Oldies But Goodies: Blackhawk #109 (1957)
3 mars 2012[ENGLISH] L’incarnation originelle de l’aviateur Blackhawk (« Faucon Noir ») fut publiée à peu de choses près pendant une quarantaine d’années. C’est sans doute de fait le comic-book « militaire » qui a connu la plus longue période de parution sans interruption. Malheureusement le fait que Blackhawk appartienne à un genre depuis longtemps éclipsé par les super-héros fait qu’on a tendance à sous-estimer son importance. Une double injustice puisque le héros et son escouade, les Blackhawks, étaient un véritable laboratoire d’expérimentation pour des idées ou des scénarios réutilisés par la suite. Un laboratoire mystérieux qui avait pour nom… Blackhawk Island.
En 1956 l’éditeur Quality cessa ses activités et céda ses personnages encore actifs au concurrent DC Comics. Parmi les héros les plus emblématiques et les plus durables de Quality, il y avait Blackhawk (créé à l’origine par Will Eisner, Chuck Cuidera et Bob Powell). Un simple aviateur lancé en 1941 qui voulait, comme bon nombre de ses contemporains, se venger des nazis. A la longue cependant le concept s’était musclé, au fur et à mesure que l’escadron (les Blackhawks) entourant le héros voyait apparaître des personnages représentant diverses nations des Alliés. L’effet scénaristique faisait qu’on était un peu à mi-chemin entre le futur feuilleton Hogan’s Heroes (Papa Schultz ou Stalag 13 en VF) ou, dans des moments plus glorieux une ambiance digne d’une sorte de Table Ronde des meilleurs aviateurs du monde. Il existe aussi un certain niveau de filiation avec le héros littéraire Doc Savage. Doc s’entourait lui aussi de spécialistes aux personnalités bien campées. Et surtout Doc Savage avait pris l’habitude de réunir ses trésors de guerre (ses propres inventions ou les gadgets confisqués à des adversaires) dans un Q.G. secret nommé la Forteresse de Solitude.
Pour Blackhawk le parallèle serait complet une fois que les scénaristes auraient trouvé la formule classique de la base du héros. Comme les Blackhawks étaient des aviateurs exceptionnels et qu’ils représentaient de nombreuses nationalités, les installer à New York ou dans une ville fictive américaine aurait été à l’encontre du concept. Bientôt, donc, on identifia la base de l’escadron comme étant Blackhawk Island, une île déserte donc l’emplacement semble varier selon les périodes ou les besoins du scénario. La plupart du temps on nous donne l’impression que Blackhawk Island se trouve dans le sud du Pacifique. Mais dans d’autres histoires elle semble proche de l’Europe ou de la côte Est américaine. A partir de là soit il faut déduire que les Blackhawks avaient plusieurs bases réparties à travers le globe où bien que l’île, un peu à la manière de celle de Lost ou de Dinosaur Island, se déplaçait mystérieusement…
Mais en un sens peu importe dans le cas présent la singulière « bougeotte » de l’île des Blackhawks. L’aspect le plus intéressant de l’endroit était que Blackhawk Island abritait non seulement une piste d’atterrissage, les hangars des avions des héros ainsi que leurs appartements mais aussi plusieurs édifices. Une véritable petite ville miniature à l’usage des sept Blackhawks les plus régulièrement représentés (de manière induite il y avait un peu plus de membres à l’équipe dans les années quarante mais il s’agissait d’individus le plus sacrifiés dans l’épisode où ils étaient cités). La construction la plus important sur l’île était « le musée Blackhawk de la victoire » dans lequel les héros conservaient les inventions les plus dangereuses qui avaient été utilisées contre eux. Et arrivés dans les années 50, après plus d’une décennie d’épisodes, les Blackhawks avaient réuni un véritable « trésor de guerre » digne du Baxter Building. Des super-avions, des rayons de la mort ou des bombes improbables qui avaient presque une allure « steampunk ». C’était un peu comme si on avait enfermé dans un même hangar toutes les inventions de Robur, du Capitaine Nemo et de quelques autres savants fous.
