Oldies But Goodies: All-American Comics #89 (Sept. 1947)
9 novembre 2013[FRENCH] Comme nous avons pu le voir dans d’autres chroniques en 1947 le scénariste Robert Kanigher fut pris d’une véritable frénésie de création de nouveaux ennemis pour les super-héros de DC, avec une forte prédilection pour les femmes criminelles. C’est dans ce contexte qu’il allait lancer une certaine Harlequin dans les aventures du Green Lantern du Golden Age.
On ne peut pas vraiment dire que Robert Kanigher était partout chez DC à la fin des années 40. Néanmoins sur l’éventail de séries qu’il a pu écrire (pour certaines à peine quelques mois), il a créé certains des adversaires les plus fameux. Et en particulier des femmes fatales. Non seulement Kanigher fut le repreneur des aventures de Wonder Woman (toujours partante pour affronter des super-ennemies diverses et variées) mais, en l’espace de quelques mois, Black Canary, Star Sapphire et vraisemblablement la première Huntress sont sorties de l’esprit du scénariste. Le cas de Black Canary est un peu spécial car, créée en août 1947 comme une femme fatale se moquant du héros Johnny Thunder, elle fut par la suite transformée en héroïne.
Avec Harlequin, lancée quelques semaines plus tard, il semble que Kanigher ait voulu perfectionner le procéder et mettre en place un personnage qui ne serait pas foncièrement méchant… mais qui jouerait quand même au chat et à la souris avec le héros concerné (Green Lantern). Sur la page d’introduction Green Lantern et son faire-valoir habituel, le chauffeur Doiby, sont aux prises avec une femme costumée. Le narrateur explique alors : « Le dictionnaire nous dit qu’un Arlequin (Harlequin en anglais) est un joueur de tours fantastiques dans l’univers de la comédie. Mais si l’Harlequin mettait le pied dans la réalité, alors n’importe quoi pourrait se produire. Et ce fut le cas ! Pour plus d’explications, consultez Green Lantern, car ce croisé d’émeraude a été débordé quand on lui a présenté… l’Harlequin ! ».
C’est par une scène d’action que débute cet épisode du Green Lantern de l’âge d’or, dessiné par Irwin Hasen (le co-créateur de Wildcat). Pour on ne sait trop quelle raison un gangster, Killem Kid (« Killem » étant la contraction « Tues-les !« ) semble sur le point de prendre des otages en pleine rue, les menaçant d’une mitrailleuse. Green Lantern surgit et se sert de sa bague magique pour lancer une sorte de sort. On aurait tendance à l’oublier en raison des ajustements successifs dans les décennies suivantes mais à l’origine la bague du premier Green Lantern ne faisait pas forcément des « tours » à base de lumière. Dans les années 40 on insistait plus sur la nature magique de ce talisman. Dans le cas présent, l’anneau énergétique d’Alan Scott brille et… un lampadaire de rue placé juste à côté du gangster s’anime, l’enserrant comme s’il s’agissait d’un tentacule. Alors qu’il s’envole avec son prisonnier, la foule admire la bravoure de Green Lantern…
Puis le héros reprend sa vie civile. Dans la vie de tous les jours il est Alan Scott, le directeur des programmes de la radio WXTZ. Un poste qui, l’air de rien, est atypique pour l’époque car si (dans le sillage de Clark Kent/Superman) les héros liés aux médias pullulaient, on préférait en général en faire des journalistes, plus prompts à enquêter. Un « directeur des programmes » est moins sur le terrain et c’est en quelque sorte un poste beaucoup plus sophistiqué que ce que les comics montraient de la radio à l’époque (on se souviendra qu’au même moment, chez Fawcett, Billy Batson était supposé être un reporter vedette de la radio alors qu’il était sans doute à peine pubère).
