100 ANS DE JACK KIRBY Début 1964, à défaut de sortir Captain America de la naphtaline, Stan Lee et Jack Kirby l’extirpent littéralement de son hibernation. Mais pourquoi/comment avoir attendu trois ans après la renaissance de l’univers Marvel (Fantastic Four #1, 1961) pour ramener celui qui, un quart de siècle plus tôt, avait été la figure de proue de l’éditeur ? Avengers #4, numéro connu s’il en est, est un jalon qu’il convient de décoder.
L’histoire veut que ce soit en rentrant de son club de golf (où ses partenaires de jeu ont vanté les résultats des ventes de DC Comics, en particulier de la Justice League of America) que Martin Goodman, passablement vexé, ordonne à Stan Lee de lancer un groupe de super-héros capable de marcher sur les plates-bandes de la JLA. C’est ainsi qu’en 1961 Stan Lee et Jack Kirby créent les Fantastic Four. Mais à bien y regarder, ces Quatre Fantastiques ne sont pas aussi proches de la Justice League qu’on aurait pu s’y attendre. Disons, tout au moins, que Marvel avait les moyens de s’approcher beaucoup plus du modèle de l’équipe fédératrice de DC Comics, en puisant par exemple dans la horde de super-héros costumés que Timely/Marvel avait publié depuis 1939. En bref, si l’on voulait « imiter » la JLA, le plus simple, le plus évident, aurait été de directement créer les Avengers (ou quelque chose d’approchant) dès 1961. Mais à l’époque Marvel a essuyé différents revers de distribution qui ont mené à une situation assez particulière : l’éditeur, privé d’autre choix, est distribué depuis quelques temps par une filiale de… DC Comics. De facto, Marvel n’ose donc pas attaquer frontalement le genre super-héroïque, de peur que son distributeur le considère désormais comme un concurrent direct. On opte donc pour des aventuriers pourvus de superpouvoirs, certes, mais qui n’utilisent pas de masques ou de tenues outrancières. Même la célèbre combinaison bleue des Fantastic Four mettra un peu de temps à se matérialiser. Tout au plus, il y avait une réinvention d’Human Torch, un concept remontant au Golden Age. Mais sinon… Dans les faits, les quatre héros ont bien, quand même, un air de famille avec les Challengers de l’Inconnu, une autre série de DC, mais celle-ci n’a pas l’importance stratégique que le navire amiral qu’est la JLA. Donc, à l’évidence, ça passe. Et c’est sans doute ce qui explique, dans un premier temps, que Captain America ne refasse pas surface, dès 1961, à la tête d’une équipe de justiciers costumés.
Mais l’idée est déjà là. Dans un courrier daté de la fin août 1961, adressé au collectionneur Jerry Bails, Stan Lee révèle déjà qu’il pense ramener des héros d’antan tels que Namor le Sub-Mariner… et Captain America ! Le courrier est en fait une réponse à la parution d’un article sur Timely/Marvel (plus précisément l’All-Winners Squad, groupe de héros de Timely/Marvel publié dans les années 40, qui comprenait dans ses rangs aussi bien Cap que Namor) signé par un jeune Roy Thomas (futur assistant de Stan Lee). Article que Lee a donc lu. On retiendra qu’il n’est pas impossible que ce soit l’article de Thomas qui ait semé la petite graine dans l’esprit de Lee. Pour ce qui est de Namor, le Prince des Mers refait « surface » assez rapidement, en effet. Dès Fantastic Four #4 (mai 1962), le personnage est redécouvert par les héros de la série. Et à partir de là, il fait son bonhomme de chemin, d’abord traité comme un anti-héros qui se bagarre avec la plupart des héros Marvel de l’époque. Mais Captain America ? Toujours rien… Sous une forme ou une autre, Lee et Kirby ont ramenés Human Torch (une nouvelle version, en tout cas) et Sub-Mariner. Mais, alors qu’on sait que Stan Lee est POUR un retour de Cap depuis 1961, alors que Jack Kirby est le co-créateur du personnage et qu’il a donc plus de légitimité pour le ramener qu’un Human Torch ou un Namor… Rien.
Plus curieux encore : en novembre 1963, Lee et Kirby organisent… un faux retour de Captain America. C’est à dire que dans Strange Tales #114, le jeune Human Torch est bien confronté au célèbre porteur de bouclier mais celui-ci semble être passé du « côté obscur », commettant désormais des crimes. Human Torch l’affronte donc, jusqu’à ce qu’il s’avère que son adversaire n’est pas Captain America mais un imposteur, le cambrioleur Acrobat. Comme le retour de Sub-Mariner sous la forme d’un anti-héros, opposé aux Fantastiques, avait été un succès, on comprendra que l’épisode fasse le nécessaire pour qu’Human Torch et « Cap » se tapent dessus. Mais… pourquoi invalider sur la fin l’identité du personnage ? Pourquoi ne pas avoir justifié le combat par une simple « possession » ? Le Puppet Master, spécialiste de ce genre de manipulation mentale et étant déjà un ennemi d’Human Torch, aurait pourtant facilement justifié la chose en deux cases…
D’autant qu’in fine la conclusion sonde quand même le lecteur. Johnny Storm, Human Torch, se demande ouvertement ce qu’il est advenu du vrai Captain America. Il puise alors dans une pile de vieux comics et se souvient que Captain America était en fait le G.I. Steve Rogers… Ce qui, au passage, ouvre une question de continuité contradictoire qui va s’étendre sur des années : est-ce que le grand public a appris, après coup, que Steve Rogers était Cap ? Cet épisode dit que oui, d’autres avanceront le contraire.
Plus tard, en effet, dans Tales of Suspense #95 (1967) Captain America/Steve Rogers révèlera son identité au monde, ce qui laisse entendre que ce n’était pas une chose connue auparavant, jusqu’à une intrigue plus tardive liée au Space Phantom et à Hydra qui « effacera » le souvenir de la double identité de Rogers (c’est One Mode Day avant l’heure). Mais ce qui nous intéresse ici c’est qu’au final le narrateur de Strange Tales #114 interroge carrément le public : « Vous l’avez deviné ! Cette histoire est un test pour voir si vous aussi vous aimeriez voir Captain America revenir ! Comme d’habitude, vos lettres nous donneront la réponse ! » Eh bien non, justement, « d’habitude » Marvel ne demandait pas avant de ramener un héros du passé. Lee et Kirby n’avaient demandé à personne (pas même à leurs vrais créateurs, Carl Burgos et Bill Everett) la permission pour réinventer Human Torch et ramener Namor. Et la double ironie est que… Strange Tales n’entretenait pas de page de courrier des lecteurs à cette époque, l’éditeur préférant passer de la pub pour ses autres revues. Alors pourquoi toutes ces précautions autour d’un personnage emblématique, en apparence facilement utilisable ? C’est simple. Martin Goodman, le propriétaire de Marvel, celui-là même qui a commandité la création des Fantastic Four, ne veux pas entendre parler d’un retour de Cap !
