[FRENCH] En 1953/1954, Marvel Comics (alors identifié comme Atlas Comics) tenta de relancer ses principaux héros des années quarante. Captain America mais aussi Human Torch et Sub-Mariner reprirent du service. Mais l’idée venait sans doute un peu tôt et la tentative fut de courte durée, ne produisant qu’une poignée d’épisodes. Peu de super-criminels marquants furent introduits à cette époque mais l’un d’entre eux fait encore sentir sa marque sur les comics modernes…
Dans les années quarante, Captain America et son jeune ami Bucky cassaient des nazis et des japonais à longueur d’épisode. Après la guerre, le duo de héros s’était bien attaqué à de « simples » gangsters mais l’éclat n’avait pas été le même. Ramenés en 1954, les personnages les plus politisés de Marvel s’étaient donc réorientés vers une nouvelle forme de conflit mondial : la Guerre Froide. On avait remplacé la lutte contre le nazisme par un anticommunisme qui avait plusieurs raisons d’être. D’abord parce que les Soviétiques étaient les ennemis idéologiques du moment… Ensuite parce qu’à l’intérieur des frontières américaines le maccarthisme battait son plein. Lancé par le sénateur Joseph McCarthy à l’aube des années 50 et arrivant à son paroxysme en 1953-1954, le maccarthisme était une forme de paranoïa politique qui voyait des « rouges » partout. Paranoïa n’est sans doute pas le mot exact puisqu’il est évident que l’URSS n’était pas franchement l’alliée des USA, qu’elle amenuisait autant qu’elle rivalisait autant qu’elle le pouvait avec l’Amérique et qu’il lui arrivait, bien évidemment, d’envoyer des espions. Mais le maccarthisme poussait le bouchon plus loin que la réalité. Sa doctrine voulait que tout ce qui n’allait pas, tout ce qui semblait bizarre, à l’intérieur des USA était forcément le fruit de dangereux éléments communistes. Les lenteurs administratives ? C’étaient forcément d’odieux « rouges » infiltrés qui sabotaient les ministères de l’intérieur. Le gaspillage ? La mauvaise gestion ? Les crimes non résolus ? Les « rouges » on vous dit ! Et, en avril 1954, une sous-commission, menée par les sénateurs Hendrickson et Kefauver, avait plus particulièrement prise pour cible les comic-books. N’étaient-ils pas eux aussi une cause de perte de valeur morale ? Même si Hendrickson et Kefauver étaient sans doute moins obsédés par les communistes que le sénateur McCarthy plusieurs articles de journaux de l’époque n’hésitaient pas à faire le lien : les comics étaient majoritairement produits par des émigrés de la première ou de la seconde génération, susceptibles d’avoir été envoyé par l’Est pour reprogrammer, via la BD, le cerveau des enfants américains !
Dans ces conditions, faire que les super-héros d’Atlas Comics « cassent du rouge » avait un double avantage. Non seulement c’était dans l’ère du temps mais en plus on prouvait par la même occasion aux censeurs éventuels qu’on ne pouvait être soupçonné d’appartenir à une cellule communiste. Human Torch ou Sub-Mariner affrontaient des espions à tours de bras. Et plus encore, Captain America, symbole patriotique s’il en est, chassait les infiltrés venus dénaturer l’Amérique. De ce fait, on l’aura compris, ses aventures du moment regorgeaient d’agents ennemis mais le ressort du super-vilain n’y était pas aussi systématique qu’on aurait pu le penser. Et dans un premier temps les auteurs avaient préféré une solution classique. Le Red Skull (« Crâne Rouge », ennemi nazi de Captain America pendant la seconde guerre mondiale, était réapparu en 1953 en s’affichant désormais comme un agent soviétique sans que la contradiction n’étonne personne. Après nazis et communistes étaient vu comme deux facettes d’un Mal absolu. Tous les nazis étaient sans doute un peu soviétiques et inversement. Bien sûr, on pourra dire que Captain America affrontait toutes les formes de totalitarisme. Mais le glissement politique d’un Red Skull restait largement inexpliqué. Des décennies plus tard, Marvel réglerait les contradictions apparentes (par exemple le fait que Bucky ne semblait pas avoir vieilli entre 1941 et 1953) avec plusieurs vagues de corrections successives : Les « vrais » Captain America et Bucky étaient désormais supposés avoir disparu en 1945, vers la fin de la phase européenne de la Seconde Guerre Mondiale. Tout comme le « vrai » Red Skull. Et tous avaient été remplacés par des successeurs à des fins de propagande. De même que le Captain America des années 50 est désormais vu comme un personnage autonome (William Burnside, un agent gouvernemental tellement fan de Steve Rogers qu’il s’était fait refaire le visage et avait adopté son nom civil et qui avait pris en sympathie un jeune sosie de Bucky), le Red Skull de cette période était un espion communiste qui avait récupéré l’identité vacante. Peu de personnages communistes vraiment originaux ou réellement marquants viendraient, à cette époque, s’attaquer au héros de la série. C’est une des raisons qui rend notable la créature découverte dans Captain America Comics #78. Ca et le fait qu’elle porte un nom connu… Electro !