Bientôt Molly Maynne, l’assistante d’Alan, vient le trouver. J.Q. Lentil, un des gros sponsors de la radio, a une nouvelle idée de show qu’il voudrait mettre à l’antenne et la direction veut que Scott s’en occupe. Là aussi, c’est assez réaliste. Les feuilletons radiophoniques et divers types d’émissions étaient en effet financés par la publicité et il n’était pas rare que les annonceurs prennent une part active dans l’élaboration des programmes. C’est ce qui avait causé, quelques années plus tôt, l’apparition de programmes comme l’émission du Shadow. Et là, Lentil a une idée du même ordre. Peut-être inspiré par le récent exploit du super-héros, le sponsor explique à Scott qu’il veut mettre à l’antenne un feuilleton basé sur Green Lantern. Lentil ne se doute pas qu’il est en train d’expliquer son idée à quelqu’un qui, par ailleurs, EST réellement Green Lantern. Et Alan Scott, peut séduit par l’idée, tente d’abord d’argumenter qu’aucun acteur ne voudra prendre la place du vrai Green Lantern. Ce à quoi Lentil exige que Scott se débrouille pour convaincre le vrai Green Lantern de jouer son propre rôle. Scott insiste sur le fait que Green Lantern n’est sans doute pas facile à contacter et que même sans ça, rien ne prouve qu’il veuille se prêter au jeu. Et puis Scott avance un dernier argument : même en admettant que Green Lantern soit d’accord, il y a la question de savoir qui il pourrait affronter dans ce nouveau show…
La question est intéressante car aussi logique qu’elle soit, elle ne coule pas forcément de source à l’époque. Dans les feuilletons radiophoniques il n’était pas rare que le Shadow, le Green Hornet ou Superman affrontent des gangsters interchangeables. Il n’y avait pas forcément besoin de se gratter la tête pour trouver un adversaire très emblématique. Le fait que Kanigher soulève ce point témoigne sans doute de ce qui était une conviction de l’auteur et ce qui explique sa véritable boulimie de création d’adversaires en 1947. Si bon nombre de super-héros (à la radio ou dans les comic-books) pouvaient se satisfaire de combattre du gangster lambda (et Green Lantern lui-même l’avait souvent fait), Kanigher, lui, pensait qu’il fallait des antagonistes un peu plus hauts en couleurs.
Pour en revenir à l’histoire, Lentil contre ce dernier argument de Scott en disant qu’il a un ennemi tout trouvé pour Green Lantern ! Son garçon lui a fourni l’idée en lisant un comic-book : Une jolie femme en costume d’Harlequin, portant des lunettes et utilisant des gadgets. Il faut croire que dans le contexte de l’histoire Harlequin est un personnage de BD très connu puisque Molly, qui assiste à la réunion, semble admirative : « Harlequin est un personnage merveilleux, Mr. Scott ! ». Mais le directeur des programmes est dubitatif : « Peut-être, mais comparée à Lantern, elle est inconnue ! ». Ca n’émeut guère Lentil, qui ordonne à Scott de se bouger pour contacter Green Lantern tandis que l’annonceur se débrouillera pour que le nom d’Harlequin soit sur toutes les lèvres. Ce n’est que plus tard que Lentil téléphone à Molly pour lui expliquer l’idée qu’il vient d’avoir : organiser une tournée pour présenter Harlequin tout en la gardant masquée, en gardant le doute sur sa véritable identité de manière à attirer la curiosité du public.
Molly trouve l’idée bonne mais… Alan Scott n’a pas encore recruté l’actrice qui doit incarner Harlequin. Dès qu’ils l’auront fait, Molly s’engage à prévenir l’annonceur. La jeune femme n’est pourtant pas au bout de ses surprises. A peine est-elle en train de raccrocher que Green Lantern surgit par la fenêtre. Le héros explique qu’il vient de rencontrer Alan Scott et qu’il accepte de participer au show à deux conditions. D’abord qu’on y exprime clairement le message que le crime ne paye pas. Et que le salaire de Green Lantern soit reversé à des œuvres de charité. Puis il s’en va, en expliquant qu’il doit continuer de pourchasser le reste des hommes de la bande de Killem Kid. Tout ça, bien sûr, n’est qu’un stratagème de Scott pour s’enlever une épine du pied au niveau professionnel et justifier qu’il a pu contacter le héros. En même temps dans sa volonté d’expliquer, Green Lantern en fait sans doute trop. Si vraiment il venait de croiser Alan Scott il lui aurait suffi de donner son accord à Scott et il n’y aurait pas besoin de venir le dire en personne à son assistante. Mais Molly est tellement subjuguée par la présence du héros qu’elle n’a pas le moindre soupçon.
