Pendant le Golden Age, c’est peu de dire que les archers Green Arrow et Speedy n’ont pas toujours rencontré des adversaires à leur hauteur. Parfois trop communs ou trop ridicules, les criminels qui croisaient leur route avaient peu de chose en commun avec la diversité ou la « puissance de feu » de ceux qu’on pouvait trouver dans les aventures de Batman ou de Superman. Il y a une double raison, à la fois liée aux statistiques et à la place. Superman, Batman ou Wonder Woman avaient des séries entières consacrées à leur gloire, avec un nombre de pages qui permettaient, qui exigeaient, de créer beaucoup d’ennemis pour faire face à la demande. Tous les gangsters qui s’arrêtaient à Gotham ou à Metropolis n’étaient pas forcément mémorables mais il n’est pas surprenant que sur le nombre quelques têtes d’affiches (comme le Joker, Lex Luthor, Catwoman…) se soient détachées. Avec plus d’épisodes dans un seul numéro ou parfois un seul épisode prenant une grande partie de la place, le niveau de complexité qu’on pouvait attendre de ces menaces était plus avancé. En 1952 Green Arrow et Speedy, eux, ne paraissaient guère que dans Adventure Comics et dans le trimestriel World’s Finest Comics, à raison d’une seule histoire par numéro et ils n’étaient clairement pas les vedettes des anthologies qui les accueillaient. Du coup c’étaient avant tout des bouche-trous, avec des histoires courtes qui laissaient peu de place aux détails. Moralité ? Si vous étiez un criminel masqué apparaissant dans leurs aventures, vous aviez toutes les chances d’être un personnage un tantinet caricatural ou au besoin franchement ridicules. Et la volonté de créer des tueurs « spécialisés » travaillant avec des gadgets et des astuces pouvant répondre aux flèches de Green Arrow allait ainsi provoquer quelques bizarreries.
De manière assez inhabituelle le récit commence par l’arrestation du criminel. Green Arrow et Speedy arrêtent en effet un certain Steve Bogardus, un bandit d’apparence ordinaire, alors qu’il est en trait de sauter par dessus un mur. Speedy a la présence d’esprit de tirer une flèche qui vient se planter dans la jambe de pantalon de Bogardus, le coinçant en haut du mur. Piégé, il est donc rapidement emprisonné. Comme il était recherché pour meurtre (on ne nous dira pas le meurtre de qui), l’homme est donc rapidement condamné à mort par pendaison. Mais le jour de l’exécution, un incident se produit. Alors qu’on est en train de pendre Bogardus, la corde qui lui serrait le cou se rompt. D’après les lois de l’état où l’action se passe, le prisonnier gagne un jour de répit : quand une exécution échoue, on impose un délai de 24 heures avant de faire une nouvelle tentative. On remet donc Steve Bogardus dans sa cellule. Celui-ci réfléchit : « Ma vie vient d’être sauvée pour 24 heures par une corde ! Peut-être que maintenant je peux utiliser une corde pour me sauver de manière permanente… Hmm… Mon matelas… Ca pourrait marcher… Je doute qu’ils pensent à me fouiller à nouveau ! ».
Le lendemain, alors qu’on a sorti Bogardus de sa cellule pour l’emmener dans une autre aile de la prison, là où doit se dérouler l’exécution, on traverse la cour centrale et… le prisonnier échappe à la vigilance de ses surveillants. Il lance alors une corde qu’il avait caché sur lui et, profitant de l’effet de surprise, arrive à se hisser en haut du mur avant que les gardes aient le temps de vraiment réagir. Bogardus a fabrique cette corde dans la nuit, en se servant des fibres de son matelas… Et il arrive à s’échapper. Quelques jours plus tard, il retourne donc dans la grange où il avait caché son butin. Mais dans sa précipitation, alors qu’il porte sa corde attachée à sa taille, il ne réalise pas qu’en se penchant il vient d’accrocher la bougie qui éclairait l’endroit. Elle se renverse sur le sol de la grange et provoque un incendie. Bogardus est vite coincé derrière un mur de flammes : « Ma… ma corde a provoqué le feu ! Et dire que je pensais que les cordes me portaient chance… Maintenant me voici piégé à cause d’elle ! ». Bogardus n’a d’autre choix que de glisser son magot sous ses vêtements et de tenter de traverser les flammes. Mais ce n’est pas sans conséquences…
Ce n’est que quelques jours plus tard que Green Arrow et Speedy sont réellement confrontés au Roper. Ils l’aperçoivent en train de s’enfuir dans la rue alors qu’il vient de dévaliser la caisse d’un cinéma nommé le Rodéo. Green Arrow explique à son protégé : « J’avais l’intuition qu’il serait ici. « Rodéo » vient d’un mot mexicain voulant dire corde ! Attrapons-le ! ». Mais quand ils lui tirent dessus avec leurs flèches à gadgets une mauvaise surprise les attend : le Roper se met à sauter à la corde, la faisant tourner si vite qu’elle forme une « barrière de corde ». Toute flèche tirée sur lui rebondit sur cette barrière. En tout cas, Green Arrow et Speedy n’arrivent pas atteindre leur cible. Mais, inversement, le gangster peut contre-attaquer et leur promet de prouver que « la corde vaut mieux que l’arc ! ».
