Nécrologie: Steve Ditko (1927-2018)
7 juillet 2018Nous apprenons le décès de Steve Ditko à l’âge de 90 ans. Si l’homme savait se faire rare, la production du dessinateur, parfois scénariste, était massive, riche et influente. Elle comprend bien sûr les points d’orgue que sont les créations de Spider-Man et de Doctor Strange mais aussi celle de de Captain Atom, Blue Beetle, The Question, Hawk & Dove, Squirrel Girl, le Creeper, Speedball et d’une véritable légion de personnages et de concepts. Ditko est mort, oui, mais on est n’est pas près d’arriver au bout de son héritage.
Steve Ditko n’aurait pas aimé ça. Mais alors pas du tout. Lui pensait que le travail d’un artiste doit exister par lui-même, que la sphère du privé doit rester dans le privé. Les hommages à l’homme, les honneurs, tout cela le laissait froid. Au point d’ailleurs que la BBC avait été obligé, il y a quelques années, de mettre sur pied un documentaire intitulé In search of Steve Ditko qui remontait la piste mais, à la demande de l’auteur, arrêtait la caméra à la porte de son bureau, à quelques mètres de lui, sans en arriver à le montrer. De quoi se faire une idée austère, sans concession, du bonhomme qui avait débuté sa carrière dans les années 50 et représente peut-être l’un des premiers exemples de lecteurs de comics devenu pro. Ditko, en effet, est adolescent au début de l’âge d’or des comics. Dans ses rares interviews, principalement accordées dans les années 60, il confesse être un grand amateur des BD de cette période, chose qui se retrouve dans certaines de ses productions. Logiquement, il a étudié le dessin sous la houlette de Jerry Robinson. Ex « assistant » de Bob Kane sur Batman, Robinson a contribué à la création de Robin et du Joker. De là à voir une filiation consciente entre le Joker et le Green Goblin (le Bouffon Vert) que Ditko créera plus tard chez Marvel… Allez savoir.
Ditko va débuter comme encreur et pas chez n’importe qui. Il se retrouve à travailler avec le studio de Joe Simon et Jack Kirby. A ce titre, il encre en 1953 les dessins du King lors du lancement de l’éphémère Captain 3-D. Mais avant de passer lui-même par les super-héros. Ditko va passer par les récits d’horreur et de science-fiction. Ou tout au moins de ce qu’il reste de la capacité de frayeur dans les années 50, après que le Comics Code, l’organe d’auto-censure des comics, ait été mis en place. Devenu dessinateur de comics, Ditko se caractérise en effet par des silhouettes raides, des attitudes posées qui, bien souvent contrastaient avec des expressions de révolte, d’indignation. Les personnages de Ditko ont une capacité certaine à passer d’une position statique à une expression d’effroi, d’angoisse. Commençant à travailler pour des petits éditeurs comme Charlton mais aussi Atlas Comics (en fait Marvel, alors moribond), Ditko va faire son pain quotidien d’histoires d’horreur soft, où les protagonistes se retrouvent piégés dans d’innombrables maisons hantées, se réveillent transformés en robots ou projetés dans une autre dimension.
Ce qui est assez singulier, c’est que bon nombre de ces histoires des années cinquante sont comme une sorte de fondation de l’œuvre à venir de Ditko. Qu’il en soit ou pas le scénariste, ces courtes histoires dégagent des thèmes qui vont devenir de véritables fils rouges dans son parcours, comme le rapport à l’identité et aux masques. Typiquement, la scénographie de Out of This Worlds #6 (1957) anticipe ce que Ditko fera plus tard, dans les pages de Spider-Man, avec le Caméléon. Par la force des choses, un certain nombre d’autres histoires sont autant de prototypes de choses devenues ensuite communes. Par exemple, dans Out of This Worlds #11 (1959), Ditko dessine une histoire où le protagoniste découvre au fond d’une grotte… le marteau de Thor. Si la finalité du récit est assez différente, il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec l’origine future du Thor de l’univers Marvel. Toujours en 1959, dans Journey Into Mystery #52, Steve Ditko dessine The Man With The Golden Brain, sur un télépathe recruté dans une communauté de mutants. En 1962, dans Amazing Adult Fantasy #14, en collaboration avec Stan Lee, il met en images The Man In The Sky. Le héros a de faux airs de Peter Parker mais c’est lui aussi un mutant rejoignant une communauté du même ordre. Dans les deux cas Ditko préfigure les X-Men.