Deux semaines plus tard, Alan Scott présente à Molly Maynne le script du premier épisode de Green Lantern vs. The Harlequin et lui demande de le taper en 12 exemplaires. Mais maintenant qu’il est établi qu’Alan Scott connait Green Lantern, Molly a une requête d’un autre ordre. Elle demande à Scott s’il pense… qu’elle est assez au goût pour de Green Lantern pour sortir avec elle après l’enregistrement du show. Alan Scott, sans doute soucieux de conserver son identité secrète, botte en touche : « Vous feriez mieux d’oublier Green Lantern, Miss Maynne. Il passe son temps à combattre le crime et les crapules. Vous ne voudriez quand même pas devenir criminelle rien que pour le rencontrer ? ». En fait, après que Scott se soit éclipsé et alors qu’elle est en train de taper le script, Molly s’attriste. Mais sa timidité ne s’articule pas comme on pourrait le penser. Sa situation est plus complexe : « Je n’ai jamais eu le moindre rencard… parce que j’étais trop athlétique et qu’aucun homme ne pouvait me battre aux sports. J’ai du cacher mes talents pour devenir une secrétaire discrète… »
Si on regarde bien, les propos de Molly sont bien plus progressistes qu’on pourrait s’y attendre pour l’époque. Molly est une femme dépassant la plupart des hommes mais qui, incapable de se faire accepter, a donc été obligée d’adopter un profil mineur en attendant de pouvoir trouver sa place dans la société. Cette histoire d’hommes incapables de la battre évoque aussi un peu ce qui sera bien plus tard la logique de la barbare Red Sonja (qui n’envisage de se donner qu’au seul homme qui arrivera à la battre en combat singulier). « Maintenant, pour la première fois, je rencontre Green Lantern, mon égal… et il n’a pas de temps pour moi, seulement pour les criminels. Hmmmm…. ». Finalement les mots d’Alan Scott font leur chemin dans l’esprit de Molly et, comme l’explique le narrateur, Molly Maynne décide de prendre sa destinée en main et d’assumer le rôle… d’Harlequin ! ». En gros sous l’influence d’Alan Scott (lequel en fait pratiquement lui suggérer le contraire) elle décide de devenir criminelle pour être sure de pouvoir croiser à nouveau Green Lantern !
Alan Scott aurait doublement mieux fait de la fermer ce jour-là. D’autant qu’il aurait pu tout simplement conseiller à Molly d’incarner Harlequin dans l’émission de radio. En participant aux enregistrements de l’émission elle aurait ainsi été sûre de croiser son héros. Mais ni Molly ni Alan ne semblent y avoir pensé. En l’espace de quelques mois (le passage du temps est marqué par l’effeuillage d’un calendrier à l’effigie d’Harlequin) Molly s’entraine visiblement et se prépare… On la retrouve dans un costume coloré, dérivé du personnage du show (et sans doute du comic-book montré quelques pages plus tôt par Lentil), passant à travers la vitre d’un local. Elle trouve alors des hommes en train de jouer au poker, passablement surpris de voir surgir ainsi une femme. Mais la nouvelle Harlequin ne se démonte pas et leur explique que maintenant que Killem Kid est en prison, elle va prendre sa place et les diriger. A travers les propos de Molly quelques cases plus tôt, on a compris qu’elle est une athlète confirmée qui cache bien son jeu. On ne nous explique cependant pas comment elle a pu trouver la bande de Killem avant Green Lantern, qui est un justicier expérimenté.
