French Collection #29

[FRENCH] Etude d’un personnage de l’éditeur Quality, qui malgré (où à cause) de caractéristiques qui le rattachaient fortement à l’univers de DC Comics, a disparu du monde des comics. Merlin the Magician apparaît dans National Comics #1, l’un des premiers titres de l’éditeur Quality Comics. Il s’agit de l’un des nombreux personnages qui font leur première apparition dans ce titre, les deux autres super-héros étant Uncle Sam (qui est le personnage vedette du titre) et Wonder Boy. La carrière du personnage ne sera pas de courte durée pendant le Golden Age puisqu’il paraîtra dans National Comics jusqu’au numéro 45.

Sa première aventure raconte les origines du personnage et est dessinée par Dan Zolnerowich. Jock Kellog, jeune dilettante britannique, fait profiter ses amies d’une dernière soirée de fête. Après cette dernière dépense, il aura dilapidé les derniers restes de sa fortune personnelle. Il se rend compte, à cette occasion, de la vanité actuelle de sa vie.

A ce moment, un messager vient lui indiquer que son oncle, réputé riche et excentrique, est sur son lit de mort. Attiré par la possibilité d’un héritage important, Kellog se précipite chez son oncle. Ce dernier habite dans une modeste maison et ne semble pas mener grand train. Pourtant lorsqu’il voit son neveu il lui dit qu’il va lui donner l’objet le plus précieux qui soit et lui tend un manteau à capuche vert (qui est devenu rouge en France). Il lui explique dans un dernier souffle qu’il est le dernier descendant de Merlin l’enchanteur, le conseiller du roi Arthur et que ses pouvoirs se sont transmis au travers de leur ligné et du manteau.

Convaincu que son oncle était en proie au délire, Kellog quitte la maison après que son oncle est rendu l’âme. Il retourne au night club qu’il avait quitté. Mais, devant l’attitude dédaigneuse de ses amies à l’annonce de l’absence d’héritage, il quitte l’établissement en revêtant le manteau nouvellement hérité. Comme il chemine dans la rue, il aperçoit une femme qui se jette d’un immeuble. Il hurle « stop » et la femme est suspendue dans les airs en pleine chute. Il l’a fait ensuite descendre doucement au sol. Il comprend alors que son oncle n’était pas fou et qu’il a bien hérité des pouvoirs du grand Merlin.

Nous retrouvons Kellog, qui se fait maintenant appelé Merlin the Magician (en hommage à son illustre ancêtre) sur les champs de bataille européens en train d’aider les alliés. Visiblement, il a abandonné sans remord son ancienne vie et se consacre à aider les nations européennes contre les nazis. Il est victime d’une attaque aérienne et étrangement s’élève au dessus du champ de bataille pour rejoindre une sorte de plan astral (il y a gagne au passage une petite moustache qui le fait encore plus ressemblé à Mandrake the Magician) où il va affronter Mars et ses lieutenants Hunger & Poverty (qui sont à l’origine du conflit) dans le but de délivrer la Paix (personnifié sous la forme d’une magnifique jeune fille appelée Peace) que le dieu de la guerre a enchaînée à un rocher tel Prométhée. La victoire de Merlin the Magician à mains nues (les détails du combat font penser à celui de Yarko the Great dans sa première aventure [cf. French Collection #3) se traduira sur le plan physique par des manifestations publiques favorables à la paix et la signature d’un armistice.

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La lutte de Merlin the Magician au coté des alliés restera une forte constante dans ses aventures. Son apparence initiale, qui s’inspire grandement de celle de Mandrake the Magician, ne subira pas de grands changements. Ses pouvoirs étant définis de manière assez floue s’adapteront à toutes les circonstances. Sa victoire sur un dieu lors de son premier combat les placent néanmoins à un niveau très élevés que justifie la référence à ceux Merlin « historique ».

