Tandis que la silhouette géante d’un chevalier en armure repousse des avions à coups d’épée, le narrateur nous explique : « Il y a plusieurs siècles, sur un champ de bataille ensanglanté de France, un Iron Ace (un « As de Fer », donc) combattait côte à côte avec Charlemagne. Si grands étaient les exploits de ce puissant guerrier que Charlemagne fit la prédiction que ce Iron Ace vivrait encore… Quand le dernier de ses descendants périrait de la main d’un envahisseur, le Iron Ace reviendrait à la vie et bondirait dans la bataille en bon champion de la liberté« . Bon mais alors ce héros aviateur lui aussi nommé le Iron Ace, ce serait une réincarnation ? Un spectre ? Et quel rapport avec un Captain Britain des années 40 ? Pour le savoir, il nous faut nous tourner vers la France occupée et un meeting de la Résistance, au château d’un certain docteur La Farge…
Pendant ce temps, dans une base de la R.A.F., de l’autre côté de la Manche, un gradé informe le Captain Britain d’un prochain projet de raid dans la région de Dunkerque. Non, vous n’avez rien loupé, l’origine d’un super-héros britannique ne s’est pas glissée entre deux cases. Le nom de famille de ce capitaine de la RAF est tout simplement Britain (un peu comme un français qui se nommerait Jean France). Il s’agit d’un aviateur tout à fait ordinaire (bien qu’héroïque) qu’on envoie en repérage dans le ciel de Dunkerque avant le véritable raid. Rassurez-vous, un vrai super-héros est bien au programme mais il vous faudra patienter encore quelques cases. Malheureusement pour Britain, alors qu’il pique vers le sol pour voir de plus près les installations nazies, il est pris pour cible par des batteries anti-aériennes. Bientôt, l’avion du Captain Britain est touché et s’éloigne en laissant une traînée de fumée. Et bien sûr un officier allemand portant monocle ordonne (avec un accent à couper au couteau): « Ve Must Capture Der Pilot !« .
Il est vite rassuré par le docteur La Farge qui l’accueille en lui disant que le Iron Ace ne lui fera pas de mal, que c’est au contraire l’ami des Anglais. Britain est étonné : Ce n’est jamais qu’une vieille armure dans une cage transparente ! Mais La Farge – dont le passe-temps favori est visiblement de ressasser cette vieille histoire – lui explique (ça ne sera jamais que la troisième fois depuis le début de l’épisode) que ce personnage légendaire reviendra à la vie le jour où son dernier descendant périra sous la main d’un envahisseur. Le docteur panse les plaies de Britain en lui expliquant qu’ensuite il lui montrera la station souterraine où il pourra… Mais La Farge est interrompu.
Caché sous le socle de la statue, le Captain Britain peut ainsi voir La Farge s’écrouler, la main au cœur, en murmurant « Avec… cette… balle… tu viens de… redonner vie… au Iron Ace ! Ohhh ! ». Ca n’est jamais que la énième fois que La Farge nous explique pourquoi il doit mourir mais cette fois, c’est la dernière. Enfin, on espère… Britain, caché, décide de passer à l’action (il aurait pu le faire avant et sauver le français mais ça n’a pas l’air de lui avoir traversé l’esprit). Britain se rend compte que le socle dans lequel il se trouve est friable et que s’il l’effrite encore un peu, il pourra monter jusqu’à l’armure qui se trouve au dessus de lui, et si elle lui va…
Maintenant, ne me demandez pas comment Britain, qui se trouve dans une cage transparente dans la même pièce qu’une patrouille nazie (et donc dans leur champ de vision) compte avoir l’occasion d’enfiler tranquillement l’armure en question. Et pourtant… ça marche. Tandis que des soldats craintifs demandent à l’officier s’il accorde un peu de valeur à la légende du Iron Ace, l’autre leur réponds que seule une race inférieure peut accorder de l’importance à de tels contes de fée. Que eux sont trop braves pour… Et là, l’armure s’anime, l’épée à la main, traversant la vitre de la cage ! « Le Iron Ace est revenu à la vie » s’écrient les nazis, terrifiés. Et pour parfaire le côté « personnage fantomatique », le Captain Britain s’écrie, du fond de l’armure « Death to the invaders who trample the soil of France ! ». Juste histoire de dire qu’à priori ce fantôme de fer (même si on peut imaginer que la phrase est supposée être dite en français et « traduite » à l’usage des petits lecteurs américains) doit avoir un accent anglais à couper au couteau…
Heureusement pour le héros en armure, les Allemands ont l’esprit accaparé par leur frayeur. Encore que l’officier ordonne qu’on lui passe une mitrailleuse afin de « renvoyer cet Iron Ace à Charlemagne ! ». Mais les balles allemandes ne peuvent rien contre… l’armure. Apparemment elle est assez épaisse pour servir de gilet pare-balles (je doute de l’exactitude historique d’une telle armure « blindée » mais bon…) avec la même efficacité qu’une Wonder Woman jouant de ses bracelets. Le Iron Ace n’a plus qu’à se ruer sur les allemands en criant « Par le fantôme de Charlemagne… Je vous écraserais pauvres mortels ! ». Devant une telle apparition, la patrouille bat en retraite pour demander des renforts…
Mais que peut faire un avion solitaire contre l’armée de l’air allemande ? Quand un aviateur nazi le repère, il tente bien de le descendre mais Britain est trop adroit. Aussitôt un appel est lancé aux escadrilles allemandes ! Converger vers l’inconnu et abattre le seul aviateur qui représente un danger pour eux. Le Iron Ace va se faire tirer comme un lapin, sous le feu croisé des nazis… Quand il se souvient que La Farge lui a dit d’actionner une navette en cas de danger. C’est aussitôt fait et… les panneaux composant l’enveloppe de l’avion coulissent, révélant… une sorte de couverture d’acier.