Pas impressionné, un des hommes tente de sortir son arme mais Harlequin le contre en utilisant ses lunettes. Mais Harlequin le contre avec ses lunettes, capables d’émettre une lueur qui désoriente et hypnotiser ses adversaires. Là non plus on ne nous dit pas comment Molly, qui ne semble pas avoir de compétence technique particulière, a pu créer de telles lunettes (des décennies plus tard on expliquera que sa technologie est liée à celle des Manhunters, les robots ennemis du Green Lantern moderne, Hal Jordan). L’homme est donc incapable de l’agresser mais le reste de la bande tente de sauter sur la jeune femme, qui utilise tout ce qu’elle peut pour le repousser. Même son chapeau pointu devient une arme, puisqu’elle semble le planter dans l’œil d’un des hommes. Bientôt, elle arrive cependant à tous les balayer du rayon de ses étranges lunettes. Comme zombifiés, ils se tiennent alors au garde-à-vous tandis qu’elle explique : « Harlequin est votre leader désormais ! Vous ferez tout ce que je vous dirais sans la moindre hésitation ! Vous n’avez pas à craindre Green Lantern ! Il ne fait pas le poids face à moi ! ».
Comme fait exprès, c’est le moment où Green Lantern arrive, ayant finalement trouvé le repaire de la bande. En pénétrant dans la pièce, il n’en croit pas ses yeux en reconnaissant le costume d’Harlequin, qui est supposé être un personnage de fiction. Surprise mais pas paniquée, Harlequin pose alors sur la table sa paire de lunettes, qui aveuglent le héros. On ne sait pas trop pourquoi Harlequin est en mesure d’hypnotiser les gangsters mais n’essaie pas d’en faire autant avec Green Lantern. Mais l’important est qu’elle ordonne à ses nouveaux hommes de main de neutraliser le héros. Ce dernier, désorienté, semble incapable d’utiliser le pouvoir de la bague (non pas que ce soit proprement dit dans la BD mais en tout cas il ne s’en sert pas). Mais même s’il n’utilise que ses muscles Green Lantern arrive à repousser les gangsters et promet de jeter toute le monde en prison. Harlequin, admirative, s’exclame alors « Tu combats magnifiquement mon héros, mais j’ai encore une carte à jouer ! » tandis qu’elle s’empare de la mandoline qu’elle porte sur le côté. Green Lantern est plutôt incrédule : « Une carte, Harlequin ? Tu ne crois quand même pas que tu peux me charmer avec de la musique ? ». En fait le manche de la mandoline peut s’allonger mécaniquement, de manière à ce que l’instrument puisse forme une sorte de massue. Sous le choc Green Lantern est projeté à l’extérieur à travers la vitre par où est entrée Harlequin. L’ennui c’est que la pièce se trouve à plusieurs étages de hauteur… Réalisant ce qu’elle vient de faire, Harlequin se précipite, folle d’inquiétude, vers la fenêtre : « Non ! Non ! Je ne peux pas croire qu’il est mort ! Pas lui ! ». En fait le hasard a voulu que Green Lantern atterrisse sur un support de drapeau à mi-hauteur de la façade. Il est donc indemne et seulement hors d’état de la poursuivre. De manière induite, on comprend alors qu’Harlequin en profite pour prendre la poudre d’escampette.
