Oldies But Goodies: All-American Comics #90 (Oct. 1947)

[FRENCH] C’est sous des allusions à peine voilées au Titanic qu’Icicle, le premier grand personnage « glaciaire » de DC Comics fit ses débuts. Cet adversaire de Green Lantern (puis de la Justice Society) allait jeter des bases qui seraient reprises plus tard par des criminels similaires (comme Captain Cold ou Mister Freeze) pour affronter Flash ou Batman et peut-être même par le Iceman des X-Men…

« Prenez le pouvoir mystique d’une antique lampe verte, un pouvoir qui permet à un homme de se déplacer à travers les murs et qui lui donne une immunité contre les métaux pendant 24 heures après qu’il ait touché l’anneau de puissance de la lampe verte… Combinez çà avec l’énorme pouvoir de concentration d’Alan Scott et vous aurez… Green Lantern ! ». C’est avec ces paroles que débute dans All-American Comics #90 une nouvelle aventure de la « Lanterne Verte » (tel qu’on le traduira à l’époque en France). Mais on notera à quel point, même plusieurs années après le lancement de Green Lantern, les pouvoirs de ce héros sont encore mal définis à l’époque. Green Lantern est décrit comme un être qui traverse les murs et qui résiste aux métaux. Mais rien n’est dit sur le fait qu’il peut voler où que son anneau de puissance peut émettre de la lumière.

Ce qui est mal défini aussi, à ce moment-là, c’est la liste des principaux adversaires de Green Lantern. La plupart du temps ce porteur d’une bague magique va en effet affronter de simples gangsters sans envergure ou des menaces plus bizarres mais éphémères. Ainsi le colossal Solomon Grundy (sorte de zombie précurseur de Hulk), un des ennemis les plus marquants d’Alan Scott pendant le Golden Age, n’a affronté en tout et pour tout le héros que quatre fois pendant les années 40 (et encore, dans un de ces cas il s’agissait d’une aventure de la Justice Society of America toute entière).

Green Lantern ne combattait donc que très rarement des personnages qui pouvaient passer pour des super-vilains classiques. Chez DC Comics, ce n’était d’ailleurs pas un phénomène propre à ce personnage : Tout le monde n’avait pas la chance d’avoir des adversaires aussi pittoresques que ceux de Batman et, dans une moindre mesure, de Superman et Wonder Woman. C’est à se demander d’ailleurs s’il n’y aurait pas une adéquation à chercher entre la durabilité des principaux héros de DC et le fait que leurs exploits étaient plus épiques alors qu’ils affrontaient des méchants de la trempe du Joker, de Lex Luthor et du dieu Mars. Peut-être (mais ce n’est bien sur qu’une supposition) que le scénariste Robert Kanigher faisait en 1947 une analyse du même ordre. Il est possible, aussi, que cette année-là l’auteur se fixa comme but de renouveler le cheptel de super-vilains parce qu’il s’agissait de remplacer les espions nazis et japonais qui, pendant la seconde guerre mondiale, avaient été des épouvantails bien pratiques pour alimenter les histoires. Ce qui est certain c’est qu’en l’espace de quelques mois à peine Kanigher allait lancer un flot de super-vilains mémorables comme Black Canary (d’abord adversaire de Johnny Thunder) ou très probablement Huntress (ennemie de Wildcat). Et pour ce qui est de Green Lantern ? Dès All-American Comics #89 (l’épisode précédent celui qui nous intéresse aujourd’hui) Kanigher avait inventé une autre femme fatale, Harlequin. Mais Robert Kanigher n’était pas qu’un créateur de super-criminelles et il n’en avait pas terminé avec la mythologie de Green Lantern…