Revenons aux bases : Lancé dans les faits fin 1940 (mais « officiellement » en mars 1941, à cause du système d’antidatation des comics aux USA), Captain America est à la base une co-création de Joe Simon et Jack Kirby. Des témoignages divergent selon les époques. A un moment bien plus tardif, soucieux d’arracher les droits du personnage à Marvel, Joe Simon avancera qu’il a négocié la création de Captain America directement avec Martin Goodman et que Kirby n’est entré dans la boucle qu’ensuite, ce qui ferait de Joe Simon le seul créateur du personnage et de Kirby une « pièce rapportée » après coup. Mais en d’autres occasions, après divers démêlés avec Marvel, Joe Simon lui-même donnera une version différente. Par exemple dans une interview réalisée par Doug Headline en 1984, Joe Simon stipule bien que Captain America fut cocréé par Jack Kirby et lui. Ce principe de « vérité fluctuante », de créateurs se souvenant de choses différentes à divers moments de leur vie, est à garder à l’esprit quand on évoque l’évolution des plus grands super-héros en générale et, on le verra, de Captain America en particulier. En dernière analyse, Joe Simon, Jack Kirby et les dirigeants de Marvel n’ont de toute façon jamais été bavards sur l’existence préalable du Shield, héros patriotique dont l’existence précède celle de Captain America. Les deux personnages sont si voisins qu’en 1941, entre Captain America Comics #1 et #2, Simon & Kirby seront obligés de repenser en urgence le bouclier de leur héros pour éviter un procès. D’abord triangulaire, il évoquait trop le design du Shield. On lui donna donc en lieu et place son célèbre bouclier circulaire.
Captain America n’est pas, en lui-même, si « innovant » que cela. Calmez-vous, Capamericophiles : C’est son contexte qui a fait son succès, parce que là où le Shield et les autres héros du genre affrontaient surtout des armées fictives, Cap faisait référence immédiatement aux événements en Europe et en Asie. Captain America fit immédiatement partie du trio de tête de l’éditeur Timely Comics (futur Marvel), au même titre que Sub-Mariner et Human Torch, apparus eux en 1939. Au contraire de ses deux collègues, il ne se définissait pas tant par des « pouvoirs » (initialement, le traitement qui donne sa musculature à Steve Rogers ne fait jamais de lui qu’une sorte d’athlète olympique, pas un surhumain) que par sa fonction : un patriotisme affiché qui, dans les premiers mois, ne voulait pas spécialement dire « partir en guerre pour les USA » mais bien venir en aide aux nations déjà concernées par la Seconde Guerre Mondiale tout en conservant une dimension interne. C’est à dire que plusieurs des premiers ennemis de Captain America ne sont pas réellement des allemands ou des japonais (bien qu’il y en ait assurément dans le tas, les premières couvertures mettant en scène Hitler lui-même) mais aussi des nazis américains (comme le Red Skull l’était dans sa version première). Quelques mois plus tard, après Pearl Harbor, avec l’entrée effective des Etats-Unis dans le conflit, Captain America avait pour lui d’avoir été là avant, d’avoir combattu la menace sous tous ses visages, y compris les collaborateurs américains. Et le succès de sa série, Captain America Comics, allait donc être assuré pour plusieurs années…
Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en fait, moment où il allait devenir évident qu’une partie du public voulait tourner la page et ne plus entendre parler de conflit, en tout cas pour un temps. Si bien que dans Captain America Comics #59 (nov. 1946), il avait fallu en passer par une histoire où Steve Rogers et Bucky étaient démobilisés. Tournant le dos au monde militaire, Rogers devenait dans le civil un enseignant de la Lee School, ou plutôt le redevenait, puisqu’on expliquait que c’était déjà son travail avant la guerre. Mais ce « lifting » n’eut qu’un effet minime. Tout comme, à peu près au même moment, une tentative d’établir l’All-Winners Squad, sorte de réplique Marvel de la Justice Society of America, où Captain America et Bucky côtoyaient Namor, Human Torch, son sidekick Toro mais aussi le super-rapide Whizzer et l’héroïne Miss America. L’All-Winners Squad ne connut à cette époque que deux épisodes avant de disparaître dans les limbes.
Captain America, lui, dura initialement jusqu’en décembre 1949 (Captain America’s Weird Tales #75 et encore, il n’est pas dans ce dernier numéro). Puis, en décembre 1953 (Young Men #24), il fut ramené une première fois par Marvel qui tentait de capitaliser sur le sentiment anti-communiste de l’époque et sur un vague projet d’adapter des super-héros pour le petit écran. Steve Rogers sorti de sa retraite pour affronter « ces satanés rouges » et aussi quelques soldats coréens. Mais l’hystérie anti-communiste passa de mode en l’espace de quelques mois, le projet télévisuel ne se matérialisa jamais et les ventes étaient insuffisantes pour justifier, par elles-mêmes, que l’on continue de publier des magazines consacrés à Human Torch, Sub-Mariner et Captain America. Une nouvelle fois, Steve Rogers fut envoyé en « retraite forcée », après la parution de Captain America #78 (septembre 1954). En tout et pour tout sa résurrection n’avait duré que dix mois et seize histoires, éparpillées dans trois titres. Bon d’accord, Captain America avait donc connu l’échec… Mais tout comme Namor et Human Torch, il convient de le souligner. Et cela n’avait pas empêché ces deux-là de revenir. Mais comme nous l’évoquions plus tôt, ils se distinguaient par des pouvoirs, là où Captain America avait avant tout une fonction patriotique. Et Martin Goodman se souvenait de la chute des ventes en 1946 après la guerre ou de l’éphémère croisade anti-communiste de Cap en 1953-1954. Pour lui, Captain America était trop associé à la guerre pour qu’on l’utilise à nouveau. Une autre raison, moins avouable, était sans doute que Goodman – par ses contacts passés ou en discutant avec Jack Kirby – pouvait craindre que Joe Simon, co-créateur de Captain America et homme d’affaires beaucoup plus avisé que Carl Burgos ou Bill Everett, ne manquerait pas de leur chercher des noises.
En 1941-1942, les relations avaient été houleuses. Goodman n’avait pas versé les sommes prévues après le succès du lancement de Captain America. Simon & Kirby avaient claqué la porte (ou avaient été « remerciés » par Goodman, cela dépend des versions. Les deux auteurs étaient partis chez la concurrence, chez DC Comics, en jurant qu’on ne les y prendrait plus à travailler pour Goodman. Kirby n’avait pas eu le choix. Mais Simon n’était jamais revenu. Et Martin Goodman avait réécrit, ou plutôt fait réécrire par d’autres la légende. En 1947, dans un livret titré Secret Behind The Comics, Stan Lee avait donné une nouvelle version illustrée de la création de Captain America : une courte BD montrait Goodman ayant tout seul, comme ça, d’un coup, l’idée d’un super-héros luttant contre Hitler et dictant ses ordres à des auteurs anonymes. Mais quoi qu’en dise Goodman, Joe Simon restait bel et bien le co-créateur de Captain America. Le curieux « retour à étapes » du héros entre 1961 et 1964 a aussi sans doute aussi pour but, au moins en partie, de voir si Simon allait taper du poing sur la table, de le tester…
Pour Lee et Kirby, une manière de contourner le blocage de Goodman serait été de lui proposer un nouveau Captain America. Après tout, on a bien réinventé Human Torch en Johnny Storm, qu’est-ce qui s’opposerait à ce qu’un nouveau héros reprenne à son compte l’identité de Captain America. Légalement, même, cela serait mieux pour Marvel, si l’on créait un nouveau personnage en changeant deux ou trois détails, ce serait un moyen de se réapproprier le concept en faisant la nique à Joe Simon, ou au moins de diluer la chose. Mais à bien y regarder, cela ne fonctionnerait pas mieux. Ce qui gêne Goodman à l’époque, ce n’est pas Rogers en lui-même mais le fait qu’en temps de paix le personnage était moins porteur. Un certain Joe Dupont deviendrait le nouveau Captain America que ce serait pareil, il n’aurait pas de « justification » durable.