Sauf que plus tard on est supposé procéder à la diffusion d’une nouvelle émission. Et elle devrait être diffusée en direct ! Lentil et les acteurs attendent donc Green Lantern qui ne fait pas mine de venir. L’annonceur se retourne alors vers Molly (visiblement elle a trouvé le temps de se changer) et lui ordonne de faire quelque chose. On court à la catastrophe ! Heureusement le héros franchi à ce moment la porte du studio. Lentil lui ordonne de se mettre vite en place mais Green Lantern est surpris. Molly fait mine de ne pas rester pour l’émission ? Elle prétexte qu’elle part à la recherche d’Alan Scott. Sans le savoir elle vient de tomber sur le seul prétexte que le héros ne peut pas lui reprocher. Lentil questionne. Où était passé le héros ? L’annonceur a failli faire une crise cardiaque en voyant l’heure tourner. Doiby, le faire-valoir de Green Lantern (et par ailleurs chauffeur de taxi) explique alors qu’il conduisait sa voiture dans la ville quand il a aperçu de loin Harlequin en train de sauver Green Lantern, en l’empêchant de tomber d’un support à drapeaux (la scène étant visiblement survenue dans l’ellipse entre la chute d’Alan et le moment où on nous a montré le studio de radio). Lentil est incrédule. C’est impossible ! La femme qui joue Harlequin est restée là toute la journée, pour répéter son rôle. D’ailleurs elle entre dans la pièce, en tout point semblable à la femme que le héros a affronté plus tôt. Green Lantern ne sait plus trop croire. Dans le doute, comme ils n’ont pas le luxe du temps, il décide de commencer la transmission de l’émission. Green Lantern approche donc du micro et commence par réciter son vœu magique : « In brightest day, In blackest night, no evil shall escape my sight… et ainsi de suite ».
Pendant ce temps les auditeurs tendent l’oreille et commencent à se passionner pour la lutte fictive entre Green Lantern et Harlequin, les comédiens jouant leur rôle à merveille. Mais à un moment le show est interrompu par un flash spécial. S’excusant de couper la parole au héros masqué, un journaliste révèle alors qu’au même moment… Harlequin est en train de dévaliser le magasin de Lentil ! Si vous aviez pu croire que Molly avait endossé à nouveau le costume d’Harlequin pour réaliser l’émission en compagnie de l’homme qu’elle aime, il n’en est rien. C’est bien une actrice qui est dans le studio. La « vraie » Harlequin a trouvé un autre moyen de se rappeler au bon souvenir de son héros. Green Lantern décide que puisque l’authentique Harlequin est dans la nature, il doit interrompre l’émission et poursuivre sans attente son ennemie. On pourrait croire que Lentil est paniqué à l’idée que son entreprise soit dévalisée mais il est surtout préoccupé par le sort de son émission. Avant que Green Lantern ait quitté la pièce, Lentil s’arrange pour lui passer un micro portatif autour du cou. Le gadget a visiblement assez d’autonomie pour poursuivre l’émission à distance. Sur le coup, malgré la taille de l’objet, Green Lantern ne semble pas le remarquer mais par la suite on notera qu’il prend soin de commenter tout ce qu’il fait et qu’il accepte donc au moins en partie cette règle du jeu.
A nouveau on voit différents auditeurs se passionner pour cette enquête, d’autant plus que maintenant c’est pour de vrai. A travers la radio on entend Green Lantern et Harlequin en découdre une nouvelle fois. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’on retrouve vraiment de visu ces personnages costumés, alors qu’Harlequin et sa bande tentent de s’enfuir à bord d’une voiture dont le pare-brise a la forme des lunettes de la jeune femme. Green Lantern saute sur le coffre arrière mais celui-ci est piégé. Une sorte de sangle s’échappe du coffre et bien l’entraver. A nouveau on nous montre que l’action est retransmise même au delà des États-Unis (un globe terrestre et des pilonnes semblant indiquer que l’audience est mondiale). On retrouve un Green Lantern inconscient : tandis qu’il était piégé à l’arrière de la voiture, Harlequin a eu l’idée de faire tomber sur lui la porte d’un garage, ce qui l’a proprement assommé. Un des hommes de main est admiratif devant le talent de sa nouvelle patronne. Mais il est quand même étonné quand il remarque qu’après avoir ordonné que Green Lantern soit pendu par les pieds, dans leur repaire, Harlequin prend quand même la peine de placer un oreiller sous lui, au cas où il tomberait. Pour couper court aux questions, Harlequin lui ordonne de réunir le gang pour préparer de nouveaux coups.
