite pierre à tous les hommages qui ont été rendus aux victimes de la barbarie et de réaffirmer les valeurs cardinales de notre république : Liberté (y compris d’expression), Egalité (vis-à-vis de tous et sans considération de race, religions ou de genre) & Fraternité avec tous.
[Jean-Michel Ferragatti]