French Collection #246
11 mars 2015[FRENCH] Cette semaine nous revenons (comme promis il y a extrêmement longtemps mais aussi la semaine dernière) sur une tentative d’évolution majeure d’une des plus vieilles séries de comics de super-héros qui déboucha en France sur une série d’anomalies temporelles. En août 1941 l’éditeur Quality lance le titre Military Comics (1941 Series) consacré aux histoires de guerre et dont la couverture met en scène le Blackhawk squadron (cf. French Collection #93).
Le succès de la série conduit au lancement d’un magazine éponyme fin 1944. Il commence en réalité au #9 en reprenant la numérotation d’Uncle Sam Quarterly (1941 Series) dont les ventes étaient visiblement insatisfaisantes. Ce deuxième titre survivra après l’arrêt de Military Comics (1941 Series), qui avait entretemps pris le nom de Modern Comics (1945 Series), et permettra la publication sans discontinuer de l’équipe jusqu’aux problèmes de distribution de Quality qui amènera à sa cessation d’activité fin 1956.
A l’arrêt du titre, les droits furent immédiatement loués (Everett M. « Busy » Arnold avait en effet vendu l’intégralité des droits de sa maison d’édition sauf ceux des Blackhawks qu’il considérait comme son plus grand succès et qu’il préférera louer dans un premier temps) par l’éditeur DC Comics qui continua le titre sans interruption de numérotation à partir du #108. Sous l’impulsion des nouveaux Editors, l’équipe s’attaque à des menaces plus atypiques. Le temps des adversaires nazis puis communistes étant beaucoup trop daté, les aventures prirent un jour plus fantastique avec l’apparition de monstres, d’extraterrestres et de menaces en tout genre faisant basculer le titre vers la science-fiction.
Pour marquer ce changement, l’équipe abandonnera son vieux costume d’aviateur trop connoté seconde guerre mondiale pour adopter, y compris Chop-Chop pour la première fois, un nouveau costume plus moderne et coloré dans Blackhawk #197 (1957 Series). Malgré cela les ventes du titre se dégradent de manière continue. DC Comics décide alors de changer l’orientation du titre à partir de Blackhawk #228 (1957 Series) de janvier 1967 qui comporte le bandeau « The New Blackhawk Era! ». Les comics de super-héros sont redevenus une valeur sure et la série télévisée Batman est un énorme succès. Les Editors de DC Comics vont donc profiter de la notoriété de la Justice League of America qui apparaît en couverture pour changer radicalement les fondamentaux de la série sur un story arc ambitieux de trois numéros, ce qui est assez peu courant à l’époque.
Le Blackhawk squadron est à l’entrainement afin de préparer leur prochaine mission : capturer Jolly Roger, l’homme le plus malfaisant du monde après leur archennemi Killer Shark. Il s’agit d’ailleurs d’une réinterprétation de la continuité passée puisque ce personnage a été créé pour l’épisode malgré son soi-disant passé d’adversaire de l’équipe. Mais Blackhawk vient leur annoncer un changement de programme. Ils ont reçu un message de Jolly Roger qui leur demande leur protection car des assassins ont été lancés à ses trousses. Afin de convaincre l’équipe de l’aider, il leur indique qu’il a disposé des bombes dans des endroits fréquentés par d’innocents civils et qu’elles exploseront s’il venait à mourir.
La mort dans l’âme, le Blackhawk squadron devient le garde du corps de Jolly Roger, mais rien ne se passe comme prévu. L’équipe est obligée de suivre Jolly Roger y compris lors d’une tentative de vol d’une statuette. Mais leur commanditaire se fait doublé par un concurrent et il se lance avec ses gardes du corps forcés à la poursuite de la statuette qu’il voulait voler. Durant cette course poursuite, tous les membres de l’équipe sont éliminés uns par uns en protégeant Jolly Roger, sauf Chop-Chop & Blackhawk.
Ce dernier laisse leur commanditaire sous la protection de Chop-Chop et réussit à repérer l’assassin. Il s’agit de Queen Killer Shark [Zinda Blake] que nous avons étudiée dans notre dernière chronique et pour laquelle nous avions promis de précisions sur ses apparitions ultérieures.
