Oldies But Goodies: Action Comics #300 (Mai 1963)
22 juin 2013[FRENCH] Mai 1963. Les Avengers et les X-Men n’existent pas encore. Le centre de gravité des comics de super-héros reste DC Comics. Et même chez Superman il reste beaucoup de choses à inventer. Et justement ce mois-là DC fête les 25 ans de Superman et le 300ème d’Action Comics. Un numéro anniversaire qui, sous le titre « Superman Under The Red Sun », va se montrer particulièrement éprouvant pour l’Homme d’Acier et redéfinir une légende…
Déjà, alors qu’il n’existait « que » depuis 25 ans, Superman avait vécu bien des aventures, traversé bien des expériences. Ses pouvoirs ne se comptaient plus, ses adversaires ne faisaient pas le poids. Superman copinait avec la Legion of Super-Heroes, visitait d’autres mondes et semblait invincible. De temps en temps surgissait une Escouade Anti-Superman (« Superman Revenge Squad ») qui était une sorte d’organisation interplanétaire composée des ennemis que le héros avait repoussé au fil des ans. Mais la plupart du temps ces apparitions faisaient des Anti-Supermen une sorte de chair à canon qui occupait le héros tout au plus quelques cases. Et le contraire aurait été étonnant. Vu qu’après tout l’Escouade était composée de ceux qui avaient échoué depuis des années, ce n’est pas une nouvelle soucoupe ou un nouveau laser qui allait réellement faire pencher la balance. En un sens, qu’il s’agisse de l’Escouade Anti-Superman ou d’une énième défaite de Lex Luthor, les aventures de Superman ne comportaient plus guère de notion de défi ou de difficulté pour Superman. Certes, il rencontrait régulièrement des menaces, suait un peu du front le temps de battre une peuplade amazone ou un gros robot. Mais l’issue victorieuse ne laissait guère la place au doute.
D’ailleurs l’introduction de « Superman Under The Red Sun » est en elle-même tout un programme : « Superman a traversé la barrière du temps plus d’une fois, pour visiter le passé ou les âges futurs ! Mais jamais il n’était parti si impensablement loin dans le futur ou ne s’était retrouvé dans une situation si terrible ! Car, un million d’années dans le futur, il se trouve échoué à l’époque de la fin du monde, devenu LE DERNIER HOMME SUR TERRE !« . Et l’image illustre les propos : Un Superman barbu est montré en train de marcher dans les ruines d’une Metropolis digne de Kamandi ou de la Planète des Singes. Dans le ciel trône un soleil rouge et le héros pense intérieurement : « Il n’y a plus personne sur Terre… Je suis seul ! Et comment pourrais-je retourner à ma propre époque alors que j’ai voyagé un million d’années dans le futur et que j’ai perdu tous mes pouvoirs ? ».
Action Comics #300 est l’œuvre du dessinateur Al Plastino et du scénariste Edmond Hamilton. C’est l’empreinte de ce dernier qui va guider l’histoire qui vient, aussi convient-il que nous nous intéressions un peu à lui. Hamilton a été pendant la plus grande partie de sa carrière un romancier de science-fiction, qui a participé activement à la création du héros Captain Future (plus connu chez nous sous le nom de Capitaine Flam) en 1940. En fait il s’agissait à la base d’un boulot de commande, l’éditeur Mort Weisinger (futur grand ponte chez DC Comics) ayant l’idée initiale d’un « Mister Future » qui fut ensuite perfectionnée par Hamilton et devint Captain Future (bien plus tard adapté en anime pour devenir Flam). Officiellement Hamilton ne peut donc être qualifié de créateur de Captain Future mais, dans les faits, il est tout autant, sinon plus, que Bill Finger peut être considéré comme le père de Batman. Hamilton a écrit (parfois sous différents noms de plume) l’essentiel des romans consacrés à Captain Future mais aussi des romans de SF situés en dehors de ce cycle. Puis en 1946, sous la houlette de Mort Weisinger qui avait migré vers les comics, Hamilton commença à écrire régulièrement des scénarios de BD pour DC (après quelques premières histoires parues vers 1941/1942). Hamilton allait écrire entre autres choses de multiples aventures pour Superman ou Batman mais aussi créer quelques personnages nouveaux. Consciemment ou pas, l’auteur réutilisait dans ses BD des concepts compatibles ou liés avec ceux qu’il pouvait évoquer dans ses romans. On le voit ainsi souvent revenir sur des notions de robotique ou encore sur des idées liées à Mars (Hamilton est ainsi le créateur du prototype du Martian Manhunter). En tout, Hamilton a collaboré une vingtaine d’années avec DC Comics, en particulier sur Superman où il apporté des éléments non négligeables au mythe. Bien que son rôle reste méconnu du plus grand nombre, Hamilton a été « immortalisé » quand Marv Wolfman a créé dans Adventures of Superman #424 (1987) un certain Professeur Hamilton, un expert en robotique qui, bien que prénommé Emil et non Edmond, est à l’évidence un hommage au scénariste (on retrouve d’ailleurs le professeur Hamilton aussi bien dans le feuilleton Smallville que dans le film Man of Steel). On va voir d’ailleurs dans ce récit d’Action Comics #300 à quel point l’influence d’Hamilton a été déterminante.
