Oldies But Goodies: Adventure Comics #241 (Oct. 1957)

[FRENCH] Qui est la version féminine de Green Arrow ? Bien souvent on a l’impression qu’il s’agit de Black Canary, alors qu’elle est clairement l’héritière d’une autre tradition super-héroïque. Mais alors que Superman, Batman ou même Namor ont droit respectivement à Supergirl, Batwoman ou Namora, quelle femme peut se targuer d’être l’équivalent de Green Arrow pour ce qui est de maîtriser le tir à l’arc ? Et je ne parle pas de gamines comme Speedy II ou Arrowette, qui sont plus des équivalents de Roy Harper quand il était jeune. Voici venu le moment de vous présenter une héroïne de rêve… Queen Arrow !

Dans les années 50, Green Arrow et son jeune apprenti Speedy sont les spécialistes incontestés du tir à l’arc appliqué au super-héroïsme. Il faut dire aussi que les quelques autres héros-archers apparus dans les années 40 avaient cessés de paraître. C’était un sous-genre relativement passé de mode et même Green Arrow ne devait sa survie au fait que son éditeur s’y était attaché et lui avait trouvé comme planche de survie la possibilité de paraître à l’intérieur d’Adventure Comics (principalement consacré aux aventures de Superboy). Et inversement la concurrence n’avait pas encore inventé Hawkeye et quelques autres. Green Arrow et Speedy étaient donc les meilleurs de leur spécialité… parce qu’ils étaient essentiellement les seuls à l’époque. Et là, dans Adventure Comics #241, voici que la question est posée. Un troisième personnage apparaît, aussi fortiche que Green Arrow pour ce qui est de l’arc et des flèches. Et en plus c’est une femme ! Mais qui est la mystérieuse Queen Arrow ? Disons-le tout de suite, ce n’est pas Black Canary déguisée, cette dernière et Green Arrow ne se rencontreront pas avant de nombreuses années.

En 1957, l’apparence de Green Arrow est un peu particulière puisqu’au lieu d’un costume de « Robin des Bois » totalement vert qu’on connait de nos jours, il porte  un chapeau et des gants rouges qui lui donnent des faux airs de nain de jardin. Speedy (alias Roy Harper, le futur Red Arrow de la Justice League) a lui une apparence fidèle à son aspect classique (rouge et or). Et les couleurs de Queen Arrow, la toute nouvelle héroïne qu’on nous présente en introduction de cette histoire, sont un mélange des deux (vert et or). Bon mais alors qui est cette Queen Arrow ? Le récit n’entretient guère le suspens puisque bien vite on nous entraîne dans la demeure du milliardaire Everet Dare. Ce dernier s’entretient avec sa fille, Diana, qui est totalement fan de Green Arrow. Vu qu’on ne nous avait jamais parlé auparavant de cette Diana Dare (Ha, c’est tout DC ça de nous proposer une Diana Dare après avoir créé des noms comme Lana Lang ou Loïs Lane), elle est immédiatement suspecte. Et d’ailleurs sa discussion avec son père encourage les soupçons, en particulier quand elle lui dit que « si elle était un homme, elle aimerait être Green Arrow ». Et d’ailleurs la nuit venue, prise de somnambulisme, Diana Dare se lève et descend jusqu’à la collection d’armes de son père. Plus exactement elle se rend dans une pièce spéciale où elle collectionne des flèches qui ont été tirées par Green Arrow ou Speedy puis abandonnées lors de leurs bataillées passées. Du coup elle a un arsenal digne des deux héros. Là, elle s’empare d’un arc et de quelques flèches et revêt son costume de super-héroïne, partant à l’aventure sur le dos d’un magnifique cheval blanc.

La même nuit, le richissime Oliver Queen et son pupille, Roy Harper, voient l’Arrow-signal balayer le ciel. A l’époque les aventures de Green Arrow & Speedy étaient en effet nettement basées sur celles de Batman & Robin. Ainsi le Bat-signal est copieusement pompé pour devenir un Arrow-signal (une flèche lumineuse traversant le ciel) et les deux héros se déplacent dans une Arrowcar en lieu et place d’une Batmobile. Green Arrow comprend (on ne sait trop comment) que le signal a été émis depuis une exposition d’aéronautique. Et les deux héros y foncent. Mais quand ils arrivent, les criminels ne sont pas du tout intimidés par leur présence. Au contraire, ils enfourchent des mini-avions présentés dans le cadre de l’exposition et entendent bien s’en servir pour se battre contre les deux archers. Green Arrow et Speedy sont obligés de se mettre à couvert… Et sont sauvés par l’arrivée de Queen Arrow qui utilise alors diverses flèches y compris celle à « gant de boxe », un gadget qui pourtant est un gimmick privilégié de Green Arrow. Les deux héros masculins sont sidérés par l’arrivée de celle qui, pour eux, est une inconnue. Et Queen Arrow s’éclipse sans leur donner de réponse…

