Scénariste à succès, Matt Fraction produit ses propres comics indépendants (Sex Criminals, Casanova, Satellite Sam…) tout en poursuivant une activité occasionnelle chez Marvel ou DC (après Hawkeye, il vient de passer une année à écrire les aventures de Jimmy Olsen…). Quelles sont les retombées du COVID19 et du confinement pour lui ? La mise en jachère du marché direct (le réseau des comic-shops américain) est-il la mise en jachère de tout ? L’auteur portlandais y voit aussi des opportunités…
Matt Fraction : Nous nous débrouillons du mieux que nous pouvons, avec deux enfants qui maintenant pratiquent de la « télé-école » à la maison. Ils sont devenus le focus de notre journée-type. Nous sommes en confinement et aujourd’hui est le Jour 38, je crois, encore que le confinement général de la ville soit venu après. Nous sortons les week-ends pour acheter des vivres. Certains étagères sont vides, d’autres ne le sont pas. Nous sommes en bonne santé et heureux. Tout bien considéré, ca me va.
C.B. : A un niveau professionnel et en dehors de la crise sanitaire, quel est d’après vous le plus gros problème que l’industrie des comics va affronter une fois le confinement terminé ?
M.F. : Elle va se dépêcher de recréer le même marché direct, qui était pourtant déjà était plein de défauts.
C.B. : Avec Kelly Sue DeConnick vous avez lancé il y a quelques temps votre propre label, Milkfed Criminal Masterminds pour produire vos propres titres comme Sex Criminals et Ody-C (traduits en VF chez Glénat Comics) mais vous avez aussi interviewé Jimmy Olsen pour DC dans l’année écoulée. Dans une période comme celle-ci, pensez-vous que travailler sur du « creator-owned » vous rend plus fragile ou moins dépendant, face aux problèmes économiques ?
C.B. : D’un seul coup nous voici dans la version « low cost » d’un film de Steven Soderbergh, à base de virus et de quarantaine. En tant que créateur qui vit de son écriture, vous arrivez à écrire comme d’habitude ou bien les circonstances ralentissent votre rythme de production ?
M.F. : Je fais de mon mieux pour écrire, finaliser mes scripts, faire que les bouquins soient prêts pour l’impression comme si rien n’avait changé. Et je travaille avec mes collaborateurs en espérant qu’ils en fasse de même. J’ai engrangé près d’une demi-douzaine de scénarios pour l’instant.
C.B. : Certains de vos pairs semblent convaincu qu’une fois que le confinement sera terminé et les comic-shops auront rouverts, l’industrie des comics devrait relancer les choses avec un gros événement façon crossover Marvel/DC. Est-ce que cela ne risque pas d’éclipser les titres « creator-owned » indépendants ?
M.F. : La meilleure chose que l’industrie puisse faire quand les portes rouvriront, c’est de proposer du matériel de qualité pour une large variété de publics. Si le marché direct voulait vraiment relancer les choses, ils demanderaient à Raina Telgemeier (Le Club des baby-sitters, Fantômes…) et Dav Pilkey (Capitaine Bobette, Super Chien…) de créer de nouveaux titres.
M.F. : Paraître sous forme de série fait que nous croquons deux fois dans la même pomme. Parce que cela finira par être réédité sous forme de recueil et que nous profiterons aussi des ventes sur le long terme. Le cycle de vente sur sept jours du marché direct n’est pas idéal pour différentes raisons. Mais quand un recueil de Sex Criminals sort, grâce à la sortie sous forme de fascicule nous auront déjà payé l’impression et les livres feront des profits. Et j’objecterais que les « comics » ont déjà adopté le format « BD européenne »/ Original Graphic Novel. Il y a déjà bien plus de bandes dessinées lues sous cette forme que de « comic-books ». Ils sont juste achetés en dehors du marché direct.
C.B. : Les conventions de comics ont été parmi les premières à tomber. On comprend, pour un dessinateur, le manque à gagner causé par cette interruption, avec moins de « commissions » et ce genre de choses. Qu’en est-il pour un scénariste ?
C.B. : On sait qu’en temps de crises les comics ont déjà mis en place des « benefit books » (comme après le 11 septembre 2001 ou la tuerie d’Orlando) et certaines initiatives se dégagent déjà dans ce sens. Est-ce que vous êtes au courant de projets dans ce sens pour les victimes du coronavirus ? Vous seriez partant ?
M.F. : Je ne sais pas. Probablement ? Je ne sais pas qui va les imprimer, les distribuer ou les vendre dans le contexte actuel.
C.B. : Est-ce qu’il y a un autre angle que vous voyez pour cette crise ?
M.F. : D’un autre coté (car il y aura un autre côté à tout ça) quand les imprimeries vont redémarrer et que les boutiques vont rouvrir, les gens vont être affamés de contenus et les librairies vont être demandeurs de produits d’une façon jamais vue. Autant que nous le pouvons, nous devrions faire de notre mieux pour nous préparer et fabriquer les livres que nous voulons voir dans ce monde, les livres que nous souhaiterions voir exister, les livres que – confrontés à une crise globale de cette magnitude – nous réalisons enfin que nous aurions du faire depuis longtemps. Maintenant plus que jamais, il est temps pour les gens de faire entendre leur voix !
[Xavier Fournier]
(Nos remerciements à Matt Fraction)
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