Cette nuit, Roy Harper peine à dormir. D’ailleurs l’image ne manque pas de sel car selon ce que vous voulez y voir, vous pouvez penser que Roy et Oliver dorment dans la même chambre mais (peut-être) dans deux lits séparés. A moins que ce soit dans un seul et même lit ? L’angle de vue laisse planer de doute. Tandis qu’Oliver dort, Roy est taraudé par l’angoisse : « Comment pourrais-je dormir alors que je ne cesse de me souvenir que… Green Arrow dans sa jeunesse n’aurait jamais fait ce genre d’erreurs !« . Au point que Roy se lève et va faire les cents pas. Il est horrifié. Il vient de réaliser qu’un jour, bientôt, Oliver sera trop vieux. Il aura besoin d’un successeur ! Mais comment l’élève pourrait-il dire à son mentor qu’il a fait son temps ? En fait, la question va se poser plus vite et plus directement que Roy l’espérait.
Oliver explique le fond de sa pensée. Green Arrow, c’est lui. Bien sûr, s’il a fait son temps, il doit passer la main. Mais son successeur ne doit pas porter ses couleurs : « Il peut y avoir un Blue Arrow, un White Arrow ou encore un Red Arrow. Mon successeur pourra porter une de ces couleurs. Mais qu’aucun homme ne porte mon costume. Que la carrière de Green Arrow se termine. Même si sa tradition est poursuivie par quelqu’un qui portera un autre nom. C’est tout ce que je te demande, mon garçon !« . On remarquera que la dynamique traditionnelle du tandem adulte/sidekick est ici inversée. D’habitude, dans les aventures de Batman et Robin, c’était le jeune (Robin) qui tremblait à l’idée d’être remplacé. L’adulte (Batman), détenait les commandes et pouvait remettre en doute la place du jeune. D’ailleurs ça ne manquait pas. La position de Robin était régulièrement objet de doute, le héros juvénile se demandant avec effroi si son mentor ne projetait pas de le remplacer. Le seul élément qu’on ne pouvait pas remettre en question était l’adulte. Ici, la chose fonctionne donc dans l’autre sens. C’est le sidekick qui se demande si l’adulte de référence n’est pas dépassé. Non seulement Green Arrow est remis en question mais il ne peut que concéder la chose, demandant tout au plus que son remplaçant ne perpétue pas son identité. Et là aussi c’est une inversion des choses car chez Batman il ne faisait guère de doute que quand Bruce Wayne deviendrait trop vieux Robin, plus âgé, serait en mesure de lui succéder, de perpétuer l’identité masquée. Là, ce qu’Oliver Queen explique à Roy joue sur deux niveaux simultanés. D’abord il ne se précipite pas sur le garçon en lui disant qu’il est son successeur naturel (Roy est de toute manière trop jeune pour ça). Oliver part du principe qu’il s’agira d’une tierce personne, externe au tandem. Mais surtout l’adulte réclame qu’il n’y ait pas de Green Arrow après lui, ce qui détruit une bonne partie de la notion de « succession » inhérente au sidekick.
Pour l’heure Roy a d’autres préoccupations. Il est désolé de mettre son mentor sur la touche. Mais Oliver est bon joueur. Il a même une idée pour trouver la relève. Il va organiser un concours d’archers et ils choisiront les trois meilleurs hommes. Le jour suivant un tournoi secret est donc organisé parmi les meilleurs archers et trois d’entre eux se distinguent lors de l’épreuve finale. Il ne s’agit pas seulement de tirer dans le centre de la cible mais d’être capable de le faire à trois reprises, détruisant les deux premières flèches plantées. Les trois challengers sont confirmés et Green Arrow explique alors à ses trois successeurs potentiels le reste de la marche à suivre. Chacun d’entre eux va porter une tenue différente et partir en patrouille avec Speedy. C’est lui qui décidera lequel des trois sera le meilleur…
Mais justement le gangster profiter d’un moment d’inattention pour jeter une table dans le passage des héros. Les deux voleurs peuvent alors tenter de s’échapper. Ils sont d’ailleurs pratiquement au bout du couloir quand Red Arrow les vise avec une « flèche à Bolas ». Speedy le prévient pourtant qu’à une telle distance ce genre de tir est impossible. Red Arrow ne se démonte pas : « Impossible ? Ce mot n’existe pas !« . Red Arrow tire donc et son projectile va frapper les jambes des fuyards, les piégeant de manière à stopper leur fuite. Les gangsters sont sidérés : « Ce Red Arrow est même encore meilleur que Green Arrow !« . Et même si Speedy est surpris d’en arriver à la même conclusion, intérieurement il constate : « C’était un tir que Green Arrow aurait pu faire à l’époque de sa grande forme. Ce Red Arrow est bon !« .
