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Jupiter’s Legacy – Saison 1

Jupiter’s Legacy est la première oeuvre née du mariage entre Netflix et Millarworld, le label du scénariste de comics Mark Millar. Alors que les séries TV de super-héros de qualité sont légion ces temps-ci (Watchmen, The Boys, WandaVision, Falcon et le Soldat de l’Hiver…), on attend beaucoup de cette adaptation. Les huit épisodes que nous avons eu l’opportunité de voir en avant-première nous ont laissé un goût d’inachevé. Ça tourne en rond, pourrait-on dire, sans mauvais jeu de mots…

C’est de famille

Utopian (Josh Duhamel) et ses camarades de l’Union sont les protecteurs du monde. Face à eux, les super-vilains deviennent de plus en plus coriaces. Ces super-héros, présents depuis plus de quatre-vingts ans, ont eu des enfants, eux-mêmes devenus héros et vilains. Brandon (Andrew Horton) et Chloe (Elena Kampouris), le fils et la fille d’Utopian et Lady Liberty (Leslie Bibb) ne pourraient être plus différents : l’un est un héros, suivant les traces de son père, la seconde est une starlette, qui utilise sa renommée pour payer ses drogues. Quand le terrible Blackstar (un croisement entre Thanos et Darkseid) s’échappe de la prison haute-sécurité enfermant les super-vilains fait des ravages au sein de l’Union, les générations de héros vont devoir revoir leur position s’ils veulent faire face. Faut-il briser le code sacré des héros : ne pas tuer son ennemi ?

Les aventuriers de l’île perdue

En parallèle, on suit la genèse des héros. Comment ont-ils obtenu leurs pouvoirs ? C’est une quête qui va durer tout le long des huit épisodes. Se situant juste après la crise financière de 1929, ces séquences imitent une ambiance à la Indiana Jones (ou encore La Momie). Une trame scénaristique qui n’est pas exploitée dans les comics d’origine. Mark Millar a sorti en alternance avec Jupiter’s Legacy une autre série de comic books intitulée Jupiter’s Circle. Elle racontait la jeunesse du groupe d’amis super-héros (Utopian, Lady Liberty, Brain-Wave, Skyfox, Blue Bolt, Flare), juste après avoir obtenu leurs pouvoirs. Dans la série TV, les flashbacks se concentrent sur la rencontre du groupe, avec Sheldon Sampson, le futur Utopian, au centre de ce récit. Et c’est normal car Josh Duhamel est la tête d’affiche. Autour de lui gravitent les autres personnages, certains marquants alors que d’autres ne sont (pour l’instant) que des faire-valoir. Et c’est dommage car les autres acteurs se donnent à fond (mention spécial à Ben Daniels) pour mettre en avant leur personnage. Même si l’ambiance vintage est assez sympa, on est vite lassé par les allers-retours entre présent et passé. Cette époque prend trop souvent le pas sur la trame principale. C’est vraiment étrange d’avoir consacré une grosse partie de la saison entière à l’obtention des pouvoirs, quand on sait que ces explications sont expédiées en quelques pages dans le comic book. On aurait préféré voir le passé version Jupiter’s Circle, quand les héros débutent (ils gardent peut-être ça pour la saison 2, me direz-vous…)

Question d’héritage

Mark Millar n’en est pas à son coup d’essai. Après tout, les adaptations des comics Kick-Ass et Kingsman (et leurs suites) ont été un succès au box-office. Le scénariste est notamment connu pour avoir écrit la saga Civil War chez Marvel, qui a en grande partie inspirée le film éponyme. Ultimates, sa version 2.0 des Avengers, a fortement influencé le Marvel Cinematic Universe dans son ensemble. Plus récemment, sa version de Superman élevé en Russie, Superman: Red Son, a eu le droit à sa version animée. Alors quand il annonçait en 2017 que ses licences seront mis en images par Netflix, on attendait beaucoup. Jupiter’s Legacy est donc le premier fruit de cet « union »(en attendant Magic Order). Développée par Steven DeKnight, à qui l’on doit la première saison de Daredevil chez Netflix, et supervisée par Millar lui-même, la série TV avait de quoi séduire. Si visuellement les codes sont là (certaines séquences sont la copie case par case du comic book…), c’est le rythme qui manque. En alternant les séquences passé/présent, on se suit difficilement le récit. Au cas où le spectateur serait vraiment perdu, on a le droit à un détail visuel pour différencier les deux époques : un format plein écran pour les années 30 et un format cinéma pour l’époque moderne… et ça en devient vite énervant. On découvre constamment de nouveaux personnages mais le scénario ne laisse pas le temps de s’attarder sur eux.

La fougue de la jeunesse

Avec huit épisodes, cette saison ne fait qu’effleurer le matériel d’origine dont elle s’inspire. À la manière d’un Game of Thrones, Millar s’amusait à sacrifier certains des protagonistes majeurs dans les premiers numéros de la BD. Le récit avançait à vitesse grand V et s’étalait sur plusieurs années. Ce qui semblait compter avant-tout, c’était la nouvelle génération et le conflit d’opinion avec leurs aînés. Un peu à l’image du récit Kingdome Come de Mark Waid et Alex Ross où des héros rebelles faisaient face à un Superman vieillissant. D’ailleurs, DeKnight et Millar se sont amusés à placer des clins d’oeil à Superman. Il n’y a qu’à voir la ferme très « Smallvillienne » où habite Sheldon et sa famille (sans parler de ses chemises en flannelle). Dans la version télé de Jupiter’s Legacy, on a le droit à des querelles à la Dallas. Le débat découlant des événements du premier épisode est ressassé tout au long du récit, sans vraiment être renouvelé. Le matériel d’origine est si riche, c’est dommage que de ne puiser que dans une infime partie. Alors, ok, peut-être que Millar et Netflix ne veulent pas tout cramer dans une saison et espèrent un avenir radieux pour le projet. Mais il faut bien avouer qu’il faut attendre le dernier épisode et le twist final (bon pas si extraordinaire quand on a lu la BD) pour avoir envie d’embarquer avec Sampson et sa famille pour une seconde saison.

Si souvent on dit qu’il faut passer les premiers épisodes pour se laisser captiver par une nouvelle série TV, dans le cas de Jupiter’s Legacy, c’est quasiment la saison entière qu’il faut s’imposer pour enfin trouver un truc qui retienne notre attention. Dommage car si l’idée de départ est attirante, on a du mal à s’immerger dans cet énième projet super-héroïque. Malgré des moyens clairement mis en images, un casting plutôt bon, on reste sur notre faim. Ne reste plus qu’à espérer que si saison 2 il y a, elle redressera la… pardon, le cap d’une des très bonnes sagas comics de ces dernières années.

[Pierre Bisson]

Jupiter’s Legacy – Saison 1 – Disponible sur Netflix

Photos : © Netflix

Pierre Bisson

Pierre Bisson en plus d'être l'un des rédacteurs du site comicbox.com est aussi traducteur, lettreur et maquettiste.

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