French Collection #250
8 avril 2015[FRENCH] Cette semaine pour notre 250e chronique nous allons replonger dans ses fondamentaux en évoquant deux épisodes de Superman que vingt ans séparent mais qui pourtant résonnent l’un avec l’autre (et c’est le moins de la dire). En 1947 le management de National Periodical Publications (NPP), la société qui deviendra DC Comics, ne s’est pas encore fâché avec les créateurs de Superman [Kal-El] : Jerry Siegel & Joe Shuster.
Si Jerry Siegel est toujours aux commandes des scénarios, Joe Shuster dont la vue continue de se dégrader a constitué un studio autour de lui pour l’aider. Habituellement ses assistants réalisent les décors ainsi que le crayonnés des personnages. Shuster se chargent par contre toujours des visages afin de garder une cohérence aux séries. Mais Joe Shuster ne peut s’occuper de l’intégralité de l’énorme production de The Man of Steel et notamment des Sunday Pages du Superman comic strip. Deux dessinateurs se chargent de cette partie de la production et il s’agit de Wayne Boring & Jack Burnley.
Fin 1946 & début 1947 la trame du Superman comic strip Sunday Pages va lorgner vers la vie quotidienne des américains. Après la fin de la guerre, les USA reprennent petit à petit une vie plus tranquille. L’épisode The Insurance Policy commence lorsque le patron des assurances Dynamiques tient un séminaire de motivation avec ses forces de ventes. Il leur raconte l’histoire d’Alonzo Bonzo, le meilleur vendeur que la compagnie n’ait jamais eu. Il n’hésita pas à se jeter d’une fenêtre pour convaincre un de ses prospects de la pertinence d’une assurance vie.
Alors que la conférence se termine après l’ovation du meilleur vendeur, le directeur retient Elmer Doolittle. Ce dernier est le pire vendeur de la compagnie quand bien même il est le neveu d’Alonzo Bonzo et donc toléré en remerciement de l’ultime sacrifice de son oncle. Il est-il faut dire maladivement timide et se désespère que Claire, la secrétaire du directeur général, n’ait d’yeux que pour les meilleurs vendeurs. Mais la bonté des assurances Dynamiques a ses limites et le directeur lui annonce qu’il est remercié du fait de son incapacité à placer un contrat. Désespéré à l’idée de ne plus pouvoir au moins croisé Claire, Elmer raconte à son patron qu’il est sur le point de faire signer un contrat à Superman [Kal-El]. Celui-ci est enchanté, mais malheureusement Elmer se « vend » à voix haute et le tenant du titre de meilleur vendeur va le dénoncer.
Inconscient de se développement, Elmer erre dans la rue et croise Clark Kent au moment où se déclenche un séisme. Une crevasse s’ouvre sous ses pieds et il ne doit sa vie qu’à l’intervention de Superman [Kal-El]. Elmer tente alors sa chance et essaye de convaincre Superman [Kal-El] de souscrire une assurance vie. Ce dernier est saisi de fou rire et manque de tuer Elmer. Celui-ci saisit la balle au bond et lui explique comme son oncle aurait fait que tout le monde peut mourir d’un accident. Mais bien sûr, Superman [Kal-El] lui démontre qu’il est invulnérable. Elmer est désespéré au moment où Superman [Kal-El] laisse échapper qu’il possède une identité secrète.
Le vendeur d’assurance saute sur l’occasion et propose de lui vendre une police contre la divulgation de son identité secrète. Superman [Kal-El] accepte et doit alors passer une visite médicale. Après avoir fait 13.145 pompes en cinq minutes, lu un tableau optique en lui tournant le dos et s’être fait briser une aiguille sur la peau, il est déclaré en bonne santé et peu signer sa police. Elmer retourne aux assurances Dynamiques triomphant mais personne ne le croit. Heureusement, Superman [Kal-El] arrive et Elmer est déclaré meilleur vendeur, ce qui fait allumer les yeux de Claire.
