Oldies But Goodies: Blue Beetle #15 (Octobre 1942)
10 août 2013[FRENCH] La couverture de Blue Beetle #14 le leur promettait. La vie du super-héros déguisé en scarabée bleu allait changer fondamentalement avec l’arrivée d’un sidekick, Sparky. Blue Beetle allait avoir son équivalent de Robin ou de Bucky. L’ennui c’est que les jeunes lecteurs de l’époque furent bredouille. Pas de Sparky dans le numéro (malgré la promesse) et des explications surréalistes. Il allait falloir décaler d’un numéro…
En 1942, Blue Beetle venait de changer de main. D’abord lancé par l’éditeur Fox Publications, le héros (et sa revue) venaient d’être cédé à une autre société, Holyoke (qui publiait par ailleurs les aventures du Cat-Man de l’Age d’Or). Et la reprise par Holyoke s’accompagnait visiblement d’une volonté de lorgner sur certains des super-héros les plus emblématiques de la concurrence. La couverture de Blue Beetle #14, en septembre 1942, semblait donc aller dans ce sens. Le héros adulte y apparaissait en compagnie d’un jeune personnage et l’accroche laissait peu de doutes sur la finalité : « Introduisant Sparky, le sensationnel assistant de Blue Beetle ! ». Depuis quelques années les sidekicks se popularisaient dans les comic-books et voici donc que le Blue Beetle originel, Dan Garret, récoltait le sien. Sauf que les choses ne se sont pas passées comme ça…
Malgré ce que voudrait laisser croire la couverture, Blue Beetle #14 ne contient absolument pas les débuts d’un jeune super-héros Sparky. Au contraire le lecteur va avoir droit à une suite d’aventures du Blue Beetle en solo (comme d’habitude, quoi). Ce n’est qu’au bout de quelques pages qu’on va tomber sur une page, une seule, formulée comme un mot d’excuse. On y introduit bien un le jeune Sparky, « nouvel assistant du Blue Beetle », en se fendant d’un chapitre descriptif : « En réalité Sparky n’est autre que Sparkington J. Northrup, adopté par Lord Wellington Northrup de Suppleshire, Angleterre. Pendant une visite en Amérique à cause de la guerre, Lord Northrup a pensé qu’il était préférable d’y faire venir son fils adoptif. De ce fait, Sparky est parti de Liverpool courant Avril ! ». Mais visiblement les auteurs n’arrivent pas à se décider s’il est anglais ou américain puisque dans le paragraphe suivant on explique : « Sparky est un garçon adorable, 100% américain mais dans ses vêtements de tous les jours les gens le prennent pour une femmelette à cause de son look élégant et de sa manière précise de parler. Mais même si Sparkington J. Northrup est un parfait gentleman, il n’a rien d’une femmelette ! Le Blue Beetle a découvert qu’il est un petit athlète, combattant et bondissant, sur lequel il peut compter à tout moment ! ».