Dans All-American Comics #90, Alan Scott, qui exerce la profession de reporter radio, commente en direct l’arrivée d’un navire étranger : « Il y une rumeur qui veut que le docteur Joar Makent, le physicien européen, amène ici une découverte scientifique étonnante ! Nous allons essayer de l’interviewer dès qu’il débarquera ! ». Mais la mission est double pour Scott car la police a appris via un de ses indics que le même navire transporterait Lanky Leeds, un racketeur qui a été expulsé du pays l’an dernier et qui tenterait d’y pénétrer à nouveau sous une fausse identité. Alan Scott peut donc s’attendre à faire d’une pierre deux coups. Mais soudain il grelotte. Il explique à ses auditeurs que la température vient de tomber brusquement. Tout le monde sur le quai tremble de froid. Mais le plus étonnant est ce qui se passe dans l’eau… Elle vient de geler et de former une véritable banquise. Le bateau qui était sur le point d’accoster, l’Atlantania, est recouvert de glace. On se croirait au Pôle Nord… Alors que la scène se passe en plein mois de juillet !

Il n’en faut pas plus pour qu’Alan Scott s’éclipse (il faut croire qu’il a trouvé une solution pour mettre fin à son direct sans que son public se demande où il était passé) et troque ses vêtements contre la tenue de Green Lantern : « Il se passe quelque chose d’étrange à bord de ce navire ! Je dois découvrir ce qui se passe… En tant que Green Lantern je devrais encore avoir quelques heures d’énergie dans mon anneau, après l’enquête que j’ai terminé la nuit dernière ! ». Le fonctionnement de l’anneau du premier Green Lantern n’est pas toujours très cohérent selon les différents scénaristes qui ont pu écrire ses aventures dans les années 40. On a parfois l’impression que l’anneau magique peut-être rechargé à volonté en utilisant une lampe mystique que Scott a récupéré en Chine (à l’origine le personnage est dérivé d’Aladin et la lampe devait lui servir à réaliser des souhaits, d’où le nom du héros, mais les auteurs se sont finalement tournés vers la bague, plus facilement transportable). Dans d’autres cas il semble qu’Alan Scott ne peut recharger l’anneau qu’une fois toutes les 24 heures, disposant d’un capital d’énergie qu’il lui fait gérer (sinon il risque la panne de puissance). Cette réflexion de Scott alors qu’il se change pourrait nous laisser penser qu’on est plutôt dans le second cas. Mais comme, par la force des choses, il ne se déplace pas avec sa lanterne magique à la main, elle est sans doute restée à son appartement et le héros veut dire par là qu’il ne dispose que de l’énergie déjà contenue dans l’anneau.

Quelques secondes plus tard Green Lantern survole le pont du bateau prisonnier des glaces : « Il fait de plus en plus froid alors que je m’en approche ! Heureusement que mon anneau me protège ! ». Mais tout le monde n’a pas la même bague qu’Alan Scott… Comment les passagers de l’Atlantania, habillés pour l’été, pourraient ils résister à un froid polaire ? Et bien ils ne le peuvent pas ! Quand Green Lantern se pose sur le pont il découvre que les gens sont gelés sur place, comme des mannequins ! Le héros se précipite alors vers la suite 201, celle de l’homme le plus important du voyage, le docteur Makent. Mais une autre mauvaise surprise l’y attend. Makent est raide ! Et par « raide » comprenez bien qu’il est mort, pas gelé sur place. Non, dans son cas on lui a tiré dessus ! Green Lantern n’en revient pas : « Cette journée est un véritable cauchemar ! Qui peut l’avoir tué ? Et d’où vient ce froid étonnant ? ». Mais pendant qu’il observe le cadavre de Makent le héros baisse sa garde. Une jeune femme brune se glisse derrière lui et l’assomme d’un coup de crosse de revolver.

Heureusement pour Green Lantern l’inconnue ne profite pas de ce moment d’inconscience pour le supprimer. Quand il revient à lui quelques instants plus tard le cadavre de Makent a disparu. Et on a accroché, avec une épingle à chapeau, un message au costume du héros : « Green Lantern, si tu veux trouver Lanky Leeds, viens au 183 Birch Alley ». Alan Scott réfléchit « Lanky Leeds ! Alors il est lié à ces évènements mystérieux ! Je me demande qui a pu écrire ce message ». Quand il s’envole au dessus de l’Atlantania, il a néanmoins une bonne surprise. Les autorités ont amené le navire à quai et sont en train de faire débarquer les passages… qui sont indemnes : « Je ferais mieux d’aller à Birch Alley. Le froid s’est dissipé ! Étrange… il a disparu aussi vite qu’il est apparu ! Et tout est revenu à la normale… Sauf pour l’homme qui a été assassiné ! ».