Pourtant Lee semble tenir à l’idée d’un retour plutôt que d’une recréation. Et on peut comprendre ses raisons personnelles : en 1941, Stan Lee a fait ses débuts dans les comics en écrivant une courte nouvelle parue dans Captain America Comics #3. Il est d’ailleurs le premier à avoir pensé à un usage offensif pour le bouclier rond du héros : c’est dans cette nouvelle que Cap commence à utiliser l’objet comme une sorte de frisbee qu’il peut lancer sur ses adversaires (auparavant, il n’utilisait cette rondelle de métal que pour se protéger des coups ou des balles). Cap a marqué les débuts de Stan Lee dans le milieu.
La position de Jack Kirby est plus floue. D’aucuns affirment que le King aurait été un peu contraint et forcé de suivre la voie de Lee, faisant ainsi « à l’insu de son plein gré » un tour pendable à Joe Simon, son ancien partenaire. Si l’on s’en tient aux témoignages plus tardifs de Jack Kirby (notamment une interview parue en 1990, dans The Comics Journal #134,), il expliquera pourtant avoir tout fait, tout décidé, accusant Stan Lee de n’être qu’une chambre de validation et de ne jamais avoir écrit la moindre chose (ce qui semble quand même excessif à la vue des annotations sur certaines planches des épisodes attribués au duo). Kirby va même jusqu’à dire que « personne n’a jamais écrit pour lui… » ce qui remettrait en cause jusqu’à l’implication de Joe Simon et de quelques autres dans sa carrière.
En 1990, alors que l’interview parait, Kirby est dans un bras de fer avec Marvel. C’est une période de conflit, Kirby est en colère. Ses fans sont eux aussi furieux, ce qui explique aussi qu’à l’époque on lui pose des questions orientées et que le résultat soit aussi amer et excessif qu’un Joe Simon affirmant avoir créé Captain America SANS Kirby. Dans les faits, il existe encore certains scripts de Lee rédigés au début des années 60 et la « méthode Marvel » (manière selon laquelle Lee et ses dessinateurs ne faisaient plus qu’échanger quelques mots avant que l’artiste travaille sur les planches puis que Lee retravaille les dialogues) ne semble opérer qu’à partir de 1965. En 1963-1964, on est encore un peu entre les deux. On en retiendra que le retour à étapes de Captain America en ne peut intervenir qu’avec une participation très active de Jack Kirby. Cependant lui attribuer toute la décision reviendrait à dire que Kirby a décidé en toute connaissance de cause et unilatéralement d’utiliser le personnage dans le dos de Joe Simon. La vérité se trouve quelque part entre les deux positions contradictoires d’un Stan Lee OU d’un Jack Kirby qui décide de tout sans l’autre. Mais certainement pas dans le « tout ou rien ».
Pour en revenir à la réintroduction de Captain America en elle-même, Strange Tales #114 n’est donc pas véritablement un sondage en temps réel mais bien une manière pour Lee et Kirby de « négocier », d’amener Goodman à revoir sa position. D’abord en lui prouvant que les ventes du numéro ne se sont pas effondrées, ensuite en générant un courrier des lecteurs pour pouvoir le lui agiter sous le nez. La botte finale de Lee est de proposer le retour de Captain America non pas sous son titre personnel mais dans une série récemment lancée, les Avengers. L’avantage, c’est que si l’effet semble négatif, on pourra toujours se débarrasser du personnage (au besoin via un « sacrifice héroïque ») tandis que si ça marche… Tout est permis. Notons aussi que quelques semaines après Strange Tales #114 Stan Lee et Jack Kirby lancent, toujours chez Marvel, une nouvelle revue consacrée aux exploits du Sgt. Fury et de ses Howling Commandos, non pas des super-héros mais des soldats dont les aventures se déroulent pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès lors que Goodman a validé cette nouvelle série et qu’à l’évidence il ne s’agit pas d’un échec, les réserves du propriétaire sur un personnage lié à cette même guerre ne tiennent plus…
Fin 1963, Stan Lee et Jack Kirby arrachent à Martin Goodman la permission de ramener Captain America en « vedette américaine » (si l’on peut dire). Ils sont en train de plancher sur la conception d’Avengers #4 au moment où John F. Kennedy se fait assassiner dans les rues de Dallas et l’on verra plus loin que cela joue avec la tonalité de l’épisode. Les Avengers sont alors une jeune équipe, qui se distingue par son instabilité. Dans l’épisode #2, Hulk a claqué la porte du groupe, qui n’est donc plus qu’un quatuor. Iron Man, Thor, Ant-Man (à l’époque devenu Giant-Man) et Wasp se sont lancé à la recherche du monstre vert en espérant au mieux le réintégrer dans les rangs, au pire le stopper avant qu’il redevienne une menace. Manque de pot, à l’épisode #3, Hulk croise pour la première fois Namor le Sub-Mariner, alors en rogne contre la race humaine. Ces deux-là forment à ce moment un tandem qui aurait presque des airs super-héroïques de George et Lennie, le duo au centre du roman de John Steinbeck, « Des souris et des hommes ». Après avoir combattus ces deux anti-héros, les quatre Avengers restant sont donc à leur recherche quand s’ouvre l’épisode suivant. Encore que la couverture (depuis devenue célèbre) laisse peu de place au suspens. Captain America se précipite au premier plan, instantanément un leader naturel pour l’équipe… A l’intérieur, la première page elle aussi va vite en besogne. On voit les Avengers en activité pratiquement au garde-à-vous, tandis que Captain America s’approche d’eux. Thor lui demande alors de prendre sa place parmi eux… Comme ça le lecteur est d’emblée fixé : non seulement Captain America revient mais il est destiné à occuper le cinquième poste de l’équipe, celui jusque-là occupé par Hulk. Et s’il restait un doute ? Le titre de l’épisode est… Captain America rejoint les Avengers
Mais la première page contient aussi d’autres informations intéressantes à la vue de tout ce qui a précédé dans les mois précédents. D’abord le narrateur affirme que l’épisode ramène « le grand super-héros que votre merveilleux courrier a réclamé », allusion directe au test précédemment organisé dans Strange Tales et sans doute encore un moyen de rassurer Goodman. Les commentaires éditoriaux expliquent aussi : « Le puissant Marvel Comics Group est fier d’annoncer que Jack Kirby a dessiné le Captain America originel pendant l’âge d’or des comics… Et maintenant il le dessine à nouveau ! Par ailleurs, le premier script de Stan Lee pendant cette époque légendaire était Captain America et maintenant il en est à nouveau l’auteur ! Ainsi, l’histoire des comics forme un cercle, atteignant un nouveau pinacle de grandeur ! ».