Néanmoins on pourra s’étonner de la manière alambiquée dont on nous explique qu’il est donc un petit garçon américain qui aurait été adopté par un Lord anglais qui l’aurait fait revenir en Amérique. Que de trajets… Mais c’est le dernier paragraphe de la phrase qui élucide ce point : « Nous l’attendions pour qu’il arrive à temps pour ce numéro de Blue Beetle Comics mais les derniers rapports nous ont informé que le convoi dans lequel Sparky voyageait a été attaqué par des sous-marins des forces de l’Axe. On nous a assuré, cependant, que Sparky est sauf et qu’il arrivera d’ici quelques jours… Ne manquez pas Sparky dans l’épisode du mois prochain de Blue Beetle Comics ! ». Et fait, il semble tout simplement que l’éditeur avait commandé la couverture mais qu’aucune histoire n’avait été produite à temps pour justifier cette image et qu’on a donc, dans l’urgence, fabriqué ces excuses qui brisent, d’une certaine manière, le « quatrième mur ». Une autre explication pourrait être qu’il y a bien une histoire qui a été produite mais qu’elle était trop proche d’un sidekick existant et que l’éditeur aura préféré ne pas la publier et repousser les choses. Mais dans tous les cas, pourquoi garder la couverture avec Sparky, nécessitant cette page de mise au point ? Sans doute parce que publier quand même la couverture avait l’avantage, dès lors, d’une sorte de dépôt légal. Même si un autre Sparky était apparu ailleurs entre Blue Beetle #14 et 15, Fox aurait pu se targuer de l’antériorité…
L’ironie, dans cette affaire, c’est que lorsque Blue Beetle #15 arriva, sa couverture à lui ne contenait pas la moindre indication que Sparky figurait à l’intérieur. On y voyait seulement le Blue Beetle se lançant sur des soldats (sans doute ennemis de l’Amérique). Et pourtant cette fois est la bonne… Encore que les choses restent compliquées. Dans la première histoire du numéro, il y a bien le jeune Sparkington… Mais sans la moindre explication, comme s’il avait toujours été là. Et on le voit même faire tourner en bourrique Dan Garret en le menaçant de révéler à la presse qui est Blue Beetle. Quelques pages plus loin on découvre qu’il est le héros Sparky… Mais il n’y a pas la moindre explication du pourquoi du comment. C’est parce que Sparkington n’a décidément pas de chance… L’éditeur a publié les épisodes dans le désordre. L’origine de Sparky est bien contenue dans Blue Beetle #15 mais c’est une histoire au fin fond de l’anthologie. Le lecteur va donc devoir attendre un peu avant de savoir pourquoi le héros adulte a recruté cet assistant.
Comme souvent dans les enquêtes du Blue Beetle du Golden Age, les choses commencent alors que le policier Dan Garret et son partenaire, Mike, sont en patrouille. Tous deux entendent la sirène de la prison et en déduisent qu’il y a une évasion en cours. Forcément les deux hommes se précipitent pour répondre à cet appel à l’aide. Et ils arrivent à temps pour voir un individu chauve se « faire la malle » en sautant par dessus le mur de la prison. Le bagnard saute sur Mike mais Dan, plus combatif, tente de le maîtriser. L’évadé, cependant, arrive à sauter dans une voiture qui l’attendait non loin de là et à s’enfuir…
On change alors de lieu, pour se retrouver dans un port anglais, là où (comme nous l’explique le narrateur) des événements vont se charger de réunir les vies du Blue Beetle et d’un jeune garçon anglais (on notera qu’on ne nous dit plus rien sur le côté 100% américain de Sparky). Lord Northrup explique au capitaine du navire qu’il est sur que son fils recevra toute l’attention nécessaire à bord. Et le marin, de son côté, rétorque en s’engageant à tout faire pour que l’enfant arrive sain et sauf en Amérique. Mais les deux hommes sont dérangés par l’arrivée d’un photographe qui prend une vue de l’enfant. Le capitaine tente de s’interposer car il est interdit de prendre des photos dans le port. Furieux, le « paparazzi » lance son appareil photo en s’exclamant que si c’est interdit, autant le balancer. Le marin demande à l’enfant d’aller voir s’il retrouve l’appareil…
Et pendant ce temps le photographe en profite pour s’enfuir. Il n’en faut pas plus pour que le capitaine ouvre le feu sur lui… En vain. Et Sparky revient bredouille. On n’a pas trouvé l’appareil. Il est néanmoins temps de partir. Le capitaine se promet de faire part de l’incident à « l’intelligence navale », autrement dit les services du contre-espionnage rattachés à la marine.
En haut lieu, quand on a vent de cette histoire, on en déduit que l’appareil photo a été récupéré par un complice et que ces hommes veulent visiblement une photo du garçon. Lord Northrup est un homme très puissant. Les agents nazis vont sans doute faire passer la photo à leurs hommes en Amérique et… il serait possible qu’on se serve de Sparkington comme d’un otage, afin de forcer son père à faire quelque chose. Du coup, la marine anglaise décide de prévenir elle aussi l’Amérique, pour qu’on mette sur pied une surveillance autour du garçon. Bien sûr, cela ne surprendra personne qu’on sélectionne pour cette mission stratégique deux simples flics de New York, Dan Garret et Mike Mannigan. Au demeurant ils n’auront qu’une chose à faire : récupérer l’enfant au port puis le mener chez les Cartwright, qui sont visiblement sa famille d’accueil.