Mais alors que Green Lantern survole la ville pour se rendre à Birch Alley, il est témoin d’une scène étrange: le sol des rues a été recouvert par la glace. Monté sur une sorte d’hydravion qui glisse rapidement sur cette surface, un personnage vêtu de blanc tire un curieux rayon qui gèle les choses devant lui. Il s’adresse alors à quelques complices qui se trouvent à bord de l’engin: « Ca va plus vite de voyager sur la glace les garçons ! Et Icicle (« stalactite » ou « Glaçon » NDLR) ne peut pas perdre de temps ! ». La scène ne peut qu’interpeller le super-héros. Encore que, bizarrement, il semble tarder à faire le rapprochement avec l’Atlantania : « Qu’est-ce qui se passe ici ? Cet homme en costume produit un tapis de glace devant l’hydravion, avec un étrange pistolet ! ». Réalisant que les curieux personnages prennent la route de Television City, Green Lantern décide de les suivre.

« Television City » ? Historiquement les aventures de Green Lantern se déroulaient à Gotham City (plus connue pour être par ailleurs la ville de prédilection de Batman). Le héros à l’anneau vert aurait-il changé de ville entre deux épisodes ? Ou bien s’agit-il simplement d’un quartier de la ville qui accueillerait plus spécialement les studios de télévision ? En fait, on va assez rapidement reconnaître l’endroit grâce à une statue caractéristique : Un colosse qui soulève une sorte de globe vide formé par des cercles de métal. Il s’agit à l’évidence d’une allusion à la statue d’Atlas qui trône à New York dans le quartier du Rockfeller Center, non loin du Radio City Music Hall. L’histoire se passe donc à l’évidence à New York ou dans une ville basée sur New York, dans le quartier traditionnel des médias audiovisuels. Notons aussi que le Rockfeller Center est également célèbre pour une autre statue, consacrée à Prométhée, devant laquelle on dresse régulièrement une patinoire pendant l’hiver. La patinoire du Rockfeller Center explique sans doute que Kanigher et le dessinateur de l’histoire (Irwin Hasen) aient choisi l’endroit, vu l’importance tenue par la glace dans cette histoire.

De loin, Green Lantern observe Icicle et les malfrats, qui en ont après un joyau exposé dans un hall au dessus de la fameuse statue d’Atlas évoquée un peu plus tôt. Icicle ressemble à une sorte de lutin fait de glace tandis que ses hommes de main ont l’air d’une sorte de mélange entre des membres du Ku-Klux Klan et des cimes enneigées. Vu le nom de guerre de leur patron, il semble clair que leur déguisement doit évoquer des stalactites de glace. Pour ce qui est d’Icicle en lui-même, on ne pourra pas s’empêcher de remarquer qu’il est la copie conforme d’un héros du Golden Age, Sub-Zero Man (publié dans Blue Bolt Comics à dater de 1940), un peu comme s’ils étaient des jumeaux séparés à la naissance. Sur le plan visuel la ressemblance est totale mais Sub-Zero Man n’avait pas besoin d’accessoire : Icicle utilise son pistolet caractéristique (mini d’un barillet en forme de soucoupe) pour geler l’eau de la fontaine devant la statue. Grâce à ce stratagème les chutes d’eau pétrifiée forment comme de véritables escaliers que les bandits empruntent pour s’introduire dans l’endroit où la gemme est exposée en compagnie d’autres pierres précieuses. Icicle menace alors le public de son arme, faisant mine de geler le premier qui bougera. Décidant qu’il en assez vu, Green Lantern se décide à entrer en action. Il commence par utiliser son anneau vert pour dégeler l’eau de la fontaine, ce qui a pour effet de dissoudre les « escaliers » que la bande comptait sans doute utiliser pour sa fuite.