Ce qui fait que les scénaristes en vinrent à identifier le « Musée de la Victoire » comme étant la vraie raison pour laquelle l’emplacement de l’île était tenu secret. Les Blackhawks n’avaient pas à proprement parler d’identité secrète à protéger. Tout le monde connaissait leur visage. Mais par contre ils s’assuraient que personne en dehors d’eux ne puisse se rendre à Blackhawk Island : la somme des inventions contenues dans le Musée de la Victoire aurait suffit à conquérir le monde où à le détruire plusieurs fois. Dans les années 50, défendre Blackhawk Island devint une activité régulière pour les héros. Une sorte de finalité principale de leur vie. Une finalité qui allait d’ailleurs causer la mort de Blackhawk lui-même en 1957.
DC Comics venait tout juste de racheter le fond de commerce de Quality, un concurrent défunt. Blackhawk était visiblement une des séries les plus viables du bouquet Quality et DC la continua donc sans changer grand chose (même ton, même numérotation). Tout au plus avec l’émergence de super-héros comme Flash (Barry Allen), l’éditeur savait que les personnages masqués fonctionnaient de mieux en mieux.
Au lieu d’affronter des nazis en fuite ou des saboteurs communistes, les Blackhawks durent faire face de plus en plus à des pseudo-tyrans qui tenaient plus de la figure du super-villain traditionnel. Ajoutez A et B et vous aurez compris qu’assez régulièrement ces adversaires masqués ne rêvaient que d’une chose : poser le pied sur Blackhawk Island et s’emparer des machines du Musée de la Victoire. La petite faille scénaristique, bien sûr, c’est que si jamais personne en dehors des Blackhawks n’avait réussit à s’inviter sur l’île, comment les criminels pouvaient-ils savoir qu’il y avait un Musée de la Victoire contenant tant de machines ?
Et d’un autre côté est-ce que la vie des Blackhawks n’aurait pas été plus facile si, au lieu d’empiler de telles armes futuristes ils s’étaient contentés de les faire exploser au fur et à mesure qu’ils les obtenaient ? A l’époque aucun des aviateurs ne semblait se poser la question (A moins que ces machines folles soient conservées en cas d’urgence, s’il avait fallu que les Blackhawks eux-mêmes les pilotent contre une menace encore plus sérieuse ?). En 1957 (Blackhawk #109), donc, arriva ce qui devait arriver : un jour toutes les machines maléfiques stockées sur l’ile furent retournées contre les Blackhawks par un mystérieux adversaire qui connaissait tous leurs secrets…
L’épisode qui nous intéresse aujourd’hui commence alors que Blackhawk se dirige vers le Musée de la Victoire pour prendre la relève d’un de ses hommes (Chuck, l’américain de la bande). Blackhawk n’est pas arrivé devant l’immeuble que Chuck l’attend déjà sur le perron : il a été averti de l’arrivée de son supérieur par Blackie, la mascotte de l’escadrille. Blackie est (forcément) un faucon qui a la particularité de crier d’une manière caractéristique (représentée par l’onomatopée CAW!) quand il sent la présence de Blackhawk, qu’il reconnaît comme étant son maître. Mais ce soir Chuck a l’air sombre et Blackhawk lui demande pourquoi. Chuck explique alors que le seul fait de surveiller le musée lui rappelle toutes les fois où ils ont frôlé la mort. On nous montre alors l’intérieur du musée et les quatre principales machines qui y sont exposées : La War Wheel, le Flying Tank, le Iron Octopus et le Cerveau Électronique. Chose assez peu caractéristique pour 1957, ces inventions font toutes référence à des épisodes précis du passé. Apparue dans Blackhawk #56 (1952), la War Wheel est en un sens l’adversaire le plus connu des Blackhawks : C’est une sorte de tank énorme designé comme une roue unique (avec des canons sortant de son axe) inventé par les communistes (par la suite les scénaristes la réinventèrent comme une invention nazie). La War Wheel était si efficace sur le plan visuel qu’elle inspira d’autres scénarios du même genre. Le Flying Tank (un tank presque classique mais pourvu d’ailes d’avion lui permettant de voler) datait, lui, de Blackhawk #107 (le dernier numéro édité par Quality). Le Iron Octopus était une sorte de pieuvre mécanique et enfin on verra un peu plus loin ce qu’est le « Cerveau Électronique ». En fait le scénariste aurait pu facilement citer une douzaine d’armes toutes aussi dangereuses comme la Baleine Mécanique (Blackhawk #108), les luges aériennes (Blackhawk #74) ou la Foreuse de la Mort (Blackhawk #80).