Au port, c’est Mike qui s’approche pour récupérer l’enfant. Dan, qui se tient en retrait, a cependant le temps de remarquer un groupe qui s’approche de son ami et de Sparky. Quelque chose est en train de mal tourner. Dan tourne donc les talons et s’isole dans un recoin pour pouvoir passer sa tenue de Blue Beetle. Pendant ce temps Mike a reconnu Hautman, un « tueur de la Gestapo » qui est sans doute l’homme qui s’était échappé de prison. Courageusement Mike ordonne à Sparkington de se cacher derrière lui. Heureusement Blue Beetle arrive et saute sur les agresseurs. Comme nous avons déjà pu le voir dans d’autres chroniques qui lui étaient consacrées, les pouvoirs du Blue Beetle du Golden Age varient énormément selon les auteurs et les époques. Lancé comme une sorte de cousin du Green Hornet, le Blue Beetle avait évolué pour devenir un équivalent du Shield originel ou de Superman. Un être résistant aux balles, capable de voler et doué d’une force herculéennes. Mais dans d’autres périodes Blue Beetle est beaucoup plus humain, c’est un héros du même registre que Captain America, à savoir un homme parfait mais pas invincible. Aussi, quand un des malfrats le matraque, Blue Beetle s’écroule… Quand il revient à lui, il est trop tard pour prendre les nazis en filature. Le héros décide alors de redevenir le simple Dan Garret et de rejoindre Mike.
Pour expliquer son absence, Dan a un prétexte tout trouvé. Depuis le début de la série Mike Mannigan ne peut pas voir Blue Beetle et est convaincu qu’il s’agit d’un criminel. Aussi Garret explique à son partenaire qu’il a été assommé par le personnage masqué et qu’il n’a donc pas pu venir à l’aide. Heureusement la tentative d’enlèvement de Sparkington a échoué. Mike a pu mener l’enfant jusqu’aux Cartwright. Et le policier est encore tout surprise de devoir son salut à l’intervention de l’être qu’il déteste : « Imagine un peu, le Blue Beetle qui m’a aidé à sauver ce gosse… J’imagine qu’il a un autre sale boulot en tête ! ».
Après avoir échappé aux nazis, Sparkington n’est cependant pas au bout de ses souffrances. Dès le lendemain il va s’attirer les foudres des autres gamins du quartier. Normal : il est habillé comme un enfant de la haute-société anglaise, avec un haut-de-forme et une sorte de smoking. Les gamins qui rôdent dans la rue ont vite fait de trouver qu’il les prend de haut. D’ailleurs on notera au passage que l’inspiration des auteurs est manifeste. Le gang de petites crapules qu’on découvre ici suit précisément les recettes que Joe Simon et Jack Kirby ont déjà exprimé sur des concepts comme les Sentinels of Liberty, les Boy Commando et la Newsboy Legion. Ces deux auteurs étaient des spécialistes du « gang de gosses » dans le ghetto. Et plus spécifiquement les gamins vus dans Blue Beetle #15 sont dans l’ensemble des portraits crachés de ceux vus parmi la Newsboy Legion (publiée chez DC dans les pages de Star-Spangled Comics). Au point, que parmi les gamins qui s’acharnent sur Sparkington dans Blue Beetle, on voit un petit gamin portant une casquette verte et qui est donc le portrait craché de Scrapper, jeune membre de la Newsboy Legion. Même la présence de Sparkington renvoie à la « recette » de Simon et Kirby, car les deux auteurs prenaient soin en général d’instaurer un contraste entre des enfants des bas-fonds et un garçon intello venu des milieux plus aisés. Dans les Sentinels of Liberty/Young Allies le rôle était tenu par Jefferson Worthing Sandervilt. Dans la Newsboy Legion cet archétype était représenté par « Big Words ». Enfin, les Boy Commandos croiseraient un certain nombre de jeunes hommes anglais un peu pincés qui rempliraient la même fonction. Ici, il serait tentant de croire que les auteurs mettent les choses en place pour que ces gamins qui ne s’entendent pas finissent par sympathiser et forment une bande de gosses qui, à bien des égards, correspondrait au modèle de Simon & Kirby. Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Lassé des attaques, Sparkington se bagarre avec le gamin qui le harcèle le plus… Et sort vainqueur du combat, prouvant qu’il n’est pas qu’un garçon au langage précieux. Dan et Mike, qui ont vu la bagarre, peuvent se rendre compte que le gamin est moins superficiel qu’on pourrait le croire.
