French Collection #31
30 septembre 2009[FRENCH] Une fois n’est pas coutume, nous allons parler de l’histoire d’une maison d’édition (qui n’a pas publié que des comics) et de deux de ses personnages « hors continuité » mais dont la célébrité dépasse les pages des comics. Fawcett Publications est la société d’édition éponyme fondée par Wilford Hamilton « Captain Billy » Fawcett en 1919. Membre des forces armées américaines il a notamment servi pendant les guerres hispano-américaines aux Philippines. Contrairement au Major Malcom Wheeler-Nicholson (fondateur de DC Comics) Captain Billy ne se lance pas dans la rédaction de récits d’aventures pour les pulps mais devient journaliste. Ces rapports avec l’institution militaire sont visiblement moins conflictuels que ceux du Major (qui a quitté l’armée après bien des polémiques et avoir été « abattu » par un garde) et il décide de lancer un magazine à destination des forces armées américaines en s’inspirant du Star and Strips (magazine publié par les autorités militaires elles-mêmes). Nommé Captain Billy’s Whiz Bang il s’agit d’un recueil de blagues de garnison agrémenté de dessins humoristiques ayant pour but de détendre les troupes en garnison. Il est à remarquer que ce genre de magazine était présent en France depuis plus de dix ans au travers de La Vie de Garnison des Éditions Offenstadt.
Le succès de Captain Billy’s Whiz Bang est très important et assoit Captain Billy comme éditeur, lui permettant même de se diversifier. Au début assez timidement en lançant des annuals de Captain Billy’s Whiz Bang puis d’autres titres similaires avec entre autres Smokehouse Monthly et même n’ayant rien à voir comme True Confessions. Juste avant la seconde guerre mondiale, le groupe Fawcett publiait 49 titres pour des tirages cumulés de plus de 10 millions de pièces par mois. Le rationnement de papier induit par l’entrée en guerre des États-Unis ramènera le nombre de titre à 14.
A cette époque, le vaisseau amiral du groupe n’est plus Captain Billy’s Whiz Bang dont l’humour est devenu très « daté » mais Mechanix Illustrated. Il s’agit d’un titre pédagogique sur les inventions et les différents aspects de la mécanique usuelle qui touche le grand public et non plus uniquement les forces armées. Cette ligne aboutira à la création du genre « Do-it-yourself » que Fawcett investira avec succès.
1940 est une année importante pour le groupe Fawcett. Premièrement le Wilford Hamilton « Captain Billy » Fawcett décède, laissant ses quatre fils à la tête du groupe éponyme. Deuxièmement, l’un d’entre eux (Roscoe Ken Fawcett) créé la société Fawcett Comics dont le personnage phare sera Captain Marvel. Deux des piliers de Mechanix Illustrated prennent en charge le devenir scénaristique et visuel de la nouvelle ligne de comics. Il s’agit de William Parker et Charles Clarence Beck. Après bien des déboires de titres et deux ashcans successifs le personnage de Captain Marvel apparaît officiellement dans Whiz Comics #2.
La continuité super-héroïque de Fawcett va alors grandement se développer avec de nombreux personnages tels que Captain Midnight, Bulletman & Bulletgirl et Spy Smasher (pour ne citer que ceux que nous ne n’étudierons pas dans French Collection). Le succès est si important que Captain Marvel vend plus de magazine que Superman (et sans compter la Marvel Family) et que le tirage de ses aventures fleurte avec le million d’exemplaire. DC Comics, prenant ombrage de ce succès, intente un procès en plagiat à Fawcett. La bataille juridique sera homérique et durera jusqu’en 1953 date à laquelle Fawcett signe une transaction avec DC Comics. Une somme sera versée en « dédommagement » du soit disant préjudice et Fawcett s’interdit de publier ou de « louer » ses personnages à un autre éditeur. Il faut dire qu’à cette date le marché du comics de super-héros est en train de s’effondrer et que le groupe, qui s’est diversifié sur un autre marché, ne souhaite pas poursuivre une bataille juridique onéreuse pour une ligne de moins en moins rentable. Les quelques personnages qui ne sont pas visés par la transaction sont vendus à l’éditeur Charlton, signant la sortie définitive du groupe Fawcett de l’univers des comics.
Le succès de Fawcett (et notamment des comics) est lié à un autre aspect du métier de l’édition. Le groupe a développé au fil de son histoire un réseau de distribution au profit des marchands de journaux. C’est à ce titre qu’il signe un accord de distribution avec New American Library. En échange de la distribution des titres de cet autre éditeur, Fawcett s’interdisait de produire des rééditions en format livre de poche (paperback reprints).
Mais après la signature de cet accord, Roscoe Fawcett décide de se lancer sur le marché du paperback. Il teste d’abord deux anthologies constituées de réédition de matériel provenant des magazines du groupe (en non des rééditions de livres). Devant le bon accueil de ce galop d’essai, le groupe lance la collection « Gold Metal Books » qui est constitué de livres de poche originaux (paperback originals). L’interdiction contractée avec New American Library est donc contournée. Cette expérience va bouleverser le monde de l’édition qui était jusqu’à lors basé sur des nouveautés en hardback (reliés) et des rééditions en paperback (livre de poche).
