French Collection #322
5 octobre 2016Cette semaine, nous allons étudier un personnage qui est d’une certaine manière la suite logique de celui de la chronique de la semaine dernière. Un an après avoir créé Hell Rider (cf. French Collection #321), le scénariste Gary Friedrich est scénariste chez Marvel Comics après avoir quitté Skywald Publications. Contrairement à Skywald, Marvel Comics est en plein expansion et possède un magazine destiné à tester les nouveaux concepts de l’éditeur. Marvel Spotlight #5 (1971 Series) arbore sur sa couverture un motard au crâne enflammé avec comme titre Ghost Rider et sous titres « is he alive.. or dead? A legend is born! » (est-il vivant ou mort ? Une légende est née !).
Nous y découvrons l’histoire de Johnny Blaze dont le père Barton Blaze est mort lors d’un spectacle de cascade à moto. Orphelin, même si nous apprendrons dans des épisodes ultérieurs que sa mère n’est pas morte mais a quitté son père en emmenant son frère et sa sœur, le jeune homme est adopté par Graig « Crash » Simpson, le propriétaire du cirque dans lequel son père se produisait. Johnny suit donc Crash qui a un numéro de cascadeur avec sa femme Mona et sa fille Roxanne. Bien que traumatisé par la mort de son père, Johnny s’entraîne avec Roxanne jusqu’au jour où la moto s’enflamme. Johnny tente de sortir la moto du chapiteau mais s’écrase contre un arbre. La moto explose blessant mortellement Mona qui accourait à son secours. Sur son lit de mort, elle fait jurer à Johnny de ne jamais devenir cascadeur. Cette promesse va lui peser lourdement notamment car elle l’éloigne de Roxanne, dont il est inconsciemment amoureux, qui le perçoit comme un lâche, puisqu’elle est ignorante de son serment.
Mais elle le surprend en train de s’entraîner secrètement et découvre ce serment dont elle se doutait. L’hypothèque de sa lâcheté levée, les deux jeunes adultes se mettent en couple mais un événement va tout bouleverser. Alors que Roxanne & Crash viennent de décrocher le Madison Square Garden pour leur numéro, ce dernier leur apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable qui le condamne dans quelques semaines. Tandis que Crash se désole de ne pas avoir de « fils » pour lui succéder (ce qui paraît maintenant comme extrêmement machiste puisque Roxanne partage déjà son numéro), Roxanne demande à Johnny de reprendre le numéro. Mais comme celui-ci refuse une nouvelle fois Roxanne le traite de lâche et Crash le renie.
Le jeune homme part s’enfermer dans sa chambre et décide d’effectuer un rituel de magie noire. Il invoque Satan (même si ultérieurement il sera précisé qu’il s’agissait du personnage de Mephisto) et lui propose de devenir son esclave s’il guérit Crash Simpson. Le jour du spectacle au Madison Square Garden, Roxanne le prend à part car Crash a décidé pour sa dernière exhibition de tenter le record du monde de saut. Johnny essaye de le dissuader mais renonce après avoir une nouvelle fois été traité de lâche. Et puis, n’a-t-il pas la parole de Satan d’épargner Crash. Malheureusement, Crash s’écrase et meurt tragiquement. Se sentant trahi, Johnny monte sur sa moto et réalise l’exploit. Mais contrairement à ce qu’il pensait, Roxanne n’y voit qu’une provocation et le quitte. Le soir même, désespéré dans sa chambre il voit apparaître Satan qui vient chercher son dû ! Johnny refuse car il considère qu’il a manqué à sa parole. Mais son nouveau maître lui signale que Crash n’est pas mort de sa maladie et qu’il a techniquement tenu parole.
Mais alors qu’il le transforme en une sorte de diable enflammé, Roxanne surgit et réussit à repousser Satan avant que la transformation ne soit entière. Elle a découvert ses livres de magie noire et soupçonnait ce qu’il avait fait pour sauver son père. Soulagé de la défaite de Satan, les deux amoureux se retrouvent. Mais le soir même, Johnny à la migraine et la fièvre puis se transforme en un squelette enflammé qui erre dans les rues de New-York. Après avoir été aperçu par une bande de malfrat, il fait la une des journaux et réalise alors que sa destinée est de devenir The Ghost Rider. Mais Satan n’entend pas se laisser priver de sa victime et met sur le chemin de The Ghost Rider [Johnny Blaze] un gang de motard qui se fait appeler The Satan’s Servants qui l’accueille parmi eux. Ce qu’ignore Johnny c’est que sous le masque de leur chef qui se fait appeler Curly Samuels se cache Graig « Crash » Simpson à qui Satan a promis la vie éternelle en échange de l’accomplissement complet du rituel qui doit lui accorder l’âme de Johnny.