La nuit venue, cependant, Sparkington n’est pas au bout de ses peines. Alors qu’il est monté dans sa chambre pour se reposer et que les deux policiers montent la garde à l’extérieur, les nazis attaquent à nouveau. Une voiture rouge passe devant la mesure et des coups de feu sont tirés en direction des fenêtres de Sparkington (visiblement l’idée n’est plus de le kidnapper). Mike et Dan sautent dans une voiture pour les poursuivre… Mais bien sûr Dan Garret a conscience qu’il ne peut agir tant comme Blue Beetle tant qu’il a Mike dans les pattes. Aussi, à la faveur d’un rebond, il fait mine de tomber de la voiture, tout en hurlant à Mike de ne s’arrêter sous aucun prétexte. Il ne doit pas perdre de vue les malfaiteurs. Bien sûr, dès que Mike a disparu au tournant suivant, Dan se débarrasse de sa tenue de policier pour redevenir un super-héros masqué. Mais il flaire une entourloupe. Au lieu de suivre la voiture, il décide de retourner surveiller Sparkington…
Pendant ce temps Sparkington, alerté par les coups de feu, s’est relevé, s’inquiétant de savoir si Mike et Dan vont bien. Mais il est surpris de voir deux hommes arriver dans la pièce… y compris l’homme chauve, Hautman, qui l’avait menacé à son arrivée au port. Ils lui sautent dessus pour le capturer mais Sparkington se débat en hurlant : « Lachez-moi, je vous dis ! Vous aurez à en répondre au Blue Beetle ! ». Hautman fanfaronne « Blue Beetle ? Bah ! Qui a peur de lui ? ». Comme de bien entendu, c’est à ce moment-là que le héros arrive et saute sur le dénommé Hautman. Malheureusement on se sert à nouveau d’une matraque pour le neutraliser. Cette fois les nazis n’ont cependant pas l’intention de le laisser tranquille pour autant. Ils décident de lui tirer dessus pendant qu’il est inoffensif. Apercevant la scène de loin, Sparkington se précipite pour aider Blue Beetle. Il prend Hautman par surprise « Ça t’apprendra à laisser aux gens une chance de se défendre ! » . Pourtant Sparkington n’est pas en position de force. Mais bientôt il s’écrie « voilà la police, youpi ! ». Les nazis, paniqués, s’enfuient… Mais il n’y a bien sûr aucune force de police qui approche, Sparky les a fait marcher…
Au demeurant Sparkington veut bien faire quand il tente de redresser Blue Beetle. Mais le masque du héros se détache et le jeune garçon reconnaît… Dan Garret ! Le policier ! Blue Beetle reprend ses esprit et réalise qu’il est démasqué : « Sparkington, tu dois m’aider à conserver mon secret ! » Mais l’enfant est rusé : « A une seule condition ! Tu dois me laisser m’habiller comme toi et devenir ton assistant ! ». Blue Beetle accepte, bon gré/mal gré. Il faut dire que le scénariste aura particulièrement pris soin de montrer le besoin de cet assistant. Dans les autres épisodes il était rare, pour ne pas dire impossible, que Blue Beetle baisse sa garde. Là, en l’espace de quelques pages, il se fait quand même neutraliser deux fois de suite par une simple matraque. Et là l’évidence Sparkington lui a sauvé la vie…