Mais Icicle n’est pas impressionné et se considère plus fort que Green Lantern. Le héros persiste néanmoins : « Ton pistolet bizarre est puissant, mais mon anneau peut encore t’appendre quelques trucs ! ». Alan Scott utilise alors son anneau pour déloger les anneaux portés par la statue d’Atlas et tenter d’emprisonner Icicle avec eux. C’est là aussi un signe caractéristique de la conception des pouvoirs de Green Lantern à l’époque. Bien souvent l’Alan Scott des années 40 « anime » ou déplace des objets grâce au pouvoir de son anneau mais il n’a pas encore recours à des constructions d’énergie. On peut comparer avec ses méthodes à partir du Silver Age, influencées par Hal Jordan (le Green Lantern « moderne »), où Scott systématise la création d’objets à partir de son anneau. Suivant les méthodes du Silver Age, Green Lantern n’aurait pas besoin de déloger les anneaux tenus par la statue d’Atlas, il lui suffirait de créer une cage d’énergie verte. Le résultat est pratiquement identique mais la scène témoigne bien de la petite nuance qui existe alors dans les pouvoirs de la bague. Icicle n’est cependant pas impressionné. Il utilise son pistolet givrant pour geler la statue au point où elle devient fragile et s’écroule sous son propre poids. Qui plus est il s’arrange pour que la statue tombe sur Green Lantern. Ce dernier, immobilisé, ne peut donc plus pourchasser la bande…

Mais, comme le fait remarquer un des hommes d’Icicle, il reste que le héros a détruit les escaliers de glace qui devaient leur servir pour fuir. Le chef de la bande, lui, n’est pas inquiet. Il suffit d’utiliser une sorte de bouche à incendie et de geler son jet, qui forme alors une colonne par laquelle les voleurs peuvent se laisser glisser. Quand Green Lantern revient à lui, les officiels sont catastrophés : Il y en a pour un million de dollars de bijoux volés. Et la bande a pu fuir sans problème ! Alan Scott est mortifié par son échec. Mais il repense soudainement qu’il lui reste un indice : « La note accrochée avec une épingle à chapeau semble indiquer que Lanky Leeds a tué le docteur Makent.. Et Makent avait fait une découverte scientifique… Puis voilà qu’un criminel surgit avec le pouvoir de commander aux éléments ! Tout est lié ! Les méthodes de cet Icicle sont typiques de Lanky Leeds… Prochain arrêt 183 Birch Alley ! ».

Quelques instants plus tard Green Lantern arrive à l’adresse indiquée, dans un immeuble à l’allure misérable. Mais dans l’appartement il trouve… le cadavre de Lanky Leeds ! Mais alors qui est Icicle ! Au même moment à l’étage, les hommes du gang sont en train de se féliciter que leurs costumes spéciaux les protègent du froid émis par leur leader. Mais ils écoutent comme le bruit d’un corps qui tombe (on comprendra que c’est Green Lantern qui, sous la surprise, vient d’échapper la dépouille de Leeds). Presque immédiatement le héros surgit en traversant les murs : « Les brutes d’Icicle ! C’est une bonne chose que j’ai décidé d’inspecter le reste de l’immeuble ! ». Avant que les voleurs aient pu le cribler de plomb, Green Lantern utilise sa bague pour décrocher un lourd plafonnier qui tombe sur les hommes. Une victoire facile ? Non ! Car Icicle, qui se tenait dans une pièce voisine, utilise son pistolet givrant… Green Lantern est paralysé sous l’effet du froid (apparemment l’anneau a oublié qu’en début d’histoire il avait été capable de protéger son propriétaire de ce genre de température. Ou peut-être qu’il ne peut pas résister à une décharge directe). Icicle ordonne à ses hommes d’attacher le héros pétrifié et de le jeter dans le sous-sol où la bande dispose… de sables mouvants (ne me demandez pas pourquoi et pourquoi un spécialiste du froid fabriquerait des sables mouvants dans sa cave). Mais comme Icicle et ses hommes ne sont visiblement pas des lumières, personne n’a pensé à retirer sa bague à Green Lantern. Le héros est sur le point de s’échapper quand il remarque une jeune femme brune, elle aussi prisonnière du sable : « Green Lantern ! Dieu soit loué ! Vous êtes ici ! Vous avez reçu mon message ! ».