Les inventions qu’affrontaient les Blackhawks auraient de quoi ridiculiser bon nombre des gadgets d’Hydra chez Marvel. D’ailleurs c’est un peu ce qui casse le moral de Chuck ce soir-là : il regarde toutes ces armes de mort et se demande encore comment les Blackhawks ont réussi à mettre en déroute les tyrans qui les ont construits : « Chacun d’eux était assez puissant pour conquérir le monde ! ».
Ce à quoi Blackhawk répond, plus optimiste « Et regarde les maintenant… rien d’autres que des trophées poussiéreux qui nous rappellent les ambitions démentes de ces crétins ! Mais il y aura toujours d’autres fanatiques avec leurs propres machines ! C’est pour cela que notre équipe doit se montrer forte et prête ! Maintenant va dormir, Chuck ! ».
L’idée de la relève est visiblement que le Musée de la Victoire est si stratégique que les Blackhawks n’osent pas le laisser sans surveillance. 24h/24 il faut quelqu’un pour le garder… Ce qui bien sur ne fonctionne pas du tout avec les autres épisodes dans lesquels on voit les Blackhawks au grand complet quitter l’île pour affronter une menace (si tous les Blackhawks sont aux commandes d’un avion, qui surveille leur musée pendant ce temps ?).
La nuit venue, tous les Blackhawks présents dans le dortoir sont tirés de leur sommeil par une alarme. Il y a un problème au musée ! Les hommes entendent alors par l’interphone la voix de leur leader, Blackhawk, qui les averti du danger : Il y a un voleur masqué dans le musée qui est en train de s’emparer des machines ! Puis la peur se sent dans la voix de Blackhawk ! Il explique que le voleur est en train d’utiliser le « Cerveau électronique ». Blackhawk explique alors de manière précipité que si quelque chose devait lui arriver les hommes devraient prendre connaissance de ses instructions dans le « dossier d’urgence #1-AAA ». Les Blackhawks sont atterrés ! Ils réalisent que Blackhawk parle comme un homme qui se sait condamné. Et bientôt ils comprennent pourquoi… La voix de leur chef est couverte par le bruit du désintégrateur du « Cerveau électronique ». Car cette machine est essentiellement un ordinateur connecté à un rayon mortel ! Quand la troupe se rue dans le musée, elle découvre l’arme activée, qui balaye de son laser… un cratère dans le sol, là où se tenait Blackhawk lui-même ! Preuve ultime du meurtre, il reste à terre quelques gouttes d’or fondu. Blackhawk possédait un pistolet plaqué or auquel il était très attaché… et en voilà les restes. C’est la seule trace laissée par la désintégration du héros. En fin de journée, toute l’escadrille consternée rend alors les honneurs militaires au chef trop tôt disparu. Un monument est érigé en sa mémoire, portant l’inscription : « En mémoire de Blackhawk, il vivra pour toujours dans nos cœurs… ». Puis il est temps de consulter les dernières volontés du cher disparu. Le fameux dossier #1-AAA. Son contenu est simple : Dans l’hypothèse de sa disparition, Blackhawk a laissé un message pour demander à ses hommes de rester unis et de continuer à travailler en équipe pour combattre les tyrans et les malfaisants. Et ca tombe bien, car les hommes étaient de toute façon décidés à poursuivre l’assassin mystérieux de Blackhawk ! Qui plus est le tueur a pu s’emparer des principales machines que contenait le musée de la Victoire. Il faut le retrouver et lui reprendre ces armes de destruction massive. Ou à défaut les détruire pour s’assurer qu’il ne menace pas le monde libre. Mais comment faire puisqu’il n’y a aucune piste à suivre ?