On pourra noter au premier abord que Jack Kirby est mis en évidence, devant Stan Lee. Mais les mots ont leur sens. A bien y regarder, la rédaction de ce petit pavé a dû faire l’objet d’une réflexion pour éviter de dire précisément que Kirby a cocréé le personnage. On se garde même de préciser qu’il fut le premier dessinateur de la série. Juste qu’il a dessiné Captain America pendant le Golden Age. On se souviendra que depuis les années 40 Goodman voulait éviter de dire qui étaient les deux auteurs du personnage. Mais il est reste possible, aussi, que ce détour de vocabulaire ait été utilisé avec l’accord de Kirby. Il est difficile d’identifier le King comme créateur de Captain America sans mentionner Joe Simon.
Et déjà qu’à l’époque il n’est pas si courant de créditer les auteurs dans les comics (Marvel était plutôt progressiste sur ce point), on ne risque pas, en plus, de nommer un scénariste qui n’a pas œuvré pour l’éditeur depuis des lustres. Paradoxalement, dans les années soixante il n’est d’ailleurs pas certain que des auteurs ayant cessé de travailler pour un éditeur prendraient bien le fait de voir leur nom continuer d’apparaître dans un « sommaire ». Pour les intéressés, la chose peut être perçue comme l’éditeur continuant de se faire de l’argent en utilisant leur nom. Jusque dans les années 80, avant que les auteurs de comics s’aperçoivent vraiment des finesses de la propriété intellectuelle, certains vont ainsi activement refuser d’être crédités, considérant que c’est une forme exploitation. Un comble, mais pendant des années va faire le jeu des éditeurs. D’un côté, donc, citer le seul Kirby comme créateur de Cap, c’est courir un risque supplémentaire de s’attirer le courroux de Joe Simon, ouvrir la brèche. Mais à l’inverse, créditer Simon et Kirby, c’est, à coup sûr, voir revenir le scénariste en demandant à toucher quelque chose.
Clairement, ce n’était pas dans les mœurs de l’époque, alors que Siegel & Shuster courent toujours après DC pour que leurs droits de créateurs de Superman soient reconnus. Autre effet de vocabulaire à souligner, la formulation autour du travail passé de Stan Lee sur Captain America, le fait que cela ait été son « premier script » fait qu’un lecteur lambda peut y comprendre un peu tout et son contraire. On ne dit pas que Stan Lee a créé Captain America mais on ne fait certainement rien pour éviter tout malentendu. Et le concept de « script » est lui aussi très flou puisque, rappelons-le, les premières parutions de Stan Lee liées à Captain America n’étaient que de courtes nouvelles à l’intérieur des comics et pas des BD à part entière. Les anti-Stan Lee y verront une manigance du seul Stan Lee pour s’attribuer les mérites revenant à Joe Simon. Mais une fois encore, il convient d’abord de souligner que le pavé repose sur le non-dit. Et que Goodman et Kirby, tout comme Lee, avaient leurs raisons de ne pas vouloir avoir Simon dans les pattes. Dans le contexte de l’époque, on retient que c’est la chose la plus proche possible d’une reconnaissance du rôle initial de Kirby sans utiliser le mot « créateur ». Et même si, avec le recul et nos yeux de lecteurs contemporains c’est très en deçà de ce qui devrait être, pour 1964, c’est un relatif bond en avant, en particulier si l’on se réfère au « compte-rendu » de 1947 qui attribuait toute le mérite à Goodman.
Cette entrée en matière passée, on atteint le vif de l’histoire, alors que les Avengers sont en train de mettre en fuite le Sub-Mariner (Hulk, lui, s’est éclipsé à la conclusion de l’épisode précédent). Jurant que les Avengers ont « gagné la première bataille mais pas la victoire finale », le Prince des Mers s’envole en direction du nord du continent américain. A ce moment-là de sa chronologie, Namor n’a rien à faire de sa vie car, si Lee et Kirby l’ont ramené dans Fantastic Four #4, rien n’a été fait en ce qui concerne les Atlantéens. Namor fulmine d’ailleurs car son peuple s’est dispersé à travers les océans. En clair, Namor est un monarque sans royaume et, forcément, il en tient les humains pour responsables. Il se retrouve finalement sur la banquise, continuant de chercher les siens. Mais il a la surprise de tomber sur un village eskimo. Même là, Namor n’est pas débarrassée des humains, pour son grand déplaisir. Il observe de loin une cérémonie, alors que les eskimos sont en pleine cérémonie religieuse devant leur divinité, le « Seigneur de la Glace Gelée » (parce que la glace dégelée, forcément…). S’apercevant que leur idole n’est qu’une silhouette enveloppée dans un pain de glace, Namor décide d’interrompre la cérémonie dans le cadre de sa vengeance contre tous les humains. Il s’empare du bloc de glace, le soulève pour menacer les eskimos puis le lance au loin. Namor possédant une force surhumaine, « loin » veut dire à plusieurs centaines de mètres au moins. Puis, furieux, il réalise qu’il en est désormais réduit à combattre de « craintifs primitifs » et, après quelques autres démonstrations de force, se lasse rapidement. Namor s’envole, disparaît à nouveau… Et pendant ce temps, le bloc de glace est tombé dans l’océan. L’objet commence alors à dériver vers des eaux plus chaudes et commence à fondre, révélant une silhouette inerte.
Pendant ce temps, les Avengers ne sont pas restés inactifs. Ils se sont lancés à la poursuite de Namor à bord d’un sous-marin (on se demandera pourquoi Thor ne s’est pas simplement envolé pour le suivre). Mais dans le cas présent, cela tombe bien puisque c’est Thor qui, en regardant par le hublot, remarque la silhouette au fond de l’eau. Il demande donc à Iron Man d’arrêter leur engin. Giant-Man s’étonne : « On dirait un humain ! Mais comment est-ce possible ?? ». Ce qui laisse à penser que nos Avengers ne sont pas très éveillés, puisqu’ils sont à la recherche de Namor, un personnage dont le propre est de respirer sous l’eau. L’idée que le corps aperçu au loin soit celui d’un Atlantéen ne leur vient même pas à l’esprit. Néanmoins, ils marquent l’arrêt et, via un sas, introduisent le corps désormais débarrassé de la glace mais encore « gelé ». L’inconnu, inconscient, n’en finit pas de révéler de nouveaux mystères puisque sous ses vêtements en lambeaux, Giant-Man et Thor remarquent un « costume coloré ». C’est the Wasp qui intervient : « Ne le reconnaissez-vous pas ? C’est la fameuse tenue rouge, blanche et bleue de… Captain America ! ». Remarquant enfin le bouclier particulier mais aussi une cagoule marquée de la lettre A, Thor et Iron Man ne peuvent qu’être d’accord avec elle.