« L’ennemi a lâché un As de Fer ! Nous sommes condamnés ! » s’écrie un pilote nazi qui n’avait pourtant aucune raison de savoir quel est le nouveau pseudonyme du Captain Britain. Très vite le chef d’escadrille allemand comprend qu’ils ne font pas le poids et qu’il faut sauver tous les avions qui peuvent l’être. Il ordonne donne de battre en retraite. Bon prince, le Iron Ace décide de laisser filer les derniers adversaires : « Je vais les laisser rentrer. Ils répandront une précieuse propagande me concernant ! ». Et ça ne manque pas. Très vite dans les réseaux de résistance Français on comprend que La Farge disait vrai, que le Iron Ace est de retour. La nouvelle s’étend à travers toute l’Europe et les radios clandestines expliquent partout que « l’As de Fer de Charlemagne vit ! Que les ennemis sont alors destinés à être écrasés et que l’Europe sera bientôt débarrassée des nazis ! ».
Incognito, le Captain Britain rentre en Angleterre après avoir pris soin de cacher son armure (et on se doute qu’il a de nouveau retourné le blindage de son appareil). Tout au plus un mécano s’interroge de le voir rentrer avec un avion qui n’est pas le sien. Britain explique alors que son précédent avion a été abattu et qu’il a « trouvé » celui-ci grâce à un vieux paysan, qu’il ne faut pas s’en occuper et qu’il faut juste le ranger dans son hangar personnel puisqu’il aimerait garder l’appareil « pour des raisons sentimentales ». Ses collègues ne le contrarient pas. Tout au plus commentent-ils sans trop de tact que Britain était le meilleur pilote… jusqu’à ce que le Iron Ace débarque et lui pique la vedette. Fin de l’origine et mise en place du mécanisme super-héroïque : A chaque fois qu’on aura besoin de lui, il suffira que le Captain Britain enfile l’armure planquée dans l’avion et appuie sur un levier pour blinder son véhicule et le rendre méconnaissable.
Le Iron Ace était ainsi prêt à entrer dans la légende et resterait un héros régulier dans les pages de Air Fighters Comics même après que la revue ait été rebaptisée Airboy. On sent bien, en définitive, que le Iron Ace est un peu comme la compression de deux héros nationaux différents. D’une part il y a des châteaux et des armures également en Angleterre et il aurait été possible de raconter en gros une histoire similaire (en l’inversant et montrant un corps expéditionnaire attaquant un château anglais) en faisant de « Captain Britain » un héros 100% anglais, sans emprunt folklorique à la France. Et inversement un résistant français aurait pu tout aussi bien devenir le Iron Ace, un héros 100% français sans qu’il soit besoin de faire un détour par le Royaume-Uni. Mais deux facteurs ont sans doute joué. D’une part il valait mieux sans doute avoir un personnage anglophone (les français étant souvent caricaturaux dans leur accent, le héros aurait trop souvent été tourné en dérision). Et puis il y a aussi le fait qu’en 1942 il était délicat d’imaginer un héros représentant la France puisqu’elle était coupée en deux pour les raisons que l’on sait. Alors que l’Angleterre résistait encore aux Allemands. En faisant du Iron Ace un héros franco-anglais, les auteurs pouvaient ainsi tabler sur deux nations liées directement à la guerre sans vraiment être trop dépendant de l’actualité (quoi qu’il se passe en France, le Iron Ace pourrait continuer d’agir sans trop risquer de se mouiller politiquement où de se faire rattraper par les événements en France).
Les aventures du Iron Ace pendant le Golden Age se poursuivraient jusqu’en 1947 (soit une durée globale de 5 ans), survivant à la fin de la guerre (ce qui est plutôt bien quand on voit comment ses origines étaient liées au conflit et à l’armée). Hors réimpressions, on n’allait plus entendre parler du Iron Ace pendant une quarantaine d’années mais son histoire n’était pas encore terminée. Dans les années 80 Chuck Dixon allait ramener la plupart des anciens héros publiés dans Air Fighters Comics au sein d’une nouvelle série Air Boy (publiée chez Eclipse Comics) se déroulant de nos jours. Le Iron Ace y apparaissait et il s’agissait toujours du même héros même si les batailles avaient été rudes au fil des ans. Ronald Britain était devenu un cyborg, façon pratique de prendre en compte son âge tout en le maintenant en état de combattre et en justifiant d’une autre manière son surnom d’Iron Ace. Clin d’œil à ses origines au fond de la cave à vins ? Le Iron Ace vivait dans la remise de la maison d’Air Boy et était une sorte de héros-mentor du jeune aviateur. En cas de coup dur, le Iron Ace dans sa version moderne était même susceptible d’attacher des accessoires-ailes à son corps et de devenir lui-même une sorte d’avion-robot. Bref, tel que réinventé par Chuck Dixon le Iron Ace était une sorte de cousin aérien du Cyborg des Teen Titans, à l’abri de l’âge. Il ne serait pas exclu de le revoir de nos jours… Mais rien ne vaudra les origines délirantes de l’aviateur blindé, les armures pilotant les avions ou encore les pistes de décollage planquées dans les caves des châteaux ! Merci Mr. La Farge !
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