C’est Chuck qui a une idée déterminante. Par mesure de précaution tous les véhicules installés dans le musée avaient des réservoirs vides. Pour partir avec la War Wheel, le Flying Tank et le Iron Octopus, le malfaiteur a forcément du faire le plein en se servant des réserves présentes sur l’île. Chuck propose alors qu’on fasse un inventaire des stocks de carburant sur Blackhawk Island. Tout ce qui manquera à l’appel aura forcément été utilisé par l’assassin. Et effectivement les Blackhawks se rendent compte qu’il manque quelques bidons. Connaissant la consommation moyenne des trois engins, les héros sont capables de déterminer un périmètre autour de l’ile. Avec ce carburant, le tueur n’a pas pu parcourir plus d’une certaine distance (sauf bien sûr si le malfaiteur y avait pensé et préparé un ravitaillement quelque part mais Chuck ne semble pas penser à cette éventualité). Et comme toutes les autres îles dans les 150 miles alentours sont inaptes à accueillir des engins comme la War Wheel, les Blackhawks sont en mesure de déterminer que l’assassin de leur ancien chef se cache sans doute dans un pays montagnard « sur le continent », à 185 miles d’eux. Quelques heures plus tard les Blackhawks posent leurs avions dans le pays identifié. C’est apparemment une contrée pauvre et désertée. Ils marchent alors dans les rues d’une ville vide mais écoutent bientôt un bruit énorme. C’est la War Wheel, activée, qui roule vers eux pour les attaquer. Et comme les Blackhawks ont fait l’erreur de descendre de leurs avions, ils sont des cibles faciles au milieu de la rue.
L’attaquant leur parle alors via un haut-parleur, leur promettant alors de les détruire tout comme il a détruit leur leader. A cette occasion, on a enfin un aperçu du méchant de service : un homme vêtu de jaune et d’orange, avec des points d’interrogations sur la poitrine et sur la tête. Serait-ce un nouveau look pour le Riddler, l’adversaire de Batman ? Pas du tout. Le pilote de la War Wheel s’identifie comme étant The Question Mark (« le point d’interrogation »). Les Blackhawks n’ont jamais entendu parler de ce Question Mark et se demandent bien d’où il sort. Mais ils ont un souci plus immédiat : ne pas se faire écraser par la War Wheel. Heureusement pour eux le grand engin n’est pas facile à manœuvrer et à besoin de grands espaces pour négocier les virages. Les hommes s’éparpillent alors pour brouiller les cartes. Le plus agile des Blackhawks, Stanislaus, s’élance alors vers la War Wheel dans l’idée d’utiliser le seul point faible connu de l’engin : ses pots d’échappements. Stanislaus veut laisser tomber des explosifs à l’intérieur et neutraliser ainsi la machine. Mais Question Mark semble anticiper l’attaque et vire pour tenter de semer Stanislaus. C’est comme si Question Mark était télépathe et pouvait lire dans l’esprit de ses adversaires. Une chose que ne manque pas de noter Chop-Chop, le faire-valoir chinois de l’équipe. Mais même s’il devine visiblement les techniques et résiste dans la mesure du possible, The Question Mark ne peut que ralentir l’inexorable. Stanislaus arrive à glisser l’explosif dans le pot d’échappement. La machine est secouée par un grand choc et, incapable de continuer à avancer ou à supporter son propre poids, elle s’écrase sur le côté. Les Blackhawks se précipitent vers le poste de pilotage de la War Wheel mais… la place est vide !
Les héros ne sont pas revenus de leur surprise qu’ils entendent un bruit comparable à un tremblement de terre… qui n’est pourtant absolument pas terrestre. Le Flying Tank arrive par les airs, renversant un bâtiment qui se trouvait sur son passage. Voici une nouvelle machine de guerre que The Question Mark retourne contre les Blackhawks ! Mais le Flying Tank est également dur à diriger et les héros profitent que l’engin négocie un virage pour… lui sauter dessus et s’accrocher. Après tout, le seul endroit où le Flying Tank ne peut pas leur tirer dessus est… le Flying Tank lui-même ! Mais cette fois Question Mark secoue l’engin, fait des loopings de manière à éjecter les aviateurs qui se retrouvent dans le vide… Heureusement pour eux les Blackhawks transportent en permanence dans leurs uniformes des « parachutes secrets » qui les mettent à l’abri de ce genre de chute. Resté à terre, Hendrickson, qui est le tireur le plus doué des Blackhawks, vise le Flying Tank et le touche. Son engin endommagé, Question Mark semble prendre la fuite dans les airs… Mais c’est pour mieux revenir un instant plus tard. La War Wheel et le Flying Tank sont hors d’état ? Pas de problème : Il lui reste encore une arme ! Le Iron Octopus ! Et en faisant à nouveau irruption Question Mark prévient les Blackhawks : cette fois la vraie bataille vient de commencer !