Encore qu’en raison de la continuité développée par la suite, on peut se demander comment un dieu du tonnerre absent de la Terre au moment de la seconde guerre mondiale peut reconnaître « le fameux bouclier de celui qui fut un puissant combattant du crime ». Cela tient de la nature ambiguë de Don Blake, l’alter-ego de Thor. En 1964, il est encore supposé être un simple docteur boiteux qui a trouvé le marteau du dieu Thor et qui a donc hérité de ses pouvoirs. Si le mortel Don Blake connait la popularité d’un personnage disparu plusieurs décennies auparavant, ce n’est donc qu’une question de culture générale. Dans le contexte de 1964, cela fonctionne. Mais à la longue, Jack Kirby jouera de plus en plus sur le côté divin, officialisant plus tard (à partir de Thor #159, en 1968) que Don Blake n’existe pas vraiment, qu’il a toujours été le vrai dieu Thor envoyé sur Terre pour y apprendre l’humilité. Et cette idée que Don Blake n’est qu’un « masque » pour le dieu Thor est depuis la situation qui prévaut chez Marvel. Partant de là, comment un dieu nordique pourrait avoir la moindre idée de qui est Captain America ? Il y a bien deux épisodes plus tardifs des Invaders (#32 et #33, en 1978) qui révèlent après coup qu’en 1942 Thor, manipulé par Hitler, a rencontré et combattu Captain America mais, pour éviter un paradoxe, ces deux épisodes se terminent avec Thor qui perd la mémoire avant d’être renvoyé sur Asgard. Et de toute manière, dans ces deux épisodes, Thor affronte aussi Sub-Mariner sans pour autant faire mine de connaître le personnage dans Avengers #3-4. Rien qui justifie, donc, qu’un Asgardien connaisse les exploits de Captain America.
Pause sur cette page iconique : on remarquera que le rescapé porte sous ses vêtements le bouclier circulaire. Ce qui, en soi, n’est pas anormal pour le personnage. Par contre pour une fois il porte sur la poitrine (alors qu’en général il le « range » sur ses épaules), ce qui n’est pas le plus pratique pour bouger. On verra un peu plus loin que cette position particulière joue un rôle. Rapidement, Wasp s’aperçoit que le corps respire, que Captain America est donc vivant. D’ailleurs, il se réveille en sursaut, hurlant le nom de son fidèle sidekick « Bucky ! Bucky ! Fait attention ! ». On soulignera la dimension personnelle qu’on peut trouver à ce passage. Jack Kirby est revenu de l’armée et des terribles combats qu’il a traversés en souffrant de syndrome de stress post-traumatique du combattant. Ses proches attestent qu’il lui arrive, même des années plus tard, de parler couramment de ce qu’il a traversé en Europe ou de se réveiller en plein nuit, en pensant à ses camarades tombés au combat. En France, pendant la guerre, Kirby passe des mois dans une tranchée glacée (il le raconte dans la fameuse interview du Comics Journal de 1990) et finalement doit être hospitalisé parce qu’il a les pieds gelés. Voilà donc Captain America, un ancien combattant tiré de la glace et qui se réveille en hurlant le nom d’un camarade disparu… Ce que Kirby met en image, c’est un stress post-traumatique et il est très bien placé pour le savoir.
Puis Cap commence à se débattre, arrivant à renverser Giant-Man, Iron Man et Thor (jolie démonstration de force pour un type qui n’est supposé être qu’un athlète excellent, certes, mais humain). Puis l’hystérie de Captain America se dissipe. Il réalise qu’il ne sait pas où il est, commencent à poser des questions, s’interroge sur la façon dont il est arrivé là et qui ils sont. Iron Man lui explique que c’est justement ce qu’il allait lui demander. L’homme prend alors un air plus sombre, réajuste sa cagoule puis adopte une position à la « garde à vous », confirmant qu’il est bien « l’homme que le monde appelait Captain America ! ». Cet usage du passé est intéressant car, d’emblée, sans que l’on sache comment ou pourquoi, il semble savoir que beaucoup de temps s’est écoulé. Inversement, personne ne songe à lui demander « qu’est-ce qui nous prouve que tu n’es pas l’imposteur qui a attaqué Human Torch l’an dernier ? » mais l’effet est proche. Iron Man, Giant Man et Thor réalisent que ce Captain America est beaucoup trop jeune pour s’être battu pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils deviennent soupçonneux. Captain America leur propose alors de tester ses réflexes. S’en suivent quelques cases de combats où Cap n’a aucune difficulté pour venir à bout de ses sauveurs. Jusqu’au moment où Wasp apparaît devant lui et où le patriote masqué, surpris, arrête de se battre.
Les Avengers sont maintenant convaincus de l’identité du rescapé. Reste à savoir pourquoi il a disparu toutes ces années et par quel procédé il ne semble pas avoir vieilli d’un jour. Pompeux, Thor lui dit « Je pense que nous avons droit à une explication, Captain America ! ». Son interlocuteur commence alors à raconter une scène devenue célèbre mais qui conserve, aujourd’hui encore, quelques éléments insoupçonnés. Cap commence par expliquer qu’il y a « plus de vingt ans » lui et son ami Bucky étaient en poste en Europe, chargés de veiller sur un drone expérimental bourré d’explosifs. Rien que ça, déjà, est matière à question. D’une, on remarquera que Stan Lee et Jack Kirby font totalement l’impasse sur l’origine du héros. A une époque où les réimpressions ne sont pas courantes, ou le marché d’occasion est totalement désorganisé (c’est à dire qu’en théorie les vieux numéros de Captain America Comics restaient abordables mais encore fallait-il savoir où les trouver), bien malin serait le jeune lecteur de 1964 qui comprend si Captain America a des pouvoirs ou comment il est devenu super-héros. D’ailleurs (contrairement à Strange Tales #114) même le nom de Steve Rogers n’est tout simplement pas prononcé de tout l’épisode. C’est dire si les choses peuvent sembler morcelées pour la plus grande partie du public. Plutôt que de s’attacher à l’origine effective (une autre manière d’éviter un conflit avec Joe Simon ?), Lee et Kirby préfèrent se concentrer sur les conditions de sa disparition.
Autre élément déterminant : Lee et Kirby décident de tirer un trait sur une partie du passé du personnage. C’est à dire que ce simple passage invalide tous les épisodes de Captain America publiés dans les années 50 mais aussi ceux de la fin des années quarante. Généralement, on s’en tient à la mémoire souvent défaillante de Stan Lee pour expliquer cette réécriture de l’histoire. Et Jack Kirby n’avait très certainement aucune raison de faire du sentimentalisme au sujet d’épisodes produits bien après son départ de Captain America Comics. Mais même en prenant en compte la mémoire à trous de Stan Lee et en imaginant qu’il avait tout bonnement oublié avoir édité de nombreux épisodes de Captain America après 1944, le fait est qu’au début des années 60, plusieurs fanzines remarquant le retour en force de Marvel avaient publiés des articles sur les vieilles séries. On l’a vu plus tôt, on sait que Lee avait lu au moins, au bas, mot, l’article de Roy Thomas sur l’All-Winners Squad. Et des lettres lui réclamaient des personnages de cette époque. Même s’il l’avait oublié entre-temps, une petite fanbase très active (des gens comme Jerry Bails ou Roy Thomas écrivaient couramment aux éditeurs pour leur parler de ces vieilles parutions) garanti que Stan Lee ne pouvait ignorer l’existence de cette période. S’il y a réécriture, elle est donc plus probablement volontaire. Si l’on en revient à la résistance de Martin Goodman, sans doute s’agit-il simplement d’en revenir au moment où le héros vendait le plus d’exemplaires, c’est à dire pendant la Seconde Guerre mondiale. D’autres épisodes tardifs « sauveront » les aventures publiées après la fin de la guerre en les attribuant à divers Captain America remplaçants qui se sont succédés jusqu’en 1954. Pour en revenir au contenu d’Avengers #4, alors que la date n’a pas été mentionnée dans la conversation (tout au plus les Avengers lui ont dit que la Seconde Guerre mondiale est terminée), comment Captain America sait-il que cette mission où il a disparu se passait « plus de vingt ans plus tôt » ?