Mais Hautman et ses sbires ont beau être des idiots, ils réalisent finalement que la police ne s’est pas manifesté. Mais ils réalisent qu’il est trop tard pour faire demi-tour. Cependant un des hommes s’est blessé en se battant avec l’enfant. On se demande l’espace d’un instant si on va le transporter. Puis Hautman décide que c’est beaucoup d’efforts pour pas grand chose. Il abat de sang froid son complice. Quelques instants plus tard, Blue Beetle et son nouvel assistant arrivent sur les lieux et ne trouvent que l’homme qu’Hautman a laissé derrière lui. Mais il est encore en train d’agoniser… Et il a le temps de murmurer aux deux héros masqués l’adresse du repaire d’Hautman. Dans un passage pas du tout clair en termes de narration (on ne voit que la ville vue de nuit) un des personnages s’écrie « Ce sera le premier test pour Blue Beetle et Sparky ! ». Mais pour le coup, le duo manque de chance. C’est à ce moment que Mike Mannigan revient dans le récit. Et, comme il déteste Blue Beetle, quand il le trouve devant un homme mort, il ne va pas chercher midi à quatorze heures. Il est convaincu que Blue Beetle vient d’assassiner quelqu’un et fait mine de l’arrêter. Mais Sparky arrive par derrière et lui donne un violent coup de pied dans le derrière. Mike tombe à terre et n’en croit pas ses yeux tandis qu’il voit les deux héros masqués s’enfuir : « Bon sang ! Deux Beetle ! Comme si un n’était déjà pas suffisant ! ».
Blue Beetle et Sparky se précipitent à l’adresse donnée par le mourant mais la narration graphique de la scène va à nouveau laisser à désirer. A travers une porte vitrée, les deux héros masqués distinguent qu’il y a quelqu’un à l’intérieur de la pièce. Ils enfoncent la porte mais se trouvent nez-à-nez avec une sorte de mannequin, façon épouvantail. Là, ça devient difficilement compréhensible : Sparky s’écrie « Des mannequins ! Nous nous sommes faits avoir ! ». Blue Beetle répond par « une ruse intelligente ! ». Puis on se croirait dans un film d’Ed Wood. Visiblement Sparky évite de peu une table que quelqu’un lui a lancé dessus tandis que Blue Beetle lui ordonne : « Décampe Sparky ! Ca ne sert à rien que nous soyons capturés tous les deux ! ». Dans la case suivante Blue Beetle gesticule incompréhensiblement tandis qu’Hautman et son complice (qui sont donc dans la pièce, et à ce stade là on peut se demander pourquoi il y avait besoin de mannequins pour faire croire à une présence si quelqu’un était vraiment là…) jubilent : « Enfin nous avons le Beetle. Mais je suis certain d’en avoir vu deux ! ». La seconde crapule trouve une autre explication, plus simple : « Bah ! C’était seulement son ombre qui l’abandonnait ! ». En fait la manière donc les nazis capturent Blue Beetle est, au demeurant, totalement incompréhensible.
