Mais l’entrée en matière est bien plus tranquille que ce premier aperçu. Quelque part dans le Mid-Ouest l’armée organise des manœuvres militaires. Quelques reporters ont d’ailleurs été conviés à rapporter cette démonstration de force. Et c’est devant la presse que Steve Rogers (l’alter-ego de Captain America) et son faire-valoir Bucky Barnes supplient le sergent Duffy de les laisser participer à ces manœuvres. Mais Duffy est inflexible. Il ne veut pas d’eux ! Ils ont tout simplement manqué à l’appel trop souvent ! Et c’est vrai que, par la force des choses Captain America et Bucky sont souvent obligés de s’éclipser hors du camp pour aller combattre les odieux tueurs nazis ou japonais, s’aventurant même parfois jusqu’en Europe pour combattre les sbires d’Hitler. On comprendra qu’effectivement Rogers et Barnes ont du manquer à l’appel plus d’une fois et sur des périodes étendues. C’est d’ailleurs un poncif du genre : Quand Thor s’aventure longtemps sur Asgard, le médecin Don Blake ne s’occupe pas de ses patients. Quand Matt Murdock est Daredevil trop longtemps, les cas de ses clients en souffrent. Depuis le Silver Age les scénaristes font plus attention à ce genre de retombées. Mais pendant le Golden Age, c’était beaucoup plus rare. Ici le sergent Duffy (qui n’est pas au courant de la double identité du duo) nous offre un rare exemple de retombée tangible pour les absences de Rogers. Que le héros passe pour un poltron (un peu sur le modèle de Clark Kent se faisant passer pour un timoré afin de détourner les soupçons) c’était presque une tradition. Là, on voit clairement que la carrière de Rogers est remise en cause par ses activités secrètes.
Pendant ce temps, même si Steve et Bucky n’auront pas le droit de participer aux manœuvres en elles-mêmes, le sergent a trouvé un moyen de les utiliser indirectement. Il les a collés de corvée : les deux trouffions devront creuser les tranchées nécessaires à l’exercice. Et forcément ça ne fait pas le bonheur de Bucky. Mais soudain leur labeur est interrompu par un bruit d’explosion. Tout le camp semble ravagé par des déflagrations qui se succèdent. C’est comme si Steve et Bucky étaient au milieu d’un champ de mines en train de s’activer. Aussitôt les deux héros décident de céder la place à Captain America et Bucky. Ils s’élancent vers une partie du camp où un incendie est en train de prendre mais… surprennent trois hommes à l’allure suspecte qui sortent du dépôt de munitions. Immédiatement Captain America sait que ces trois-là sont les hommes qu’ils cherchent. Et il faut avouer qu’il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour les suspecter : les trois hommes en civil courent avec… des armes à la main ! Réalisant qu’ils ont deux super-héros à leurs trousses, les fuyards assomment un soldat et lui volent sa jeep. Captain America et Bucky, eux, sautent sur une moto. Alors que Bucky prend le temps de noter qu’ils n’ont pas utilisé de moto depuis une précédente aventure (la rencontre contre le « Satan de Satin »), ils se lancent à la poursuite des saboteurs. Ces derniers ne demanderaient pas mieux qu’ajouter le justicier étoilé à leur tableau de chasse. Ils tirent
Mais si ! On a bien remarqué qu’ils n’étaient plus là ! Quand Steve Rogers et Bucky rejoignent les autres soldats en demandant s’il y a des blessés, le Sergent Duffy les rassure d’abord. Il n’y a que des dégats matériels. Mais il les sermonne à nouveau ! Car au moment d’éteindre les incendies déclenchés par les explosions les deux trouffions étaient une nouvelle fois absents ! Duffy est furieux. Il les mettrait bien aux arrêts, pour les punir. Mais comme ils sont en déplacement en dehors de leur caserne habituelle (le Camp Lehigh), il n’y a pas de bâtiment prévu à cet effet ici. Duffy ne peut donc pas réellement les enfermer. Steve et Bucky échappent donc à la punition. Mais l’alter-ego de Captain America ne se réjouit pas réellement. Il est sur le qui-vive. Les saboteurs pourraient revenir pour terminer leur sale boulot !
