Oldies But Goodies: Blonde Phantom #12 (1946)
13 juin 2009[FRENCH] Question : quelle est la première apparition de Spider-Man chez Marvel ? Si, en bon collectionneur de comics que vous êtes, vous avez répondu Amazing Fantasy #15, de 1962, vous avez… faux ! Spider-Man fait son apparition chez Marvel dès 1946 dans Blonde Phantom #12. Bon, d’accord, peut-être pas LE Spider-Man : ce n’est effectivement pas Peter Parker. Ce n’est même pas un super-héros mais bien au contraire un criminel assez macabre, adversaire de l’héroïne Miss America.
Sur la page d’introduction, Miss America fait voler une fenêtre en éclats (volets inclus) se précipitant vers un personnage lugubre qui brandit un couteau, menaçant une femme en robe de soirée, prisonnière d’une énorme toile d’araignée. Plus bas, le narrateur nous explique qu’un fou meurtrier va mettre à rude épreuve la puissance de Miss America, tandis qu’elle s’efforcera de mettre un terme au « fléau de Spiderman ». Et même si c’est sans doute ce nom qui aura retenu votre attention, prenons quand même la peine de présenter Miss America telle qu’elle était vraiment dans les années 40 (ce qui induit quelques différences avec son interprétation moderne).
A l’origine, Miss America – alias Madelyne Joyce – était tout simplement le personnage féminin le plus puissant publié par Timely/Marvel. Il y avait bien la possible exception de la Black Widow originelle (celle ramenée dernièrement par Straczynski et Weston dans The Twelve) qui avait de grands pouvoirs mystiques mais dont la popularité et la longévité étaient inexistantes (Black Widow a connu moins d’une demi-douzaine d’épisodes). Miss America avait débuté en novembre 1943 dans les pages de Marvel Mystery Comics #49. Insistons sur cette date de 1943 : Tous les épisodes de la série Invaders, Marvel Première et autres dans laquelle on la voit opérer avec les Envahisseurs ou la Liberty Legion à partir du début 1942 sont tout simplement « apocryphes ». Il s’agit de retcons de Roy Thomas qui n’ont pas de fondement historique réel puisque l’héroïne n’est réellement apparue qu’un an et demi plus tard. Le nom, bien sûr, démontre l’évidence : en publiant Miss America, Timely/Marvel voulait capitaliser sur la renommée de Captain America. Mais en dehors du logo que Miss America portait sur la poitrine (un écusson américain qui renvoyait à la forme du premier bouclier de Cap), les liens visuels ou scénaristiques entre les deux personnages étaient inexistants. Miss America était plus proche d’une « superwoman » que d’une version féminine de Captain America. A la suite d’un accident, elle avait désormais une force herculéenne, elle pouvait voler et dans certains épisodes on lui découvrait divers super-sens. La Miss America de Timely aurait sans doute pu tenir tête au Superman de la même époque avec une petite chance de l’emporter. Quand, de manière moderne, des épisodes des Invaders vinrent grossir un peu son CV, Roy Thomas avait visiblement décidé qu’elle ne devait pas éclipser les héros majeurs (et masculins). On en fait surtout une héroïne qui pouvait voler, avec seulement de rares références à une force surhumaine. En clair, la Miss America qu’on nous montre dans les flashbacks publiés de manière moderne est souvent moins puissante qu’elle ne l’était à l’origine.
Dans les années 40, Marvel/Timely avait suffisamment cru en Miss America pour lui confier sa propre série dès 1944, visant sans doute un hypothétique public féminin. Techniquement Miss America #1 n’était pas le premier comic-book que la firme avait consacré à une femme masquée. Il y avait d’abord eu Miss Fury (sorte de pré-Catwoman produit par Tarpe Mills pour la presse) mais il s’agissait d’un arrangement particulier : Les comics de Miss Fury étaient des réimpressions de strips de presse produit en dehors de Marvel. Miss America, elle, était « maison ». Elle préfigurait l’arrivée d’une vague de super-héroïnes chez Marvel (Blonde Phantom, Sun Girl, Namora, Golden Girl…) visant toutes à aller glaner un nouveau lectorat du côté des filles. Mais à ce petit jeu Miss America fut la première victime … A peine Miss America #1 publié, en 1944, l’éditeur se dit qu’il y avait encore mieux avec ce titre de « Miss Amérique » qui sonnait après tout comme un concours de beauté. Rapidement, chez Marvel, on changea le fusil d’épaules : dans les numéros suivants le magazine Miss America devint donc une revue pour jeunes filles, avec des articles sur la mode ou des centres d’intérêts vus comme « féminins » tandis que les récits de super-héros disparaissaient. L’héroïne Miss America se retrouva donc en quelque sorte expulsée de son propre mag, renvoyée au stand de personnage de second rang dans d’autres revues. Et pour ne pas créer de confusion entre le magazine Miss America et l’héroïne Miss America apparaissant ailleurs, le personnage se retrouva pratiquement interdit d’apparaître sur des couvertures. A l’intérieur d’autres mags, cependant, les aventures de Madelyne Joyce se poursuivaient.
