French Collection #38

[FRENCH] Découverte de la seule incursion française de l’éditeur américain Fiction House au travers de son personnage Sheena, Queen of the Jungle dont la publication a marqué les jeunes lecteurs français et américains. Sheena, Queen of the Jungle est historiquement parue au Royaume-Uni dans le numéro 1 du magazine Wags en 1937. La série est produite par le célèbre studio Eisner & Iger. Elle a traversé l’Atlantique dans les bagages de l’Editor Press Services, un des clients du studio. La série était signée du pseudonyme W. Morgan Thomas mais les premiers épisodes étaient visiblement l’œuvre de Mort Meskin.

A l’origine, Sheena est la fille d’un explorateur américain, Cardwell Rivingston, qui est tué accidentellement par un sorcier africain du nom de Koba. Ce dernier élèvera la petite fille, visiblement privé de toute famille, parmi les siens. Elevé dans la jungle, Sheena gagnera une forme athlétique et la capacité de domestiquer les animaux sauvages avec qui elle a grandie. Comme Tarzan, son modèle évident, les aventures de Sheena se dérouleront dans une jungle africaine idéalisée qu’elle traversera avec un costume en peau de léopard. L’aspect « jeune femme sauvage dévêtue » constituera d’ailleurs le principal attrait du personnage dans toutes ses incarnations. Le pendant de Jane, étant un jeune occidental nommé Bob Reynolds qu’elle passera son temps à sauver.

Le personnage retraverse ensuite l’Atlantique lorsque l’éditeur de Pulp Fiction House commande au studio Eisner & Iger un comic book. Ce dernier nommé Jumbo Comics reprend donc les épisodes publiés dans Wags en septembre 1938 et continuera à en publier jusqu’en avril 1953 (même si elle n’investie définitivement la couverture qu’à partir du numéro 17). De 1942 à 1952, Sheena bénéficiera même de son propre magazine, dénommé logiquement Sheena, Queen of the Jungle, qui est le premier titre de l’histoire du comic consacré à un personnage féminin.

Rapidement, son origine sera redéfinie. Ses deux parents deviennent des missionnaires qui décèdent en Afrique alors qu’elle n’est qu’un bébé et la jeune Sheena est alors recueillie par une sorcière nommée N’bid Ela. Le vrai changement par rapport à l’origine du début est que la petite Sheena est maintenant accompagné de Chim, un gorille et qu’elle est devenue la reine blanche de la tribue où elle a été élevée.

Devant le succès du personnage, de nombreux éditeurs se lanceront sur les traces de cette plantureuse occidentale légèrement vêtue donnant ainsi lieu à la naissance d’un genre « jungle » rattaché à celui du Good Girl Art. Il est à noter que Fiction House lui-même avait lancé d’autres titres relevant du genre générique avec notamment Firehair (une jeune femme un peu moins dévêtue dont les aventures se situent dans le far-west). Mais vers le début des années cinquante, la vague de moralisme qui frappe les comics pousse visiblement Fiction House a mettre fin à sa division comics en 1954.

Mais le personnage, porté par son succès passé, poursuit sur sa lancée et est décliné en série télé entre 1955 et 1956. Sheena sera interprété pendant 26 épisodes par le mannequin Irish McCalla. Ce passage permettra au personnage de continuer à exister dans l’imaginaire américain. Le personnage fera même l’objet d’un film éponyme en 1984 avec Tanya Roberts (actrice notamment vu dans BeastMaster [Dar l’invincible en France], la dernière saison de Charlie Angels [Drôles de Dames en France] et le James Bond « Living Daylight »). Enfin, une nouvelle série télé sera tournée en 2000 avec Gena Lee Nolin (une ancienne star de Baywatch [Alerte à Malibu en France]).

La version cinéma sera adaptée la même année en comic book par Marvel dans Marvel Super Special #34 (par Cary Burkett et Gray Morrow). Marvel avait déjà longtemps auparavant rendu un hommage assez « transparent » en termes d’inspiration graphique à Sheena, Queen of the Jungle à travers son personnage Shanna the She-Devil.

Quelques rééditions de comics consacrés à Sheena elle-même ont été publiées au moment de la sortie du film (par Eclipse Comics et Blackthorne Comics) et quelques épisodes originaux au fil des ans par des éditeurs de comics indépendants.

En France, Sheena, Queen of the Jungle à un parcours assez atypique. En effet, la première jungle girl à paraître (fin 1948 ou début 1949) dans le pays n’est pas Sheena mais un clone italien du personnage nommé « Panthère Blonde » (Pantera Bionda) dans une collection de Récit Complet éponyme à la Librairie Moderne, une maison d’édition qui fusionnera avec la SAGE (qui prendra ultérieurement le nom de Sagédition).

Le Récit Complet Panthère Blonde durera 12 numéros avant qu’un numéro zéro (un feuillet distribué dans une autre publication de la SAGE) n’annonce le lancement de Youmbo Comics (la traduction phonétique du titre américain de Fiction House). Il ne s’agira en fait que d’un changement de titre puisque Youmbo Comics commencera sa numérotation au numéro 13.

S’agit t’il d’une action de Fiction House auprès de la SAGE qui abouti à ce changement de nom et à la publication de « l’original » ? Nul ne le sait mais en tout cas, Panthère Blonde continuera d’être publiée en parallèle (à ma connaissance le seul cas d’un personnage et de son clone publié dans le même titre).

La plastique de Panthère Blonde émoustillait déjà les lecteurs français bien que son costume resta assez sage dans les premiers épisodes (la version beaucoup plus dénudée ne fut que publiée plus tardivement en Italie). L’arrivée de Sheena laissa des souvenirs encore plus profonds (un libraire bordellais me confiait qu’il s’agissait d’un de ses premiers souvenirs d’adolescent).

Youmbo Comics publia non seulement les aventures de Sheena mais repris également des couvertures de Jumbo Comics (la couverture reproduite dans l’article correspond au #110). Mais le caractère « sexué » du personnage au moment de l’adoption de la loi sur les publications de la jeunesse en 1949 était visiblement trop marqué. Sheena disparaîtra donc de Youmbo Comics, aux numéros 31 ou 32, pour être remplacé par des séries beaucoup plus « décente ». Panthère Blonde ne lui survivra guère même si des efforts avait été faits pour cacher ses atouts féminins (1). Sheena ne fera qu’une seule réapparition en France dans un album (chez Carrère – Michel Lafon) adaptant le Marvel Super Special #34.

[Jean-Michel Ferragatti]

(1) Il est possible de voir un exemple de ce travail sur le site de la librairie Fantasmak (http://www.fantasmak.com/html/planches/panthere.html).

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