Et surtout, si on prend au mot la déclaration de Captain America, elle laisse apparaître une chronologie bien différente de celle qui a été adoptée ensuite par la continuité générale de Marvel. De nos jours, on part généralement du principe que Captain America est tombé en hibernation vers avril/mai 1945, quelques jours avant la mort d’Hitler et la chute du IIIème Reich. Mais faites le calcul : nous sommes en mars 1964 et l’épisode explique que Captain America a disparu « plus de vingt ans plus tôt ». Soit donc, au plus tard, début 1944. Ce Captain America-là n’aurait donc même pas connu le débarquement en Normandie ! Il y a des raisons de se demander si Lee et Kirby ne voulaient pas tout bonnement invalider tout ce qui avait suivi les épisodes initiaux de Simon & Kirby (c’est à dire les 10 premiers numéros, publiés jusqu’en 1942), s’en tenir au personnage de leur jeunesse. Et puis si Captain America disparaît plus tôt, c’est aussi une manière d’expliquer pourquoi la guerre a tant duré… La continuité Marvel n’a pas tranché dans ce sens, sans doute parce qu’à force de se plaindre d’avoir disparu « il y a plus de vingt ans » à mesure qu’on avançait dans les Sixties Captain America a finalement involontairement fait bouger le curseur.
Le flashback de la disparition de Captain America continu de fourmiller de détails intéressants. Il apparaît que le drone que Cap et Bucky étaient supposés surveiller a été reprogrammé par un adversaire qui reste dans l’ombre. On ignore (alors) l’identité de l’ennemi mais c’est clairement quelqu’un qui en veut à l’Amérique. Vu que les choses se passent en Europe, on n’a pas trop de mal à en déduire que c’est un allemand. Et le seul détail que l’on voit de lui est une main rouge… Dans les mois qui suivent, Lee & Kirby créeront rétroactivement un adversaire « sur mesure », le Docteur/Baron Zemo qui sera donc révélé comme responsable de ces évènements. Mais Zemo n’a pas la main écarlate. Et on peut se demander si, en produisant Avengers #4, Lee & Kirby n’avaient pas dans l’idée que cet ennemi dans l’ombre soit, tout simplement, le Red Skull. Ce qui irait d’ailleurs assez dans le sens d’un recentrage sur les dix numéros initiaux de Captain America Comics. L’autre particularité de la scène est que, allez savoir pourquoi, Cap et Bucky sont en uniformes militaires et pas dans leur costume de super-héros. Ce qui fait que, là encore, le jeune lecteur de 1964 ne risque pas de savoir que Bucky était un héros masqué/costumé. Mais inexplicablement, même s’ils n’ont pas leur attirail, l’adversaire inconnu sait pourtant très bien qu’ils sont Captain America et Bucky. Il y aura, bien après coup, tout un épisode (Avengers #56, 1968) pour expliquer qu’en fait les deux héros ont été « démasqués » juste avant par Zemo. Mais en 1964, on ne se pose même pas la question. Et on songe donc encore moins à y répondre.
De même, les versions plus tardives de cette scène expliquent que Captain America et Bucky tentent d’empêcher le décollage du drone parce qu’il menace de détruire une ville… Alors que dans ce passage originel l’adversaire inconnu se félicite au contraire d’avoir saboté « une des nouvelles armes de l’Amérique ». L’idée est donc de détruire le drone, pas de viser un objectif civil en particulier. L’important est que les deux soldats américains poursuivent le drone alors qu’ils sont juchés sur une moto. De là, ils sautent sur l’engin dans l’espoir d’empêcher sa destruction. Mais le drone est saboté pour exploser sans attendre. Captain America, qui n’est arriver à trouver prise, n’y peut pas grand-chose, il est déjà en train de chuter. Mais Bucky est grimpé sur la machine quand les explosifs se déclenchent. Encore qu’on ne voie pas à proprement parler l’explosion mais surtout la réaction de Cap quand il réalise que s’en est fini de Bucky. Faisons machine arrière de quelques paragraphes pour comprendre, ici, que ce n’est pas par hasard si Jack Kirby a dessiné plus tôt le bouclier harnaché sur la poitrine du héros. Là où il est, alors que le personnage fait face à l’explosion, c’est sans doute ce qui le protège, au moins en partie. Ce jour-là, Cap a bien fait de ne pas porter son bouclier sur le dos !
La petite histoire des comics veut que Lee et Kirby auraient décidé en connaissance de cause de supprimer Bucky car – visant un public jeune – ils ne voulaient pas montrer un adolescent en position de sidekick, subordonné à un adulte. Lee lui-même l’a raconté comme cela dans différentes interviews mais le fait qu’avant même la fin de cet épisode de retour Cap se sera trouvé un autre partenaire de substitution (Rick Jones), simplement pas costumé. Que le héros étoilé patronne un jeune n’est donc pas réellement le problème. Plus probablement les auteurs ne veulent pas, à l’époque, s’encombrer d’un jeune qui ne serait pas vraiment un reflet de son temps (puisque déjà ado vingt ans plus tôt). Puis sacrifier le sidekick a pour effet de renforcer le pathos de Captain America. S’il se réveillait après un sommeil de vingt ans mais avec un « pote », son sentiment de solitude n’aurait pas la même profondeur. Il faut aussi probablement y voir l’influence d’une autre série. On a vu plus tôt que le lancement de Sgt. Fury And The Howling Commandos a pu être un jalon dans la préparation du retour de Cap. Or, quelques mois avant Avengers #4, Lee et Kirby ont frappé un grand coup en surprenant leur lectorat : dans Sgt. Fury And His Howling Commandos #4 (1963), le plus jeune membre du bataillon, Junior Juniper, trouve la mort au combat. C’est un traumatisme profond pour Fury, le reste de ses hommes mais aussi pour le public, qui ne manque pas d’écrire. Lee et Kirby savent l’électrochoc que représente ce genre de rebondissement. La disparition de Junior Juniper est le premier exercice du genre pour l’univers Marvel. Pour le lecteur de 1963/1954, c’est un peu l’ancêtre des morts plus tardives de Gwen Stacy ou de Captain Marvel. On peut comprendre que la mort de Juniper pèse au moins en partie dans la décision de tuer Bucky. Et par la même occasion on récupère une situation renversant le traumatisme de Spider-Man. Bucky qui meurt, c’est un peu comme si l’Oncle Ben survivait à Peter Parker…
Mais Bucky est-il vraiment mort ? Dès Avengers #4, on peut déjà légitimement s’interroger. Le fait que l’on ne voit pas l’explosion à proprement parler induit que, dès cet épisode, il y a matière à faire machine arrière et à sauver Bucky, si besoin est. Stan Lee, conscient que la question reste ouverte jouera lui-même sur cette incertitude à plusieurs reprises, mettant en scène de faux retours de Bucky (Tales of Suspense #88-89, en 1967 et Captain America #131-132, 1970). C’est qui permettra, bien plus, au scénariste Ed Brubaker de ramener pour de bon Bucky sous le nom du Winter Soldier. Tout cela parce que le cadrage de cette vignette initiale ne montre finalement pas grand-chose.