Mais sa première grande incursion dans le récit super-héroïsme vient en 1960, pour la cocréation (avec le scénariste Joe Gill) du surpuissant Captain Atom chez Charlton. Captain Atom est un pur produit de la Guerre Froide. Il mentionne régulièrement la proximité d’une troisième guerre mondiale opposant les USA et l’URSS. Dans certains récits, Captain Atom détruit l’arsenal nucléaire ou fait mine de se retourner contre l’humanité pour imposer la paix sur Terre. Dans un épisode, c’est une invasion extraterrestre qui unit le monde entier. On verra plus loin que ces idées ne seront pas totalement oubliées. En 1961, Ditko est l’encreur de Doctor Droom (un super-héros mystique de Stan Lee et Jack Kirby) précédant l’apparition des Fantastic Four. Ditko se retrouve de plus en plus à travailler avec Marvel et donc avec Stan Lee, bien que les relations entre les deux hommes soient tout sauf un long fleuve tranquille. Après avoir planché sur le projet Spider-Man en compagnie de Jack Kirby, Lee se ravise, trouvant que son partenaire dessine des personnages naturellement trop puissants que cela ne cadre pas avec la modeste vie privée de Peter Parker. Il décide donc de confier le dessin à Ditko, un artiste connu pour sa capacité à représenter des êtres frêles.
La situation donnera par la suite naissance à de véritables querelles entre les fans de Kirby et ceux de Ditko, chacun considérant que leur idole est le véritable créateur du costume de Spider-Man. Après avoir dit, dans une rare interview, avoir eu connaissance d’un dessin antérieur de Kirby, Ditko insistera par la suite sur le fait qu’il n’a en rien été inspiré par Kirby et que ce costume est bien une création personnelle. Pour être un artiste sans concession, Ditko n’en n’est pas pour autant sans contradiction. Ainsi à la même époque il partage son atelier avec Eric Stanton, un illustrateur spécialisé dans le bondage. Ditko niera toujours avoir produit des illustrations bondage avec Stanton. Or, certaines des œuvres attribuées à Stanton ne laissent pas la place au doute. On y reconnaît très clairement le trait de Ditko. Stanton serait aussi celui qui a guidé Ditko dans la représentation de la toile d’araignée et des lanceurs de toile.
Si les détails de la création de Spider-Man sont nébuleux, une chose est sûre : le refroidissement des relations entre Lee et Ditko fait que bientôt le dessinateur est pratiquement le seul maître à bord. Les deux hommes se parlent de moins en moins et bientôt plus du tout. Ditko se contente de déposer ses pages au secrétariat. Lee, qui ne participe plus à l’élaboration des histoires, fait les retouches qu’il veut sur les dialogues (à la grande consternation du dessinateur). Si bien que s’il existe un doute de qui a fait quoi dans la génèse de Spider-Man, on peut sans se tromper attribuer à Steve Ditko la paternité d’un nombre impressionnant de méchants de Marvel : le Caméléon, le Vautour, Docteur Octopus, le Bricoleur, le Scorpion, le Lézard, Kraven le Chasseur, Mysterio, le Green Goblin, le Molten Man, le Crime Master… c’est du Ditko. Certaines histoires reflètent particulièrement les thèmes de prédilection de l’artiste, comme A Guy Named Joe (Amazing Spider-Man #38), avec un personnage anodin qui devient, à son insu, une menace pour le héros. Ditko est aussi le créateur de Mary-Jane Watson, qu’il lance comme une sorte de running gag dans la série. C’est une jeune fille qui vient sonner chez les Parker à chaque fois que Peter/Spider-Man n’est pas dans les parages. Ditko s’ingénu à la laisser hors-champs, à ne jamais la représenter à l’image. Elle n’apparaîtra réellement qu’après que Ditko ait abandonné le titre.