L’histoire commence à l’ère contemporaine, dans les locaux du Daily Planet, où le rédacteur-en-chef Perry white félicite Clark Kent pour le bon reportage qu’il vient de livrer et l’autorise à aller manger avec Lois Lane et Jimmy Olsen. La courte scène en dit long sur le côté irascible de White. Si, dans les années récentes, J.J. Jameson s’est imposé comme le modèle du rédacteur colérique, White n’était pas mal non plus dans le genre, pour l’époque, et on se demande bien ce qui se serait passé si l’article rendu par Kent n’avait pas été du goût de son chef ? White se serait-il opposé à ce que Kent puisse manger ? Mais Clark botte en touche, il explique qu’il vient de se souvenir qu’il a quelque chose à faire. Il demande alors à Lois et Jimmy de partir devant, expliquant qu’il les rattrapera. Puis il s’éclipse dans un débarras pour pouvoir changer de tenue et devenir Superman. Sa vision télescopique vient de lui révéler la présence d’un vaisseau de l’Escouade Anti-Superman dans la stratosphère « venu de leur monde distant pour une nouvelle tentative de me détruire ! ». Pas impressionné, Superman vole à leur rencontre pour en découdre.
Le vaisseau ne semble pas avoir d’arme particulière et on ne voit pas comment il pourrait espérer battre Superman. Et pourtant à l’intérieur les occupants jubilent : « Il nous prend en chasse comme nous l’avions prévu ! Après des décennies de tentatives nous tenons notre revanche ! ». Un autre homme d’équipage reprend « Depuis l’époque où il était Superboy et a empêché notre race de conquérir des planètes pacifiques, nous avons cherché à nous venger de lui ! ». Le vaisseau, cependant, fait mine de prendre la fuite et accélère. Superman se lance alors à sa poursuite, non sans remarquer que l’engin va si vite qu’il commence à briser la barrière du temps et à se déplacer dans le futur. Mais ce n’est pas un problème pour le surhomme, qui a l’habitude de se déplacer à travers le temps en utilisant sa propre vitesse. Lui aussi commence donc à bondir vers l’avenir. Néanmoins il remarque vite que le voyage l’entraîne bien au delà que ses habitudes : « Je ne me suis jamais aventuré aussi loin dans le futur ! Mais maintenant leur vaisseau semble ralentir et s’arrêter. Curieux… Je me sens bizarre et faible… ». L’image nous montre alors qu’on vient de passer la barre des 1 million d’années après J.C.