Medusa, de nos jours, c’est bien entendu le nom de la reine des Inhumans dans les aventures modernes des Quatre Fantastiques, reconnaissable à son ample chevelure rousse qu’elle peut animer selon sa volonté. Cette Medusa de 1942 est différente, tout en ménageant un certain nombre de points communs : La reine Medusa des Sub-Earthmen est vêtue d’une tunique verte, de bas résilles et de chaussures à talons. Et surtout elle porte une imposante masse de cheveux qui lui arrivent presque aux chevilles. Mais elle est brune (là où la Medusa des Inhumans est une rousse éclatante) et ne fait
La mention de vers géants pourrait faire penser aux romans de science-fiction de Frank Herbert se déroulant sur la planète Arrakis, parcourue par des « verts des sables » géants. Néanmoins Dune n’a été publié qu’à partir de 1965 et ne peut vraiment pas être considérée comme une inspiration pour le récit qui va suivre. Néanmoins ce n’est pas la littérature consacrée à des vers géants qui manque. On peut noter dès 1843 le Ver Vainqueur d’Edgar Allan Poe. Bram Stoker, lui, publie en 1911 « le repaire du ver blanc », évoquant un ver géant meurtrier pourvu d’yeux qui luisent dans le noir (et qui, du coup, ressemblerait comme un cousin aux créatures qui attaquent Captain America dans cet épisode). L’origine de ces vers-là est sans doute beaucoup plus précise. Mais nous y reviendront plus loin…
Pour en revenir à notre histoire les explosions ont continué. Et la toute dernière a pour effet de faire s’écrouler le tunnel d’où ils viennent d’émerger. Oubliant un peu vite que s’ils étaient restés en dessous ils seraient sans doute morts, les Sub-Earthmen paniquent : « Le tunnel secret s’est refermé ! Nous sommes perdus ! Nous ne pourrons jamais retourner sous terre ! ». Une nouvelle fois la reine Medusa appelle au calme. Elle explique qu’il y a bien longtemps son père lui a parlé des hommes de la surface. Un d’entre eux s’était aventuré parmi les Sub-Earthmen. C’est lui qui a appris au père de Medusa le langage du dessus. Une langue que Medusa elle aussi a apprise. Il ne reste donc plus qu’à chercher un des « hommes du dessus » pour établir le contact… Et un petit détachement se met en route, chevauchant toujours les hideux vers. Ce qui n’est pas franchement une bonne idée. En voyant arriver ces montures monstrueuses, un chasseur perd tout sang-froid et tire. Un des Sub-Earthmen est mortellement touché. Medusa ne comprend pas : « Mais je venais en paix… »
En un sens, heureusement pour eux que les Sub-Earthmen ont été échaudés par leur précédente rencontre avec des hommes de la surface. Cette fois ils ne laissent pas le bénéfice du doute aux nouveaux arrivants et attaquent avant qu’on leur tire dessus. Les vers géants se ruent sur les véhicules du shérif et de son groupe. Avec l’inconvénient, bien sûr, que si les « hommes de la surface » étaient déjà convaincus qu’il fallait tirer sans sommation sur ces inconnus, l’attaque préventive ne fait que les convaincre de la dangerosité de leurs interlocuteurs. Ils tirent donc et tuent encore quelques Sub-Earthmen (mais sans doute moins que si ceux-ci ne s’étaient pas défendus) sous les yeux horrifiés de la reine Medusa, qui hurle alors en anglais « Ne nous tuez pas ! Mon peuple vient en paix ! Je suis la reine Medusa ! »…