Mais d’abord Harlequin veut entraîner la policer ailleurs grâce à une diversion. Fièrement, son complice lui explique qu’il s’est déjà occupé de ça. Il a laissé une bombe à retardement dans le magasin de Lentil, sous l’ascenseur principal. Harlequin est scandalisée ! Le centre commercial accueille des milliers de personnes innocentes ! L’autre ne voit pas trop le problème mais elle l’assomme avec sa mandoline-massue, voulant se ruer pour empêcher l’explosion de la bombe. Là, quand même, les gangsters trouvent le comportement de leur patronne trop bizarre pour eux. L’un d’entre eux l’assomme par derrière tandis qu’un autre lui passe la tête dans un sac : « Nous n’allons pas laisser une femme nous diriger ! ». Il faut croire que l’effet des lunettes hypnotiques de Molly est de courte durée. La bande s’installe ensuite à bord de la voiture trafiquée d’Harlequin. Bien qu’ils considèrent qu’elle leur a rendu un fier service en neutralisant Green Lantern, ils comptent bien la jeter du haut d’un pont et la laisser se noyer.
Arrivé au pont, un des hommes réalise quand même que ce serait bête de la jeter du pont sans prendre le temps de récupérer ses lunettes spéciales. Il ouvre le sac… mais elle n’est plus là ! En lieu et place il y a Green Lantern ! Le héros explique alors qu’il a pu se libérer grâce à son anneau et qu’il échangé sa place avec Harlequin tandis que la bande se partageait le magot. A nouveau on entre dans un illogisme propre aux comics, une capacité à compliquer les choses sans que le(s) héros le réalise. Green Lantern aurait tout aussi bien pu coffrer la bande tandis qu’elle se partageait l’argent. Il n’avait aucune raison d’attendre et de se livrer à ce stratagème. D’autant que par chance un des gangsters arrive à lui donner un violent coup de poing et le fait tomber dans les pommes. Du coup la bande jette Green Lantern par dessus le pont. Ou en tout cas tente le coup mais c’est oublier un peu vite que le héros a un anneau qui lui permet de voler. Les bandits sont d’un seul coup tout surpris de voir leur voiture s’élever dans les airs grâce à une paire d’ailes vertes générées par un Green Lantern bien vivant. Cette fois c’est lui qui distribue des coups de poings et neutralise ses adversaires : « Pas un moment à perdre… Si je veux arriver au centre commercial avant que cette bombe explose ! ».
Robert Kanigher n’est visiblement pas très à l’aise avec les pouvoirs de Green Lantern et les gère dans cet épisode avec une singulière économie. Pour se rendre au centre commercial, le héros utilise ainsi la voiture ailée qu’il vient de générer, comme s’il n’avait pas l’habitude de voler de manière autonome grâce à son propre pouvoir. C’est donc en voiture volante que Green Lantern arrive près du centre, où il apprend qu’Harlequin a prévenu tout le monde d’évacuer l’immeuble et qu’elle est en train – en vain – d’essayer de désamorcer la bombe. Constatant que la foule n’arrive pas à sortir assez vite, le héros comprend que son devoir premier est d’utiliser sa puissance verte pour former des toboggans lumineux. Les gens peuvent donc s’échapper par chaque fenêtre. Mais quand il ne reste plus qu’Harlequin à l’intérieur… l’immeuble explose ! Harlequin serait-elle morte en se comportant de façon héroïque ?