Mais il ne se passe pas grand chose dans la ville. Il n’y aucun crime à arrêter. Les deux héros décident donc d’emprunter le pont pour patrouiller dans la banlieue proche. Mais sur le pont ils tombent sur un hold-up en train de se dérouler. Des bandits viennent d’arrêter un fourgon de banque et sont en train de le dévaliser sous la menace. A nouveau les archers utilisent la fonction « catapulte » pour se projeter sur les lieux. Les voleurs pensent d’abord qu’il s’agit de Green Arrow et Speedy mais le héros en blanc est prompt à les reprendre : « Correction, s’il vous plait ! Le nom est White Arrow !« .
Le gang n’attend cependant pas pour prendre des notes. Ils se sont déjà engouffrés dans leur automobile et prennent la fuite. Speedy s’exclame qu’il va falloir faire demi-tour et retourner jusqu’à la Arrow-Car s’ils veulent les prendre en chase. Mais White Arrow a une autre idée : « Attends ! Et si je tirais la flèche-sirène au dessus de leur voiture ?« . En fait le héros adulte ne veut pas toucher la cible mais bien utiliser la ruse. Et ça marche : La flèche arrive en hurlant à la hauteur du véhicule. Les voleurs, en écoutant le bruit, pensent qu’il s’agit d’une sirène de police et qu’un fourgon est en train d’arriver à leur rencontre. Se croyant pris au piège, le gang décide de faire demi-tour pour tenter d’écraser les deux archers, ce qui semble être leur meilleure chance de fuir… Bien sûr, White Arrow et Speedy comptaient là dessus. Quand la voiture revient vers eux, les deux héros tirent leurs flèches dans les roues de l’automobile. Une nouvelle fois Speedy est impressionné : « Le coup de la sirène de White Arrow était digne de Green Arrow lui-même quand il était bon !« . Mais se sentant piégé, un des gangsters saute par dessus le rebord du pont. Il préfère risquer la mort plutôt que la prison, pensant qu’il a une petite chance de s’en tirer en sautant de l’eau. Speedy s’exclame : « L’idiot ! Personne ne peut faire ce saut et survivre !« . Là encore White Arrow se distingue par son sang-froid : « Ceci nécessite la flèche Boomerang !« . Et effectivement l’archer vêtu de blanc tire une flèche qui, reliée à un câble, s’enroule autour du désespéré et stoppe sa chute. Une fois encore Roy est admiratif : « Wow ! White Arrow est sensationnel ! Blue Arrow va avoir du mal à faire aussi bien demain !« .
Speedy s’exclame « Cette porte mène au balcon ! » et les deux héros s’élancent comme un seul homme. Si ce n’est qu’il n’y a pas de balcon mais un mince rebord sur lequel Bronco a trouvé refuge. Derrière la maison il n’y a qu’une grande falaise. Si on arrive en courant (comme le font les deux archers) on est emporté par l’élan et on tombe dans le vide ! Voici un curieux détail architectural (pourquoi Bates aurait-il équipé d’une porte qui mène ainsi sur une falaise ?) qui fait quand même le bonheur du gangster. Blue Arrow et Speedy tombent donc sans moyen de se rattraper. Même Speedy voit la mort approcher : « Gulp ! Nous sommes finis !« . Mais là aussi le troisième candidat a un peu plus la tête sur les épaules : « Ne parle jamais de mourir, Kid ! Prions juste pour que cette flèche-crochet trouve prise sur la falaise !« . Blue Arrow tire… et ce nouveau gadget leur permet de s’accrocher à un câble. Et Blue Arrow fanfaronne : « Je n’aime pas me vanter, Speedy, mais ceci dépasse tout ce que Green Arrow a pu faire !« . Grimpant via le câble jusqu’à la maison de Bates, les deux archers ont tôt fait de prendre par surprise le gang (qui se voyait déjà libre) et de boucler l’affaire.