Captain America, pour calmer le jeu, explique à Medusa que si elle accompagne le shérif il ne lui arrivera rien. En fait, vu les dispositions du shérif à tirer sur tout ce qui bouge, Captain America s’avance sans doute un peu. Et est-ce qu’il ne serait pas plus logique de prévenir les autorités, de faire venir des scientifiques plutôt que de laisser le sort d’une race inconnue entre les mains d’un shérif crétin ? Sur le coup personne (pas même le scénariste de l’épisode, Otto Binder) ne semble y penser…
Néanmoins, une fois que Medusa a été conduite à la prison de la ville et que Steve et Bucky sont retournés au camp militaire, les deux héros ont des regrets. L’adulte pense à voix haute : « Je suis vraiment désolé pour la reine ! Je ne peux pas dire que ce que les gens vont faire d’elle ! ». Et Bucky renchérit : « Et le reste de son peuple doit se cacher dans les collines ! On doit les aider, Steve ! ». Ils décident alors de s’introduire de nuit dans la prison et de tirer cette affaire au clair. Le soir venu, on observe alors le shérif qui a jeté Medusa au fond d’une cellule en espérant la faire parler. Il veut lui faire dire où se cacher le reste des Sub-Earthmen. Mais Medusa, vu le sort qui a été réservé à son détachement, refuse catégoriquement : « Jamais ! Vous vous contenteriez de les tuer jusque comme vous avez tué les autres ! ». A ce moment-là se passe quelque chose d’assez peu caractéristique pour Captain America. Bucky et lui font irruption dans la prison, neutralisent le shérif et l’enferment dans la cellule après avoir libéré Medusa. Autrement dit Cap et Bucky s’attaquent à un représentant de la Loi et prennent les choses en main sans rien attendre de la justice, ce qui était plus la manière de faire de Batman ou même de Superman dans les premières années de leurs séries respectives. Chez Marvel/Timely, il n’était pas rare que le fougueux Sub-Mariner s’attaque aux policiers s’ils se dressaient sur son chemin. Le premier Human Torch avait une approche plus complexe, ne tenant pas forcément compte des ordres des policiers… tout en étant lui-même Jim Hammond, un agent de police.
Mais Captain America, lui, était en théorie (en tout cas à cette époque) LE boy-scout de Timely Comics, pas le genre à commettre un acte qui ferait de lui un hors-la-loi. En attaquant un shérif et en aidant une prisonnière à s’évader, on est clairement en dehors du registre habituel de Cap. Non pas qu’il ait tort sur le fond. Mais Captain America, avec une liste d’appuis longue comme le bras au sein de l’armée et du FBI aurait normalement pu passer par des solutions plus officielles… Cette attitude est d’ailleurs renforcée par Bucky. Quand le nouveau prisonnier proteste et exige qu’on le fasse sortir puisqu’il est le shérif, Bucky rétorque « Et bien je ne m’en vanterais pas à ta place ! Pas avec l’allure que tu as maintenant ! ». En théorie enfermer un représentant des forces de l’ordre est un crime et ne manquerait pas d’empoisonner les futures relations de Cap et Bucky avec la police. Puisque ce n’est pas le cas dans les épisodes suivants, gageons que, hors champ, les deux héros ont fait inculper le shérif pour le meurtre des Sub-Earthmen tirés comme des lapins un peu plus tôt… Captain America, Bucky et Medusa s’enfuient alors dans les collines. La reine leur explique qu’elle continuera de s’y cacher avec le reste de son peuple. Mais elle explique que, quand les deux héros auront convaincu le reste des hommes de la surface que les Sub-Earthmen viennent en amis, ils seront les bienvenus parmi les siens.
