Du 31 mars (demain, donc) jusqu’au 10 septembre 2017, le Musée Art Ludique, à Paris, accueille une exposition intitulée « L’Art de DC – L’Aube des Super-Héros ». Les organisateurs nous conviaient ce mercredi à l’avant-première. Largement orientée vers la Justice League (mais pas seulement), l’exposition regroupe des pièces rarissimes qui remontent jusqu’aux balbutiements des comics. Couvertures originales, artistes pionniers, costumes tirés de films ou de séries TV anciennes, les principales icones de DC y sont abordées à travers différentes facettes qui feront le bonheur des lecteurs, collectionneurs et spectateurs.
Il y a trois ans, le Musée Art Ludique démarrait à travers une grosse exposition Marvel qui avait su créer l’évènement. On ne pouvait guère en sortir sans demander à l’équipe, sur le ton de la boutade, quand est-ce qu’on aurait droit à la même chose pour le concurrent DC Comics. Jean-Jacques Launier, le président du musée, répondait avec un petit sourire qu’il fallait laisser le temps au temps. Un petit sourire qui cachait mal que les choses étaient déjà en marche. Voici donc la deuxième grosse exposition que l’endroit consacre à l’univers des comics, en choisissant une nouvelle fois de ménager les fans les plus hardcore que le public qui connait Superman, Batman, Wonder Woman et les autres surtout par le biais des adaptations à l’écran. On se retrouve donc dans un musée qui prend tour à tour de faux airs de la Batcave ou du Hall of Heroes de la Justice League. On se gardera de faire référence à la Forteresse de la Solitude de Superman car pour le coup une chose est sure en faisant partie des premiers visiteurs : l’exposition devrait faire énormément parler d’elle et il serait très étonnant que le mot solitude soit approprié. Jusqu’en septembre ils vont en voir passer du monde, les super-héros de DC, c’est certain.
Dès l’entrée, le public est mis dans le bain à travers une frise chronologique qui remet dans l’ordre et dans le contexte les apparitions des principaux héros de leurs adversaires. Dans ce « sas » il s’agit de repros mais l’atmosphère vintage qui s’en dégage donne au reste du parcours un véritable ton historique. Le vif du sujet, on y est dès la salle suivante, consacrée à Superman. Et là, clairement, même les puristes trouveront à boire et à manger, avec des originaux de couvertures, de planches (obtenues auprès des propriétaires avec la complicité de Frédéric Manzano). Curt Swan, Neal Adams et d’autres sont au rendez-vous. Des collectionneurs du monde entier ont décidé de jouer le jeu. On trouve même des story-boards, des costumes de Superman ou de Clark Kent. La seconde salle continue sur le thème de Superman, avec carrément des maquettes de la ferme des Kent et du Daily Planet. Puis on se dirige vers le Superman le plus récent à l’écran, c’est à dire la version mise en place depuis Man of Steel. L’invitation étant pour plusieurs personnes, nous avons décidé de découvrir l’exposition en compagnie de quelqu’un qui a compté dans la perception de DC Comics en France : Bernard Trout, qui fut responsable éditorial et traducteur chez l’éditeur Sagédition pendant une quarantaine d’années (voir article dans Comic Box #90). C’est lui qui a veillé à la survie de Superman et Batman de l’après-guerre jusque dans le milieu des années 80. Si Sagédition est resté dans les mémoires pour ses fascicules en couleur seulement une double page sur deux et sur un parler qui, forcément, date un peu depuis, Bernard Trout était de ceux qui s’entêtaient à publier Superman quand c’était mal vu et que personne d’autre ne voulait le faire. Autant dire que rien que le fait de se retrouver à côté du costume de Superman file la banane à ce jeune fan de 88 ans, qui a commencé à lire du DC… en 1939 : « Il y a encore vingt ou trente ans, on n’aurait pas pu imaginer une telle exposition » dit-il, tout sourire…
Notons que par rapport à l’exposition Marvel, le parcours a été cette fois délibérément axés sur les personnages. S’il y a la crème de la crème en termes de dessinateur, il n’y a pas les zones explicatives orientées auteurs (Kirby, Ditko, Buscema…) qu’on trouvait en 2015. Mais il faut reconnaître aussi qu’on parle de personnages en moyenne bien plus vieux, vingt ans de plus qu’un Iron Man ou Daredevil et que de plus certains s’appuient sur une pluie d’accessoires ou de versions. A ce petit jeu, Batman est le grand gagnant de l’exposition. Les vitrines protègent en effet aussi bien des costumes d’adversaire (le Riddler de la fameuse série TV des sixties, le Joker et la Catwoman de Tim Burton…) que différentes batmobiles, batpods et autres variations du bat-arsenal et une armada de tenues tirées des films anciens ou récents. En vis-à-vis, les planches se font toujours très pointues. Bernard Trout passe devant une couverture de Batman : « Tiens, Bob Kane. Enfin lui je ne l’ai jamais rencontré. C’est l’autre Kane, Gil Kane, que je connaissais, un type qui parlait d’une façon si posée qu’on aurait pu croire qu’il était anglais, à l’entendre ! ». Plus loin, une page par Infantino, autre auteur qu’il connaissait, réveille d’autres souvenir. Il convient de souligner que par rapport à l’expo Marvel, le parfum général est sans doute un poil plus vintage. Là où on pouvait emmener des enfants s’émerveiller devant un buste de Groot, où l’ambiance est colorée, on est ici dans une atmosphère un poil plus sombre et des références qui, sans être spécialement obscures ne parleront pas de la même manière aux très jeunes fans de DC.
