Il est vrai que le périmètre d’action du Black Terror et de Tim (son auxiliaire) se situe aux USA. On imagine mal le super-héros sauter dans un avion à chaque fois qu’un crime se passe dans un autre coin du monde. « Le Black Terror qui arrive au Mexique ! C’est le scoop du siècle ! » s’écrie un photographe. Mais comme nous sommes des lecteurs endurcis de comics, on ne nous la fait pas à nous. Il y a quelque chose de très bizarre dans la présence du héros. Et dans la manière dont il a « customisé » ses vêtements. Le Black Terror porte… un sombrero noir, une ceinture très mexicaine et une paire de moustaches épaisses. Qui plus est le héros fait preuve d’un accent à couper au couteau. Quand un des brigands, pas impressionné par l’arrivée de l’homme masqué, sort son revolver en s’écriant « Quand José Fernando tire… c’est toujours pour tuer ! », Black Terror rétorque : « Tou né toura pas aujourd’hui, Senor !« . Avec un coup de poing dévastateur, le Black Terror (avec un accent comme ça devrait-on l’appeler « Black Terrour » ?) assomme un des gangsters avant de s’enfuir.
L’ennui c’est qu’au même moment, Bob Benton (l’alter-ego civil du Black Terror mais aussi un étonnant sosie de Clark Kent) est en train de lire le journal dans sa pharmacie et qu’il découvre ces événements mexicains… dont il n’a jamais entendu parler ! Il prend à témoin son pupille : « Bon sang, Tim ! Mexico est un endroit chouette… Mais comment avons-nous pu nous retrouver là-bas ! ». Il s’avère (et on s’en doutait un peu à travers l’accent et les moustaches du Black Terror mexicain) que Bob et Tim n’étaient pas au Mexique la veille. Tim émet alors une théorie : « Peut-être qu’il s’agit d’un imposteur qui met en place une escroquerie ». Et Bob en convient. Cela pourrait être une imposture ou un vrai Black Terror mexicain. Pour en avoir le coeur net, Bob annonce au garçon qu’ils vont franchir la frontière et enquêter sur place…
Mais soudain une balle traverse la pièce. Regardant à l’extérieur les quatre héros aperçoivent José Fernando et ses bandits. Ils sont du suivre Bob et Tim alors qu’ils arrivaient dans le secteur. Aussitôt les héros masqués sortent de la cabane pour en découdre et les brigands ont ainsi la surprise de voir QUATRE Black Terrors (en comptant Tim et Miguel) au lieu de deux. Bob ordonne à Porfirio de retourner en ville pour prévenir le shérif local pendant que Tim et lui s’occupent de Fernando et de son gang. Malheureusement les brigands ne jouent pas selon les règles et ils assomment les deux héros américains en les frappant par derrière.
Quand Bob et Tim reviennent à eux, les malfrats ont mis au point une méthode d’exécution atypique. Ils ont enterré les deux héros dans le sol, avec seulement la tête qui dépasse, et les encerclent avec leurs chevaux qui galopent autour d’eux. La menace immédiate c’est bien sûr que Bob et Tim se fassent écraser la tête par les sabots mais Black Terror dit à son sidekick d’être courageux, que ce sera terminé dans cinq minutes. L’adulte serait-il découragé, prêt à mourir ? Non. Simplement il attendait que sa super force fasse effet. En faisant usage de ses muscles il s’extirpe vite de la terre. Moins braves maintenant, les gangsters s’éparpillent. Black Terror en assomme un pendant que Fernando cherche à s’échapper en escaladant la colline. Comme les deux héros le poursuivent, il a l’idée de pousser un gros rocher derrière lui, de manière à écraser ceux qui le talonnent. Mais la manœuvre manque son but. Sans issue, Fernando promet alors qu’on ne le prendra pas vivant et se jette dans une crevasse, au grand désespoir de Black Terror…
Mais la vraie portée de cet épisode se ferait sentir ailleurs que dans les pages de Black Terror. Batman se lancerait dans une histoire voisine en 1949 (Batman #56) quand il entraînerait un équivalent mexicain, le Bat-Hombre, portant lui aussi une version « mexicanisée » de l’uniforme de son modèle. La grosse différence est qu’à la fin de l’épisode Batman découvrait que le Bat-Hombre n’était pas le héros qui prétendait être et travaillait en fait pour la pègre. Bien sûr le Hombre serait vaincu avant la fin de l’histoire. Sans que Batman #56 soit identique à Black Terror #20, paru deux ans plus tôt, la trace de l’influence est manifeste. Mais cette apparition d’un autre Batman situé ailleurs dans le monde avait du attirer quelques réactions des lecteurs car à peine quelques épisodes plus tard DC commencera à introduire d’autres Batmen étrangers qui cette fois, contrairement au Bat-Hombre, seraient de vrais héros. Dans Batman #62, Bruce Wayne rencontrerait les versions premières de Knight et Squire. Dans Batman #65 il entraînerait Wingman. Dans Batman #86, ce serait le tour de Man-of-Bats, le Batman amérindien… Tout cela menant à Detective Comics #215 (1955) dans lequel plusieurs de ces « Batmen of All Nations » formeraient ce qui allait devenir le Club of Heroes (réutilisés de nos jours comme personnages secondaires dans les pages du Batman de Grant Morrison). Lors de la formation du Club of Heroes, la place d’un héros mexicain serait remplie par un nouveau personnage, El Gaucho… Lointain descendant thématique du Bat-Hombre et donc du Black Terror moustachu. Encore plus récemment, Grant Morrison à mis à jour le concept du Club of Heroes en le transformant en Batman Incorporated, soit une organisation mondiale qui repose sur l’existence de plusieurs pseudo-Batmen à travers le monde. Mais peu de gens se souviennent que tout cela, cette idée de « l’équivalent folklorique », a commencé avec un mexicain qui se faisait passer non pas pour Batman mais bien pour le Black Terror… Si Bob Benton doit beaucoup aux modèles que furent Batman et Superman, dans le cas présent c’est à ses aventures qu’on doit le principe qui allait devenir, à terme, Batman Inc.
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