Chez Marvel, Ditko ne va pas se limiter à Spider-Man. On le retrouve de passage dans diverses séries comme Hulk ou Iron Man. Pour la petite histoire Ditko est le premier à dessiner Iron Man avec son armure rouge et jaune (bien que là aussi la question – sans réponse véritable – se pose de savoir s’il est parti d’une idée de Jack Kirby). La création de Doctor Strange laisse bien moins de place au doute puisque, pour le coup, il existe des lettres dans lesquelles Stan Lee reconnaît ne guère avoir joué de rôle dans la conception du personnage. En clair, Ditko s’est souvenu du concept du Doctor Droom de 1961 et l’a reformulé pour le rendre viable sous le nom de… Mister Strange. La seule intervention revendiquée par Lee, c’est d’avoir exigé que le Mister soit remplacé par Doctor, afin d’éviter la confusion avec Mister Fantastic. Lee ne croit guère au personnage. Il a tort. A défaut d’être aussi populaire que Spider-Man, Strange va devenir à bien des égards le Sorcier Suprême des comics, alimenté par Ditko et son goût pour certaines peintures surréalistes, dans laquelle la jeunesse du moment va reconnaître (à tort) une volonté psychédélique. Mais le torchon entre Lee et Ditko ne se contente plus de brûler. C’est désormais un incendie. A mesure que le succès de Marvel s’accroît, que Stan Lee se fait de plus en plus médiatique, Ditko, lui, qui n’aime pas la lumière, développe un mépris de plus en plus prononcé vers son employeur. Un jour, en 1966, il claque la porte. Fidèle à son habitude, il en informe le secrétariat de Marvel. Ni Lee ni lui ne veulent en parler.
Désormais auréolé du succès de Spider-Man, Ditko peut retourner travailler chez Charlton et mettre en chantier un personnage voisin. Il utilise le nom de Blue Beetle, un ancien héros du Golden Age, mais le reformule entièrement. On explique ainsi que l’ancien Blue Beetle, un être surpuissant, est mort en sauvant un jeune homme (pas si éloigné de Peter Parker). Se sentant responsable, le jeune décide de devenir un nouveau Blue Beetle. Mais comme il ne possède pas, lui, de super-pouvoirs, il n’a comme atout que son agilité et son génie scientifique. Ditko va aussi lancer le mystérieux Question, un justicier qui cache son visage derrière une sorte de cagoule artificielle. En clair, Ditko est derrière l’essentiel des personnages qu’Alan Moore détournera dans les années 80 pour en faire les Watchman. En y ajoutant l’atmosphère de Guerre Froide déjà décrite par Ditko en 1960, Moore transformera bien plus tard Captain Atom en Doctor Manhattan, Blue Beetle en Nite-Owl et Question en Rorschach. Mais il va aussi réutiliser toute une partie de la philosophie de Ditko : on ne peut diriger le monde en comptant sur le bon sens du peuple. Il faut un stratagème, qu’il s’agisse du plan d’Ozymandias ou du pacte secret que passent les héros à la fin. Tout cela est déjà présent dans les Captain Atom de Ditko.
Vers la fin des années 60, Ditko va naturellement vers un type de super-héros urbain, qui minimise l’aspect du super-costume et n’a aucune pitié pour les gangsters, dégage une nouvelle direction pour Ditko, qu’il explore aussi en parallèle avec Mr. A, l’un de ses premiers personnages publiés sous forme de fanzine et qui pousse encore plus loin le symbolisme et la dureté. Car Ditko est habité par une vision libertaire du monde. Le héros est valeureux, sait distinguer le Bien du Mal sans hésitation. S’il combat le criminel c’est parce que ce dernier le mérite. Question ou Mr. A ont une certaine forme de défiance envers le faible, souvent coupable d’association ou tout au moins de non-intervention. A mesure que l’Amérique s’émeut du Viêt-Nam et que l’opinion publique des sixties puis des seventies doute de l’autorité, de ses élites, Ditko fait preuve d’un dédain croissant envers ceux qui hésitent, ceux qui cherchent le compromis. Pour lui, il y a le blanc ou le noir, le bien ou le mal. Quiconque tergiverse fait partie du problème. C’est pratiquement écrit tel quel dans ses histoires les plus personnelles.