Dans le combat qui s’ensuit, elle se cogne la tête et reprend sa personnalité bénéfique de Lady Blackhawk [Zinda Blake]. Elle révèle alors à Blackhawk que c’est Killer Shark qui a volé la statuette. Mais comme ils rejoignent Chop-Chop & Jolly Roger ce dernier leur révèle qu’il est un leurre. Il arrache son masque laissant apparaître un autre masque dissimulant son visage à l’image de The Question [Vic Sage] (cf. French Collection #196). L’homme qu’ils ont protégés et qui a monté ce test est en réalité Mr Delta, le directeur d’une agence gouvernemental d’espionnage baptisé Group for Extermination Of Revenge, Greed and Evil dans une référence évidente à la série télévisée à succès The Man from U.N.C.L.E.. D’ailleurs, Mr Delta est également connu comme The Man from G.E.O.R.G.E.S. (nous reviendrons dans un lointain French Collection sur cette organisation).
A ce moment, un des hélicoptères de l’organisation atterrit avec à son bord la Justice League of America qui explique au Blackhawk squadron que ce test avait pour but de savoir s’ils étaient encore apte à bénéficier de leur accréditation gouvernemental. Malgré le retournement de personnalité de Queen Killer Shark [Zinda Blake], Mr Delta considère qu’ils ne sont pas capables de faire face aux nouveaux super-gangs internationaux qui constituent les véritables menaces contre le pays. Devant les protestations que soulève cette décision, le président Lyndon B. Johnson en personne décide de leur donner une chance. L’équipe est soumise à un nouveau test. Elle doit vaincre The Champ, un robot géant de Mr Delta qui a stocké l’intégralité de leur mission précédente ainsi que toutes leurs faiblesses. L’équipe est décimée en quelques minutes mais Blackhawk obtient un répit à la du premier épisode du story arc.
L’équipe profite de ce répit pour s’entraîner, corriger leurs défauts et développer des pouvoirs. En effet, Blackhawk a compris que si l’équipe voulait survivre dans un monde de super-héros & super-vilains ils devaient se mettre à niveau. Pendant ce temps, The Emperor réunit toutes les super-gangs internationaux du monde. Sont notamment présents O.G.R.E. (qui deviendra ultérieurement une organisation terroriste dans la série Aquaman), S.PE.C.T.R.E. (le SPecial Executive for Counter-intelligence, Terrorism, Revenge and Extortion qui est un client d’œil à l’organisation criminelle apparaissant dans les romans de James Bond), C.Y.C.L.O.P.S. & T.H.R.U.S.H. (le Technological Hierarchy for the Removal of Undesirables and the Subjugation of Humanity étant l’adversaire de The Man from U.N.C.L.E.).
The Emperor est le chef ultime de l’empire du crime international. Leurs organisations ont été durement frappées dernièrement par les agences gouvernementales et il souhaite montrer qu’ils sont capables de réagir en anéantissant le Blackhawk squadron. Mais un agent de G.E.O.R.G.E.S. est infiltré dans l’assemblée et réussit à transmettre un message à Mr Delta avant d’être abbatu. Ce dernier décide alors de mettre le Blackhawk squadron en quarantaine pour éviter que The Emperor ne mette à exécution sa menace qu’il juge comme inévitable du fait de peu de cas qu’il fait des talents du Blackhawk squadron. Mais l’île est déserte et le lecteur comme Mr Delta va découvrir que les membres du Blackhawk squadron ont pris de nouvelles identités et se sont dispersés dans le monde.
Chuck est devenu The Listener et coordonne toute l’équipe depuis un hovercraft qui lui sert de relais de communication. Hendrickson a pris l’identité du Weapons-Master, un expert en armement capable d’utiliser et de créer toutes les armes possibles. Olaf s’est fait fabriquer un costume par son ami suédois le Professor Neilson et utilise ses talents d’acrobates pour créer l’identité du Leaper. Son costume qui le fait ressembler au bibendum Michelin lui permet de rebondir tout en le protégeant puisque les balles rebondissent sur lui.
André a pris l’identité de M’sieu Machine (dans une déplorable tentative de reproduire l’accent français comme en sont capables nos amis américains), une sorte de génie de la mécanique capable de créer des machines incroyables ! Chop-Chop est lui devenu Doctor Hands, un champion d’échec de renommé internationale (ce qui est assez peu cohérant avec l’objectif de se cacher) dont les mains sont devenus des armes mortelles grâce à des prothèses en titanium (ce qui est d’ailleurs juste la continuation d’un élément de scénario déjà introduit dans les épisodes précédents avec sa maitrise du kung-fu).
Quant à Blackhawk il est devenu The Big Eye, leur coordinateur qui les observe en orbite depuis un satellite en forme d’aigle à deux têtes (qui ressemble énormément aux armoiries impériales de la famille régnante des Habsbourg, ce qui est un comble pour le leader d’une équipe connu pour avoir combattu l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale). Stanislaus lui n’est rien devenu de particulier. Il se désole même d’être trop bête pour créer une nouvelle identité comme les autres. Au même moment, il est attaqué directement par The Emperor qui a revêtu son armure de combat en or.