On a déjà pu voir que Medusa n’était pas spécialement une violente. Elle refuse donc l’offre du Spook en préférant s’en tenir à la paix. Mais là, pour le coup, ses hommes ne sont pas d’accord. D’ailleurs le terme d’hommes est à prendre au littéral : on ne voit que des mâles parmi les Sub-Earthmen, aucune « Sub-Earthwoman » autre que Medusa. A croire qu’elle est la seule femelle de la race (Otto Binder se serait-il inspiré de l’organisation sociale des fourmis ?). Bref, un de ses sujets s’interpose et proteste. Les hommes de la surface ont quand même tué plusieurs de leurs camarades ! Les guerriers réclament une revanche. Et là, d’un seul coup, les Sub-Earthmen décident de se passer de l’avis de leur reine et de voter à main levée pour savoir qui est pour la guerre. La démocratie est en marche, d’une certaine manière, mais clairement manipulée par le Spook. A l’unanimité, les Sub-Earthmen votent pour la guerre. Horrifiée, Medusa décide alors d’abdiquer… Tout se déroule comme le Spook l’avait prévu…
Bientôt les Sub-Earthmen sont équipés d’armes à feu et de costumes blancs pour les rendre plus terrifiants. Ils ressemblent ainsi à des fantômes (et aussi, sans doute pas par accident du point de vue créatif, à des membres du Ku-Klux-Klan). Bien sûr, ils ne manquent pas d’utiliser leurs vers géants pour attaquer la population, le Spook chevauchant lui aussi ces montures grotesques : « Ha Ha, le Führer va conquérir l’Amérique grâce à la terreur ! Et ces Sub-Earthmen stupides vont remplir ce rôle à la perfection ! ». La première ville attaquée ne manque cependant pas d’envoyer un SOS radio. Le message est intercepté par l’armée postée non loin de là, sur les lieux des exercices militaires. Aussitôt il est décidé d’arrêter les manœuvres et d’attaquer, pour de bon, les Sub-Earthmen. Les soldats sont alors mis en rang et on les informe de la menace et de leurs nouveaux ordres. Forcément Steve et Bucky sont là, par la force des choses. Et ils ne comprennent pas trop ce qui se passe. La reine Medusa n’aurait pas tenue sa promesse ? Une nouvelle fois ils s’éclipsent en espérant qu’on ne remarquera pas leur absence (ben voyons, non, ce n’est pas comme si le sergent Duffy leur avait fait la preuve du contraire en début d’épisode !). Vous aurez compris qu’il s’agit pour eux de passer à nouveau leurs costumes de super-héros.
Captain America et Bucky se ruent alors dans les collines en espérant contacter les Sub-Earthmen avant que l’armée américaine attaque. On notera au passage qu’une bonne partie de cet épisode est construite comme un western façon « Danse avec les loups ». Si on fait abstraction de l’origine fantastique des Sub-Earthmen, ils ne sont pas très différents des indiens. Ils vivent dans les collines et ont été injustement attaqués par un shérif. Et là l’Homme Blanc est sur le point de leur envoyer l’armée. Les deux héros ne sont pas dupes. Quelqu’un a du pousser les Sub-Earthmen à la guerre. En cherchant dans les collines environnantes ils trouvent bientôt l’entrée d’une grotte où les troglodytes tiennent un conseil de guerre… en cercle autour d’un feu, ce qui fait que là encore il ne manque guère que des tentes et quelques tipis et des papooses pour nous convaincre que les Sub-Earthmen sont une version fantasmée, une parabole, évoquant de façon structurelle les indiens des westerns. Le Spook est en train de leur expliquer qu’il ne reste plus qu’une dernière attaque et la ville tombera. Ensuite ils attaqueront les autres villes américaines ! Mais Medusa intervient une nouvelle fois, en les implorant d’attaquer les hostilités, de chercher plutôt la paix avec les hommes de la surface qui deviendraient alors leurs amis…
Pour preuve de sa bonne foi, Captain America prévient alors les Sub-Earthmen qu’une armée fait route vers eux. Mais il les assure, comme nouveau gage de bonne volonté, qu’il peut aller au devant des militaires et arrêter l’attaque. Il démontrera ainsi qu’il est l’ami de ces Sous-Terriens. Là, pour le coup, les troglodytes ne savent plus trop sur quel pied danser et décident de s’en remettre à Medusa, en lui affirmant qu’ils la considèrent toujours comme leur reine (et pourtant il y a quelques instants ils étaient en train de la lapider sans le moindre état d’âme. Medusa décide alors de couper la poire en deux. Captain America est libre de partir et de prouver ses dires… Mais seulement si Bucky reste en otage. Cap s’en va alors en se dépêchant… Laissant un Bucky qui n’est quand même pas très à l’aise.