Il faut dire que l’exposition, actualité cinématographique oblige, laisse la part belle à la « trinité » et à la Justice League. Mais soyez prévenus : vous n’y trouvez aucune salle consacrée à Arrow, Flash ou aux autres séries TV modernes de Warner. Ce qui est mis en vis-à-vis de certaines planches ou couvertures historiques, c’est bien l’univers du cinéma, éventuellement de certains dessins animés (le Superman des frères Fleischer) pas celui des séries TV récentes ou des jeux vidéo. Mais à la décharge des organisateurs, ce n’est pas comme s’il n’y avait pas déjà beaucoup de matière à utiliser, rien qu’en se concentrant de cette manière. Et puis après tout, comme il semble bien difficile d’imaginer qu’une fois passée cette exposition le Musée Art Ludique ne retouchera plus aux super-héros, laisser de coté les séries CW ou Arkham City, c’est aussi une manière de s’assurer d’avoir d’autres événements à monter dans le futur. De ce fait, on aura compris que, dans l’état, il y a donc une salle Suicide Squad (avec la Harley Quinn du film de l’an dernier) mais pas d’espace Justice Society, Shazam ou Teen Titans. Cela n’empêche pas de belles prouesses. Par exemple une couverture d’Amanda Conner représentant Lobo en train d’affronter Harley… est sortie ce mercredi aux USA mais l’original est, ici, à Paris, derrière une vitrine. Et puis par rapport à ce qu’on disait sur les Teen Titans ou la Justice Society, la sélection des planches sait se faire pointue. On a de tout. Peut-être pas littéralement « tout », bien sûr, mais une grande variété de séries, qui vont d’All-Star Squadron à Crisis On Infinite Earths, en passant par des couvertures de Leading Comics (avec les Seven Soldiers) ou d’Adventure Comics (avec le Manhunter de Joe Simon et Jack Kirby). Autant dire qu’on ne voit pas ce genre d’originaux tous les jours.
Wonder Woman a été moins gâtée en adaptations que ses confrères Superman ou Batman mais elle dispose elle aussi d’un espace riche, auquel on accède via un couloir qui, déjà, nous montre un paquet de couvertures classiques de la guerrière amazone. Pour le coup, quand on accède réellement dans la grande salle qui la concerne, on est immédiatement attiré par la vitrine centrale, où trône le costume porté par… Lynda Carter dans la série des années 70. Tout près, un autre mannequin porte une « tenue alternative » de l’héroïne dans le même programme, sa wonder-combinaison de plongée. Au mur ? Vintage, toujours. On a même des croquis de conceptions, des études pour un autre costume de la Wonder Woman du Golden Age. Tiens d’ailleurs, qu’est-ce qui explique qu’en France Wonder Woman ait été traduite régulièrement seulement sur le tard, à partir des années 70 ? Une pression de la censure qui ne voulait pas d’un personnage portant le drapeau américain ou bien un réflexe sexiste ? Ni l’un ni l’autre. L’ancien éditeur de DC en VF nous confie : « On n’a jamais fait beaucoup d’argent avec Superman et Batman. Ça vivotait à l’époque. Alors du coup c’était compliqué d’envisager publier d’autres comics de DC, que ce soit Wonder Woman ou d’autres personnages. » Encore plus loin, l’exposition nous ramène vers la Wonder Woman version Gal Gadot… avec aussi des croquis des concepts du film à venir. Enfin, les derniers mètres nous proposent un montage vidéo et, aux murs, des œuvres plus variées dans les personnages, les styles ou les époques. Flash y croise All-Star Comics, Alex Ross y frôle Murphy Anderson, Brian Bolland et bien d’autres.
La richesse d’une mythologie lancée avant 1938 fait qu’on aura beau jeu de dire qu’il n’y a pas tel ou les personnages. Non, pas de Shazam (*) ou certains autres héros. Aquaman ou Supergirl n’ont pas de salles attitrées, tout comme une ribambelle de leurs alliés. Mais c’est l’exercice qui veut cela, qui nécessite de faire des choix, à moins d’avoir besoin de six musées pour tout mettre (et encore). Ce n’est quand même pas tous les jours qu’on peut voir un original de Doctor Fate ou une couverture des Seven Soldiers originaux. Comme expliqué plus haut, la moyenne d’âge visée est sans doute un peu plus haute que pour l’expo Marvel (ce qui ne veut pas dire qu’il faut forcément avoir plus de 20 ans pour l’apprécier, comprenons-nous bien). Dans l’état, l’exposition est magnifique, dense, riche. On en ressort avec la sensation d’avoir tout vu… mais de ressentir aussi l’envie d’y retourner vite pour mieux apprécier certaines choses. C’est le cas pour notre visiteur embarqué, Bernard Trout, aux anges, mais aussi pour de nombreuses personnes croisées. Et s’il n’y a pas tout ? Et bien il n’y aura qu’à faire une autre exposition ! D’ici là, pour prolonger l’expérience, on peut aussi compter sur un beau catalogue d’exposition, qui reproduit de manière très détaillée les originaux présents dans l’expo. Bref, un passage par le musée s’impose pour les fans de comics.
[Xavier Fournier](*) Pour la petite histoire, Bernard Trout nous a confié qu’à la fin des années 40, quand la SAGE/Sagédition traduisait en France les aventures du « Capitaine Marvel »/Shazam, le personnel de l’éditeur français s’était tellement amusé de ce mot magique que c’était devenu un élément de leur jargon pour dire simplement « d’accord » ou « c’est fait ! ». Si bien qu’à Sagédition, quand quelqu’un disait « bon, on va manger ? » le reste du bureau répondait « SHAZAM ! »
L’Art de DC – L’Aube des Super-Héros au Musée Art Ludique
34, quai d’Austerlitz 75013 Paris
Du 31 mars au 10 septembre 2017
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