Comme une des scènes précédentes où on ne pouvait même pas devenir qui parlait à qui, il semble que des passages de l’histoire ont été produits à la va-vite. Et comme ces incohérences ne sont pas linéaires, il est très probable qu’il s’agisse de retouches ou de scènes redessinées… Ce qui expliquerait que l’épisode ait été décalé d’un numéro. Là, si on y regarde bien, il y a cependant un début de logique dans la scène de la capture : quand Sparky et Blue Beetle enfoncent la porte il y a au sol ce qui, à cause de la colorisation, ressemble à un débris de la porte… Mais si on s’y attarde, on se rend compte que l’objet ressemble à une sorte de piège à loup. A partir de là, le sens premier de cette scène est sans doute Blue Beetle se prend la jambe dans ce piège (et c’est pourquoi il ordonne à Sparky de fuir). Mais sans doute que l’éditeur aura tiqué et demandé qu’on efface des cases trop explicites sur la blessure du héros. Cependant, même en prenant ça en compte, si les nazis ont cru que Sparky était juste une ombre alors qui lui a jeté une table dessus ? Bizarre, bizarre…
Plus tard Blue Beetle gît, inconscient, aux pieds de ses agresseurs et, là aussi, on ne comprend pas très bien comment ou pourquoi le héros est tombé dans les pommes. Enfin si, on se doute que ses adversaires ne lui ont pas fait des choses sympas mais le lecteur en sera quitte pour essayer de deviner puisqu’on ne nous montre pas précisément quoi. De sa cachette (car, oui Sparky n’était pas parti, il s’était caché derrière la porte cassée) le jeune sidekick voit que son nouveau mentor est en fâcheuse posture. Il décide d’intervenir et fait irruption dans la pièce en lançant une table (décidément !) : « Voici que l’ombre que vous avez vu tout à l’heure ! ». Les deux nazis réalisent… « Himmel ! Ils sont bien deux ! Attrapons le, vite ! ». Mais avec sa table lancée Sparky les malmène… Jusqu’au moment où un des deux nazis sort un couteau. Mais, à nouveau, la chose se passe hors champ : on voit le bâtiment de l’extérieur et des dialogues où Sparky se réjouit de l’utilisation de sa table, où un des deux nazis lui rétorque qu’elle ne vaut pas une lame bien lancée et quelqu’un d’autre (qui ne peut qu’être Blue Beetle) qui hurle : « Sparky ! Fais attention ! Le couteau ! ». Ce qui est manifeste, c’est que ce genre de plan de coupe incohérent intervient dans l’histoire à chaque fois qu’il y a une action dangereuse ou une scène macabre (la mort du complice, le piège à loup, la tentative de poignarder Sparky) et on comprend qu’une forme de censure (ou d’auto-censure ?) a été exercée…
Dans la case suivant on découvre que Sparky a réussi à éviter la lame qui lui avait été lancée dessus (était-ce le cas dans la version première de la scène) et qu’elle a continué son chemin jusqu’à frapper les cordes qui attachaient Blue Beetle (si ça c’est pas de la chance !). Le héros adulte revient donc à nouveau dans le combat. Mais pendant ce temps Hautman ne perd pas de vue son objectif premier. Il décide de laisser son gang s’occuper de Blue Beetle et Sparky , s’éclipsant pour se concentrer sur sa mission première : capturer le gamin venu d’Angleterre. L’ironie étant qu’Hautman ne réalise pas un instant que Sparkington se trouve déjà ici… Il n’est pas le seul à suivre cette logique. De son côté Mike Mannigan, après avoir été semé par les « deux Beetle », décide lui aussi d’aller prendre des nouvelles de Sparkington. Les deux hommes arrivent à peu près en même temps dans la chambre de l’enfant mais Hautman, un revolver à la main, a le dessus. Il ordonne au policier de lui révéler où se trouve Sparkington mais Mike, bravement, lui répond : « Je ne sais pas et même si je le savais, je ne te le dirais pas ! ». Réalisant qu’il ne tirera rien de lui, Hautman se prépare donc à l’abattre. Mike laisse échapper « Bon sang ! Voilà une occasion où j’aimerais remercier Blue Beetle m’avoir sauvé ! ». Et, comme si son vœu se réalisait, Blue Beetle entre dans la pièce par la fenêtre : « Tu peux déjà me remercier dès maintenant ! ».