Malheureusement, l’amour de Roxanne le protège toujours et Satan ordonne à Crash de tuer sa propre fille. The Satan’s Servants va la capturer malgré l’intervention de Johnny qui se présente devant le public sous sa forme de The Ghost Rider. Johnny va réussir à interrompre le rituel de sacrifice de Roxanne et combattre Crash jusqu’aux enfers. Mais lorsqu’il doit tuer celui qu’il considère comme son propre fils, Crash se rebelle et l’aide au contraire à s’enfuir. Pour ce geste, Crash obtiendra le pardon The Messenger qui apparaît comme le représentant de dieu. Il est intéressant de voir qu’au début, les pouvoirs de The Ghost Rider [Johnny Blaze] sont très différents de ceux qui lui sont actuellement associés. Premièrement, il utilise une moto bien réelle et pas sa Hellfire Motorcycle créé de feu d’enfer. Il est dès le départ capable de projeter du feu mais celui-ci ne brûle pas l’âme de sa victime. Il semble par contre dès le début montrer une force hors du commun.
The Ghost Rider [Johnny Blaze] va continuer d’apparaître dans Marvel Spotlight (1971 Series) pendant sept autres numéros. Au cours de ce premier run, les intrigues vont rester orientées vers le surnaturel même si elles changent de décors. En effet, Johnny décide de sauter au-dessus du Grand Canyon (ce qui est d’ailleurs irréalisable puisque sa largeur minimum est de 5.500 mètres) et se retrouve dans la réserve indienne du même nom. IL va d’abord être confronté à Sam Silvercloud qui souhaite faire échouer sa tentative puis à Snake-Dance un sorcier indien et ses Serpent-Men ! Ces derniers vont une nouvelle fois capturer Roxanne pour la sacrifier, mais elle sera bien sur sauver par The Ghost Rider [Johnny Blaze]. Il affrontera ensuite Linda Littletress, la fille de Snake-Dance, qui a été sauvé lorsqu’elle était petite par Graig « Crash » Simpson. Mais devenu adolescente elle est envoyée à l’université et partage sa chambre avec Jennifer Glazer qui se présente dès le début comme une sorcière. Mais il ne s’agit pas d’une plaisanterie et Jennifer profite de la présence de Linda pour la consacrer à Satan avec The Sisterhood of Satan qu’elle dirige.
Devenue The Witch-Woman [Linda Littletress] elle tentera également sans succès d’apporter l’âme de Johnny Blaze à son maître. Elle semble même se sacrifier pour sauver celui qu’elle doit condamner ! The Ghost Rider [Johnny Blaze] apparaît en 1972 dans une publication de comic mainstream grâce à la révision l’année précédente du Comic Code. Suite à un débat interne sur la représentation de la drogue initié par Marvel Comics, les éditeurs membres du conseil d’administration de La Comic Code Authority votent un assouplissement du Comic Code sur ce sujet mais également sur d’autres. Est ainsi levée l’interdiction de représentation des principaux monstres de la littérature fantastique à condition qu’ils soient représentés dans la manière classique des œuvres d’origine.
Marvel Comics sera un des premiers éditeurs à s’engouffré dans cette opportunité et produira plusieurs séries dans la veine horrifique pour alimenter son expansion dont notamment Ghost Rider bien que son rattachement à des œuvres littéraires classiques soit un peu éloigné. Quoi qu’il en soit, le personnage recevra un très bon accueil auprès du public, ce qui lui vaudra d’obtenir un comic à son nom sur lequel nous reviendrons très bientôt. Une autre circonstance autour du personnage doit également être abordée, en liaison avec notre paragraphe d’introduction. Comme pour la création de Hell-Rider [Brick Reese] chez Skywald Publications, Gary Friedrich est crédité du scénario de Marvel Spotlight #5 (1971 Series) tandis que Mike Ploog est crédité des dessins.
Au regard des similitudes des deux personnages, il n’est pas étonnant que Gary Friedrich revendique la paternité du personnage de Marvel mais l’histoire n’est pas aussi simple que cela. Roy Thomas alors Rédacteur en chef de Marvel a indiqué dans une interview à Comic Book Artists que Gary Friedrich lui a fait part de son souhait de réutiliser The Stunt-Master, un adversaire de Daredevil dont il est scénariste et que Roy Thomas a créé auparavant (qui a eu l’honneur de la couverture de Strange 1ère série n° 57 par l’immense Jean Frisano). Mais à la place du simple cascadeur à moto, il souhaite en faire un pilote ressortant du surnaturel et appelé The Ghost Rider. L’idée enthousiasme tellement Roy Thomas qu’il propose à Gary Friedrich de développer l’idée pour une nouvelle série.