En effet pour attirer des auteurs qui alimenteront sa collection Fawcett va révolutionner le mode de rémunérations des écrivains. Le groupe se propose de calculer les royalties de l’auteur en fonction du tirage et non en fonction des ventes, ce qui leur assure une bien meilleure rémunération. La collection va attirer des auteurs qui deviendront extrêmement célèbre comme David Goodis, John D. MacDonald Richard Matheson et Mickey Spillane.
Le groupe Fawcett fera l’objet de nombreuses opérations capitalistiques et ses activités toujours existantes appartiennent à plusieurs groupes de presses célèbres comme Ballantine ou Hachette Publications.
Durant sa période de production de comics, Fawcett a donc été un intervenant majeur du secteur et a (comme d’autres) noué des relations avec l’étranger pour diffuser ses productions. Nous reviendrons longuement sur les traductions françaises de sa continuité super-héroïque (la plus prolifique en France entre 1939 et 1969) et n’évoquerons dans cet article que deux personnages qui ont en commun leur origine « cinématographique) ».
Le premier personnage récurrent de Fawcett à être apparu en France est Don Winslow of the Navy. Les aventures de cet officier des services secrets de la marine américaine étaient initialement publiées en comic strip par le Bell Syndicate. Devant le succès, un feuilleton radiophonique était lancé en 1937 puis le personnage était adapté en serial par Universal Films en 1942. Suite à cette présence médiatique, Fawcett licencie le personnage pour exploiter une ligne de comics books en 1943. Le personnage sera traduit en France notamment dans l’hebdomadaire L’Aventureux des Editions Mondiales (la version comic strip) puis en Récits Complets dans les collections Hurrah !, L’Audacieux et Les Belles Aventures entre autres (toujours aux Editions Mondiales).
Le deuxième personnage important de Fawcett à être publié en France est Nyoka the Jungle Girl. Il s’agit encore une fois de l’adaptation en comic book d’un personnage de serial ayant obtenu un large succès (même si la paternité du personnage remonte à un roman d’Edgard Rice Burroughs, le père de Tarzan). Jungle Girl qui est l’adaptation en comic du film (une première mondiale) apparaît donc en 1942 et met en vedette un personnage très différent des autres « jungle girls ». Habillé dans une tenue de brousse très classique (même si certaines scènes ne sont pas sans recélées un érotisme léger), ayant été élevé par ses propre parents (et non une tribu d’animal), Nyoka n’a qu’une très vague ressemblance avec les tarzanides de l’époque. Il faut dire que son origine cinématographique ne permettait pas les mêmes audaces que ses concurrentes de papier. Elle bénéficiera néanmoins par la suite d’un titre éponyme qui perdurera même lors de l’acquisition d’une partie des titres Fawcett par Charlton.
En France, le personnage sera rebaptisé Liana (sic) fille de la jungle et publié à partir du numéro 9 de l’hebdomadaire Mon Journal (des Editions Aventures et Voyages) en 1946.
[Jean-Michel Ferragatti]
Tout petit détail : le personnage de Jungle Girl ne doit en fait pas grand chose à Edgar Rice Burroughs. Il avait uniquement vendu les droits d’utilisation du titre de l’un de ses romans. La « Jungle girl » de son roman est en fait une princesse cambodgienne dans une cité perdue et non une Tarzane.
Liana ? Quelle folie ! 😉
L’hebdomadaire « Mon journal » a-t-il un rapport avec les éditions « Mon Journal » qui ont publiées, entre autres (je crois), »Akim » ? Qui était, d’ailleurs, lui meme une sorte de Tarzan ou de Zembla, accompagné de guenons parlantes. Savez-vous d’ailleurs quelles différences entre Zembla et Akim ? Maison d’édition, date de création, inspiration d’un ouvrage … ?
Sinon je connais les 2 perso et leurs univers pour avoir lu leurs aventures dans ma jeunesse.
Comme a chaque numéro, intéressant et surtout instructif!
Les éditions Mon Journal n’existent pas (enfin à l’époque et jusqu’en 1991). Leur nom officiel est Aventures et Voyages. Il s’agit d’une société créée au sortir de la guerre par une ancienne résistante Bernadette Ratier. La première publication de cet éditeur est l’hebdomadaire « Mon Journal ». Lorsqu’il cesse de paraître, les autres titres de l’éditeur porteront un logo indiquant « Mon Journal » d’où la confusion et l’appellation « commune » de l’éditeur.
Akim et Zembla ont la même inspiration puisqu’il ne sont que des copies / hommages / pastiches / déclinaison du personnage de Tarzan (tous ces personnages sont d’ailleurs communément Tarzanides). Akim est une traduction d’une série italienne alors que Zembla est une création commanditée par la maison d’édition Lug afin de justement concurrencer la traduction française d’Akim par Aventures et Voyages.
Le point commun des deux personnages (hors l’influence de Tarzan) est qu’ils ont été créés par le même dessinateur : Augusto Pedrazza. Mais si ce dernier dessinera Akim d’un bout à l’autre, Zembla sera très rapidement repris par Franco Oneta.
Le Journal de Mickey publie également le strip à partir de janvier 1938, jusqu’en 1943, sous le titre « Bernard Tempête ». Il est du aux officiers américain Frank V. Martinek (sc) et Leon A. Beroth assisté de Carl Hammond.