Se rematérialisant dans le monde extérieur, en dehors du tunnel de l’espace-temps, Superman réalise que ses pouvoirs l’ont abandonné. Incapable de voler, il tombe comme une pierre sur un sol désertique : « Oof ! Ca fait mal… Mais le sable a adouci le choc et m’a empêché de me blesser. J’ai perdu mon invulnérabilité tout comme mes autres pouvoirs. Comment ? Pourquoi ? ». Puis Superman lève les yeux et réalise qu’à cette époque, avec le temps, le soleil de la Terre est devenu rouge. Le lecteur moderne sait très bien l’effet que produit un soleil rouge sur Superman mais à l’époque c’est une relative nouveauté pour Superman. En mars 1960 (Action Comics #262) Clark Kent et les journalistes du Daily Planet avaient été projeté dans une autre dimension délirante, avec des insectes géants et un soleil rouge. Dans cette histoire écrite par Robert Bernstein, le héros découvrait que dans cet univers étranger ses pouvoirs ne fonctionnaient pas. Mais c’était un peu présenté comme un « tout », pas spécialement lié au soleil rouge. Là, dans Action Comics #300, Edmond Hamilton va formaliser les choses et les lier de manière plus personnelle aux origines du héros : « Mais… mais sous un soleil rouge, comme celui de la planète Krypton, je n’ai pas de superpouvoirs. Seul un soleil jaune me donne ma puissance. Comment pourrais-je retourner à ma propre époque ?« .–
Là ou Action Comics #262 utilisait un soleil rouge de manière vague, Hamilton insiste sur le lien avec Krypton et la prise de conscience du héros : C’est bien, désormais, la présence d’un soleil rouge qui le prive de ses pouvoirs (et inversement un soleil jaune qui lui donne l’énergie pour fonctionner de manière surhumaine). Avec Action Comics #300, Hamilton transforme officiellement Superman en « héros solaire » non seulement sur le plan énergétique mais aussi en termes de symbolique, de mythologie. Cette notion va profondément marquer la perception du héros dans les décennies suivantes, l’éloigne des modèles de Moïse, Samson ou Hercule pour le repositionner comme une divinité solaire de type Apollonien (ce qui fera plus tard les délices de Warren Ellis dans Stormwatch puis Authority).
Si c’était Bernstein qui avait lancé la vague idée du soleil rouge dans l’univers de Superman, tout prédisposait Hamilton à s’en emparer et perfectionner l’idée. L’auteur avait en effet publié en 1945 (sous le pseudonyme de Brett Sterling) une aventure de Captain Future titrée… Red Sun of Danger (le Soleil Rouge du Danger). Bien que l’histoire soit très différente, on peut comprendre qu’Hamilton, en voyant apparaître la notion de soleil rouge dans le mythe de Superman, aurait ressenti un réflexe propriétaire et voulu exploiter à son tour cette idée…
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A l’intérieur du vaisseau, les deux pilotes de l’Escouade Anti-Superman jubilent : « Nous avons finalement réussi, Andl ! Nous l’avons attiré à cette époque où il n’a plus de pouvoir et est naufragé !« . Puis ils ricanent en pensant au fait que Superman n’a pas encore réalisé le pire, la chose qui le brisera réellement quand il la découvrira. Au sol, Superman réalise ce qui vient de se passer, comment on l’a piégé. Il décide de se rendre jusqu’à une cité, où il pourra demander de l’aide. Il commence alors à remonter une route qu’il reconnaît comme étant celle qui longe la côte pour mener à Metropolis. Sauf que cette route est supposée passer à côté d’un océan… qui ne se trouve plus là. En fait il est visiblement asséché mais Superman ne le réalise pas et croit d’abord s’être trompé dans ses observations.
Bientôt il arrive en vue de Metropolis mais il commence à réaliser « la terrible vérité ». Même de loin et sans sa vision télescopique il voit que les immeubles sont en ruine et que la ville semble déserte depuis des siècles. Il commence à arpenter les rues, désespéré. Où sont passés les gens ? Ici, dans cette scène, il y a visiblement une lourde influence de la « Machine à Explorer le Temps » d’H. G. Wells, livre dans lequel le héros se retrouve projeté en l’an 802701 après J.C., découvrant une Terre post-apocalyptique. Mais c’est aussi un élément qu’Hamilton avait incorporé dans ses propres romans. En fait, Action Comics #300 est largement inspiré de « City At World’s End » (1951), dans lequel l’auteur imaginait qu’une petite ville, Middletown, était projetée par une explosion atomique vers dans un futur lointain où l’humanité avait disparue. Les habitants de Middletown étaient alors obligés de s’organiser pour survivre dans ce monde désert. Première chose que les héros de « City At World’s End » remarquent quand ils sont arrivés dans le futur ? Le soleil est devenu… rouge ! Bref, quand Hamilton avait une idée, il n’était pas homme à l’abandonner après une seule utilisation !