S’en suit une scène de corps à corps avant qu’Hautman, réalisant qu’il n’aura pas le dessus, tente de s’enfuir. Mais c’est sans compter sur Sparky qui lui décroche un coup de poing qui l’envoie voler dans le décor. Hautman est assommé et Blue Beetle entérine sa capture en lui couvrant la tête d’un seau de fer puis en l’attachant. Les deux héros pensent le laisser là pour que Mike puisse le livrer. Eux comptent retourner au repaire pour récupérer le reste de la bande. Mais ils ne le peuvent pas. Car la gratitude de Mike est de courte durée. Il les menace avec son arme de service et leur ordonne de lui révéler où se trouve Sparkington. Chose impossible à faire puisque cela reviendrait à démasquer Sparky et, par extension, Dan Garret. Blue Beetle lui explique alors que ses menaces resteront sans effet. Il lui explique qu’ils ne sont pas deux Blue Beetle mais… trois ! Mike est surpris et Blue Beetle en profite pour lui faire croire que ce troisième personnage se tient derrière le policier, prêt à lui sauter dessus. Mike se retourne, aperçoit effectivement une silhouette et s’écrie « Cette fois on ne me prendra pas par surprise parce que…Mike Mannigan tire d’abord et pose des questions ensuite ! ». En fait il ne tire que sur un miroir. Le « troisième Blue Beetle » qu’il a cru voir n’était que le reflet du premier. Mais la diversion a été efficace. Blue Beetle et Sparky en ont profité pour s’éclipser..
Finalement Mannigan entend des personnages qui approchent. Convaincu que ses deux proies reviennent, il se cache derrière la porte pour mieux les surprendre. Mais il ne s’agit seulement de Dan Garret et de Sparkington, qui jouent la surprise et font semblant de trouver l’attitude de Mike incohérente (même quand celui-ci leur « annonce » qu’il y a désormais deux Blue Beetle). Garret, qui avait officiellement disparu après sa chute de voiture, explique qu’il s’était blessé, qu’il a du aller consulter un docteur et qu’il a préféré emmener Sparkington avec lui. L’histoire s’achève sur Sparkington qui, laissé à lui-même, s’écrie « Le Blue Beetle ! Quel partenaire ! ».
On aura rarement vu l’introduction d’un sikekick se dérouler de manière aussi capillotracté, décalage d’épisodes, parutions d’aventures dans le désordre et enfin scènes manquantes ou réécrites de façon laborieuse et peu compréhensible… La carrière de Sparky ne commençait pas sous les meilleurs auspices. Loin s’en faut même. Mais on pourrait en déduire cependant que si Holyoke se donnait un tel mal pour injecter le jeune garçon dans les aventures de Blue Beetle, c’était parce que l’éditeur avait de grandes ambitions à son sujet. Et pourtant, contre toute attente, la carrière de Sparky fut… comme une étoile filante. Moins de six numéros après son apparition, Sparky cessa toute apparition costumée pour ne plus apparaître que comme un gamin normal, finalement rebaptisé « Spunky ». Il y a fort à parier qu’un ou plusieurs concurrents d’Holyoke s’étaient manifestés pour se plaindre de la ressemblance entre Sparky et des sidekicks déjà existants (comme Rusty, l’assistant du Shield originel publié par MLJ, ou Bucky, le compagnon de Captain America). Et puis ce qu’Hoyoke n’avait pas pris en compte c’est qu’il existait depuis 1940 un héros de comics et de strips nommé Sparky Watts… Pas sur que les journaux publiant les exploits de cet autre Sparky aient apprécié… Limité à un « rôle civil » Sparky/Spunky ne présentait plus qu’un intérêt limité. Courant 1943 il allait finalement disparaître de la série, comme si son père l’avait à nouveau rappelé en Angleterre.
Contre toute attente, cependant, Sparky est revenu ces dernières années, dans le cycle Project Superpowers (et principalement dans la deuxième mini série de ce projet) publié chez Dynamite. Project Superpowers réunit tous les super-héros du Golden Age tombés dans le domaine public, expliquant qu’ils ont tous séjourné pendant des décennies à l’intérieur d’une urne mystique avant de se réveiller à l’ère moderne. Techniquement, le Blue Beetle du Golden Age est un personnage tombé dans le domaine public mais ses incarnations plus récentes (publiées chez Charlton, AC Comics et DC Comics) ne le sont pas, qui plus est DC a renouvelé le Trademark (la marque commerciale). Ce qui fait que les apparitions de Blue Beetle dans Projet Superpowers ont été limitées et qu’on l’a plutôt surnommé « Big Blue ».