Ce qui nous ramène donc au contenu de Blonde Phantom #12 où, comme vous l’aurez compris, Miss America jouait les seconds couteaux… Un soir, Madelyne Joyce rentre chez elle en voiture en s’étonnant qu’il ne lui soit rien arrivé de bizarre dans la journée. Mais elle se dit qu’elle a la sensation que cela va bientôt changer. A plus forte raison puisque – pour une raison inexpliquée – elle se trouve dans sa voiture déjà habillée en super-héroïne. Forcément, sa sensation est bientôt confirmée par l’arrivée à sa hauteur d’un motard de la police qui lui ordonne de faire demi-tour. Le secteur est interdit à la circulation depuis qu’il y a eu… des meurtres. L’intérêt de Miss America se manifeste tout de suite et elle veut en savoir plus. Le policier, qui lui avait ordonné de changer route, l’avait fait sans vraiment regarder dans la voiture. Quand il s’aperçoit qu’il a face à lui Miss America, qui a plusieurs fois collaboré avec les forces de police, il est nettement plus conciliant et s’apprête à lui fournir des explications sans se faire prier. Mais le brief est inexistant puisqu’alors qu’ils parlent tous les deux ils écoutent un cri… Miss America s’élance et surprend alors l’assassin auprès de sa dernière victime en date, prisonnière d’une toile luminescente. L’homme porte une longue barbe blanche assez distinctive mais surtout il a un couteau à la main. Miss America lui fonce dedans en plein vol et lui fait perdre l’équilibre. Mais l’homme, malgré son allure de vieillard, contre-attaque avec une vigueur surprenante, décochant un coup de pied à Miss America qui lui fait perdre le souffle. Comme l’héroïne a une force et une résistance surhumaine, ce n’est déjà pas un mince exploit en soi. D’autant plus qu’elle est suffisamment sonnée pour que le meurtrier s’échappe. Le policier (qui n’a pas le pouvoir de voler, lui, et qui a donc mis plus de temps à arriver sur les lieux) a beau tirer quelques coups de feu, entre la pénombre et les arbres proches, l’assassin a vite fait de s’enfuir…
Miss America ayant repris son souffle, le policier lui confie l’étrange toile lumineuse qui entourait la victime, lui demandant de la porter d’urgence au quartier général de la police pour qu’elle soit analysée. Mais l’équivalent de 1946 des « Experts » façon CSI reste perplexe devant la substance dont le filet est fait. Comme ils n’arrivent à rien, les policiers scientifiques finissent par se dire que le professeur Morte pourrait sans doute les aider. Ah ! Le professeur Morte ! Que voici un nom qui sent bon les comics ! Un nom qui inspire confiance ! Miss America demande qui est ce professeur et l’un de ses interlocuteurs lui explique qu’il s’agit d’un entomologiste célèbre qui collabore avec leurs services. Cela fait quelques temps qu’il prétend qu’une araignée monstrueuse est responsable des meurtres… Théorie qui est bien sûr invalidée maintenant que Miss America a vu le tueur. Quand le professeur entre dans la pièce, Miss America est surprise ! Le professeur Morte et le tueur ne semblent être qu’un seul et même homme ! Mais dans un premier temps elle garde ses soupçons pour elle. Sans savoir ce qu’elle pense, Morte s’empare de la toile et s’exclame que c’est une preuve de sa théorie sur l’araignée géante. Elle ne peut avoir été tissée que par un véritable monstre ! Miss America médite : Le professeur tente d’éloigner les soupçons de la police avec cette histoire d’araignée monstrueuse.