Le membre le plus costaud des Blackhawk, qui est par ailleurs devenu insensible à la douleur dans le premier épisode de ce story arc, réussit à briser le jet pack de son adversaire et à obliger son adversaire à engager le combat. Mais même son incroyable force ne peut rien contre l’armure dorée et tous les deux tombent du haut d’une falaise. Mais dans la chute, Stanislaus arrive à arracher la ceinture anti-gravitée de son adversaire qui se noie au fond de l’eau. C’est donc revêtu de l’armure de The Emperor que Stanislaus rejoint l’équipe pour devenir The Golden Centurion. Capable de voler, il est également protégé par son armure de 370 kilos d’or pur et peut projeter des décharges d’or pur ionisé.
L’équipe ayant prouvée qu’elle était capable de vaincre The Emperor et une partie de son organisation, le président Lyndon B. Johnson leur redonne leur accréditions sur les conseils de Mr Delta qui en profite pour les intégrer dans son organisation G.E.O.R.G.E.S.. Lady Blackhawk [Zinda Blake] saura également se rendre indispensable et réintégrer l’équipe. Malheureusement, cette période super-héroïque mâtinée d’espionnage n’aura aucun succès et Blackhawk #239 (1957 Series) verra le retour des « anciens » Blackhawks, y compris de leur costume originaux. En effet, l’équipe devra affronter un adversaire surgit de l’époque du nazisme.
A l’époque, lors l’une de leur mission, le Blackhawk squadron affronta Iron Hammer, l’exécuteur personnel d’Hitler qui a l’apparence d’une sorte de chevalier teutonique en armure et disparaitra sous une avalanche de neige et de pierre. Mais plusieurs années après, tel un Captain America nazi, le soldat allemand surgit de son état d’hibernation alors que l’équipe est de retour dans le village ou ils se sont affrontés des années auparavant. Malgré leurs nouveaux pouvoirs, toute l’équipe est décimée par Iron Hammer qui élimine ses derniers adversaires à grands coups de son marteau de fer.
Mais à la fin de l’épisode, alors qu’il est persuadé d’avoir exterminé ses adversaires, Iron Hammer croit être en proie à des visions car le Blackhawk squadron apparaît revêtu de leur ancien uniforme. Dans une crise de démence, Iron Hammer tombe sous le coup de son marteau qui lui revient le frapper tel un boomerang (ressemblant fortement de cette manière à celui de Thor [Don Blake]). Les deux numéros suivants verront revenir « The New Blackhawk » avant que le magazine ne revienne à la formule initiale pour seulement deux petits numéros avant de s’interrompre.
En France, la nouvelle ère du Blackhawk squadron a donné lieu à de très fortes anomalies temporelles. En effet, la première apparition de la nouvelle équipe se produit dans le Petit Format Eclipso n° 12 de l’éditeur nordiste Artima – Arédit en février 1971. Il s’agit de la traduction de Blackhawk #239 (1957 Series) dans lequel « The New Blackhawks » affrontent justement Iron Hammer avant de revêtir leur anciens uniformes. Le lecteur français découvre donc la nouvelle équipe sans réellement en comprendre l’origine alors même que le texte d’introduction indique : « Comme si vous ne le saviez pas, vous les fanatiques de la nouvelle ère des Faucons Noirs ! »
Le même lecteur découvre donc à la fin de l’épisode le « retour » de l’ancien Blackhawk squadron avant même d’avoir compris pourquoi il avait été remplacé. Une décennie plus tard, le lecteur opiniâtre découvrira malgré tout une partie de l’histoire puisqu’Artima – Arédit publiera les épisodes de « The New Blackhawk Era! » dans un titre éponyme (Faucon Noir). Deuxième anomalie temporelle, Lady Blackhawk [Zinda Blake] apparaît au début de l’épisode alors que 5 numéros d’Eclipso plus tard le lecteur la découvrira (et cette fois-ci de manière contemporaine) en tant que Queen Killer Shark [Zinda Blake] ! Il n’y a pas décidemment que les combattants alliés ou nazis qui surgissent d’hibernation de manière étrange dans la chronologie de publication d’Artima – Arédit !
De plus, les traducteurs de l’éditeur auront encore une nouvelle fois sévies. En effet si assez logiquement The Golden Centurion est devenu « Le centurion en or » & The Weapons-Master est devenu « Le maître d’armes », que M’sieu Machine a gardé son nom (aussi ridicule soit il) The Listener est quant à lui devenu « L’écouteur » tandis que The Leaper est devenur « Le Sauteur ».
[Jean-Michel Ferragatti]