Paradoxalement Sparky est tellement oublié, sa carrière a tellement été limitée, qu’il n’est pas concerné par ce problème de marque commerciale (aucun des éditeurs récents de Blue Beetle n’ayant trouvé utile de réutiliser Sparkington sous une forme ou une autre). De ce fait, dans Project Superpowers, Sparky fait partie des héros qui ont séjourné dans l’urne. Après en avoir été libéré, il a formé (avec d’autres jeunes personnages des années 40) un groupe nommé les Inheritors (les Héritiers). La somme de ses apparitions dans Project Superpowers dépasse déjà ce qu’il a pu connaître vers 1942 et il n’est pas impossible d’envisager que sa carrière continue encore… Pour un héros qui avait loupé le coche dans Blue Beetle #14, c’est plutôt un joli pied-de-nez.
[Xavier Fournier]
Fox n’a pas vendu Blue Beetle a Holyoke. Visiblement, Fox devait de l’argent à Holyoke qui était avant tout un imprimeur. Lors de la faillite du Fox Features Syndicate, Holyoke s’est fait justice « sur la bête » en récupérant une partie des actifs de son débiteur dont certains actifs de propriétés intellectuelle comme les personnages et les titres de comics qu’il publiera pendant quelques temps avant que Victor Fox ne revienne dans le business en proposant de régler comptant un tiers des dettes de chacun de ses créanciers (ce qui visiblement Holyoke accepta) pour récupérer notamment la propriété de ses actifs (puis de faire faillite définitivement quelques années plus tard) en sortant du régime du Chapter 11 du droit des faillites americain.
@ JMF : Attention, parce que dans ton empressement à détailler, tu pars d’un préambule qui n’est pas le mien. J’ai écris que les droits de Blue Beetle avaient été *cédés* à Holyoke, sans rentrer dans le détail parce que a) c’est un sac de noeuds bien moins simple que ce tu explique b) l’objet du jour était bien Sparky et pas le déménagement de Blue Beetle. Il ne fait pas de doute qu’Holyoke s’est payé sur le dos de la bête d’une manière ou d’une autre, mais est-ce que c’est en passant par un tribunal, par un accord tacite ou un échange de dettes, il y a tellement de versions de la chose qui circulent que je ne veux pas rentrer là-dedans.
Pour ce qui est du retour de Fox je pense que tu es dans l’erreur ou que tu comprimes deux choses. D’après ce que j’ai pu lire (A Complete History of American Comic Books, par exemple), Fox a proposé à ses créanciers de le laisser continuer en échange de l’assurance de toucher un tiers des bénéfices de Blue Beetle. Pour ce qui est des relations avec Holyoke et de la récupération des droits de Blue Beetle, plusieurs sources indiquent que les choses ont été bien moins cordiales que ce que tu laisses entendre. En clair, Victor Fox a repris ses opérations et un de ses premiers gestes a été de porter plainte contre Holyoke pour les contraindre à lui rendre le personnage. Mais pour le coup j’y reviendrais sans doute dans une autre chronique;
Alter Ego a un chroniqueur qui est avocat et a récupérer plein de documents juridiques rares sur ces affaires (et d’autres).
Et je me rappelle avoir vu la publication judiciaire de Fox concernant le dédommagement au tiers de ses créanciers. Mais j’ai peut être lu le document rapidement. Il faudra que je retrouve et relise.
Sinon, tu as sans doute raison si ce n’est dans ce cas que le verbe cèdé est impropre puisque cela implique l’accord des deux parties, ce qui n’est pas le cas quelque soit le mécanisme utilisé dans une procédure de faillite.
Disons qu’Holyoke a récupèré les droits du personnage et du titre du fait d’une dette de Fox.
« Sinon, tu as sans doute raison si ce n’est dans ce cas que le verbe cèdé est impropre puisque cela implique l’accord des deux parties, ce qui n’est pas le cas quelque soit le mécanisme utilisé dans une procédure de faillite. »
Non. Et c’est là que tu as foncé :-)… Cédé, dans le langage courant, c’est aussi pour « abandonné » et je l’ai utilisé à dessein.