Le Spook jubile ! « Il est foutu ! Ha ha ha ha ! Là où Red Skull (« Crâne Rouge »), Black Talon, Doctor Crime et bien d’autres anti-américains ont échoué, j’ai triomphé ! ». A nouveau le passage démontre une volonté assez atypique pour l’époque d’inscrire le récit dans une chronologie et une continuité tenant compte d’autres aventures. Otto Binder avait déjà fait mention d’un « Satan de Satin » au moment de la poursuite en moto. Il avait aussi mis en scène la rage croissante du Sergent Duffy suite aux absences répétées de Steve Rogers et Bucky Barnes. Le voici qui utiliser plusieurs noms d’ennemis de Captain America. Si la mention du Red Skull est assez courante (le personnage revenait souvent dans les aventures de Captain America), celle du Black Talon est peu être moins évident pour le lecteur contemporain. Et pourtant, après avoir attaqué Captain America, c’est un criminel qui avait aussi tourmenté les Young Allies (le groupe de Bucky et Toro, série écrite, pas tout à fait par hasard, par le même scénariste que Captain America Comics #17). Le Black Talon n’avait rien d’une référence obscure à l’époque et était, derrière le Red Skull et Hitler, un des personnages les plus cités dans l’univers de Captain America pendant le Golden Age. C’est surtout avec Doctor Crime qu’on voit que Binder va au delà du tout venant. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si en dehors du Red Skull et du Black Talon (deux adversaires de Cap créés par Joe Simon et Jack Kirby) Binder fait appel à Doctor Crime. Dès Captain America Comics #12, Dr. Crime avait été un des premiers ennemis créés après le départ de Simon & Kirby par… Otto Binder lui-même. La phrase du Spook est donc lourde de sens dans le contexte du Golden Age. Elle tend à prouver que les différents criminels ont connaissance les uns des autres, qu’il y a une progression, une continuité d’épisode en épisode (ce qui à l’époque ne coulait pas forcément de sens) et que cette continuité ne se limite pas au « corpus » d’un auteur. Binder reconnait ici non seulement l’existence de ses précédentes histoires sur Captain America ou Young Allies mais aussi les épisodes produits par Simon & Kirby. En un sens Binder se fait l’apôtre d’un univers partagé qui va plus loin que ce que Simon & Kirby avaient établi.
Pendant ce temps, par la force des choses, personne n’a pu prévenir l’armée américaine des tractations de paix en cours avec les Sub-Earthmen. Elle attaque donc, comme initialement prévu. Du haut de leurs collines les troglodytes voient les forces qui se déploient. Et ils sont convaincus qu’ils ont été trompés par Captain America. Immédiatement ils décident de tuer Bucky. Mais Medusa (qui décidément non seulement la seule femme mais aussi le membre le plus sympathique de sa race) s’interpose une nouvelle fois. Elle insiste sur le fait que Bucky est innocent et qu’il n’a rien fait de mal. Elle ordonne qu’on l’épargne. Du coup les Sub-Earthmen se contentent de l’attacher à un poteau. D’ailleurs là encore on peut faire un rapprochement avec le fonctionnement « indien » de ce peuple. Ils ne se contentent pas de ligoter Bucky mais l’attachent à la base de quelque chose qui aurait pu aussi bien être un totem. Pas certain que les vrais indiens se soient beaucoup amusés à attacher des prisonniers au pied d’un totem mais c’est quelque chose que les indiens fictifs adoraient faire dans les films et les BD de l’époque… Ceci dit les ordres de Medusa n’ont été respectés que dans une certaine mesure. Un des Sous-Terrien explique qu’ils vont d’abord aller affronter les « hommes de la surface » et qu’ils garderont la mort du jeune garçon pour plus tard, comme un geste final de revanche !