Toujours selon Roy Thomas, Gary Friedrich étant absent il a désigné le personnage avec Mike Ploog qui était l’artiste choisi pour la nouvelle série. Roy Thomas revendique l’idée de la tête squelettique ainsi que la tenue de motard en s’inspirant du costume d’Elvis Presley lors de son come-back de 1968 tandis que Mike Ploog aurait rajouté les flammes sur le crâne. Mike Ploog ne se rappelle plus les circonstances exactes de la création de The Ghost Rider mais se rappelle qu’il ne pouvait lui mettre un casque sur la tête et que donc les flammes étaient une alternative logique peu importe qui y a pensé en premier. Il pense par contre que le costume est inspiré de celui du premier personnage détenteur du nom et sur lequel nous reviendrons bientôt. Gary Friedrich pour sa part a toujours considéré que le personnage est sa création unique et qu’il a toujours été question d’un motard à la tête enflammée. C’est ainsi que lors de la production du film Ghost Rider, Friedrich entamera une procédure judiciaire vis-à-vis de tous les intervenants du film pour violation de propriété.
Malheureusement l’auteur a perdu en première instance car Marvel Comics a présenté des documents prouvant que Friedrich avait renoncé à ses droits. Le jugement mettait même à la charge de Gary Friedrich une somme de 17.000 $ de dommages et intérêts ainsi qu’une interdiction de vente de produits dérivés dans les conventions. Les fans de comics s’étaient émus de ce jugement que Friedrich était incapable de payer, ayant déjà engagé des montants importants dans la procédure. Suite à un appel de Friedrich pouvant à terme lui être favorable, Marvel Comics & Friedrich ont trouvé un accord amiable mettant un terme à cette bataille juridique. Bien loin (temporellement comme géographiquement) de cette bataille, The Ghost Rider a commencé à être publié en France dans le Petit Format en N&B Etranges Aventures 1ère série de l’éditeur nordiste Artima – Arédit avec de manière assez étonnante Marvel Spotlight #5 (1971 Series). Le véritable épisode fondateur ne sera publié que bien plus tardivement par l’éditeur Lyonnais Lug dans un de ses Strange Spécial Origines.
The Ghost Rider sera baptisé indifféremment en français Le cavalier fantôme ou Le motard fantôme ou Le motard du diable, etc…
[Jean-Michel Ferragatti]
Toujours aussi craneur, cete vieille tête d’os!
Merci pour l’eclairage sur les circonstances de sa creation.
Avec grand plaisir. Restez bien attentif car il y aura bientôt un complément d’une certaine manière.
Sur comment Jésus lui a appris à créer une moto enflammée ?
😉
Bonjour JMF, toujours un réel plaisir à revivre avec vous les émois certains de nos petites lectures adolescentes.
Expérience d’un « ancien » désormais, qui l’autorise peut-être aussi maintenant à corriger ici une …petite inexactitude chronologique.
Pour connaître enfin l’aventure initiale du MOTARD FANTÔME – celle à l’origine du MARVEL SPOTLIGHT #5 – les jeunes » French Collectionneurs » de ces temps (super)héroïques n’eurent pas besoin d’attendre la parution plutôt tardive du STRANGE SPÉCIAL ORIGINES n° 235 (thanx Comics VF.com !).
Non, la maléfique et néanmoins précieuse histoire leur avait été offerte bien avant. Mais comme ce fut si souvent l’usage (un rien maléfique lui aussi mais ça eût ce généreux avantage de faire accélérer toujours plus loin leurs neurones flambantes-neuves) chez ARTIMA, elle aura effectué à son tour pendable le grand saut du numéro …INATTENDU !
À la toute fin de l’ÉTRANGES AVENTURES n° 56 du 4ième trimestre 1977, après les cent pages d’une (assez fastidieuse) suite « Ka-Zarienne », l’Aventure « oubliée » tomba en effet comme un cheveu BRÛLANT dans le brouet infernal, si j’ose dire.
Le trop véloce Johnny Blaze ayant alors pris déjà pas mal d’élan depuis son 40ième numéro d’E A première série du 1ier trimestre 1975, il aurait été néanmoins encore plus mal intentionné d’intituler ce simple « préquel » de complément (rétroactivement parlant of …course) : « MOTARD FANTÔME ! » comme la traduction fidèle du titre original l’exigeait pourtant.
Non, » LA MALÉDICTION DE SATAN » semblait quand même mieux indiquée pour couper court à toute réclamation éventuelle des participants.
Bonjour Oromasès, je vois avec plaisir que tu es toujours lecteur et que tu postes maintenant tes commentaires directement sur le site à la place du forum ou je lisais tes commentaires.