Comme Green Lantern est encore un peu gelé et doit attendre de retrouver sa mobilité pour pouvoir les tirer de là, la jeune femme explique qui elle est :  « Je suis Lorna Dawn, un agent des services secrets ! Je vous ai assommé sur le navire mais j’étais obligée de le faire ! ». Elle explique qu’elle était chargée de protéger le docteur Makent et son invention mais que le dernier jour du voyage Lanky Leeds a fait irruption dans la cabine du scientifique, pointant vers lui un revolver pour le forcer à livrer sa découverte. Néanmoins Makent, pas impressionné, refusa de se rendre. Un combat s’engagea entre les deux hommes, combat pendant lequel l’invention de Makent, un pistolet givrant, fut délogée de son socle et actionnée par accident, lançant une décharge de froid. Tombée dans l’inconscience, Lorna n’est revenue à elle que lorsque le rayon vert de Green Lantern a généré de la chaleur alors qu’il arrivait dans la cabine. Mais Leeds, sous la menace d’une arme, l’a obligée à assommer le super-héros (Leeds aurait pu abattre Green Lantern et l’agent secret sans se donner tout ce mal). Une fois débarrassé de Green Lantern, Leeds a trainé le corps de Makent en dehors du bateau, forçant Lorna à l’accompagner. Heureusement l’agent secret avait trouvé le temps de glisser un message au héros, parlant de l’adresse que le gangster avait mentionné.

A ce moment, Green Lantern est assez dégelé pour tenter de les libérer. Mais si son anneau arrive à les tirer du sable, il y a un problème de taille : la bague vient d’arriver au bout de sa réserve. Le héros ne peut plus voler ou se servir de ses pouvoirs. Il en est quitte pour escalader « à l’ancienne » le puits où ils sont retenus, portant Lorna sur son dos. Il faut que croire que la bande d’Icicle a déserté l’endroit puisque quelques secondes plus tard Green Lantern et son alliée sont dans la rue. Le héros explique à l’agent secret qu’elle est en sécurité mais qu’il doit la laisser. En s’éloignant il rumine : « C’est curieux ! Son histoire a du sens… A part sur un point ! Mais pas le temps de m’en faire pour ça pour le moment ! J’ai énormément à faire ! ». Alan Scott se précipite chez lui pour recharger son anneau de puissance en utilisant sa lanterne mystique. Récitant le célèbre serment, il renouvèle ainsi ses pouvoirs pour 24 heures.

Bientôt Green Lantern survole à nouveau la ville. Il se souvient qu’un des hommes d’Icicle a parlé d’aller voler chez Equinox. Le héros en déduit qu’un casse est sur le point de se produire chez la compagnie d’assurance Equinox, située dans le centre-ville. Et effectivement au même moment la bande est sur le point de passer à l’action. Pour éviter les gardes, Icicle utilise une bouche à incendie qui doit être sous forte pression car dès qu’elle est ouverte elle projette un jet de plusieurs dizaines de mètres de haut (!). Icicle n’a plus qu’à geler cette eau et les voleurs peuvent se servir de ce « pont de glace » pour s’introduire dans les étages du haut, où la société garde son argent liquide. Icicle n’est pas capable de générer de la glace à partir de rien. Il lui toujours une source d’eau pour opérer. Mais il est difficile de voir cette scène sans penser à ce que fera Iceman, jeune membre des X-Men originaux en 1963, quand il prendra l’habitude de créer des toboggans de glace…

Alors qu’Icicle et ses hommes effectuent cette intrusion spectaculaire, Green Lantern arrive sur les lieux : « J’avais raison ! Icicle est en train de faire son coup ! ». Comme pour la fontaine un peu plus tôt, le héros actionne son anneau vert. La glace fond sous l’effet de la lumière. Les hommes de main d’Icicle qui se trouvaient encore sur le « pont givré » se retrouvent à tomber dans le vide.