Mais Charlton périclite et rapidement Ditko se voit obligé d’aller frapper à d’autres portes. DC Comics lui confie alors différents projets mais l’artiste se retrouve un peu dans la même position qu’avec Marvel. Il fait des choses qui vont à l’encontre de ses principes. Hawk & Dove, par exemple, c’est l’histoire de deux frères que tout oppose. L’un est belliqueux et républicain, l’autre est un pacifiste plutôt gauchiste. On retient généralement l’idée qu’ils sont une création de Ditko. Mais le scénario est de Steve Skeates, qui tend à démontrer qu’aucun excès n’est bon et que les deux frères ont chacun besoin de l’autre. Dans l’idéologie de Ditko, Hawk serait dans son droit d’utiliser la force pour ce qui est bon. Et Dove serait plutôt un incapable. Le dessinateur ne va pas rester longtemps sur cette série. Même chose pour la création du Creeper, un personnage ricanant qui est peut-être un hommage au Joker de Robinson. Là pour le coup l’idée de base est bien de Ditko mais on lui adjoint rapidement Dennis O’Neil qui influe sur les dialogues. Ainsi, dans le civil, le Creeper est un journaliste intransigeant, Jack Ryder. Un pur produit Ditko, mais au fil des épisodes rédigés par d’autres, le côté droit de Ryder va être tourné de plus en plus en dérision.
Dans les années 70, Ditko ne veut toujours plus travailler avec Stan Lee et Marvel. Mais le comble de la situation est qu’il est d’accord pour collaborer avec la famille Goodman (les fondateurs de Marvel) qui monte une nouvelle maison d’édition, Atlas Comics. Avec le scénariste Archie Goodwin, Ditko cocréé le Destructor, une sorte de variation cynique de Spider-Man/Daredevil. Cette fois, le héros n’est pas simplement un gamin qui aurait refuser d’arrêter un gangster et en paierait le prix. Le Destructor est tout simplement une mauvaise graine, un voyou dont l’insouciance provoque la mort de son père. Le jeune héros décide alors de le venger. Difficile de savoir si le dessinateur est plus satisfait du résultat puisqu’Atlas Comics connaît d’emblée d’importants problèmes financiers. Les séries sont arrêtées en l’espace de quelques mois, laissant une ardoise aux auteurs. Ditko en arrive alors à la conclusion que s’il veut garder la maîtrise sur ses histoires il faut les publier lui-même, dans l’optique de ce qu’il a fait avec Mr. A. Commence alors une longue liste de publications publiées pratiquement sous le manteau et lues par quelques fidèles à travers le monde. D’un côté Ditko poursuit une activité commerciale dénuée d’enjeux personnels. Il continue de travailler chez DC en créant par exemple le psychédélique Shade The Changing Man (sur un héros dont le costume perturbe les sensations et l’équilibre) ou le barbare Stalker. Assuré qu’il n’aurait pas à croiser Stan Lee, Ditko accepte même de dessiner à nouveau pour Marvel, sur des titres où visiblement il n’a aucun affect (Rom The Spaceknight, Micronauts ou même les aventures de CHUCK NORRIS…). Même des personnages qu’il cocréé à la même époque (Speedball, Squirrel Girl…) restent factuels, de véritables boulots de commandes.