En fouillant dans les décombres, Superman va finalement tomber sur un « enregistrement historique télépathique » que les humains ont inventé avant de disparaître. Il suffit d’enfiler un casque pour recevoir une leçon d’Histoire. Le discours enregistré d’un archiviste lui explique qu’une catastrophe a frappé la Terre en l’an 824057 (on notera le voisinage avec les dates de Wells). L’archiviste explique qu’avec le temps le soleil est devenu rouge, changeant profondément l’environnement terrestre. Ce monde est devenu inhabitable… Et dans le flashback on voit les Terriens regretter le temps où ils pouvaient compter sur l’aide du grand Superman. Lui aurait su les aider (sauf que bien sûr, à l’évidence, Superman n’aurait rien pu contre un soleil rouge). Finalement les Terriens se décident à quitter leur monde d’origine, partant dans l’espace à bord de grandes fusées-arches, le dernier archiviste laissant ce message comme un testament de la présence humaine. Quand il retire le casque, Superman est catastrophé. Il vient de comprendre. Il est seul sur cette planète. Il est LE DERNIER HOMME SUR TERRE !
Là aussi il faut faire un petit détour car – sans doute par hasard car l’anecdote n’était pas connue à l’époque – Edmond Hamilton vient de retomber sur un des premiers concepts de Superman. Vers 1934, Jerry Siegel, le scénariste originel du surhomme, avait en effet envisagé de confier son idée à un autre dessinateur que Joe Shuster. Il avait donc écrit un scénario détaillé à un autre collaborateur potentiel, Russell Keaton, qui éclaire d’un jour nouveau l’idée que Siegel avait en tête. Dans ce script de 1935, Superman ne vient pas d’une autre planète et n’est pas arrivé sur Terre dans une fusée. Il est au contraire le fils… du dernier homme de la Terre. Dans un futur lointain, alors que la Terre est sur le point d’exploser, le dernier survivant décide de sauver son enfant en le plaçant dans une machine temporelle et en le renvoyant en 1935 où il est adopté par les Kent, prénommés dans cette version… Sam et Molly ! Les pouvoirs de Superman se seraient expliqués par le fait qu’il était le fruit d’une évolution bien plus avancée que la notre. Visiblement Siegel n’a pas fait affaire avec Keaton et s’est finalement orienté vers une histoire sensiblement différente. Il n’en reste pas moins qu’à un moment de sa conception Superman était supposé être le fils du dernier homme sur Terre (et donc d’une certaine manière le dernier homme de la Terre lui-même). Et le scénario d’Hamilton le remet ironiquement dans cette situation…
En rodant dans Metropolis Superman croise cependant une figure connue : Mr. Mxyzptlk, gnome surpuissant venu de la cinquième dimension. Au 20ème siècle Superman et Mxyzptlk ont l’habitude de se battre via un système de duel qui implique que celui d’entre eux qui dira son nom à l’envers sera projeté dans la cinquième dimension. Superman s’écrie donc « Le-Lak » (Kal-El à l’envers) en étant convaincu que Mxyzptlk l’expédiera dans cet autre plan de la réalité et que de là, comme les règles physiques y sont différentes, Superman pourra rentrer chez lui (n’étant plus soumis aux rayons d’un soleil rouge). Mais Mxyzptlk le regarde sans comprendre. Et s’étonne que Superman croie en sa magie. Plus loin, Superman croise Perry White mais celui-ci ne fait pas mine de le reconnaître : « Vous portez un costume semblable à celui de Supergirl mais je ne vous connais pas ! ». Ne comprenant pas pourquoi deux personnages qu’il connait très bien sont