Et cette fois seulement Alan Scott semble réaliser qu’il peut créer quelque chose avec son anneau. Il dresse un filet de lumière verte qui intercepte la bande dans sa chute. Il ne reste guère qu’Icicle qui a eut le temps de sauter sur le toit de l’immeuble avant la fonte du pont. Green Lantern vole vite vers lui mais bientôt les deux armes s’affrontent et sont apparemment à égalité. Icicle lance son rayon givrant vers Alan et ce dernier lance une rafale d’énergie verte pour le contrer. Mais le héros réalise vite que leur puissance est similaire. Pour vaincre il décide d’utiliser la ruse : Soudain il devient immobile, laissant croire à Icicle que c’est finalement le rayon givrant qui l’a emporté. Quand le bandit s’approche pour en finir, Green Lantern lui saute dessus et lui arrache sa cagoule. Icicle est… le docteur Joar Makent !

Réalisant qu’il est battu Icicle/Makent saute du haut de l’immeuble, tombant dans une proche rivière. Green Lantern ne fait le moindre geste pour l’intercepter : « Il est tombé d’une hauteur de 20 étages ! C’est la fin d’Icicle ! ». Il ne reste plus qu’à expliquer une chose. Comment Makent a pu apparaître mort ou vivant à des moments différents de l’histoire. Plus tard, le journaliste Alan Scott se présente au bureau de Lorna Dawn pour tout lui expliquer : Sur le bateau Makent portait déjà ses vêtements spéciaux (ceux qui le protégeaient du froid). On comprendra donc que Leeds n’a pas pu l’abattre pendant que Lorna était inconsciente. Au contraire c’est bien Makent qui a abattu l’autre bandit, de manière à ce que la police pense que Leeds était Icicle. Après Makent a échangé ses vêtements avec ceux de Leeds, s’arrangeant pour qu’un masque de glace recouvre le visage de sa victime. Ainsi, en se basant sur ce qu’il portait, tout le monde penserait que le cadavre était celui de Makent. Alan Scott raconte à Lorna que Green Lantern a tout compris quand il a découvert le corps de Leeds avec le « masque de glace » qui avait disparu.

Notons qu’au passage il y a quelque chose de curieux dans la scène où le cadavre est découvert à Birch Alley puisqu’il est dessiné… avec les vêtements initiaux de Leeds, ceux que justement Makent est supposé avoir troqué ! Il s’agit sans doute d’une méprise du dessinateur. Imaginons que Makent n’avait pas envie de porter longtemps les vêtements d’un mort et qu’il a à nouveau échangé leurs tenues une fois arrivé à l’appartement. Lorna reconnaît que Makent était malin… « Mais cela veut dire aussi que Makent avait depuis le début de mauvaises intentions pour son invention ! Mais il n’avait pas anticipé l’intervention de Green Lantern ! ». Modeste, Alan Scott rajoute « Ni la tienne, Lorna ! L’affaire d’Icicle est close ! ».