Mais ce que l’héroïne ne s’explique pas, c’est que le tueur puisse penser pouvoir manipuler les gens alors qu’elle et lui se sont rencontrés sur le lieu du dernier meurtre. Comment peut-il croire qu’elle ne le reconnaîtra pas ? Mais il lui manque une preuve. Et pour pouvoir le coincer, elle monte alors un stratagème. Elle s’empare de la toile en prétextant qu’elle en a besoin pour piéger le monstre arachnéen et s’envole… En fait, elle n’est pas partie bien loin et s’est juste cachée à proximité des locaux de la police. Quelques minutes plus tard, elle peut donc observer le Professeur Morte qui décampe en quatrième vitesse. Il est temps de vérifier ses doutes…
Elle se rend à nouveau dans les bois où les meurtres ont eu lieu, cherchant à savoir si elle y aperçoit le professeur. Mais n’est-elle pas un peu présomptueuse ? Car alors qu’elle marche entre les arbres, le tueur (qui s’était caché dans les branches au dessus d’elle) laisse tomber une autre toile. Voici Miss America prisonnière d’un filet apparemment indestructible. Malheureusement pour lui, « Spider-Man » (le surnom n’est utilisé que dans le titre de l’épisode, dans l’histoire il n’a aucun pseudonyme) a mal calculé son coup. Bien que la toile paralyse en partie l’héroïne, un bras et une jambe restent libres, ce qui lui permet quand même de se battre un peu. Assez, en tout cas, pour désarmer le tueur. Il s’enfuit à nouveau dans les bois tandis que Miss America s’efforce de se débarrasser de la toile gluante.
Dès qu’elle est libre, Miss America s’envole de manière à pouvoir suivre l’assassin de plus loin. D’ailleurs elle voit sa voiture qui s’éloigne et la suit jusque chez le professeur Morte. Comme au commissariat, Miss America s’étonne. Le tueur n’a rien trouvé de mieux comme cachette que sa propre maison, laissant en prime sa voiture devant chez lui. Sans perdre de temps la super-femme s’engouffre dans la maison et s’élance sur le professeur Morte pour le capturer… Mais celui-ci proteste. Il ne sait rien de ce dont elle cause. A plus forte raison il la prévient de faire attention, que quelque chose derrière elle la menace. Mais Miss America, bien sûr, refuse de tomber dans une astuce si grossière…
C’est pourtant elle qui est dans le faux. Le tueur, le vrai, se tient derrière elle, avec une nouvelle toile. Ce sosie du professeur la capture en s’exclamant « cette fois tu ne m’échapperas pas ». Piégé dans le filet, Miss America ne peut que constater l’incroyable. Elle a devant elle… deux professeurs Morte. Et l’un des deux, innocent, est aussi surpris qu’elle. En fait le tueur est l’assistant du bon professeur Morte, il mettait une fausse barbe pour faire accuser l’autre. L’assistant en veut en effet à son employeur pour son manque d’intérêt, pour ne jamais avoir prêté la moindre attention à ses expériences. Et il est temps, maintenant, que l’assistant lui montre ce qu’il a créé… Et il dévoile alors un laboratoire macabre où trônent trois araignées géantes. Finalement Morte était dans le vrai… L’assistant, lui, a tout du savant fou. Il explique qu’il a élevé ces monstres en les nourrissant de sang humain : « Quand j’en aurais des millions comme elles, je serais maître du monde » explique le fou furieux. Car imaginez : comment avoir des millions d’araignées géantes buveuses de sang pourrait lui permettre de diriger la planète ? Semer le chaos, oui. Le diriger avec de tels monstres serait sans doute très compliqué. Pendant que le fou est lancé dans son monologue, Miss America tire tant qu’elle le peut sur la toile qui l’emprisonne. Comme dans les clichés classiques, elle met à profit la tirade du criminel pour se libérer, au moins en partie. Quand « Spider-Man » approche de sa captive, elle a pu dégager une jambe et le projette en arrière d’un coup de pied surhumain. L’assistant atterrit contre les cages transparentes des monstres araignées qu’il a lui-même élevé, en brisant les parois. Peu reconnaissantes envers celui qui les a nourrit, les bestioles se précipitent sur lui pour le dévorer (on l’avait pourtant prévenu qu’il n’arriverait à diriger le monde avec de telles créatures). Miss America et le Professeur Morte seraient sans doute promis au même sort si Madelyne et le scientifique n’arrivaient pas à s’enfuir par une lucarne. A partir là, en volant, Miss America ramène Morte au QG de la police…