Et puisque l’on aborde cette scène classique de l’explosion et de la disparition de Bucky, soulignons qu’elle a d’une certaine manière récemment refait surface au cinéma… et pas dans un film Marvel ! Le paradoxe, en effet, c’est que dans le film Captain America: First Avenger, Bucky « meurt » bien avant la dernière mission de Captain America pendant la Seconde Guerre mondiale. Captain America embarque à bord d’un avion piloté par le Red Skull (au lieu de Zemo, pour le coup, on se rapproche de ce qui est insinué dans Avengers #4) destiné à menacer New York. Finalement l’avion s’écrase sur la banquise et Cap, piégé dans la glace, entre en hibernation. Mais il n’y a pas véritablement de destruction en plein vol et le héros ne perd pas ici de partenaire. Le sens du passage a été reconfiguré pour faire de Captain America un héros qui se sacrifie pour empêcher une sorte de 9/11 en pleine Seconde Guerre mondiale. Mais alors où est-ce qu’on retrouve la scène en question si ce n’est chez Marvel/Disney ? Tout simplement chez Warner, où la fin du film Wonder Woman s’inspire dans les grandes largeurs de ce passage d’Avengers #4, avec un avion bourré d’explosifs qui décolle et l’amazone impuissante qui le voit exploser en plein vol, alors que son amant Steve Trevor est à bord. Le parallèle va jusqu’à ne pas vraiment nous montrer le corps de Trevor, laissant – sur le plan scénaristique – la même porte ouverte et une amazone traumatisée de la même manière que Rogers. L’ironie, c’est que les comics n’avaient pas attendu le film pour cultiver certains parallèles entre les deux Steve, Rogers et Trevor. La grosse différence, finalement, c’est que le film Wonder Woman transpose la chose dans la guerre mondiale précédente.
Dans Avengers #4, Captain America termine son compte-rendu. Il explique aux autres héros que « par un fantastique coup du destin », il est tombé dans l’eau près de Terre-Neuve puis a été « gelé dans un bloc de glace puis découvert par des eskimos » qui l’ont pris pour un objet surnaturel. Au passage, soulignons que ce n’est pas le premier super-héros à jouer les Hibernatus. Dans les années 40, le chevalier Shining Knight, publié par DC, était tombé dans la glace à l’époque arthurienne avant de se réveiller à l’ère moderne. Ce sont toutes ces années passées dans un état d’animation suspendue qui ont empêché Captain America de vieillir. Sauf… sauf… que si vous avez prêté attention, Captain America est resté inconscient du moment où il tombe à l’eau, dans les années quarante, jusqu’à ce qu’il se réveille dans le sous-marin des Avengers. Comment peut-il avoir conscience d’avoir été découvert par des eskimos et vénéré comme objet de culte alors qu’il « dormait » ? Même en étant très bon public et en imaginant, allez, qu’il a été gelé les yeux grands ouverts (ce qui ne serait pas sans poser d’autres problèmes techniques), l’état d’animation suspendue fait que l’on peine à croire qu’il serait resté conscient tout ce temps, à regarder les cérémonies des eskimos.
Pourtant même des sources plus modernes entretiennent cette idée. Dans Captain America: Reborn (2010-2009), l’esprit du héros est prisonnier d’une sorte piège temporel qui le renvoi dans son corps, mais à des époques passées de sa vie. L’esprit du Steve Rogers moderne revisite ainsi certains événements personnels et notamment ses années passées dans la glace. Or, Captain America est alors tout à fait conscience de ce qui se passe (au point que là, pour le coup, on explique que Cap a été gelé « avec les yeux ouverts »). Tout cela tendrait à dire qu’il a passé vingt ans piégés dans la glace… mais en étant conscient de ce qui se passait autour de lui. Et quand bien même, si c’était le cas, ne s’étonnerait-il pas auprès des Avengers d’avoir été libéré de la glace par un surhomme en slip de bain ? Et comment expliquer alors son réveil traumatique, hurlant le nom de Bucky, s’il avait conscience de ce qui s’était passé entretemps ?
Dans le même ordre d’idée, on peut aussi s’interroger sur le fait qu’un homme qui n’arrive pas à monter sur un drone lancé depuis l’Europe (selon les versions plus tardives, l’endroit exact varie, on le place généralement quelque part dans la Manche) tombe… dans les eaux de Terre-Neuve. Là aussi, des années plus tard (Captain America #218, 1978), cela fera l’objet d’explications laborieuses expliquant qu’entre deux cases Captain America a été récupéré dans les eaux de la Manche par un réseau nazi puis ramené à Terre-Neuve, avant que Cap s’échappe et tombe à l’eau une nouvelle fois (il n’a vraiment pas de chance !) et de geler. Le trop-plein de détails devient du coup aussi difficile à croire, sinon plus, que l’absence d’explication et le non-dit.
Après le récit de Captain America, les Avengers n’ont pas de difficulté à le croire. Assez rapidement, leur sous-marin revient vers New York. Mais alors qu’ils arrivent au port, les Avengers sont pris d’assaut par la presse, qui veut savoir où en sont les recherches de Hulk. Pour ménager leur effet, les quatre Avengers officieux ont laissé Cap à l’intérieur du sous-marin. Alors qu’ils se désolent d’avoir fait chou-blanc dans l’affaire Hulk, ils imaginent déjà la tête que vont faire les photographes quand leur passager va arriver sur le pont. Mais ils n’ont pas l’occasion de penser à grand-chose d’autre car d’un seul coup il y a un grand éclair… Et quand il se dissipe, les Avengers semblent avoir été remplacés par quatre statues à leur effigie. La presse est alors convaincue qu’il s’agit d’une sorte d’astuce pour détourner l’attention et s’éclipser sans donner d’interview. Les journalistes, furieux, se dispersent.
C’est à ce moment-là que Captain America, réveillé nous dit-on par « tout ce bruit » (il faut croire qu’il dormait à nouveau), sort du submersible, trouvant un quai désert, à l’exception des quatre statues des Avengers. Cap trouve les poses étranges mais comme il a perdu de vue les usages depuis vingt ans, il ne s’en formalise pas plus que ça. Il est rapidement tout aussi étonnée de l’évolution de la mode féminine (les coupes de cheveux, la taille des vêtements…) et les nouveaux bâtiments de New York. Il marque ainsi un temps d’arrêt devant l’immeuble des Nations Unies puis s’intéresse aux voitures.