Enfin oui et non. Comme les lecteurs de comics le savent bien, tant qu’on ne voit pas un corps (et parfois même quand on voit un corps, comme c’est le cas au début de cette histoire) on ne peut pas tabler qu’un personnage est réellement mort. Robert Kanigher ne s’était pas donné la peine de créer Icicle pour s’en débarrasser au bout d’une douzaine de pages. Dès All-American Comics #92 (Décembre 1947) le criminel glaciaire referait surface, bel et bien portant, dans un autre épisode. Mais la carrière d’Icicle bénéficierait d’un coup d’accélération quelques mois plus tard dans All-Star Comics #41 (juin 1948), écrit non plus par Robert Kanigher mais par John Broome. Vu le casting de l’épisode il semble quand même difficile de croire que Kanigher n’a pas joué au moins un petit rôle dans la conception de l’histoire : Broome y assemble une toute nouvelle Injustice Society of the World (organisation ennemi de la Justice Society of America) en réunissant principalement (mais pas seulement) des personnages créés dans les mois précédents par Kanigher: En plus d’Icicle on trouve ainsi Harlequin, Huntress et Fiddler (en VF le « Violoneux », lui aussi créé par le même auteur). Il n’y a guère que le Wizard et Sportsmaster (ce dernier lancé par Broome) qui échappent à cette règle. D’autant que l’épisode a pour but de mettre en place l’arrivée de Black Canary au sein de la JSA. Autrement dit All-Star Comics #41 est un véritable festival consacré à Kanigher. Après ? Après on ne reverrait pas Icicle de tout le Golden Age. Mais cette dernière apparition, l’installant dans le cercle très fermé des adversaires de la JSA allait lui permettre de perdurer par la suite.

En 1963, quand DC ramènerait la Justice Society pour qu’elle fasse équipe à l’occasion avec la JLA (Justice League of America #21-22), l’éditeur aurait besoin de justifier cette alliance avec une menace tirée de la mythologie de la JSA. Problème : Comme nous l’avons dit en ouverture de cet article les « vrais » super-vilains du Golden Age se faisaient rares en dehors de ceux de Batman, Superman ou Wonder Woman. Icicle fut donc rapidement recruté au sein des « Crime Champions », une équipe criminelle créée pour l’occasion. Joar Makent fait du coup partie des premiers adversaires de la JSA à être revenus dans les années 60. Par la suite il a fait partie de la plupart des versions reformulées de l’Injustice Society avant de céder la place vers 1999 à son fils, Icicle II (Cameron Makent), une création de Geoff Johns dans la série Stars and S.T.R.I.P.E.

Mais il serait faux de limiter l’héritage d’Icicle à Cameron Makent. Icicle, malgré sa carrière limitée pendant le Golden Age, a cependant été influent. On peut se perdre en conjectures sur la ressemblance entre les « ponts de glace » créés par Icicle et les « toboggans de glace » utilisé par le mutant Iceman (Bobby Drake) dans la série X-Men. Après tout Icicle a refait surface dans Justice League of America en août 1963, l’année de la création du héros glaciaire de Marvel. Mais Iceman date de septembre (tout comme Jack Frost II, par la suite rebaptisé Blizzard, un ennemi d’Iron Man à ne pas confondre avec un autre Jack Frost, héros de Marvel dans les années 40), ce qui laisse trop peu de temps pour réellement envisager qu’Icicle aurait provoqué la création de Bobby Drake chez les X-Men. Mais il existe un maillon manquant. Créé par Robert Kanigher, Icicle était forcément connu du scénariste John Broome qui l’avait utilisé dans son Injustice Society en 1948. Il faut croire que neuf ans plus tard Broome n’avait toujours pas oublié Icicle quand il créa, dans Showcase #8 (mai 1957), un nouvel adversaire de Flash, le bandit glaciaire Captain Cold. Certes Kanigher et Icicle n’ont pas le monopole de la glace ni même du pistolet générateur de froid (après tout il suffit de vouloir inventer le contraire d’un lance-flammes) mais Captain Cold, malgré un costume différent, reproduit dès 1957 toutes les fonctions d’Icicle. C’est très probablement Captain Cold, adversaire régulier de Flash (un des personnages les plus populaires du Silver Age), qui est à la base de la résurgence des personnages utilisant la glace et qui a influé sur les pouvoirs de Iceman et Jack Frost II. Mais Icicle reste l’ancêtre thématique de Captain Cold et, à ce titre, a influé sur toute une génération de héros et de super-vilains issus du froid !

[Xavier Fournier]

Xavier Fournier

Xavier Fournier est l'un des rédacteurs du site comicbox.com, il est aussi l'auteur de différents livres comme Super-Héros - Une Histoire Française, Super-Héros Français - Une Anthologie et Super-Héros, l'Envers du Costume et enfin Comics En Guerre.

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