Pour la petite histoire, Lee racontera plus tard lui être tombé dessus totalement par hasard à ce moment-là, dans les couloirs de Marvel, et avoir eu… une discussion totalement amicale. Mais difficile de deviner ce que Ditko en pensait. Car dans ses propres éditos, Ditko ne fera pas mine d’infléchir sa position. C’est que, parallèlement, il continue de dire réellement ce qu’il veut dans ses propres revues, éditées avec l’aide de Robin Snyder. Ses bandes dessinées plus personnelles se divisent alors en trois grandes catégories. Il y a d’un côté des personnages qui continuent de déconstruire le super-héroïsme, parfois en s’inspirant clairement de ce qu’il a publié chez les gros éditeurs. Il s’agit principalement de variations de Question ou de Mr. A., des justiciers à chapeau et en costume de ville comme The Outline (le Contour) qui n’est qu’un simple tracé pointillé. Il y aussi ce qui fait écho à sa carrière. Ditko a travaillé sur le Creeper ? Alors il lance le Mocker. Et puis il y a la Cape, dans laquelle tout le monde aura reconnu le manteau de Doctor Strange (ou quelque chose de très proche), cape qui suit ses propres aventures comme si elle était portée par un homme invisible. Enfin il y a des séquences purement symboliques qui mélangent ses vues politiques extrêmes et des réflexions sur l’univers, sorte de monologues dans lesquelles parfois Ditko remet en place même son public, considérant que celui-ci veut lui imposer des demandes d’autographes ou des projets dont il n’a que faire.
Steve Ditko est mort à l’âge de 90 ans il y a quelques jours, fin juin. Connaissant son souci du secret et sa défiance envers la presse, on aurait aussi pu ne l’apprendre que des mois plus tard. Actif jusqu’au dernier moment, il avait annoncé il y a quelques semaines à peine de nouveaux projets, comme l’idée de reprendre à son compte une suite des aventures du Blue Beetle. Malgré le goût du secret que l’on lui connaissait, Ditko, ce n’était pas un type très compliqué à joindre. Une fois que vous aviez son mail, vous pouviez avoir rapidement une réponse, pour peu que le sujet évoqué l’intéresse un peu. Mais malheur à vous si, volontairement ou pas, vous aviez tendance à faire glisser la discussion vers son passé dans les comics. La réponse ne tardait pas, marquée d’un grand NO, d’un refus total d’évoquer ces questions.
Qui était Steve Ditko ? Lui vous demanderait sans doute que cela lui appartient ? Que voulait dire Steve Ditko ? La réponse est sans doute plus complexe, la carrière de l’artiste ayant occasionné bien des malentendus (comme cette jeunesse des 60’s qui le trouvait délicieusement psyché). Mais, et c’est sans doute ce qui est si particulier, Ditko nous laisse un héritage de choses qui ne lui appartenaient pas toujours, bien qu’il ait lutté pour s’en assurer la maîtrise. Il ne s’agit pas simplement d’évoquer Spider-Man et Doctor Strange, désormais des propriétés de Marvel et de Disney, mais bien d’évoquer tout ce que Ditko a pu inspirer, parfois à son insu. Ditko, c’est, par exemple, une influence majeure de Jim Starlin dans la composition de ses Captain Marvel ou de ses Adam Warlock, avec ses consciences cosmiques lorgnant sur Eternité, les trainées photoniques dérivées de Captain Atom ou les mêmes rochers flottant dans le ciel. On pourrait aussi épiloguer sur la généalogie probable entre l’onirisme du Doctor Strange de Ditko et celui de plusieurs séries Vertigo comme le Sandman de Neil Gaiman. Autant de projets qui étaient probablement aux antipodes des vues de Ditko mais qu’il a néanmoins rendu possible. Parce que son imaginaire débordait et finalement lui échappait. Au contraire de Jack Kirby qui a été très entouré sur ses dernières années, dont l’entourage et les anciens assistants ont assuré la perpétuité de l’opinion, va se poser maintenant la question de l’héritage et du décryptage.
Ditko, c’est, finalement, un artiste qui a donné plus qu’il ne le pensait, plus qu’il le voulait. Et qui n’a pas fini d’influer sur les générations de scénaristes et dessinateurs de comics à venir. Avec Stan Lee et Jack Kirby, il restera dans les mémoires comme l’un des trois grands architectes du Marvel Age. Tous les fans de comics vivent dans un monde en partie façonné par lui. Sans doute pas le monde qu’il pensait, sans doute pas le monde qu’il voulait, mais le monde que nous avons choisis de voir dans son travail.
[note: l’image d’ouverture du présent article utilise la première apparition de Spider-Man sur une couverture. Ce dessin est de Jack Kirby ET Steve Ditko et nous paraît approprié puisqu’il reflète l’ambiguïté et la complexité de la création du personnage.]