Le Roper lance un lasso par dessus l’enseigne du Rodéo et s’en sert pour non seulement capturer Green Arrow et Speedy dans le nœud coulant mais aussi les hisser en hauteur. Piégé, l’archer vert dit alors à son adversaire : « Avant de partir, Roper, tu pourrais trouver cette flèche digne d’intérêt et l’emporter avec toi ». Green Arrow a en effet laissé tomber une flèche à laquelle est accroché un bout de corde. Surpris, le Roper décide effectivement de la prendre. Pendant ce temps Speedy se demande ce que son mentor a en tête. Finalement les deux héros se libèrent et Roy demande à Oliver ce qu’il en est. Mais Green Arrow préfère se taire : « J’ai un plan, Speedy. Il pourrait fonctionner ou pas… Mais je préfère le garder pour moi jusqu’à ce que je sois sur ! ». Dans les années 50, il était courant que le mécanisme des histoires remette en cause la complicité entre un héros adulte et son jeune sidekick, ce dernier optant alors pour une véritable crise de jalousie. Ce n’était pas rare dans les aventures de Batman, où Robin se demandait de temps à autre si Bruce Wayne n’allait pas le mettre sur la touche parce qu’il lui cachait tel ou tel détail. Mais il existait par ailleurs une complicité forte qui se retrouvait renforcée à la fin de l’épisode.
Dans la dynamique Green Arrow/Speedy, si la situation pouvait semblable, le lien filial entre les deux personnages n’était pas aussi fort (en tout cas pendant le Golden Age), ce qui fait que lorsque Green Arrow décidait de ne pas partager quelque chose avec son assistant, c’était plus cinglant. Même si les scénaristes n’en pensaient sans doute pas si long, Batman et Robin avaient une réelle relation de père/fils. Green Arrow/Speedy c’était un peu plus compliqué, là aussi à cause du manque de place qu’ils avaient pour leurs aventures. Oliver Queen n’était pas « forcé » au même point de supporter la présence de Speedy. Et finalement il était régulièrement un poil plus rude ou plus secret (comme pour Adventure Comics #133, où il trompe Roy en se faisant passer pour Red Arrow, White Arrow et Blue Arrow, épisode qui déjà montrait qu’ils n’étaient pas forcément si unis).
Ils retrouvent le Roper en train de dévaliser un restaurant nommé le Skipper (et donc lié à l’univers marin). Les deux héros se doutaient que le « Cordier » avait des chances de s’attaquer à l’endroit (sans doute parce que les marins utilisent beaucoup de cordes et de filins). Cette fois Green Arrow et Speedy décident d’attaquer en utilisant leurs flèches incendiaires. Ils sont convaincus que les cordes du Roper ne pourront rien contre le feu : « Elles seront brulées avant que tu puisses les utiliser ! ». Ils tirent et les flèches se plantent effectivement dans les cordes que le voleur porte sur les côtés. Mais le Roper, contre toute attente, se contente de sortir une sorte
Inutile de dire à quel point les deux archers sont enragés de s’être fait berner plusieurs fois de suite. Rentrés chez eux, Speedy fulmine. Oliver Queen, lui, cherche désespérément une idée dans le journal : « Si seulement je savais à l’avance où il va frapper ! Hmmm… La collection de pièces de Welton est exposée. Ces pièces n’ont pas de prix… Mais elles ne sont pas liées aux cordes ». Et puis Oliver est pris d’une inspiration soudaine. Il demande à Speedy de téléphoner au dénommé Welton et de lui demander de prétendre qu’il a vendu la collection à un certain monsieur Wood (« Bois »). Sans trop comprendre le rapport avec la corde, Speedy s’exécute…
Le Roper se dépêche alors d’attacher les trois bouts de cordes obtenus auprès de Green Arrow. Speedy n’y comprend plus rien : « Il a réuni les morceaux en une seule corde. Mais pourquoi ? Pourquoi ? ». Green Arrow ne perd pas le nord et demande à son assistant d’appuyer avec son dos sur un bouton qui se trouve derrière eux. Dès que Roy l’a fait, une flèche semble surgir de nulle part. Mais comment ? Les deux archers sont pourtant ligotés… Speedy comprend de moins en moins. Mais Green Arrow explique : « J’ai caché un arc ici plus tôt dans la journée. Il était réglé de manière à ce qu’appuyer sur le bouton déclenche une flèche-Boomerang et alerte la police ! ». La flèche-Boomerang enroule une corde autour du Roper, qui se retrouve de ce fait attaché. Bientôt il ne reste plus qu’à livrer le malfrat à la police…
En fait le concept du personnage peut sembler ridicule mais sa manière d’éviter les flèches en faisant tournoyer sa corde fait doublement penser à… Wonder Woman. L’amazone est en effet connue entre autres choses pour deux caractéristiques. D’abord elle repousse les projectiles en interposant ses bracelets de manière si rapide qu’ils forment eux aussi une véritable barrière. Et puis Wonder Woman est elle aussi identifiable à son lasso doré. En un sens on se dit donc que le Roper serait un ennemi bien plus logique pour l’héroïne la plus iconique de DC Comics dans le sens où il pourrait réellement se mesurer à elle avec des pratiques similaires.
Plus tard les empreintes digitales de Gard permettent de l’identifier comme étant aussi Bogardus. Du coup le Roper est renvoyé en prison, avec la promesse d’être pendu cette fois. Ce qui peut expliquer qu’on n’ait pas revu depuis ce personnage pour le moins pittoresque. D’un autre côté avec sa chance apparente avec les cordes allez savoir si cette fois aussi la corde de la pendaison ne s’est pas rompue ? L’univers DC ayant été rebooté deux ou trois fois depuis, l’épisode initial n’est plus de mise mais allez savoir si un jour on ne verra pas une version modernisée du Roper débarquer dans les comics modernes ou dans la série TV Arrow ?
[Xavier Fournier]
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