Chez Hillman Periodicals on aimait les héros aviateurs (Airboy, Iron Ace…) et il faut bien dire que l’éditeur s’efforçait de renouveler le genre. Les as du ciel publiés dans Air Fighters avaient des costumes ou des avions hauts en couleurs, ce qui fait qu’on était quand même beaucoup plus proche de super-héros utilisant des avions plutôt que d’une représentation réaliste (ou même seulement crédible) d’exploits d’aviateurs. Mais en face, il était rare que les auteurs se donnent tant de peine. Les méchants pilotes nazis ou japonais n’étaient pas très originaux et se résumaient souvent à des bouffons grotesques qui n’avaient pas une chance en face des héros. Rares furent les adversaires mémorables (on retiendra surtout l’exemple de la Valkyrie, qui est un peu à Airboy ce que Catwoman est à Batman). Et s’il faut chercher un méchant doué d’une véritable capacité de nuire, la liste est encore plus courte… Jusqu’en septembre 1943, quand un personnage singulier va faire son apparition et obscurcir les choses de façon un tantinet gothique…
Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que Duray n’a pas le soutien de la population locale. Les habitants de Calcutta, montrés comme des primitifs superstitieux, pensent que le française est le diable pour oser ainsi « défier les cieux sacrés ». Mais ils pensent qu’il va échouer. Duray s’entête, se jette du haut d’une falaise et plane exactement comme il l’avait prévu. Surpris et furieux, les primitifs décide qu’il faut absolument se débarrasser de ce démon. Ils le capturent et l’attachent à un bucher.
Bien vite, Pierre Duray est brulé vif mais loin de montrer des signes de craintes, le supplicié s’adresse à ses tortionnaires : « Brulez moi ! Mais je ne mourrais jamais ! Je ne serais pas le dernier homme volant ! Vous êtes des crétins ! »… Ce qui, bien sur, n’est pas la meilleure façon d’amadouer des gens qui projettent de vous bruler… Pierre Duray meurt donc dans les flammes sans autre forme de cérémonie…
Mais dans les décennies qui suivent un curieux phénomène se produit sur la falaise d’où Duray s’était envolé. Le vent et les intempéries forment une étranger silhouette sur la roche. Au fil des ans on voit que la formation rocheuse prend la forme d’un avion. Bien sûr, à l’époque, les gens ne savent même pas ce qu’est un avion mais au fur et à mesure des progrès de l’aéronautique ils se rendent comptent de la ressemblance et ce rocher devient finalement connu sous le nom de l’Air Tomb (la « Tombe de l’Air ») et considéré comme une sorte de monument naturel à la mémoire des plus grands aviateurs. On voit d’ailleurs l’un d’entre eux qui visite le site et se dit, bizarrement, que « lorsque l’ombre de cette Air Tomb tombera sur mon avion je saurais que mon heure est venue ». Comment l’ombre d’un rocher pourrait venir planer sur un avion ?
Mais soudain une monstrueuse silhouette d’avion vient s’interposer entre poursuivants et poursuivis. Un message radio s’élève alors: « Entendez moi, hommes de l’air. Je suis Misery… Je venu pour vous emporter. Vous connaissez la légende de l’Air Tomb ! ». Terrifié, un des pilotes alliés s’interroge : « L’Air Tomb ? Est-elle venue pour nous tous ? Nous combattons pour une juste cause… On a besoin de nous… La légende n’a emporté aucun de nous pour l’instant… ». Mais Airboy est moins superstitieux et motive ses troupes.
Tout cela ne peut être qu’une supercherie. Il décide donc de prendre en chasse l’Air Tomb qui, malgré sa taille, le sème mystérieusement. Quand Airboy réintègre sa formation il a la surprise de voir les avions de la R.A.F. qui piquent du nez. Jamais il n’a vu les allemands faire autant de victimes. Et pourtant tous les avions alliés s’écrasent, comme si leurs pilotes étaient morts de façon synchrone.
Troublé, Airboy va voir un gradé : « J’imagine que vous avez entendu la mauvaise nouvelle, que toute l’escadrille a été abattue… Et maintenant je reçois ça… ». L’adulte est moins hésitant que le jeune aviateur : « Cette note est ridicule ! Quelqu’un au sol avec un très mauvais sens de l’humour doit être derrière cette lettre… Je te conseille de l’oublier ! ». Mais Airboy persiste : « Mais comment pourrais-je ? J’ai vu ces autres avions s’écraser !!! Qui sait ce qui se passera la prochaine fois ? Mais bien sûr je n’aime pas l’idée de sacrifier la vie… ».
Mais une silhouette encapuchonnée se matérialise soudain devant le héros. Aviateur mais pas forcément fin limier, Airboy demande alors à l’inconnu qui il est… Et ce dernier se contente de ricaner en disant qu’il est un collectionneur d’hommes braves. Autrement dit Misery en personne. Mais Airboy ne se laisse pas prendre à ce qu’il pense être de la mise en scène. La voix qu’il entend lui semble bien humaine… Et le jeune héros saute donc dessus sur son adversaire. Mais la résistance ne fait qu’encourager la convoitise de Misery : « Ah ! Tu es vraiment un bagarreur, Airboy ! Et trop bon pour rester vivant… Maintenant je sais que je te veux ! » S’en suit un échange de coups de poings jusqu’à ce que Misery disparaisse aussi mystérieusement qu’il est apparu. Airboy s’écrie : « Il a disparu complètement, tout comme l’Air Tomb l’autre soir ! ».