ici, à cette époque, mais n’ont pas l’air de le reconnaître, Superman retourne consulter le casque télépathique. Il apprend ainsi qu’au moment de quitter la Terre les humains ont laissé derrière eux un monument dédié à leur plus grand héros du passé… Superman ! Ils ont créé des androïdes à l’image des amis et ennemis de Superman : Mister Mxyzptlk, Jimmy Olsen, Perry White, Supergirl, Lex Luthor, Lois Lane… Tiens, ils n’ont pas inclus Clark Kent, ce qui laisse à penser que les habitants du futur savaient que Kent n’était pas un ami de Superman mais bien Superman lui-même… Une fois par an, le jour de la commémoration de Superman, les androïdes sont supposés défiler dans les rues en mémoire du héros. Le désespoir du vrai Superman n’en est que plus grand. Non seulement il est piégé à cette époque mais en plus il est entouré de pastiches de son passé, ce qui rend la situation encore plus cruelle. Il connait un passage à vide : « Jamais je ne m’échapperais de ce monde mort ! »
Mais l’homme d’acier se reprend bien vite. Même si la Terre est déserte, il lui reste une chance. Sa Forteresse de la Solitude, cachée dans l’Arctique, doit toujours exister. S’il arrive à l’atteindre, il y trouvera la technologie dont il a besoin. En partant de Metropolis, Superman croise à nouveau l’androïde à l’image de Perry White qui lui explique qu’il voudrait l’accompagner. Le faux Perry se désole de ne plus avoir de cigare et se demande ce qu’il est advenu de sa maison. Le surhomme finit par décider que, même si ce n’est qu’un androïde, il lui tiendra compagnie pendant le périple. Loin dans le ciel, les hommes de l’Escouade Anti-Superman continuent de surveiller Superman mais, devinant son plan, ils s’amusent. Il y a tout simplement trop de dangers entre le surhomme et son objectif. Ils sont convaincus qu’il ne l’atteindra jamais et décident de rentrer chez eux, dans le « présent » pour faire leur rapport, sans se donner la peine d’attendre.
En marchant sur la route, Superman et le faux Perry rencontrent deux bêtes qui ressemblent à des sacs vides. Sous l’effet de la panique les animaux se gonflent d’air et s’envolent dans le ciel comme des ballons. Perry explique d’ailleurs que ce sont des « Ballon-Beasts », la faune ayant grandement muté et évolué « à cause des retombées atomiques ». Ce qui est intéressant c’est que les pages précédentes ne nous ont absolument pas parlé d’explosions atomiques mais seulement d’une transformation naturelle du soleil sous l’effet de l’âge. C’est dans « City At World’s End » que la guerre atomique joue un rôle. Il apparait alors qu’Hamilton confond un peu les deux environnements. Quand ils arrivent au niveau des ruines de Smallville, Superman est pris d’un énorme sentiment de nostalgie, en particulier quand il passe devant le magasin que possédait ses parents… Ce qui n’a pas de sens car dans cette version pré-Crisis les parents adoptifs de Clark Kent sont morts avant son arrivée à Metropolis. En toute logique l’enseigne du magasin ne devrait donc plus être à leur nom. Encore moins alors que des centaines de milliers d’années se sont écoulées depuis. Mais Superman et Perry sont confrontés à un autre animal, un « Color-Cat ». Une sorte d’énorme tigre bariolé qui réagit aux couleurs vives… et qui n’a pas manqué de remarquer la cape rouge de Superman. Le héros doit donc se défendre sans son invulnérabilité, sa force ou sa rapidité… Heureusement, en se servant de sa cape comme s’il était un toréador, Superman éloigne le tigre.