Le lendemain, Oliver Queen et Roy Harper observent les manchettes de journaux qui parlent de Queen Arrow et se demandent bien qui peut être cette femme qui utilise leurs méthodes. A l’autre bout de la ville Diana Dare et son père découvrent l’existence de Queen Arrow par ces mêmes journaux. Diana, qui n’a aucun souvenir de sa nuit, est rêveuse… Si seulement c’était elle Queen Arrow, elle aurait alors pu rencontrer son héros préféré ! Elle n’a aucune idée de ce qui se passe… Et pourtant la nuit venue elle se met à nouveau à marcher pendant son sommeil et redevient Queen Arrow. Pendant ce temps Green Arrow et Speedy sont une nouvelle fois sur la piste de gangsters, cette fois en train de piller le coffre-fort d’un musée. Et ce soir encore ils sont sauvés par l’intervention de Queen Arrow et ses flèches si similaires aux leurs. Queen Arrow prend la poudre d’escampette sans plus donner d’explication mais Green Arrow a finalement remarqué que les flèches qu’elle utilise sont des projectiles que les deux autres héros ont déjà utilisés. A partir de là, Green Arrow décide de faire une petite visite chez l’une de leurs principales admiratrices, connue pour avoir une énorme collection de leurs anciennes flèches. Et cette admiratrice, c’est bien entendu Diana Dare.

Monsieur Dare est réveillé en pleine nuit par un étrange spectacle. D’abord il y a sa fille Diana qui traverse la maison en marchant comme un zombie. Puis arrivent sur ses talons Green Arrow et Speedy. Green Arrow a sa petite idée sur ces transes étranges. Il demande à Mr. Dare de lui montrer sa collection d’armes. Là, il y a une flèche ancienne venue non pas de l’arsenal de Green Arrow mais d’indiens d’Amérique-du-Sud, qui enduisent leurs armes avec une potion qui joue sur le sommeil et la volonté. N’importe quelle personne touchée par cette flèche sera poussée à accomplir ses propres désirs. Et Mr. Dare confirme qu’effectivement Diana s’est blessée la semaine dernière avec le projectile. C’est donc cette potion qui fait de Diana une super-héroïne sans qu’elle le réalise. Pas de problème, Green Arrow est familier de ce type de potion et il a à l’intérieur de son Arrowcar de quoi fabriquer un antidote…

Plus tard Diana revient à elle et découvre à l’étage inférieur de la maison son père en train de discuter avec Green Arrow et Speedy. Elle leur demande alors qui est cette Queen Arrow dont elle a entendu parler… Mais Green Arrow lui rétorque que cela doit rester un secret. Et que par ailleurs Queen Arrow a pris sa retraite. On imagine que Green Arrow et Speedy ont convaincu le père Dare de ne pas parler de l’événement à sa fille. Mais pourquoi ? Après tout, même si c’était à son insu, Diana s’est révélée une héroïne capable de sauver à deux reprises la vie d’Oliver et de Roy. Et tout ça en dormant, en plus ! Sans parler du fait qu’inconsciemment, en souhaitant devenir l’égale de Green Arrow elle s’est approchée de façon surprenante de son identité civil avec ce mot de « Queen ». On pourrait penser qu’elle a fait ses preuves et qu’elle mérite au moins d’être mise au courant de ses exploits nocturnes. Mais non. Autres temps, autres mœurs. Il faut dire la vérité : Green Arrow et Speedy sont tout simplement jaloux de constater qu’une femme puisse les concurrencer (n’oublions pas que dans des circonstances similaires le Superman des années 50/60 a condamné Supergirl à vivre dans la clandestinité). Entre gagner une nouvelle partenaire ou utiliser un « antidote » pour qu’elle cesse d’exister en tant que telle, le choix est vite fait. Et sans doute que Monsieur Dare, lui, est d’accord avec la combine pour que sa fille ne risque pas sa vie quotidiennement.

Du coup, ignorant ses propres exploits, Diana n’a jamais repris le costume de Queen Arrow. Rien n’empêcherait cependant l’héroïne de revenir. D’abord il y a le moyen le plus simple : il suffirait qu’elle s’érafle à nouveau avec la flèche d’Amérique-du-Sud. Ou qu’elle trouve son costume planqué quelque part dans sa propre collection. Ou encore que son père décide d’être honnête avec elle.  Sans se limiter avec son association passagère avec Green Arrow, Diana Dare est aussi intéressante pour ses interactions potentielles avec d’autres personnages de l’univers DC. Elle pourrait aussi bien croiser le chemin du Doctor Destiny (un adversaire de la Justice League spécialisé dans la matérialisation des rêves). Ou encore il ne serait pas très renversant d’apprendre que la pointe de flèche qui a un tel effet sur elle, lié à son sommeil, est liée au « sable du sommeil » utilisé par le Sandman de Neil Gaiman. Bref, ce ne sont pas les angles qui manquent et on ne peut que regretter que le machisme de Green Arrow et Speedy leur ait fait étouffer la carrière de cette héroïne débutante. Mais qui sait ? Peut-être un jour auront-ils à nouveau besoin de son aide ?

[Xavier Fournier]

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