Malgré tout, à la différence des avions de la R.A.F., Birdie est un engin ultra-perfectionné pourvu d’un semblant de pilote automatique (voir, dans certains épisodes, d’une sorte d’intelligence artificielle). L’avion d’Airboy se pose donc sans s’écraser. N’empêche que pour Misery l’objectif est rempli. Il a battu le fameux Airboy et profite du fait qu’il est inconscient. L’être spectral s’empare du jeune garçon puis le balance du haut de la fameuse falaise où Pierre Duray s’était élancé quelques siècles auparavant : « Au revoir Airboy ! Tu quitte le monde que tu connaissais ! Quand nous nous rencontrerons à nouveau, tu seras un des braves immortels de l’Air Tomb ! ». Contre toute attente Airboy ne meurt pas. Il est tombé sur une corniche…
Mais Misery l’ignore. Lui est reparti vers l’avion Birdie : « Heh heh ! Ce que j’ai toujours voulu ! Le seul avion qui peut surpasser tous les autres ! Et maintenant avec moi aux commandes, rien ne peut survivre ! ». Misery décolle sans plus attendre mais quelque chose de bizarre se produit. Il ne tarde pas à perdre le contrôle de l’engin. C’est comme si Birdie refusait de lui obéir ! En fait, ce que Misery ignore, c’est que l’avion d’Airboy est équipé de sécurités pour éviter que quelqu’un d’autre puisse s’en emparer. Entre autres choses l’avion peut être radiocommandé grâce à des gadgets cachés dans le costume du petit aviateur. De l’endroit où il se tient, Airboy peut donc diriger son avion à distance et lui ordonner de venir le chercher. Enfin, Misery comprend : « Ainsi Airboy n’est pas mort ! Bien… Je ne referais pas la même erreur ! A nouveau, une fois l’avion posé, les deux adversaires s’affrontent à coups de poings. Mais Misery est prêt à se révéler pour ce qu’il est vraiment…
En haut dans le ciel, Airboy voit le squelette disparaître dans la lava et, survolant la falaise, voit que l’Air Tomb y a retrouvé sa place, à la verticale. Mais Airboy aperçoit des signes d’impacts de balles sur la pierre, prouvant que l’avion qu’il a affronté plus tôt est bien le même que celui qui est figé à flanc de montagne… « Mon dieu ! Est-ce que Misery pouvait vraiment le faire voler ? Et c’est ainsi que les avions de la R.A.F. ont été battus si facilement ? Mais comment faisait-il pour que sa voix soit transmise par la radio l’autre jour ? Tout cela semble douteux… D’un côté on se demande bien comment et pourquoi Airboy en est encore à chercher une explication rationnelle ou scientifique alors qu’il a pu juger du côté surnaturel de Misery. Mais il semble possible que cette nuance de dernière minute soit introduite par le scénariste pour laisser planer le doute et rassurer ainsi certains hypothétiques lecteurs puritains qui se seraient offusqués de voir une histoire présentant des choses démoniaques comme des faits établis…
Bien sur, si vous n’êtes pas spécialement intéressé par Airboy cela pourrait vous faire une belle jambe mais Misery dépasse en un sens le simple cadre des aventures d’Airboy ou des magazines d’Hillman tant il est compatible avec d’autres choses, y compris l’univers Marvel. S’il fallait se poser la question de la continuité (ces épisodes d’Air Fighters Comics sont tombés dans le domaine public, Marvel aurait donc techniquement le droit d’y faire référence sans que cela pose problème), la présence d’un « spirit of vengeance » aérien basé à Calcutta fonctionne assez bien avec les écrits modernes de Jason Aaron (scénariste récent de Ghost Rider). Dans la série Ghost Rider la plus récente, Aaron révélait en effet que les Ghost Riders ne sont pas qu’une sorte de dynastie à travers les siècles mais aussi une véritable caste avec des ressortissants dans de nombreux pays, qui s’adaptent au folklore local (par exemple on voyait un « Ghost Rider » d’Atlantis chevaucher un requin fantomatique). A partir de là, l’idée qu’un Ghost Rider antérieur ait utilisé l’avion plutôt que la moto n’est pas contradictoire. Bien au contraire Misery ressemble physiquement à l’alter-ego de Johnny Blaze… Visuellement, Misery fait également penser au Doctor Destiny, adversaire de la Justice League of America (et vous admettrez qu’entre « Misery » et « Destiny »…). Misery, enfin, fait également penser à tout un segment du film Métal Hurlant (un passage où on voit des aviateurs fantômes)…
Dans les années 80, quand Eclipse relança la série d’Airboy (alors écrite par Chuck Dixon), Misery en serait l’antagoniste majeur, ayant réussit à asservir Airboy et quelques autres aviateurs des années 40. Le fantôme de Pierre Duray serait alors présenté comme une sorte de Méphisto, patron d’un Enfer spécialisé dans les as de l’aviation et continuant d’envoyer sa Air Tomb dans les airs. Ce serait au nouvel Airboy, fils du premier, de contrer la créature démoniaque, en finissant par lui lancer dessus une bombe atomique. Ironiquement, dans les épisodes récents où l’on peut voir Misery, seul l’avant de son crâne est visible, tandis qu’il garde son capuchon sur la tête, sans qu’aucune flamme apparaisse. Sans doute que quelqu’un, chez Eclipse, trouvait qu’il ressemblait vraiment trop à un Ghost Rider si on rajoutait cette auréole de feu…
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