L’épisode se termine avec une visite médicale de Clark Kent car le Daily Planet a souscrit un contrat collectif auprès, bien entendu, des assurances Dynamiques. De manière totalement prévisible, Clark échouera lamentablement. En février 1967 le premier épisode d’Action Comics (1938 Series) #346 s’intitule The Man Who Sold Insurance to Superman! et est dessiné une nouvelle fois par Wayne Boring. Dans cet épisode, Terry Mason est agent d’assurance et souhaite épouser Bijou Cartier, la fille de son patron qui est un homme d’affaires célèbre.
Comme il essaye de pénétrer dans le bureau de son « futur » beau-père, il tombe du gratte-ciel et ne doit la vie qu’à l’intervention de Superman [Kal-El] qui se rend compte qu’il doit jouer serré car les deux jeunes garçon étaient ensemble à l’université. Superman [Kal-El] décide de l’aider et l’introduit à son beau-père par la fenêtre. Mais ce dernier le rabroue. Pendant leur entretien, il est informé que son principal concurrent en assurance, a fait souscrire des polices à des célébrités. Furieux, de ce coup de publicité il propose à Terry de le laisser épouser Bijou s’il place une assurance vie auprès de Superman [Kal-El]. Comme vingt auparavant, le vendeur va essayer de le convaincre d’une possibilité d’accident. Et comme vingt ans auparavant, Superman [Kal-El] va lui démontrer que c’est impossible y compris en passant une visite médicale ou il fera des pompes et ou une aiguille se brisera sur sa peau.
Cette fois-ci par contre, ce n’est pas la menace de la révélation de son identité secrète qui va le convaincre de souscrire l’assurance vie mais la menace de la Kryptonite. Il faut dire qu’en vingt ans, les scénaristes avaient importés dans les comics cette invention initialement popularisé par la radio (cf. French Collection #117). Superman [Kal-El] signe donc une police de 100 milliards de dollars (devenu un simple milliard dans la traduction française) qui sera versé à des organisations humanitaires en cas de disparition. Pour payer la prime, Superman [Kal-El] collecte des pierres précieuses dans l’espace. Terry est nommé directeur de vente et reçoit la bénédiction de son futur beau-père.
Mais malheureusement, des envahisseurs de la planète Surran tentent d’envahir la Terre et lors du combat, bien que vaincu, ils réussissent à envoyer Superman [Kal-El] dans la Phantom Zone. Cartier est obligé de payer la police et est ruiné. Furieux, il licencie son « futur-ex » beau-fils tout en lui interdisant le mariage avec sa fille. Les deux amoureux sont désespérés lorsque Superman [Kal-El] reparait. Supergirl [Kara Zor-El] (cf. French Collection #127) l’a en effet délivré grâce au projecteur de la Forteresse de la Solitude (cf. French Collection #179). Soulagé de ne pas avoir à payer, l’enthousiasme de Cartier est vite douché puisque sa fille bientôt majeure et Terry décide de ne pas revenir avec lui.
Pour bien comprendre cet « air de déjà vu », il faut avoir à l’esprit que l’éditeur de la ligne Superman était Mort Weisinger, un personnage très controversé. Bien qu’ayant été à l’initiative de création comme Supergirl [Kara Zor-El], Krypto (cf. French Collection #182), Kandor (cf. French Collection #185), etc. Ces innovations bien qu’ayant eu un grand succès public seront plus tard considéré par beaucoup de fans comme enfantines au mieux.
Mais ce qui fut surtout reprocher à Weisinger fut son management des équipes. Le jeune Roy Thomas (futur successeur à Stan Lee comme éditeur en chef chez Marvel) raconta comment il faillit tomber en dépression sous la pression de Weisinger. Une autre critique porte sur l’utilisation à répétition des mêmes intrigues. Weisinger avait en effet diagnostiqué que le lectorat de ses titres se renouvelait tous les cinq ans. Il réutilisait donc tous les cinq ans les mêmes intrigues sans aucune vergogne ce qui conduit à voir des épisodes se ressemblant étrangement à plusieurs reprises dans les titres dont il était responsable.
L’anecdote resté célèbre qui caractérise le mieux ce travers a été raconté par E. Nelson Bridwell qui fut son assistant pendant des années. Véritable amoureux des comics et encyclopédie vivante sur le sujet, Weisinger lui demande de lui retrouver un épisode particulier au Superman [Kal-El] réalise un exploit bien particulier. Juste après, Bridwell revient en lui demandant quel épisode « exactement » il souhaite parmi les cinq qui comportent la même intrigue.