Plus tard, c’est sous l’identité d’Alan Scott que le héros retourne aux studios. Il trouve un Lentil absolument ravis « Quel programme ! Le monde entier l’a entendu ! ». Lentil n’a pas l’air de réaliser que son centre commercial a explosé et semble toujours concentré sur la seule réussite du show. Mais il questionne Scott : « Mais ou étiez-vous ? Où est-ce que Miss Maynne vous a retrouvé ? ». Surpris, Alan Scott bredouille qu’il était coincé dans les embouteillages et qu’il n’a pas vu Molly. Lui aussi commence à se demander où elle est passée… quand la jeune femme entre aussi dans la pièce : « Oh, vous êtes-là, Mr. Scott ! Je vous ai cherché partout ! Que pensez-vous d’Harlequin maintenant. Vous pensez qu’elle est l’égale de Green Lantern ? En je veux dire *était* ! ». Alan la regarde pensivement en se posant des questions et l’épisode s’achève ainsi, avec la vague impression que, peut-être, Scott soupçonne son assistante mais qu’il ne peut rien prouver.
Par la suite Molly va s’inscrire durablement dans les aventures de Green Lantern et Harlequin va revenir plusieurs fois affronter le héros en se faisant passer pour une criminelle. Il y a mieux pour draguer l’homme de sa vie mais Kanigher donnera à la série un petit air de « Mr. et Mrs. Smith », Molly et Alan se croisant tous les jours sans réaliser (car il s’avère finalement qu’Alan ne soupçonne pas son assistante) qu’ils sont l’un et l’autre les personnages qu’ils pourchassent.
Dans All-American Comics #91 Harlequin passe pourtant vraiment très près de forcer Green Lantern à l’épouser, sous l’influence de ses lunettes. Mais quand il lui passe au doigt son anneau de puissance en guise de bague de mariage, Harlequin prend peur en expliquant que porter l’anneau la montrerait comme ce qu’elle est réellement. Elle préfère s’enfuir. Enfin Harlequin préfère fuir mais bien sûr Molly reste aux côtés de Scott. Il faut croire qu’à l’époque la réaction à l’apparition d’Harlequin est bien celle qu’espéraient ses créateurs car si elle est absent d’All-American Comics #92, une publicité annonce que la publication-sœur, Green Lantern, sera un numéro spécial Harlequin où le héros l’affrontera dans tous les chapitres. On la retrouve dans également dans All-American Comics #93-95, au terme duquel elle promet à Green Lantern que, s’ils se démasquent tous les deux l’un en face de l’autre elle abandonnera sa carrière dans le crime. Green Lantern est d’accord… mais au moment où ils posent leurs masques un nuage de fumée les empêche chacun de voir le visage de l’autre. Les deux personnages finissent par en conclure que leur destin n’est pas de savoir qui ils sont.
Dans All-Star Comics #41 (février 1948), Harlequin reçoit une sorte de promotion puisqu’elle rejoint les rangs de l’Injustice Society of the World au côté de différentes créations de Kanigher (Icicle, Huntress, le Fiddler…). Mais là aussi, quand elle se rend compte que l’Injustice Society est peut-être arrivée à tuer les héroïques membres de la Justice Society of America, elle se dépêche d’aider Black Canary (une autre « fille » de Kanigher) pour les sauver. A mi-chemin entre l’ennemie et l’héroïne, membre d’une des seules équipes de bad guys de DC Comics mais aussi alliée de la JSA, Harlequin/Molly est donc quelqu’un qui se distingue particulièrement à l’époque.
Finalement Harlequin connaîtra une bonne douzaine d’apparitions sur une période qui porte à peine sur un an, preuve qu’on pensait qu’elle était devenu une présence importante dans les aventures de Green Lantern (à comparer Catwoman n’était pas aussi mise en évidence dans les épisodes de Batman à la même époque). Dans Green Lantern #34 (septembre 1948) on annonce d’ailleurs qu’on va « révéler le grand secret d’Harlequin ». Et le lecteur a donc tout le loisir de croire qu’Alan Scott va enfin découvrir que sa secrétaire le fait tourner en bourrique. Mais le secret n’est pas ce qu’on croit. Harlequin n’est pas démasquée mais Green Lantern découvre qu’elle est… un agent fédéral ! Oui, elle n’avait pas pour but seulement de séduire Green Lantern ! Elle devait également infiltrer la pègre !