Pendant ce temps, chez les Sub-Earthmen, on fait triste mine. Car ils ont beau avoir avec eux quelques vers géants, ce n’est pas pour autant que ca leur permet d’égaler la puissance de feu de blindés ou les bombes des avions. Ils réalisent qu’ils sont sur le point de perdre la bataille. Le Spook est furieux. Mais décide de tirer parti de toutes les occasions qui lui reste : « Bah ! Je vous ai donné des armes pour détruire l’armée américaine mais vous avez gâche le travail ! Mais l’ami de Captain America doit mourir de toute manière ! Maintenant ! ». Puis le Spook, mitraillette à la main, se retourne vers Bucky. Medusa tente de le sauver, crie une nouvelle fois qu’il est innocent. Mais ça n’arrête pas le Spook, qui pointe son arme. Heureusement, c’est à ce moment que Captain America arrive, assommant le Spook d’un spectaculaire coup de poing. Ca ne règle cependant pas tous les problèmes. Les Sub-Earthmen ont toutes les raisons de croire que Cap les a trahi, qu’il a fait exprès de ne pas prévenir l’armée. Ils sautent donc dessus Cap… et sur Bucky qui s’est libéré on ne sait trop comment. Même si les agresseurs sont nombreux, les deux héros finissent par reprendre le dessus. Enfin, Captain America peut s’expliquer : « Votre leader masqué doit être celui qui m’a attaqué avant que je puisse faire part de votre offre de paix à l’armée ! Mais je vais aller les prévenir maintenant et arrêter ce massacre insensé ! ».
Enfin pas tout à fait. Le scénariste oublie un détail d’importance. L’histoire s’achève alors que Medusa et les Sub-Earthmen sont toujours coincés à la surface. Il aurait suffit d’un rien pour trouver une solution (par exemple établir que la violence du conflit entre les deux armées avait, à force d’explosions, ouvert à nouveau le tunnel). Mais Otto Binder passe à côté de cet aspect de la conclusion. Pour ce qu’on en sait la Reine Medusa et son peuple habitent toujours quelque part dans les collines des USA… En fait c’est toute l’histoire qui n’aurait pas du exister puisque les Sub-Earthmen se retrouvent piégés à la surface… avec des vers géants dont on peut imaginer qu’ils peuvent creuser des galeries également gigantesques. Normalement, au lieu de geindre qu’ils sont piégés, les Sub-Earthmen auraient du s’empresser de faire creuser leurs montures et de retourner dans leur habitat normal. C’est d’ailleurs peut-être ce qu’ils ont fait une fois qu’on leur aura assuré qu’il n’y aurait plus d’explosion au dessus de chez eux…
Une autre alternative serait de lier Medusa à Kala, reine d’un royaume troglodyte que nous avons déjà mentionné un peu plus tôt. Même si Kala a une coupe de cheveux infiniment plus normale que Medusa, les deux reines brunes se ressemblent d’une certaine manière. Et Kala dirige une nation peuplée par des êtres humains correspondant à la norme habituelle. Cerise sur le gâteau, dans la première apparition de Kala (Tales of Suspense #43), elle est la seule femme qu’on voit dans ce royaume, tout comme Medusa. Là, les obstacles initiaux se centrent sur deux points. D’abord le peuple de Medusa est quand même caractérisé par l’usage de vers géants. Ce dont Kala et les siens ne semblent pas faire usage dans Tales of Suspense. Mais c’est là où la continuité vient à notre rescousse. Car quand Kala reviendra (j’allais écrire « refera surface ») dans Fantastic Four #127 (octobre 1972), ce sera avec une différence de taille. La Chose, membre des Quatre Fantastiques, s’aventure sous la surface terrestre et « sauve » Kala de ce qu’il pense être un monstre sauvage : Un ver géant qu’il tue sur le champ. Ce n’est qu’après que la Chose réalise que ces vers géants, nommés des Kraawls, servent de monture au peuple de Kala. Précisons au passage que Fantastic Four #127 est écrit par Roy Thomas, un scénariste que nous allons retrouver un peu plus loin…