A l’intérieur du magasin des Kent, Superman réalise que les derniers propriétaires de l’endroit sont partis en laissant derrière eux des stocks de provision conditionnés en tablettes et encore comestible. Il décide de faire des provisions et d’en remplir la doublure de sa cape. Ils reprennent leur voyage mais le héros découvre un monde de plus en plus étrange au fur et à mesure qu’ils aperçoivent d’autres créatures. On a ainsi droit à une gigantesque « Baleine de Terre », cette race s’étant adaptée à la vie hors de l’eau après la disparition des océans. Plus loin, Superman et Perry évitent un aigle géant qui a le pouvoir de tirer des rafales de foudre avec ses yeux. La nuit venue Superman se désespère à nouveau, en regardant le ciel : « Quelque part dans ces étoiles la race humaine existe toujours ! Mais la Terre est sombre et abandonnée… Comment puis-je vraiment espérer atteindre ma Forteresse ? ». Puis dans la nuit, autour du feu, Superman voit apparaître des empreintes… Comme si des créatures étaient en train d’approcher. Sauf qu’on ne voit rien. Perry lui dit qu’il a entendu parler de bêtes étranges nommées les Non-Visibles, qui ont évolué au point de devenir invisible. Cependant, en jetant des cendres sur elles, Superman les rend visible. Ce sont des descendants des pieuvres, qui ont également appris à vivre sans eau. Superman table cependant qu’il reste quelque chose de leur origine maritime et qu’elles doivent craindre le feu. Il les fait donc fuir avec une torche…
Alors qu’ils s’enfoncent de plus en plus loin dans l’étendue désertique et asséchée qu’est désormais l’ex-océan, Superman décide finalement de ne pas mettre plus en danger l’androïde. Il lui ordonne de retourner à Metropolis parmi les autres doubles. Une attention touchante mais vu que « Perry » est un être artificiel il n’y a pas vraiment de notion de danger ou de vie à sauver… En marchant encore Superman passe devant un fragment de miroir et, très surpris, aperçoit son visage : « Mes cheveux et mes ongles ! Ils ont poussé ! J’avais oublié que sous un soleil rouge ils pousseraient ! ». Une note de bas de case, signée « Ed », insiste alors : « Sous le soleil jaune de la Terre, les poils et les ongles de Superman ne poussent pas ! Il n’a donc jamais besoin de les couper ! ».
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Bientôt, c’est une autre vision apocalyptique qui s’offre au regard du héros : les ruines d’une cité engloutie ! Superman rumine « Atlantis ! Là où Lori Lemaris dirigeait son royaume englouti. Et maintenant la mer a disparu, Lori n’est plus. Tout sur la Terre est détruit ! Tout sauf les bêtes étranges qui hantent l’ancien fond de l’océan ! ».
Superman est si faible qu’un coup de vent le fait tomber à terre. Il comprend qu’il n’atteindra jamais la Forteresse de Solitude mais, voyant au loin deux « Ballon-Beasts », il est pris d’une idée. Puisqu’ils gonflent et s’enfuient sous l’effet de la peur, Superman joue au mort et attend qu’ils soient à portée de lui. Se saisissant d’une des bêtes, il saute dessus. La bestiole enfle comme un ballon-sonde et s’envole dans le ciel… Mais Superman a le temps de sauter sur son dos. Il ne reste plus qu’à se laisser porter par le vent en direction de la Forteresse…
Enfin, Superman arrive devant son Q.G. Les siècles ont endommagé la falaise sur laquelle elle se tient mais l’immense porte blindée est encore debout. Problème : normalement Superman se sert de sa force pour prendre une énorme clé sur une proche montagne. Le surhomme est pratiquement le seul (il faut au moins compter avec sa cousine Supergirl) assez fort pour soulever cette clé. Sauf que là, sous un soleil rouge, il serait illusoire de vouloir la déplacer. Superman utilise un plan différent. Même s’il n’est plus fort, les fibres de son costume restent indestructibles (on ne sait pas trop pourquoi). Avec un fil tiré de la cape, Superman arrive à se construire une sorte de corde-lasso et à se hisser jusqu’à la porte géante. Là, il se glisse dans le trou de l’énorme serrure. Normalement, à l’ère contemporaine, il ne devrait pas être capable de faire ça car la porte est piégée pour quiconque tente d’entrer sans la clé. Mais il réalise avec soulagement que les différents pièges pour éloigner les intrus sont tombés en panne avec le temps. Il pénètre donc enfin dans son Q.G. Mais ce qu’il cherchait n’est plus là. Superman pensait trouver le dernier bastion de la civilisation kryptonnienne, la « ville en bouteille » Kandor dont les habitants ont été réduits à une taille microscopique. Mais elle n’est plus là ! Superman réalise qu’avec le temps les Kandoriens ont du trouver un moyen de regagner taille humaine et ont également quitté la Terre. Il ne pourra donc pas compter sur leur aide : « Mon seul espoir à disparu !«