Comprenant alors qu’elle n’a jamais été réellement criminelle, Green Lantern la traite alors comme une alliée et on a réellement l’impression qu’elle est en passe de devenir sa partenaire officielle. Il s’en est sans doute fallu d’un cheveu pour qu’Harlequin accède à un niveau de notoriété semblable à celui de Black Canary. Malheureusement pour elle les super-héros étaient en train de connaître un certain déclin et Green Lantern n’échappait pas à la règle. Quelques mois plus tard Green Lantern allait disparaître des pages d’All-American. Alan Scott prenait la route des limbes et, avec lui, sa secrétaire Molly allait disparaître dans la foulée.
Quand la Justice Society of America revint dans les années 60, la vie privée des membres n’était que très peu explorée et dans un premier temps l’existence de Molly ne fut plus mentionnée. Pour vraiment la voir reprendre de l’importance, il faudrait attendre 1981 et Superman Family #206, dans lequel elle affronte le Superman de Terre-2. Il apparait que tout le monde ne sait pas forcément qu’Harlequin est du côté des bons. Lors d’une mission elle est obligée de capturer la Lois Lane de Terre 2, ce qui attire bien sur le courroux de Superman (l’épisode mettant également en scène Green Lantern). A force et de façon assez incroyable, Molly et Alan finiraient pas se confier réciproquement leurs secrets et par franchir le pas dans les années 80. Roy Thomas avait un temps pensé introduire un héros mâle nommé Harlequin dans sa série Infinity Inc. (composée à partir d’héritiers de la Justice Society) mais se ravisa finalement parce qu’il utilisait déjà Jade et Obsidian, qui étaient eux aussi liés à Green Lantern. Il faudrait attendre quelques épisodes pour voir apparaître une autre Harlequin qui utilisait les mêmes lunettes que Molly mais qui était, elle, une vraie criminelle. Molly Maynne-Scott n’a depuis été utilisée que très occasionnellement quand un scénariste se souvenait que Green Lantern était supposé être marié. Depuis 2011 et le reboot de DC, avec la nouvelle version d’Alan Scott qui est gay, il est certain que si d’aventure on devait réinventer Harlequin l’alchimie entre les deux personnages serait fondamentalement différente.
L’autre élément qu’il est intéressant de souligner avec le recul concerne l’origine même de l’identité d’Harlequin. A la base il s’agit d’un personnage fictif, publié dans un comic-book. Or, chez DC Comics, la règle veut depuis les années 60 que les différentes Terres soient interconnectées par un système de rêves et d’imagination. Quand Barry Allen (le Flash du Silver Age) rencontre Jay Garrick (le Flash du Golden Age) il le reconnait car Terre 1, le monde de Barry, les aventures de Jay ont été publiées sous la forme d’un comic-book. La logique voudrait donc que si Harlequin était un personnage de comic-book sur Terre 2 il y ait quelque part sur une autre Terre une Harlequin héroïque qui « existe » réellement…
[Xavier Fournier]
Arlequin/Molly est-elle connectée à Harley Quinn / Harleen Quinzel ?
Et sait-on comment et quand GL a découvert la vérité sur sa Némésis ?
Molly et Harley ne sont pas du tout liées. Ou en tout cas plus que deux personnages basés sur une même tradition théâtrale. De toute manière dans le nouvel univers DC Molly n’existe plus (ou pas encore sur Earth 2 ?).
GL a découvert la vérité très tard, seulement dans les années 80, quand c’est Harlequin elle-même qui lui a expliqué (elle, par contre, avait découvert entretemps qu’Alan Scott et GL n’étaient qu’une seule personne). Tout s’est déroulé dans un wagon d’épisodes d’Infinity Inc. dans lequels Obsidian et Jade (enfants d’Alan Scott mais pas de Molly) découvrent leurs origines exactes.