Un peu plus tard les policiers informent les deux rescapés que les monstres araignées ont été exterminés jusqu’au dernier, tandis que Miss America s’excuse d’avoir soupçonné le professeur Morte. Ce dernier, fairplay, reconnaît qu’elle avait toutes les raisons de le faire… Pour répondre à une question qui m’était posée la semaine dernière, là pour le coup, non, je ne possède pas le numéro en question (j’ai donc travaillé à partir de scans) qui d’une part est rare et par ailleurs, à ma connaissance, n’a jamais été réédité depuis 1946. Marvel serait pourtant bien inspiré de nous recaser cette histoire à l’occasion des diverses réimpressions qui marquent le 70ème anniversaire de la firme. Ou, encore mieux, de trouver à nouveau une utilité à ce premier Spider-Man lors d’une aventure rétro ou même dans le contexte actuel, comme simple référence. Après tout ses araignées géantes avides de sang humain ressemblent énormément à celles vues parfois dans la saga d’Ezekiel, pendant la période de J.M. Straczynski. Ezekiel finissait d’ailleurs tué par l’une d’entre elles. Bien sûr, les araignées géantes vues dans l’histoire de Straczynski sont en essence mystiques et n’ont pas été créées par la science. Mais si on regarde bien l’épisode de Miss America, rien ne dit précisément que « Spider-Man » a créé à 100% ces bestioles. Peut-être qu’il se contente de les étudier et de les nourrir voir même de les bombarder avec des radiations (ce qui expliquerait l’étrange lueur des toiles). Autre chose, comment un assistant malingre et pas tout à fait de la première jeunesse aurait trouvé assez de force pour mettre la surpuissante Miss America en respect ? Serait-il insensé de penser qu’en élevant ces araignées géantes sans doute radioactives il aurait été exposé à leur venin, recevant du même coup des pouvoirs proches de ceux du Spider-Man moderne ? Et comme Straczynski insinuait qu’il y avait un représentant du Spider-Totem (symbolisant l’esprit d’Anansi) par génération, le Spiderman de 1946 pourrait tout aussi bien s’intégrer dans la mythologie du Spider-Man moderne sans trop de difficulté (encore que – depuis Brand New Day – Marvel ait pris de la distance par rapport à ces histoires totémiques). Depuis 1946, le professeur Morte a eu tout le temps de trépasser mais une petite mention de ses recherches (ou de celles de son assistant) dans un épisode d’Amazing Spider-Man serait sans doute une petite touche bienvenue et une référence indirecte à ce spider-prédécesseur…
[Xavier Fournier]
» a aller glaner un nouveau lectorat du coté des filles « ……….que ce soit a l’époque ou de nos jours , bon courage ! 😉
Il y a un peu de ça. Encore qu’à l’époque les comics de super-héros n’avaient guère que sept ans et qu’on sortait d’une phase guerrière. Et puis il y avait quelques exemples chez la concurrence comme Wonder Woman, Mary Marvel ou Sheena. On peut comprendre que Timely ait tenté le coup, d’autant que l’industrie était tournée vers les kiosques. L’idée était qu’en proposant de nouveaux personnages ciblés vers de nouveaux lecteurs, on pouvait attirer leur attention. Là où de nos jours le public est plus captif puisque tourné vers les rayons spécialisés ou les boutiques. On a de moins en moins de chance de devenir lecteur (ou lectrices) de comics par hasard.
Ceci dit le contre-exemple existe. Au moment de la vague Witchblade, Fathom et Danger Girl, on voyait des lectrices s’y intéresser. Voir même des mères de lecteurs s’y intéresser, qui nous disait être heureuses de trouver des séries où le personnage principal était une femme (apparemment Wonder Woman n’avait pas le même attrait)…
Je suis surpris que des femmes aient pu se » retrouver » dans des personnages aussi stéréotypés physiquement que ces héroïnes !lol
Qu’un ado des années soixante se soit sentit proche de Peter Parker ok mais là……:)
Et pourtant on n’a pas inventé le succès de Lara Croft… 😉
Je crois qu’il y a tout simplement une différence entre le personnage qui nous ressemble et le personnage qu’on voudrait être. L’ado des 60’s dont vous parliez se reconnaissait dans Peter mais aurait bien voulu être Spider-Man.
C Q F D ! lol
Les lectrices ne cherchent pas toutes une identification,j’en ai l’exemple en ce moment avec une jeune demoiselle de 17 ans (la fille de mon amie)qui s’intéresse beaucoup à Batman et au Joker (Merci le film DARK KNIGHT et Heath Ledger).Elle a adoré « souriez » (killing joke) « year one » la saga « Silence » entre autres,mais « Birds of prey » ou WONDER WOMAN l’ont laissé de marbre,comme quoi….
Mais personne n’a prétendu que le genre humain partage les mêmes goûts. Pour preuve il y a même des lecteurs et des lectrices qui ne cherchent pas tous… des comics. Incroyable 😉
« Pour preuve il y a même des lecteurs et des lectrices qui ne cherchent pas tous… des comics. »
A mon avis, c’est une légende urbaine 😀
Que symbolise l’écusson américain de miss america ?