Concernant l’origine de Ghost Rider [Johnny Blaze] c’est à la fois vrai et faux. L’épisode publié dans Etranges Aventures n° 56 n’est pas la traduction de Marvel Spotlight #5 (1971 Series) mais celle de Ghost Rider #10 (1972 Series) qui reprend en effet l’origine de Ghost Rider mais dans une version légèrement modifiée.
Mais tu as bien fait d’indiquer que les lecteurs de l’époque n’auront pas eu à attendre Strange Spécial Origines pour lire l’origine de Ghost Rider [Johnny Blaze], même si ce n’était pas l’épisode de Marvel Spotlight #5 (1971 Series).
En effet, JMF. Merci pour tes précisions aussi éclairantes qu’un certain crâne enflammé filant illico presto dans les rues mal famées de Greenwich Village.
Je viens de comparer mes sources – à savoir, le vénérable E A 1ière série n° 56 et le MARVEL CLASSIC de chez PANINI sorti en Janvier 2012, lequel atteignait alors son numéro 5 …nom d’un MARVEL SPOTLIGHT, y’a des sacrés coincidences qui me feraient presque froid dans le dos !
Les légères modifications dont tu fais pertinemment état ont agi à l’évidence comme un petit numéro d’escamotage (restons dans les Arts du Cirque chers à feu Crash Simpson) de 2 planches du MARVEL SPOTLIGHT #5.
Cet opus originel en totalisant 22, j’imagine donc que pour rentrer dans le format un peu moins feuillu alloué au GHOST RIDER #10 (on va pas supprimer les pubs pour les petites motos en plastique quand même !), les éditeurs rédacteurs aux guidons de ce supposé » revival » rafraîchisseur de mémoire (Diable ! Fait chaud sous le casque…) ont choisi d’expédier les 2 malheureuses péripéties narratives concernées ad patres. Jugées désormais trop purgatoires … oh pardon, trop accessoires, sans doute.
Ainsi primo, bye bye, la planche 4 du premier montage : une barrière de feu s’est érigée subito devant les deux malfrats qui pensaient acculer notre bouillant Johnny dans un cul-de-sac sans qu’on sache d’où c’est qu’elle sort. Remarquez, du haut de mes 15 ans à l’époque (toujours cf. E A n°56 paru l’année « Punk »), j’avais pas tiqué non plus sur ce plus qu’Étrange phénomène de génération spontanée !
Et secundo, exit la planche 11 du Director’s cut original : tant pis alors, pour les chaleureuses embrassades ponctuées de grandes déclarations d’amour entre deux jeunes cœurs marqués par le Destin qui n’auront jamais froid aux yeux, malgré ça.
Consolation rétroactive (autrement dit, fantôme) : one year later, à 16 ans bien sonnés, j’entendrai dans mon poste Optalix TO 99 un tout nouveau groupe de blondinets british un rien policés (casques d’or, eux aussi) chanter à tue-tête » ROOOXANNE !!! « .
À bientôt, j’espère JMF, pour d’autres souvenirs émus de vieux combattant.
Ps. Le forum où tu lisais mes commentaires, eh bien, j’en suis banni …et heureux de l’être (!) comme il disait je ne sais plus quel Dracula de la meilleure veine parodique.
Peut-être qu’il y a encore dans ses hautes sphères (du Forum, pas du cher vampire) certains « Caractères » ou » personnages » – cela dit sous parallèle de traduction non déplacé ici, je pense – qui nonobstant leurs carences manifestes en matière de dérision* seraient là aussi, bien trop policés (pour être honnêtes ?) dans leurs têtes.
Ressenti tout personnel, bien entendu.
* les mêmes qui se déclarèrent à l’occasion comme : « Je Suis Charlie », un comble !
Oromasès, vous avez eu l’intelligence de ne pas nommer le forum en question – j’ignore de qui ou de quoi il s’agit – et donc j’ai validé votre message dans l’état. MAIS votre PS ne nous intéresse en aucune manière, nous n’avons pas vocation à importer les disputes venues d’autres sites ou entretenir des polémiques nées ailleurs et donc merci par avance de ne pas entrenir cet aspect de la discussion. Nous ne savons pas qui/quoi/comment mais ce n’est pas notre affaire. Thanks.
C’est entendu et digne d’être respecté.
Aussi, aucun souci de mon coté si à votre tour, vous réalisiez dès maintenant le petit numéro d’escamotage nécessaire pour alléger dès maintenant mon dernier commentaire de son aparté finale que je (re)considère désormais comme le plus superflu des accessoires.
Merci.
Non, c’était juste un recentrage (et par ailleurs l’exemple peut servir à d’autres). Dès lors que personne est attaqué en son nom propre et que le sujet se limite à un PS, ok, pas de problème.