Reine brune ? Vivant sous la
Mais le Mole Man, Tyrannus ou Kala ne sont pas les seuls suspects possibles. A bien y regarder la civilisation des Sub-Earthmen s’approche d’ailleurs plus particulièrement de celle de Grotesk le Sub-Human (apparu comme un antagoniste dans X-Men 41, 1968). Grotesk est un être hirsute, brutal, portant les cheveux longs… et son royaume été détruit par les tests nucléaires des américains, qui ont fait de lui le dernier survivant de sa race (les Gortokians). Ici, nous avons des êtres en grande partie similaires sur le plan visuel, qui sont, à leur façon, victimes des explosions de la surface. Les Sub-Earthmen pourraient se concevoir comme
Dans Captain Marvel Adventures #125 (1951), Binder créa King Kull (lequel est, comme nous allons le voir, forcément un hommage au Roi Kull, création du romancier Robert E. Howard). Le King Kull de Binder est le monarque d’une race nommée les Submen, qui a été exterminée par les hommes dans l’antiquité. King Kull, une brute hirsute (sans doute inspiré par l’Homme de Neandertal) a trouvé refuge sous terre et s’est plongé en hibernation pendant des siècles. C’est finalement un tremblement de terre qui le réveille. A partir de là King Kull remonte à la surface et n’a plus qu’une hâte : se venger de la race humaine (à la grande consternation de Captain Marvel, qui fera tout pour l’en empêcher). King Kull sera un des principaux adversaires de Captain Marvel dans les années 50, totalisant une quinzaine d’apparitions entre 1951 et 1953. Il n’a rien d’une note de bas page (il fut plus utilisé pendant le Golden Age que Black Adam). S’il devait subsister un doute, Thomas explique lui-même (dans une interview à la revue Comic Book Artist) s’être intéressé aux livres d’Howard surtout après avoir remarqué que l’un d’entre eux était titré King Kull. Thomas précise alors qu’il ne connaissait que l’adversaire de Captain Marvel et que c’est seulement après qu’il a réalisé que le livre d’Howard avait inspiré le nom du personnage de Binder. A l’évidence le Grotesk de Roy Thomas doit beaucoup (sinon tout) au King Kull de Binder. Et ce dernier œuvrait lui-même sur différentes séries selon des thèmes qui lui tenaient à cœur. Car si le poilu King Kull ne peut être confondu avec la jolie reine Medusa, il ressemble par contre énormément à ses sujets (d’ailleurs de « Sub-Earthmen » à « Submen » il n’y a qu’un pas).
Même si on est bien loin des intentions initiales d’Otto Binder ou de Stan Lee et Jack Kirby, la Medusa de 1942 pourrait être la reine des Primitifs Alpha, qui se serait aventurée au loin que leur habitat naturel. Je sais, je sais… c’est capillotracté. Mais, que voulez-vous, avec une personne chevelue comme la reine Medusa, il ne faut pas s’en étonner !
[Xavier Fournier]
La version française de la nouvelle « Worms of the Earth » (« Les Vers de la Terre ») de Robert E. Howard, est disponible dans le recueil « Bran Mak Morn – L’Intégrale » paru chez Bragelonne).
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