En France, l’épisode du Superman comic strip Sunday Pages a été publié dans L’Astucieux n° 38 à 46 aux Editions Mondiales tandis que la traduction d’Action Comics (1938 Series) #346 est parue dans Superman et Batman & Robin 2ème série n° 6 chez Sagédition. Je finirais par un remerciement général à tous ceux qui lisent ma chronique et qui postent des commentaires qui me font toujours un énorme plaisir. Et des remerciements particuliers à Hare Magedoon du forum Buzz Comics ainsi que Pouik, El Bravo & Drou du forum Pimpf qui m’ont aidé à choisir le thème de cette chronique. Ils se reconnaitront et qu’ils en soiet ici remerciés. La semaine prochaine, nous commenceront la nouvelle cinquante par une chronique sur une période « Marvel » assez peu connue.
[Jean-Michel Ferragatti]
250 chroniques ! Félicitations !
(et je les ai toutes lues 😉 )
Merci à toi pour ton commentaire et ta patience 😉
Et oui, deux cent cinquante ! Qui aurait parié sur cela au début de l’aventure ?
Et puis cela va continuer car là j’ai au minimum une cinquantaine de sujets dans les tuyaux.
Donc, rendez vous pour la 300e
Toujours intéréssante cette chronique, j’avais en effet entendu dire que Mort Wiesinger était connu pour réutiliser régulièrement les mêmes intrigues. mais dans ce cas il semble être allé jusqu’à « piquer » l’intrigue dans un comic strip de Superman. Ce cas de figure s’est -il souvent présenté?
Merci et bonne continuation à « French Collection ».
C’est à dire qu’il faut se méfier des effets de loupe. Weisinger réutilisait des choses mais Schwartz aussi, Goodman aussi, Kirby aussi, Finger aussi et ainsi de suite. A l’époque les éditeurs et auteurs n’avaient pas conscience d’avoir un public qui restait au délà de quelques années, le marché d’occaz était inexistant, peu ou pas de reprint… Un autre temps.
Je suis d’accord, mais souvent (pas tout le temps non plus) Schwartz, Kirby & Finger (quoi que Finger a sans doute pompé purement et simplement pour palier ses retards et aussi à cause de son besoin incessant de cash) réutilisaient des concepts. Wiesinger reprenait quasiment in extenso les scénarios.
Souvent d’ailleurs, ils se les faisaient compter comme inédits.
Goodman était aussi dans la réutilisation qu’il imposait à Stan Lee (qui le faisait aussi de temps en temps mais plus sur des concepts).
Donc, la pratique n’était pas propre à Weisinger mais c’est sans doute celui qui l’a porté au paroxysme.
Sur quoi se basait Weisinger pour affirmer que lectorat se renouvelait tout les cinq ans ? ça m’a l’air assez arbitraire comme postulat de sa part…
Cela dit j’avais lu dans un article que pour ses premiers script sur « Batman » Bill Fingers avait souvent repris des histoires du « Shadow » , comme on dit rien ne se perd, rien ne se crée.
@Gilles – La reprise du Shadow évitait – je crois – le mot à mot. Par contre Finger a effectivement refourgué des passages entiers de dialogue dans des comics différents à quelques années ou mois d’écart. Et je le soupçonne fortement d’être celui qui a refourgué deux fois à Marvel un même scénario de Cat-Woman affrontant Captain America et/ou Angel, avec pour le coup 99% du scénario à l’identique. Ceci dit c’était assez généralisé.
@ Baron Rouge – Ca n’a rien d’un postulat propre à Weisinger. Les éditeurs travaillant pour l’enfance (encore aujourd’hui) partent du principe qu’il y a une renouvellement cyclique, qu’un enfant va rapidement atteindre où ca devient « la honte » de lire la meme revue que le petit frere qui a deux ou trois ans de moins. C’est pour ça d’ailleurs que si vous regardez l’historique de magazines à « gadgets », les éditeurs n’hésitaient par à réutiliser périodiquement des gadgets parce qu’ils partaient du principe que le lectorat s’était *en grande partie* renouvelé.