Le Iron Octopus est une sorte de pieuvre mécanique dont les bras sont très résistants. Et Question Mark a attiré les Blackhawks précisément là où il le voulait : Au pied d’un barrage hydraulique qu’il s’apprête à détruire avec les bras de sa machine. Question Mark veut noyer la vallée sous l’eau… et donc noyer au passage les Blackhawks eux-mêmes qui n’auront pas le temps de fuir ! Fuir, non, mais au moins les héros trouvent le temps de se refugier dans une tour assez haute pour dépasser des eaux montantes. Mais c’est reculer pour mieux sauter car le Iron Octopus est un engin amphibie qui supporte très bien de se déplacer dans l’eau. Question Mark s’approche donc à bord de la machine, bien décidé à détruire la tour ou même à tuer les Blackhawks. Le malfaiteur jubile « Bientôt ce sera la fin des Blackhawks, ha ha ha ! ». Blackie, le faucon apprivoisé de l’équipe, est visiblement très agité par tous ces événements et commence à pousser de petits « CAW! ». A ce moment-là Chuck comprend et s’écrie que le jeu est terminé. Il a compris qui est Question Mark ! C’est Blackhawk lui-même, qui a fait croire à sa propre mort ! Blackhawk/Question Mark se démasque, passablement surpris que Chuck ait compris. Mais ce dernier explique qu’il a remarqué que Blackie poussait ses petits « Caw! » réservés à Blackhawk dès que Question Mark était dans les parages. Et cela explique aussi pourquoi le criminel semblait en connaître autant sur les méthodes des Blackhawks. Alors quoi ? Blackhawk aurait monté sa propre disparition pour mieux pouvoir tomber dans le crime ? Pas vraiment.
Les aviateurs pressent leur chef de questions (vus son costume ce n’est que justice…). Blackhawk explique alors qu’il voulait les tester. Il voulait s’assurer que s’il venait à disparaître, quelqu’un serait en mesure de diriger les Blackhawks à sa place. Pour parfaire la supercherie, Blackhawk a même été jusqu’à fondre au laser son pistolet d’or préféré, car il savait que ses hommes n’imagineraient pas qu’il puisse ainsi le sacrifier. Et pour ce qui est de la ville déserte et de la vallée ravagée par le barrage détruit (ce qui semblerait au demeurant un peu excessif pour un simple test), Blackhawk explique qu’il avait appris que les autorités voulaient submerger la vallée pour en faire un réservoir d’eau. Il a donc demandé la permission de détruire lui-même la ville abandonnée et le barrage devenu inutile. Les armes de destruction auront donc été utilisées pour le bien général ! Mais les hommes veulent savoir : Qui est le membre des Blackhawks qui s’est distingué et qui pourrait succéder à leur leader ? Blackhawk répond alors par une pirouette scénaristique : TOUS les hommes se sont montrés dignes de lui succéder et il peut désormais avoir l’esprit tranquille. Quoi qu’il arrive, il y aura quelqu’un pour prendre la relève.
On pourrait dire « the end » puisque c’est bien la fin de l’épisode mais ce n’est pas une fin définitive. Car le récit a tout simplement fait des petits dans des endroits inattendus, chez… Marvel (le grand concurrent de DC). Dans Strange Tales #127 (1964), Stan Lee et Dick Ayers allaient introduire le Mystery Villain. Un personnage (habillé en vert) qui ne ressemble pas visuellement au Question Mark mais qui partage avec lui un grand nombre de points communs. Le Mystery Villain (qui porte une cagoule pourvue d’un grand point d’interrogation) utilise des gadgets perfectionnés et affronte Human Torch et The Thing en semblant toujours avoir une longueur d’avance et en utilisant des gadgets futuristes. Au final Johnny Storm et Ben Grimm découvriront que le Mystery Villain n’est autre que… leur leader, Reed Richards. Cette fois il ne s’agissait pas de pour le leader de tester un remplaçant éventuel à la direction de l’équipe. Non, Human Torch et The Thing s’étaient simplement montrés trop arrogants, prêts à quitter les Fantastic Four et Reed avait utilisé ce stratagème pour leur apprendre l’humilité. Mais ce n’est pas tout. Car Strange Tales #127 aurait par ailleurs une autre suite.
