Interview Mike Deodato – Comics en crise 01
25 mars 2020En ces temps troublés pour les comics (la distribution et la production sont désormais mis en pause à cause de l’épidémie du COVID-19) nous initions une sorte de rubrique ou de « journal ». Que deviennent les auteurs de comics pendant ce temps-là ? En quoi sont-ils impactés par la crise et quelles sont leurs perspectives ? Certains sont pessimistes et d’autres c’est tout le contraire : Le premier à nous avoir répondu est le dessinateur brésilien Mike Deodato Jr. (Avengers, Thanos, Berserker Unbound…) qui se trouve, bien malgré lui, avoir anticipé les événements dans sa nouvelle série, The Resistance.
Comic Box : Premièrement, comme nous allons croiser des artistes dans des positions très différentes (les conditions de confinement ne sont pas les mêmes selon les pays), pourriez-vous nous dire quel est votre quotidien et dans quelles conditions vous évoluez en ce moment.
Mike Deodato Jr. : C’est le confinement, oui, mais pour être honnête ça n’a pas changé grand-chose pour moi excepté que je ne sors plus pour aller à la salle de sport ou pour voir mon oculiste. J’ai vécu pratiquement toute ma vie à la maison, où je dessine. Donc je suis habitué à être « en isolation ».
CB : La semaine dernière vous vous être retrouvé dans une situation très étrange avec la sortie aux USA de The Resistance #1 (scénariste par J. Michael Straczynski), pour le nouvel éditeur AWA Comics (piloté par Bill Jemas et Axel Alonso, deux anciens de Marvel). Ce premier numéro décrit dans le détail comment une épidémie meurtrière force la population à éviter tout contact, à se confiner. Quand vous dessiniez ces planches s’était encore de la Science-Fiction mais le temps que cela sorte de l’imprimerie c’était devenu notre réalité.
MD : C’est une coïncidence aussi étrange que malheureuse. Bien entendu ça se résume à ça. Mais c’est par ailleurs un très chouette titre et j’espère vraiment que ces points communs ne vont pas effrayer les gens au point qu’ils n’aient pas envie de lire.
CB : Il se trouve que The Resistance et le reste des premiers titres AWA sont sortis mercredi dernier, à une époque où une bonne partie des comics shops américains étaient déjà fermés. Et depuis l’essentiel de la chaine des comics s’est figée. Vous pensez que ça peut compliquer l’avenir de ce nouvel éditeur ?
MD : Je n’y crois pas. Ça passera. Cette industrie va s’en tirer. On a traversé pire à d’autres époques.
CB : Parlons plus spécifiquement de vous. Que faites-vous à l’instant ? Vous continuez de travailler sur des comics à venir où bien vous avez lâché le crayon ?
MD : Je travaille à la même cadence que d’habitude. Là, précisément, je suis en train de dessiner la quinzième page de Bad Mother #3. C’est un autre titre génial d’AWA Comics. C’est écrit par Christa Faust, une écrivaine américaine de polar, plusieurs fois primées.
CB : Comment comptez-vous utiliser cette période de confinement ? Est-ce que vous cherchez des alternatives au travail pour le marché américain ?
MD : Je préfère me concentrer sur mes titres pour AWA. Les seules pauses que je m’accorde viennent du fait que je ne plus aller à la salle de gym. Alors je m’entraîne désormais à la maison.
CB : Avec la distribution américaine en pause, est-ce que vous pensez prendre de l’avance sur vos projets en cours ou bien en profiter pour glisser un petit « creator-owned » en plus dans votre pile de travail ?
MD : J’ai beaucoup de travail qui m’attends chez AWA. Si j’étais assez rapide je pourrais même travailler sur deux projets en simultané. Là, je devrais avoir fini de dessiner Bad Mother d’ici juin. Après ça je vais commencer de travailler sur le deuxième arc de Berserker Unbound (la série barbare qu’il publie avec Jeff Lemire chez Dark Horse Comics, NDLR). Et encore après ça je compte bien revenir bosser sur d’autres projets chez AWA.
CB : Le contexte actuel a aussi vu l’annulation ou le report de nombreuses conventions à travers le monde. Beaucoup d’artistes comptaient économiquement sur ces rendez-vous, par exemple pour vendre des dessins. Est-ce votre cas ?
MD : Non, pas en ce qui me concerne. En fait je dois dire que je me fais tout simplement plus d’argent en restant travailler à la maison. Mais à côté de ça, j’adore aller dans les conventions. J’adore être au contact des fans et voyager dans des endroits très différents. Et ça, c’est ce qui me manque.
CB : Du coup quelle est votre position actuelle. A l’évidence vous n’avez pas besoin de compenser mais est-ce que vous prenez des commandes de « art commissions », est-ce que vous produisez des prints ?
MD : Je ne prends plus de commandes pour des « commissions » parce que je préfère me concentrer sur ma carrière et mes titres « creator-owned » post-Marvel. Et je dois dire que jusqu’ici c’est très excitant. En revanche j’ai maintenant un site mikedeodatostore.com, où les fans peuvent trouver des comics dédicacés et même quelques pages originales. Mon conseil pour les lecteurs mais aussi les pros, c’est de rester chez vous et de continuer de lire ou de produire des comics. Cette pandémie finira par passer. Les comics, eux, sont là pour durer !
[Xavier Fournier]
(nos remerciements à Mike Deodato Jr.)
Merci pour ces « Comics en crise ».
Deodato est pour moi la preuve vivante qu’il faut donner sa chance et que le talent prend du temps
(je l’evitais dans les 90’s tant il me parassait caricatural et aujourd’hui je suis bluffé par ses visages en gros plan)
Je me demandais si a l’occasion il pourrait etre pertinent d’interviewer Kurt Busiek : il a(vait) une actu avec Marvel,
il est assez actif sur les réseaux et on lui doit le personnage de Corona
(dont la creation generera une mysterieuse fievre via les eaux de New-York qui affectera Mary-Jane) :
(A noter : il est précisé que leur labo principal,sans qu’il soit montré, »is in south of France »)
J’ai contacté beaucoup d’auteurs, une partie importante m’a répondu positivement et on peut comprendre que les autres sont occupés par la crise en elle-même où n’ont pas l’esprit à répondre à des itw. Je suis réticent à l’idée de dire qui j’ai contacté ou pas, qui m’a répondu ou pas, parce que ça deviendrait « contractuel » alors qu’il y a encore des raisons qui peuvent faire que quelqu’un change d’avis dans un sens comme dans l’autre. Mais si je devais interviewer Busiek dans ce contexte je l’interrogerais plus sur son actualité (les séries en cours) que sur ce personnage de Corona, qui est très ancien, qui ne risque pas de voir son destin modifié par l’épidémie. Là, on parle de The Resistance parce qu’en un sens c’est « pas de pot » d’arriver avec un épisode d’épidémie ces jours-ci. Comme Wieringo et ses immeubles. Mais sans cette synchronicité la Corona de Busiek n’est pas très pertinente 😉
Bien sur,c’est un petit fait éminemment anecdotique en regard de l’urgence de la situation.
Et encore merci de proposer cette rubrique.