Par contre, la manière dont il les utilisera subira un changement majeur dans National Comics #12. Le lancement de ses sorts se fera par l’inversion des incantations. Les connaisseurs de l’univers DC reconnaîtront immédiatement l’une des particularités d’un autre pratiquant des arts magiques, le grand Giovanni Zatara (le père de Zatana, la magicienne habituelle de la Justice League America). La similitude s’explique par le fait qu’à partir de cet épisode de Merlin the Magician c’est Fred Guardineer, qui est également le créateur de Zatara, qui reprend le personnage de Quality. Par contre le fait que l’un des magiciens historiques de DC soit aussi le descendant d’un personnage historique (Leonardo da Vinci au cas d’espèce) est sans doute une coïncidence. Il est à remarquer que de la même manière que Bill Everett se spécialisera dans la création de héros aquatiques ou Carl Burgos dans les androïdes, Fred Guardineer se spécialisera dans la création de magiciens récitant leurs incantations à l’envers. Il créera ainsi Tor the Magician, également pour Quality, qui utilise la même technique d’incantation et dont la destiné sera lié à Merlin the Magician comme nous le verrons plus tard.

Le personnage possède donc dès le début une forte similitude avec l’univers DC. Mais ce n’est clairement pas la seule. Tout d’abord, le personnage de Merlin l’enchanteur existe également dans l’univers DC. Et même plusieurs versions, puisque le personnage apparaît comme supporting cast de la série Shinning Knight (pendant le Golden Age) mais aussi Silent Knight (pendant le Silver Age). Mais la version la plus connue est celle de Jack Kirby dans la série The Demon qui met en vedette Etrigan son démon personnel (qui d’ailleurs adoptera lui aussi une particularité « vocale » en devenant sous la plume d’Alan Moore un démon rimeur majeur qui ne s’exprimera qu’en alexandrin).

Autre caractéristique commune avec l’univers DC, la personnalité de son premier adversaire. Mars est en effet un adversaire historique bien connu de Wonder Woman (bien que sous le nom grec d’Ares). Et encore une fois la coïncidence voudra que l’apparence des adversaires des deux héros soit très proche (coïncidence relative du fait de leur inspiration commune).

Toutes ces similitudes auraient donc dues favoriser l’intégration de Merlin the Magician dans la continuité super-héroïque de DC lors du rachat des personnages de Quality. Mais c’est en fait le contraire qui se produisit. La trop grande similitude du personnage avec Zatara et sa descendance faisait doublon. D’autant plus que Tor the Magician, un autre personnage de Quality comme nous l’avons vu, partageait aussi une partie des mêmes caractéristiques.

C’est donc ainsi qu’après avoir brièvement intégré le personnage dans le All Star Squadron (sans doute pour des raisons de sécurisation de copyright) il trouvera une fin malheureuse au cours de l’arc Justice Society Returns (paru dans All-Star Comics #1 [serie 1999]). Dans cet épisode, Hourman (à venir prochainement dans un futur French Collection) recrute en 1945 de nombreux magiciens pour faire face à l’entité nommé Stalker. L’équipe ainsi réunie triomphera de la menace mais Merlin the Magician et Tor the Magician trouvera la mort dans le combat, laissant ainsi de manière fort pratique Zatara et sa famille seule la pratique de la formule inversée de lancement de sort. Kellog étant le dernier descendant de Merlin, le manteau est donc devenu inutile.

En France, le personnage n’aura le droit qu’à une seule apparition dans le numéro 1 de la Collection Fantôme 2ème série aux Editions mondiales. Le fascicule reprend l’épisode publié dans National Comics #1 qui raconte les origines de personnage. Victime des prémices de la loi de 1949, la collection cessera de publier des séries de super-héros à son numéro 7 laissant ainsi sombrer Merlin l’enchanteur (The Magician a été changé sans doute pour accentuer la remation avec le Merlin historique connu des jeunes lecteurs) dans l’oubli.

[Jean-Michel Ferragatti]
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