Mais bientôt un autre plan prend forme. Superman réalise qu’il reste une dernière trace de Kandor. Après être partis les Kandoriens ont laissé en guise de souvenir une simple maison ainsi qu’un exemple de fusée, toutes les deux laissées à l’état microscopique. Si Superman pouvait monter dans cette fusée, il pourrait s’en servir pour retourner à son époque. Mais bien sûr la taille reste un obstacle. Le héros récupère donc dans ses archives un fragment de Kryptonite Rouge (rangé dans un emballage en plomb) dont il a pu vérifier les effets étranges par le passé. Mais avant de mettre son plan en exécution, Superman prend la peine de se couper les cheveux et de raser sa barbe : « Je n’ai pas d’eau pour me raser et je n’ai que ce couteau martien à ma disposition mais je dois me raser, couper mes cheveux, ma barbe et mes ongles avant de retourner en 1963… Sous un soleil jaune, mes poils et mes ongles redeviendront indestructibles ! » (on imagine la tête d’un Superman qui oublierait de prendre cette précaution et qui reviendrait au XX° siècle, à une époque où le look grunge n’était pas vraiment en vogue. Et ce serait encore plus problématique pour conserver l’identité de Clark Kent). Finalement Superman utilise un rayon réducteur (qui fonctionne visiblement à base de Kryptonite Rouge et qui lui servait autrefois à changer de taille pour rendre visite à Kandor). Grâce à ça, il atteint une taille où il peut prendre place à bord de la mini-fusée : « Ces fusées Kandoriennes marchaient à l’énergie atomique, capable d’atteindre une vitesse sans limite. J’aurais bien besoin de ça ! ».
Bientôt, la fusée décolle et arrive à une telle vélocité qu’elle brise le mur du temps. En la dirigeant « dans le sens contraire des aiguilles d’une montre » (on a du mal à visualiser la manœuvre dans le contexte de l’espace-temps) Superman peut alors remonter le temps sans encombre et revenir à son époque d’origine. Bientôt il est de retour à Metropolis mais garde sa taille microscopique : « Mes pouvoirs sont revenus ! Maintenant je n’ai plus qu’à attendre que les effets de la Kryptonite Rouge s’estompent et je redeviendrais complètement super-moi-même ! ». Effectivement, le soir venu, Superman reprend taille humaine et, seul sur un toit, réfléchit : « Est-ce que la Terre sera vraiment dans cet état dans un million d’années ? Ou n’est-ce qu’un futur possible parmi d’autres ? Je ne le serais jamais… Mais j’espère bien ne jamais redevenir le dernier homme sur Terre ».
Si Robert Bernstein avait introduit, presque par accident, la notion de soleil rouge dans le mythe de Superman, c’est bien cette histoire d’Hamilton qui va lui donner une importance plus centrale, non seulement en officialisant la chose (sous un soleil rouge Superman n’a donc plus de pouvoir) mais en insistant sur la difficulté posée (ce n’est pas comme un caillou de Kryptonite qu’on pourrait repousser en l’espace de trois cases). Plus près de nous certains épisodes ont clairement fait référence à cette histoire d’Action Comics #300, par exemple dans la saga où Geoff Johns et Gary Frank ramènent la Legion of Super-Heroes et où Superman, en les accompagnant, découvre que dans leur époque future le soleil est devenu rouge… et qu’il y est donc piégé et sans pouvoir… L’idée que Superman (concept qu’on retrouve d’ailleurs largement dans le film Man of Steel de Zack Snyder) doit ses pouvoirs au soleil va, avec le temps, profondément changer la logique du personnage. On peut considérer qu’avec cet épisode Edmond Hamilton devient (à égalité avec Bill Finger qui avait redéfini les origines du héros quelques années plus tôt) l’un des pères du Superman de l’Age d’Argent, c’est à dire l’incarnation du héros qui va durer jusqu’au milieu des années 80 (au moment de Crisis) et revenir beaucoup plus tard, après Infinite Crisis (les épisodes d’Action Comics écrits par Geoff Johns). Même si l’idée est un peu estompée dans le Superman qu’on connait depuis la refonte de l’univers DC en 2011, les concepts amenés par Hamilton continuent, encore aujourd’hui de conditionner notre perception du héros…
[Xavier Fournier]
Sauf erreur de ma part, un soleil blanc double la force de Superman et donne à un terrien les mêmes pouvoirs que Superman sur Terre.