Un policier l’apercevant fond en pleurs : « Nous pensions que vous étiez mort ! Mais vous êtes revenu… Juste quand le monde a besoin de vous. Comme si le destin l’avait prévu ! Excusez-moi, Cap, je crois que j’ai quelque chose dans l’œil ! ». Si le monde a besoin de Captain America, ce n’est pas simplement pour une histoire d’Avengers remplacés par des statues. Mais aussi et surtout parce que, nous l’avons dit, l’épisode est conçu quelques jours après l’assassinat de Kennedy. Sans le nommer, c’est clairement au président disparu que le policier fait allusion en parlant de l’ironie du sort qui fait qu’un héros patriote revient d’entre les morts (au moins au sens figuré) à ce moment précis. La symbolique de l’épisode fait en effet qu’une Amérique sidérée par la tuerie de Dallas trouve une forme de réconfort dans le retour de Captain America. Les auteurs n’en ont pas forcément pensé si long, incapables de savoir quel serait l’avenir de leur série. Mais ils se sont contentés de retranscrire l’esprit du temps, de s’imprégner de ce qui se passait derrière la fenêtre ou à la TV au moment où ils concevaient l’épisode. De facto, Captain America entre en résonnance avec l’époque, tout comme il l’avait fait en 1940…
Ayant perdu toute trace des Avengers, ses seuls contacts « modernes », Captain America s’installe alors dans une chambre d’hôtel. Ce qui peut sembler bizarre à deux niveaux. D’abord, on peut se demander avec quel argent Captain America peut se payer une suite d’hôtel (allez, mettons qu’il avait caché un peu de monnaie quelque part dans son costume). Mais surtout, à aucun moment le héros ne fait mine de signaler son existence aux autorités. Contrairement à ce qui se passera au cinéma, l’agent secret Nick Fury ne va pas prendre Cap sous son aile. En effet, Stan Lee et Jack Kirby ne risquent pas de mentionner une intervention du S.H.I.E.L.D. puisqu’ils n’inventeront le concept que l’année suivante, dans Strange Tales #135 (1965). Quand bien même, selon les versions de son origine, Captain America est un super-agent du F.B.I. qui a infiltré l’armée américaine pour en débusquer les saboteurs ou (la version la plus connue) il est « plus simplement » un super-soldat au service de l’armée. Dans les deux cas, le héros devrait faire un semblant de rapport aux services fédéraux ou aux militaires. Mais l’idée ne vient à personne. Installé dans sa suite, Captain America en profite pour… dormir un peu (décidément, c’est un vrai narcoleptique !).
En s’endormant, Cap médite sur le fait qu’il ne peut reprendre sa carrière de Captain America, que cela n’aurait plus de sens à l’ère actuelle. Plus tard, il est réveillé car il sent une présence dans sa chambre. Ouvrant les yeux, il découvre ce qu’il pense être Bucky, bien vivant. Mais le jeune homme lui répond sèchement qu’il ne comprend rien à ce qu’il raconte… Son nom est Rick Jones (le jeune ami des Avengers) et il vient de chercher sa trace à travers toute la ville. Captain America est en effet le dernier à avoir vu les Avengers. Et comme ils ont disparu, Jones est bien décidé à faire parler Cap, convaincu qu’il sait quelque chose. Notons que Rick est un peu comme Captain America sortant de la glace tout en sachant ce qui s’est passé pendant son hibernation. Personne, en dehors de Cap lui-même, ne sait que sont les Avengers qui l’ont ramené à New York. En fait personne ne les a vu ensemble ou ne sait qu’ils sont en rapport. C’est tout le sens du fait que les journalistes soient partis avant que Cap ne sorte du sous-marin. En théorie, Rick Jones n’a aucune raison de faire le lien entre le patriote masqué et l’équipe.
L’autre bizarrerie de la situation est rétroactive : dans la scène de 1964, Rick n’accorde pas un respect particulier à Captain America. Il ne semble pas avoir entendu parler de lui et comprend encore moins quand l’autre lui parle d’un « Bucky ». Rick menace même Cap de parler de lui à son grand ami Hulk afin qu’il lui file une correction. Mais par la suite d’autres scénaristes, en particulier Roy Thomas, établiront que Rick Jones a été un grand lecteur de comics du Golden Age. Ce point sera d’ailleurs central dans la résolution de la guerre Kree/Skrull (Avengers #89–97, 1971–1972), quand Rick, pourvu de pouvoir mentaux, matérialisera les héros de son enfance, parmi lesquels… Captain America. Cet ajout tardif fait que la défiance de Rick Jones, avec le recul, n’a plus grand sens. Le Rick Jones de Roy Thomas se précipiterait dans les bras de Cap en criant « j’ai toujours été fan ! ». Mais on comprend bien qu’en 1964 l’idée de Lee et Kirby est toute autre. Il s’agit de souligner un fossé de générations tout à fait dans l’esprit Marvel. Rick Jones, adolescent, n’a pas de raison existante de connaître ou d’aduler un héros disparu plusieurs années avant sa naissance.
Pas impressionné par les menaces de Rick (Cap ne sait évidemment même pas qui est Hulk), le héros étoilé est plus étonné par la ressemblance sidérante entre le défunt Bucky et le jeune Rick : « J’ai perdu du temps à le pleurer. Mais tu m’as fait soudainement réaliser que la vie continue ! D’une certaine manière, Bucky peut à nouveau vivre ! ». Toujours pas impressionné, Rick est convaincu que son interlocuteur est un cinglé. Mais à travers la discussion Cap réalise cependant que la disparition-éclair des Avengers n’est pas un simple manque de politesse. Il décide d’enquêter, ordonnant à Rick de lui trouver les photos qui ont été prises des Avengers sur le quai. Là-aussi, allez savoir comment Captain America sait que des photos ont été prises à l’extérieur d’un sous-marin dans lequel il était assoupi… Scrutant ces photos, Cap remarque l’engin étrange que tient l’un des reporters. Instantanément, il réalise que cela ne peut pas être un appareil photographique, décidant qu’ils ne peuvent avoir changé à ce point en l’espace de vingt ans. On pourra se demander comment Captain America le sait mais ce n’est pas ce qui est le plus étonnant dans la scène. Cap étudie des photos qui montrent… les journalistes, lors d’un point-presse où les vedettes étaient les Avengers. Non seulement il faut croire qu’il y a un type pas très malin qui s’est totalement gourré de sujet mais en plus pour prendre cette photo il aurait fallu qu’il soit en face (bien que légèrement sur la droite de l’homme tenant l’appareil). En clair : pour prendre la photo, il aurait fallu se trouver à la place des Avengers. Mais là aussi l’épisode zappe totalement cette contradiction.
Captain America et Rick Jones décident de retrouver l’inconnu à l’appareil si louche. Rick étant à la tête d’une bande de radio-amateurs, la Teen Brigade, ordre est donné à tous les membres du club de sortir dans la rue pour signaler toute personne correspondant au signalement. Même s’il y a quelques fausses pistes, en courant d’un point à l’autre de la ville, Captain America reprend goût à la vie : « C’est comme dans le temps, être en costume… sur la piste d’une menace étrange et inconnue ! Je suis fait pour ça ! C’est la destinée à laquelle je ne saurais échapper ! ». Bref, Cap ne songe plus du tout à prendre sa retraite. Finalement, grâce aux indications de la Teen Brigade, il retrouve l’homme mystérieux. Après l’avoir observé à travers la fenêtre, il saute à travers la vitre et déboule dans l’appartement de l’homme dans un grand fracas. On se rappellera pourtant que pour l’instant il n’y a rien qu’on puisse reprocher à l’homme, si ce n’est que s’être trouvé sur le port avec un gadget étrange. Mais par chance, l’inconnu n’est pas très rusé. Il pourrait lui dire « oui, bon, j’achète mon matériel photo à l’étranger et maintenant que vous m’avez brisé une vitre pour rien, sortez avant que j’appelle la police ». Finalement ce sont ses hommes de main qui répondent à Cap en sortant leurs armes et en tentant de le tuer. Cela vaut tous les aveux imaginables.