Netflix aime généralement mettre à disposition de la presse la première moitié d’une saison. Cette fois, ce sont les treize épisodes de la saison 2 de Luke Cage qu’on nous a donné à voir. Une initiative bienvenue car si la série redémarre dans une atmosphère de déjà-vu, elle installe graduellement un changement global. La plupart des personnages finissent dans des situations très différentes, quand ils ne sont pas tout simplement morts. Fallait pas chercher les Jamaïcains…
A l’issue de la première saison de sa série, Luke Cage était devenu immensément populaire à Harlem et était aimé de Claire Temple. Il n’avait qu’un problème, mais de taille : bien qu’il ait été injustement condamné, il n’en demeurait pas moins un prisonnier en fuite que les forces de l’ordre avaient dû renvoyer en prison. La série Defenders ayant eu l’avantage de montrer et de justifier sa libération, Luke Cage est donc de retour à Harlem, où il a repris ses patrouilles dans la ville, écouteurs vissés aux oreilles et capuche rabaissée sur la tête. Sa popularité est telle que désormais la pègre a lancé une nouvelle drogue à son nom. Opérant toujours depuis l’ancienne boutique de barbier, Luke entend bien mettre fin à ce trafic. Autant le dire tout de suite, le début de la saison 2 de Luke Cage confortera chacun dans l’opinion qu’il/elle pouvait avoir à la fin de la première. Les codes visuels et les éléments de langage sont les mêmes, avec toujours cette stratégie du name-dropping omniprésent. Luke et ceux qu’il rencontre sont toujours des dictionnaires ambulants, de véritables wikipedia ambulants de Harlem, toujours prompts à rappeler que tel musicien de jazz ou telle politicienne étaient des environs. Que la base de départ soit la même n’empêche pas, cependant, qu’il y ait des évolutions ou que l’on élargisse le cadre. D’ailleurs on réalise la chose en deux temps. D’une part les private jokes sont beaucoup plus ouvertes. Luke Cage n’hésite pas à faire des références multiples à James Cameron ou à Game of Thrones. Mais surtout, en l’espace de 13 épisodes la position de Luke évolue grandement. La saison 1 se terminait sur une victoire amère, Luke triomphant mais renvoyé en prison… Celle-ci le laisse dans une autre situation, encore plus complexe…
D’autres personnages sont indirectement concernés par ce qui a été ébauché lors de la série Defenders. Ainsi on avait à peine mentionné Black Mariah et Shades dans la série de l’été dernier. On les disait retirés des affaires, s’étant rachetés une conduite. Cette nouvelle saison nous montre que les choses ne sont pas faites, Mariah et son amant cherchant à vendre leur fond de commerce avant de se retirer. En apparence les choses sont simples. Elles ne vont pas le rester. En face, il y a au demeurant un nouvel prétendant. Bushmaster, un gangster fraichement débarqué de la Jamaïque et qui a l’ambition pour Harlem. Notons au passage que les treize épisodes que nous avons pu voir étaient en VO, avec un travail tout particulier sur le phrasé Jamaïcain et qu’il faudra voir si la VF arrivera à véhiculer ce parlé plus rugueux ou si l’on tombe dans quelque chose de plus caricatural. Dans les comics, Bushmaster est une création de Chris Claremont et John Byrne apparue au moment où Power Man & Iron Fist commençaient à se rapprocher. Le dit-Bushmaster arrivait à convaincre le professeur Burnstein (à l’origine des pouvoirs de Luke) de reproduire sur lui le procédé. Comme la série TV de Marvel Television/Netflix n’a pas autant valorisé le personnage de Burnstein (dans les comics, c’est un véritable mentor pour Luke), le Bushmaster de l’écran (Mustafa Shakir) utilise un procédé totalement différent pour représenter un vrai challenge pour Luke Cage. Sans posséder exactement les mêmes pouvoirs, il fait basculer le rapport de force à Harlem. Il faut dire aussi qu’au-delà des pouvoirs Shakir a beaucoup plus de charisme que Cottonmouth ou Diamondback, les ennemis majeurs de la saison passée.
Bushmaster est d’autant plus un reflet de Luke qu’il y a cette fois une réflexion généralisée sur le sens de la famille. Bushmaster est motivé par l’héritage matériel et spirituel de ses parents et de ses grand-parents. Luke, de son côté, est d’abord déstabilisé par le retour de son père, incarné par l’acteur Reg E. Cathey (décédé en février dernier). Ce père, d’une certaine manière, était à l’origine des problèmes de Luke dans la saison précédente. Le fait que ce pasteur n’assume pas d’avoir deux fils était à la base de tout. Or, le voici qui refait surface, en mode donneur de leçons, maintenant que le fiston est devenu une célébrité. Luke va devoir décider si cet homme a encore une place dans sa vie et s’il accorde encore de l’importance au mot famille. A plus forte raison parce qu’au même moment Luke est aussi tiraillé entre ses responsabilités publiques et sa relation avec Claire Temple. Cette saison tire en effet explicitement parti du fait que la Night Nurse a une certaine tendance à s’intéresser à des surhommes, qui plus est des héros dévorés par leurs doutes. Elle en vient à faire des rapprochements entre ce qu’elle a vécu avec Matt Murdock/Daredevil et ce qu’elle voit en Luke. Et elle n’aime pas ça. Famille, encore et toujours, avec Mariah, hantée à la fois par l’héritage des Stokes, ce qu’elle a fait à son cousin et enfin ses responsabilités de mère. Car on découvre une nouvelle génération de la famille (un personnage connu des lecteurs de Marvel), au demeurant pas pressée de suivre l’exemple de Mariah mais qui n’aura peut-être pas le choix. Il y a malheureusement des moments où la réalisation et la direction d’acteurs est à la peine. Alfre Woodard est crédible quand elle doit évoquer une femme impitoyable, à la fois patronne de la pègre et politicienne. Cependant quand elle est hantée par le souvenir de sa grand-mère Mabel, la chose bascule parfois vers le risible… On est très loin d’un Willem Dafoe hanté par le Green Goblin, pour faire une comparaison.