Il ne reste donc plus qu’à rentrer à la « Salle des trophées » (équivalent de la Batcave, bien que Green Arrow ait aussi eut une Arrow-Cave, forcément. La « Salle des trophées » est donc sans doute une partie de la Arrow-Cave). Speedy va devoir choisir. Encore que. On peut se demander pourquoi il devrait choisir. S’il existe trois archers du même calibre qu’un Green Arrow au sommet de son art, pourquoi faudrait-il s’en tenir au meilleur ? Est-ce que la justice ne serait pas mieux servie avec tout un groupe d’archers pour patrouiller dans la ville ? La pensée ne semble pas effleurer les deux hommes. Une nouvelle fois Blue Arrow se vante : « J’imagine que je suis le successeur de Green Arrow ! J’ai dépassé tout ce que Red Arrow ou White Arrow avaient pu faire pendant leurs tests !« . Mais Speedy sort son arc et le vise. Blue Arrow est passablement surpris. Speedy explique : « Il te reste un test… Celui du courage !« . Speedy tire alors une dizaine de flèches qui viennent se planter dans le mur à quelques millimètres de la peau de Blue Arrow : « Si un de tes muscles tressaute, tu seras égratigné par ces flèches ! Seul un vrai égal de Green Arrow aura des nerfs d’acier pour subir ce test !« .
Forcément, les flèches sont tirées si près que, sans blesser Blue Arrow, elles déchirent en partie sa tenue… Et révèle alors un tissu vert. Speedy n’est pas spécialement surpris : « Bien… il y avait un costume vert sous le bleu !« . Blue Arrow pose alors sa perruque brune, révélant qu’il est… Green Arrow : « Ainsi tu t’en doutais !« . Blue Arrow était donc Oliver Queen. Et contrairement à ce que vous pourriez penser « Blue Arrow » n’a pas gagné le test parce qu’il était supérieur aux deux autres archers. Il était TOUS ces archers tour à tour : « Oui ! Je me suis déguisé en Red, White et Blue Arrow pour te prouver que tu avait seulement imaginé que je baissais ! Mais quand as tu deviné ?« . Le sidekick explique qu’il a tout réalisé seulement quelques minutes auparavant : « Je me suis dis qu’aucun débutant ne pouvait utiliser des flèches comme celle des bolas ou du lasso avec une telle maîtrise et dans un temps si cours. Mais alors qui étaient les archers originaux ?« . Roy veut parler de ceux qui ont participé au concours et qui sont apparus tous au même endroit et au même moment. Oliver Queen explique : « C’étaient des amis, membre de mon club de tir à l’arc, qui étaient dans la confidence. Le reste du temps des perruques et du maquillage m’ont permis de faire illusion…« . Bien sûr rien n’explique vraiment pourquoi après s’être donné la peine de se faire passer pour Blue Arrow Oliver se serait embêté à porter sa tenue de Green Arrow sous le costume bleu. C’est le même genre de raccourci scénaristique qui a pourvu Bronco Bates d’une maison donnant sur le vide. Mais l’important est la conclusion. Oliver l’assène enfin à son compagnon : « Et bien, Speedy, j’espère que tu ne douteras plus jamais de Green Arrow ! ». Et l’autre de conclure : « J’ai appris ma leçon et j’écrirais ça… noir sur blanc !« .
Red Arrow, White Arrow et Blue Arrow n’étaient donc qu’un seul et même homme, Green Arrow. Les trois couleurs renvoient à celles du drapeau américain mais découlent aussi d’un choix logique. Il ne pouvait guère y avoir de « Yellow Arrow », le jaune étant souvent associé à la traîtrise ou à la couardise. Et « Golden Arrow » (« Flèche Dorée ») était déjà le pseudonyme d’un héros de l’Ouest paraissant depuis des années chez le concurrent Fawcett Comics. Otto Binder, scénariste de cette histoire de Green Arrow (tandis que le dessin était signé George Papp), était un fréquent collaborateur de Fawcett et pouvait d’autant moins ignorer Golden Arrow qu’il avait lui-même écrit les aventures de cet autre archer. Ce qui ressemblerait le plus à une version dorée de Green Arrow apparaîtrait des années plus tard chez Marvel, dans Captain America #179 (1974), quand le héros Hawkeye se déguiserait le temps d’un épisode en « Golden Archer » (une version dorée du costume de Green Arrow) pour approcher Steve Rogers tout en restant incognito. On remarquera que dans les deux cas il s’agit de se faire passer pour un autre archer pour mieux prouver une chose à un allié et Captain America #179 est donc sans doute une référence indirecte à Adventure Comics #133 (par la suite, à partir de 1975, « Golden Archer » deviendrait le pseudonyme et le look de l’ex-Hawkeye du Squadron Supreme).
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