En 1975, dans Fantastic Four #154 (écrit par Len Wein) les héros sont attaqué à nouveau par quelqu’un qui porte le même costume que le Mystery Villain (mais qui cette fois se fait appeler le Mystery Mask). Au terme de l’histoire on découvrira que Mystery Mask est une nouvelle supercherie non pas de Reed Richards mais de Nick Fury qui voulait tester des armes et a donc fait croire aux Fantastiques qu’ils étaient attaqués. Strange Tales #127 et Fantastic Four #154 ne sont pas des copies conformes, case par case, de Blackhawk #109 mais on ne peut manquer de voir la filiation. En particulier quand les deux premières histoires ont en commun cette idée du leader jouant les super-villains sous un masque portant un point d’interrogation…
Du côté du Blackhawk de 1957, le héros n’en avait pas fini avec les armes cachées dans le musée de la Victoire. D’abord même si deux des engins (la War Wheel et le Flying Tank) sont détruits au cours de l’aventure, certains inventions survivent et dans Blackhawk #113 un des adversaires de l’escadrille arrive à prendre radio-guider à distance le Cerveau Électronique et à le retourner contre les aviateurs (non sans s’être d’abord arrangé pour faire croire qu’il y a un saboteur sur Blackhawk Island et donc un traitre dans l’équipe). Puis dans Blackhawk #158 les armes les plus terribles allaient être carrément recrées : un savant fou avait crée un rayon permettant de reconstruire toute arme détruite par les Blackhawks (ce qui permettait du coup de remplir à nouveau le musée de la Victoire et de lui rendre son importance stratégique). De ce fait le musée de la Victoire (et par extension Blackhawk Island) serait ainsi une sorte de caverne d’Ali Baba contenant les menaces les plus folles. L’île des Blackhawks avait de quoi attirer la convoitise de nombreux criminels et, en un sens, il est étonnant que les scénaristes de l’univers DC n’aient pas utilisé l’endroit à sa juste valeur. Peut-être parce que dans la continuité post-Crisis le sort des Blackhawks fut souvent traité comme un mystère non résolu. On savait que les Blackhawks avaient existé pendant la seconde guerre mondiale mais ils avaient disparu à une date ultérieure, laissant derrière eux qu’une compagnie d’aviation, Blackhawk Industries. Le seul membre des Blackhawks encore actif était Lady Blackhawk (celle vue dans les pages de Birds of Prey), victime d’un bond temporel.
Blackhawk Island n’était plus mentionné que comme un hangar désert et sans surveillance. Ce qui était un véritable gâchis (Blackhawk Island aurait pu devenir une arrière-base des Birds of Prey). En 2009, dans Justice League: Cry For Justice, Congorilla et le Starman bleu se rendent sur Blackhawk Island sans qu’elle semble spécialement gardée ou qu’on évoque l’arsenal destructeur qui s’y cache. Il fallu attendre 2010 et un arc de Batman Confidential (#36-39, « Blackhawk Down ») pour éclaircir la chose. Dans cette saga un ancien membre des Blackhawks, Ted Gaynor, revenait pour tenter de s’emparer des armes de Blackhawk Island, forçant Batman et Lady Blackhawk à intervenir. Dans Batman Confidential on reconnait même une version « mise à jour » du Iron Octopus, utilisé contre les héros. Mais on découvrait dans la foulée que le PDG de Blackhawk Industries n’était autre qu’un très vieux Blackhawk qui avait préféré faire croire à sa mort mais qui, en utilisant un exosquelette, était encore capable de piloter (et de combattre Gaynor en compagnie de Batman). A la lecture de Blackhawk #109 dans lequel le héros faisait déjà croire à sa mort, on est tenté de dire que cette supercherie était logique pour lui. Dans la continuité actuelle (DCnU) de DC, les Blackhawks n’ont plus le même panache et Blackhawk Island n’est plus cette cache à la fois terrible et merveilleuse qui contenait de quoi entretenir bien des histoires. Dommage car à sa manière la Blackhawk Island d’avant le relaunch était, un peu à la manière de Paradise Island (l’île de Wonder Woman) ou de la Forteresse de Solitude de Superman un de ces endroits de l’univers DC qui pouvait servir de décor à bien des événements !
[Xavier Fournier]