Je me demande si un auteur a pensé un jour à l’influence qu’aurait un trou noir sur les pouvoirs de Superman…
Un soleil bleu augmente sa force et lui donne en plus l’aptitude de transmettre ses pouvoirs (Action Comics #856).
Je ne me souviens plus très bien si et quand la notion de soleil blanc a été abordée. J’ai plus souvenir de scènes où Superman récupère de la matière issue d’une « naine blanche » sans pour autant que quelque chose de particulier se passe.
Je fais référence (de mémoire, donc, je peux me tromper) à un épisode où Superman et Jimmy Olsen (entre autres) voyagent en fusée, qui tombe en panne près d’un soleil blanc. C’est alors Jimmy qui sort de la fusée en volant pour la pousser jusqu’à un endroit où on puisse la réparer.
Mais comme j’ai lu cet épisode il y a plusieurs années et que je ne le possède pas, il est tout à fait possible que ma mémoire me trahisse 😉
Je ne sais pas. Je connais divers épisodes qui utilisent le soleil bleu de façons différentes et contradictoires. Je connais des épisodes où Superman traverse des naines blanches sans effet particulier. Après, je ne prétend pas avoir en mémoire TOUTE la vie de Jimmy Olsen. 😉
un soleil orange diminue ses pouvoir il me semble. c’est dans un épisode de supergirl avec un super girl du futur
et un soleil violet lui donne le pouvoir de faire de copie temporaire d’objet entre ses mains.
je lu cette épisode en français dans un vieux aredit je crois.
Le concept de Superman dernier homme sur la terre a été exploité dans Red Son de Mark Millar.
Oui mais dans le cas de Millar, plus récent, je ne serais pas étonné s’il s’agissait d’un effort conscient pour honorer l’idée de 1934.
Lu dans Alter Ego vol. 3 #93 (May 2010) p.59 :
« Incidentally, comics historian Will Murray recently reported: « I’ve come into possession of a copy of a previously unknown Weisinger interview. In it he credits Otto Binder with coming up with the idea that Superman’s powers derive in part from Earth’s yellow sun, Krypton having a red sun, of course. Was this known before? » Not bys us, Will-but we’re averjoyed to hear of Mort giving Otto credit for the notion. »
Quant on connait la propension de Weisinger a s’attribuer des mérites qui n’étaient pas les siens, il est étonnant de voir qu’il crédite quelqu’un d’une idée qu’il aurait facilement pu reprendre à son compte.
En fait il faut prendre en compte plusieurs choses. Weisinger était un éditeur qui venait de l’univers littéraire et qui, comme Schwartz, privilégiait les auteurs qui avaient un degré d’implication, des publications notables. Otto Binder et Edmond Hamilton étaient des romanciers à la base et sans doute que Weisinger, qui avait des relations cordiales avec eux, les classait au dessus de gens qu’il ne jugeait bon qu’à écrire des comics. Inversement les relations entre Weisinger et (entre autres) Roy Thomas furent exécrables, ce qui explique qu’Alter Ego ne soit pas le dernier à avoir alimenté la réputation déplorable de Weisinger. Entre les deux extrême il y a Bill Woolfolk qui travaillait beaucoup pour Weisinger tout en le méprisant.
« Entre les deux extrême il y a Bill Woolfolk qui travaillait beaucoup pour Weisinger tout en le méprisant. »
Pour quelle raison ?
Ce serait un peu long d’entrer dans le détail, peut-être que j’y reviendrais dans d’autres chroniques. Mais Woolfolk n’aimait pas la manière qu’avait Weisinger de traiter les autres. Et dans le même temps il était bien obligé de prendre le travail là où il y en avait.
A propos d’éditeur … un petit mot sur un titre a venir chez Huginn & Muninn ? 😉
Pour ça, il faut aller voir là : http://www.xavierfournier.com/?p=2354 😉
Moi je le savais , c’était a l’intention des autres lecteurs . Bon courage pour la rédaction du » pavé » 😉