French Collection #260
17 juin 2015[FRENCH] Cette semaine, nous allons revenir sur un personnage que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises et dont le cours des aventures va se retrouver fortement modifié suite à un changement éditorial brutal. The Spectre [Jim Corrigan] est comme nous l’avons déjà vu un personnage du golden age (cf. French Collection #47) qui reviendra dans la continuité super-héroïque DC Comics du silver age comme beaucoup d’autres personnages de l’éditeur (cf. French Collection #137).
La majeure différence avec beaucoup d’autres retours de personnage du golden age, est que The Spectre [Jim Corrigan] est tellement puissant qu’il n’est pas nécessaire de lui trouver une incarnation moderne sur Earth-1. Deux Spectre dans l’univers auraient été de trop !Pour la même raison, il n’est pas nécessaire de lui trouver une excuse pour le faire traverser les dimensions où se trouvent les terres parallèles de l’éditeur. Le personnage va donc vivre des aventures solo assez éloignées des autres personnages de l’éditeur dans ce que nous imaginons être Earth-2. Comme les épisodes du Doctor Strange [Stephen Strange] chez le concurrent de la maison des idées (surnom donné à cette époque à l’éditeur Marvel), elles sont illustrées de manière extrêmement audacieuses graphiquement, voir psychédélique.
D’abord dessiné par Murphy Anderson dans les épisodes publiés dans Showcase (1956 Series) et dans le premier numéro de son propre titre, The Spectre #1 (1967 Series), le personnage sera repris par Neal Adams, le dessinateur vedette de DC Comics à l’époque. Bien que superbe graphiquement avec des audaces incroyables de mises en pages et d’art séquentiel, le magazine n’est pas le succès qu’escomptait DC Comics.La série présente le même problème que pendant le golden age. Tenir en haleine le lecteur avec un personnage omnipotent est extrêmement compliqué d’autant plus que cette fois-ci le personnage ne paraît pas dans une anthologie que le lecteur achète pour voir également les autres personnages du titre. Chaque numéro se résume à affrontement entre The Spectre [Jim Corrigan] et une menace cosmique aussi puissante que lui, lassant rapidement le lecteur malgré les compositions graphiques époustouflantes de Neal Adams.
Après quatre numéros, le titre est repris par Jerry Grandenetti et perd énormément sur le plan graphique sans que les scénarios ne rattrapent les choses par ailleurs. The Spectre #8 (1967 Series) marque un tournant dans la série. Conscient du problème, les responsables éditoriaux et les scénaristes essayent d’y apporter une solution. The Spectre est épuisé par ses combats précédents et ne souhaite qu’une chose, rejoindre le corps de Jim Corrigan, son hôte humain. Mais celui-ci est en planque depuis 48 heures et n’arrive pas à comprendre pourquoi une entité omnipotente comme The Spectre puisse être fatigué. Il lui demande de l’aider à appréhender la bande qu’il poursuit. Epuisé, The Spectre les balaie d’un revers de la main et blesse gravement involontairement un simple passant.
Cette même nuit, il est convoqué par The Voice qui le réprimande et lui impose une faiblesse qui apparaîtra aléatoirement pendant les moments de tension ou l’impatiente du Spectre peut l’amener à reproduire sa faute. Dans l’épisode, The Spectre sera ainsi affligé d’une cécité temporaire. Nous voyons tout de suite ou les responsables éditoriaux veulent emmener le personnage. Cette faiblesse aléatoire va leur permettre de limiter les pouvoirs du personnage et d’introduire une incertitude vis-à-vis du lecteur. Malheureusement, et cela a sans doute été prévu dès le début, le lecteur ne pourra pas voir cette évolution. En effet, nous découvrons The Spectre dès l’épisode suivant toujours hanté par l’apparition de The Voice.
Tandis que Jim Corrigan est sur une piste avec un de ses hommes il est menacé par un gangster qui va lui tirer dans le dos. The Spectre apparaît et tue d’un regard le malfaiteur. Le sergent qui accompagne Jim Corrigan est furieux et prend The Spectre a partie. Ce dernier le repousse violemment d’un revers de mains en le blessant. Corrigan est anéanti. Son alter égo s’est transformé en une sorte de vigilante à la fois jury, juge et exécuteur. Il refuse alors de toutes ses forces de laisser son hôte retourner dans son corps et ceci jusqu’à l’épuisement. A ce moment, The Voice appelle The Spectre une nouvelle fois. La faute est grande. Un homme a été tué, un autre blessé et son hôte lui refuse son asile.
Il lui explique que la justice ne peut être accomplie sans miséricorde, ce pourquoi il avait été lié à une âme humaine afin de le tempérer. The Voice décide donc de retirer The Spectre des affaires terrestres. Afin de le faire expier, il sera lié au Livre du destin (The Journal of Judgment). Il devra assister à chacune des histoires qui figurent dans ses pages et juger le protagoniste afin de lui accorder ou non le pardon de The Voice. De tout puissant, The Spectre est devenu un personnage qui ne peut plus interférer dans les affaires des hommes mais juste les observer. Une sorte d’hôte très fréquent dans les Horror Comics des années cinquante qui ont été interdit par le Comic Code Authority.
Mais visiblement le titre était condamné car après un seul autre numéro de cette formule sa publication sera interrompue, ne laissant même pas le personnage s’installer dans son rôle. Le concept d’un personnage portant The Journal of Judgment et racontant des petites histoires horrifiques sera repris quelques années plus tard chez DC Comics par Mark Wolfman & Bernie Wrightson avec le personnage de Destiny qui deviendra célèbre sous la plume de Neil Gaiman dans la série Sandman #1 (1989 Series). Entretemps, The Spectre aura repris une place centrale dans l’univers DC Comics comme nous le découvrirons dans un lointain numéro de French Collection.
En France, The Spectre a d’abord été publié dans le titre éponyme de l’éditeur nordiste Artima – Arédit afin qu’un avis défavorable de la commission de censure ne scelle son arrêt. Mais la publication va ressurgir avec les mêmes séries sous le nom d’Eclipso sans que cette fois-ci la commission n’y voit rien à redire. The Spectre #8 à 10 (1967 Series) seront respectivement traduit dans Eclipso n° 17 à 19 permettant aux lecteurs français d’assister à cette évolution atypique d’un super-héros. Le changement aura même l’honneur de la couverture du numéro 18, mais les responsables d’Artima – Arédit craignant sas doute un avis de nouveau défavorable de la commission de censure maquillera son visage en le rendant complètement vert sur la couverture publiée.
La série américaine ayant été suspendue, Artima – Arédit trouvera une série de remplacement que nous avons évoqué dans cette chronique et sur laquelle nous reviendrons très prochainement dans French Collection.
[Jean-Michel Ferragatti]
« éponyme » : qui donne son nom à quelque chose.
Le Spectre est le héros éponyme, non la série.
Etant donné que le personnage existait avant la série, j’ai la faiblesse de croire que la série est bien éponyme du personnage.
Non JMF, tu ne comprends pas ce qu’il t’explique. Lui fait référence au sens classique d’eponyme, c’est donc le héros qui est éponyme dans le sens qu’il te fait remarquer. MAIS vous avec raison tous les deux puisque le Larousse reconnait l’usage d’extension, abusif (et finalement usuel) mais bien dans le dico, du sens inverse. Donc tt le monde a gagné.