Inlassablement, le dessinateur italo-américain nous fait signe. Tonci Zonjic, Chris Samnee, Francesco Francavilla. Si nous jetons un œil rapide à leur trait, il nous faudra deux ou trois cases pour les distinguer. Les trois artistes en effet portent en eux l’héritage assumé de la manière Milton Caniff. Une manière qui doit beaucoup à un usage particulier du pinceau.
Le trait est jeté et léché comme celui d’un calligraphe. Les ombres sont des aplats de noir omniprésents. Si la lumière et les silhouettes sont réalistes, les visages sont simplifiés, codifiés dans une épure qui vise l’efficacité. Les lignes droites sont tracées à la main, sans l’aide géométrique de la règle ou autre outil numérique.
Mais en réalité il suffit d’une case et d’une seule pour identifier l’art de Francavilla. Et c’est par la couleur qu’il se singularise sur le champ. Car c’est lui, toujours, qui la prend en compte. Et les compositions tonales de Francesco n’appartiennent qu’à lui.
Nous pourrions aborder son travail à la lumière des complémentarités, ou-bien des saturations, ou encore des contrastes. Mais il y a une façon plus directe et plus simple à la fois. Une façon plus sensorielle que conceptuelle. Posons-nous devant une de ses planches. Laissons-nous guider par la contemplation. Et assez vite une impression diffuse va s’imposer. La même que nous éprouvons face à un coucher de soleil !
Une fois ce constat établi, il est impossible de revenir en arrière. Difficile d’y voir autre chose. Que ce soit tout au long d’un récit, que ce soit dans une planche isolée, que ce soit dans une case unique, que ses personnages évoluent dans la rue, sur les toits ou dans un espace fermé, qu’il cadre un plan d’ensemble urbain ou un gros plan de visage, tout semble baigner continûment dans un coucher de soleil qui s’éternise.
Les mêmes déclinaisons de rouges et d’oranges de l’astre qui disparaît, les mêmes nuances de bleus, de violets, de gris chauds et insaturés du ciel qui s’assombrit. Tout chez Francavilla procède de ce soleil qui, déclinant, a toujours fasciné l’humanité par sa palette.
Nous évoquions le style de Caniff. A l’heure où les influences de la BD franco-belge et du manga ont croisé (et continuent de le faire) le travail des dessinateurs de comics, à l’heure où le numérique multiplie les outils calibrés, il faut bien reconnaître que ce style-là se fait rare. Mais comme un feu qui, sous les braises, refuse de s’éteindre, il perdure encore et toujours, notamment dans le travail des trois artistes cités. C’est un déclin qui n’en finit pas.
Et en habillant le trait de Milton par les seuls pigments du couchant, Francavilla, au-delà de toute étude savante, par-delà toute analyse détaillée, se contente de nous faire signe.
Il nous montre sans cesse du doigt la beauté du déclin.
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