Pour en revenir à Bushmaster, il y a un autre rapprochement que l’on peut faire. Motivé ici par une vendetta familiale, élevé loin de son patrimoine familiale et désirant s’imposer comme le big boss, il a scénaristiquement un air de famille plus que prononcé avec le Erik Killmonger de Black Panther. D’ailleurs on pourrait aussi faire le lien entre ce qu’il utilise et la plante en forme de cœur aperçue au cinéma. Si l’on prend en compte le fait qu’à la fin du film Black Panther T’Challa ouvrait des ambassades dans les quartiers noirs américains, tous les éléments étaient réunis pour qu’il y ait un certain nombre de références au Wakanda. Mais Marvel Television préfère botter en touche. Même une simple allusion à Hulk se fait à mots couverts. C’est dommage, mais pour autant la série reste ancrée dans l’univers Marvel au sens large avec des mentions diverses, comme par exemple Hammer Industries ou surtout un super-collègue de Luke qui vient lui prêter main forte le temps d’un épisode. Les fans de comics apprécieront aussi de croiser des termes comme Hero For Hire ou Power Man, encore que dans des contextes bien particuliers.
Luke Cage saison 2 ne fait pas l’impasse sur quelques clichés. A commencer par le fait que dès que quelqu’un arrive à une position de pouvoir à Harlem, le personnage ne semble pas avoir d’autre impératif que se précipiter au balcon de la boite de nuit des Stokes pour prendre la pose tout en écoutant de la musique. Ça donne un air mystérieux et puissant, paraît-il. Mais sur plusieurs épisodes les réalisateurs se lâchent un peu trop et vont jusqu’à disséminer jusqu’à trois morceaux d’un même groupe monté sur scène. Ou comment transformer d’un coup de baguette magique un épisode qui aurait pu durer 45 minutes en quelque chose d’une heure environ. L’artifice est un peu trop voyant. Dans le même registre Simone Missick continue d’interpréter Misty Knight d’une façon aussi caricaturale que dans la saison 1, à coups de ‘I mean, Man, what’s the shit, you known whatalmean’, dans un registre totalement différent des autres acteurs. A sa décharge, elle n’est pas aidée par le scénario, qui ne fait même pas le minimum syndical pour représenter de manière convaincante les policiers du district. Le flic qui surgit pour dire aux héros de ne pas se mêler de l’affaire, c’est un archétype en vigueur depuis bien plus longtemps que Mike Hammer et Magnum P.I., c’est certain. Mais quand deux d’entre eux se contentent de chantonner plutôt que de faire un semblant d’enquête, quand bien même il faut montrer que Misty est plus compétente… on n’en voudrait même pas dans une classe de lycée, encore moins comme policiers.
Heureusement dans d’autres endroits le show est autrement mieux inspiré. Pour autant qu’elle commence largement sur des terrains connus, cette saison 2 de Luke Cage s’articule de manière différente, en laissant beaucoup plus de place à des personnages jusqu’ici secondaires. Piranha Jones, Cockroach Hamilton ou d’autres deviennent des gens avec des vies à part entière, beaucoup plus détaillées. C’est d’autant plus notable avec Shades. Dans la saison 1 c’était l’incarnation du sang-froid là où les autres semblaient devenir hystériques. Cette fois, il est travaillé par des sentiments d’amour et de loyauté, par seulement envers Mariah. Il y gagne une complexité bienvenue. D’une manière générale le scénario privilégie une logique de confident. Chaque personnage majeur a quelqu’un à qui se confier. C’est écrit comme une tragédie grecque, à plus forte raison parce que les Stokes ont quelque chose des Atrides. On commence Luke Cage saison 2 en se disant que c’est du déjà vu ou, à défaut, une sorte de saison 1 revue et corrigée. Mais les choses avancent dans une direction totalement inattendue. Dans l’état où on laisse Harlem, on serait très curieux de voir le Kingpin ou le Punisher débarquer pour y mettre de l’ordre. Et l’on se demande vraiment, en attendant, ce qu’il va advenir de Luke Cage. Finalement, une bonne surprise, malgré les réserves énoncées.
[Xavier Fournier]La saison 2 de Luke Cage sera disponible sur Netflix à partir du 22 juin prochain.
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