On ne sait pas au juste qui fut le scénariste de cet épisode. Les uns crieront systématiquement au nom de Stan Lee (sans autre raison qu’il s’agit d’une vieille histoire de la Marvel) mais c’est loin d’être automatique. Lee avait déjà, à l’époque, une position éditoriale centrale. Mais il n’écrivait pas systématiquement tous les récits super-héroïques. D’autres bons candidats rôdaient dans les couloirs de la firme. Comme (à titre d’exemple) Don Rico, futur créateur de la Veuve Noire (Natasha Romanoff). Rico était plutôt chargé des titres liés à la jungle mais les peuplait de façon courante de méchants agents communistes qui voulaient déposséder le monde libre de tout uranium. Et Rico n’était pas le seul auteur surfant sur cette vague. L’idée que Stan Lee ait produit le super-vilain qui va suivre ne coule donc pas de source. On verra plus loin qu’il y a des éléments qui vont dans ce sens mais disons qu’il n’y pas de place pour la certitude à ce stade. Le dessinateur, lui, est clairement identifié puisqu’il a signé l’épisode. Il s’agit alors du jeune John Romita (Senior), alors âgé de 24 ans. Qui que soit le partenaire de Romita sur cette histoire, les auteurs commencent par nous montrer une monstrueuse créature verte, en train d’irradier de l’énergie et donc le côté « méchant » ne laisse pas de place au doute : le personnage porte sur la poitrine une faucille et un marteau, ce qui l’identifie clairement comme un soviétique. Et le commentaire se charge de poser le contexte : « Le voici… Le plus terrifiant et horrible marchand de mort que les ennemis rouges de la liberté ont pu concevoir pour la destruction de Captain America ! C’est Electro ! Chargé en électricité avec assez de pouvoir pour détruire qui il veut ! Son but est de tuer Captain America et… son toucher est mortel ! ».
Tout commence visiblement de l’autre côté du « rideau de fer », avec deux militaires soviétiques en train de discuter. Le premier lit un rapport qui explique comment Captain America a été créé en 1941 par des scientifiques américains (bizarrement c’est le pluriel qui est ici utilisé alors que l’origine classique repose sur un seul savant, abattu à la fin de la transformation de Steve Rogers). Le militaire communiste détaille comment « un faible professeur exempté s’est fait injecté un sérum secret et des pouvoirs dynamiques qui le rendent plus fort que n’importe quel être humain ». L’homme poursuit « Depuis il a été le grand adversaire du fascisme… et désormais de notre propre cause… L’internationale communiste ! ». Il continue en constatant que toute tentative de le battre a échoué… Et que du coup leurs propres savants ont créé un adversaire encore plus fort que lui, de taille à battre Captain America. Le second militaire est d’abord incrédule mais son interlocuteur se retourne vers une source de lumière qui irradie et lui présente… Electro ! Ce n’est pas un nom inconnu des lecteurs de Timely/Atlas/Marvel pour peu qu’ils aient lu des comics de 1940 (ce qui, en 1954 et en l’absence de réimpressions, n’est pas si évident). Dès Marvel Mystery Comics #4, Steve Dahlman avait en effet inventé un « merveilleux robot » nommé Electro (créé, dans le contexte de l’histoire, par un certain professeur Zog). C’est ce robot massif de 1940 qu’on retrouve dans la série moderne The Twelve. Mais ici il ne semble pas qu’il s’agisse d’une volonté délibérée d’émuler le personnage de 1940. L’agent soviétique de 1954 se distingue surtout par des pouvoirs électriques qui justifient ce nom. Notons cependant que la discussion entre les deux militaires ne permet pas d’éclairer deux points : D’abord on ne sait pas précisément comment cet Electro a été créé et on ne connait pas, non plus, sa nature. Electro est-il un humain transformé, à la manière de Steve Rogers ? Ou bien « plus simplement » un robot ou un androïde qui diffuse de l’électricité ? Rien ne permet de l’établir avec certitude. Créature verte équipée d’une ceinture et de bottes rouges, cet Electro communiste se distingue par la forme anguleuse de sa tête, comme si son crâne était carré. Mais dans le même temps il peut aussi s’agir simplement d’une coiffe.
Le premier militaire explique à l’autre qu’Electro a tout le pouvoir électrique nécessaire pour contrer la force de Captain America. Il n’a qu’un défaut par contre… Il doit impérativement se connecter à une dynamo une fois toutes les 24 heures pour se recharger. Le second militaire répond que ça ne devrait pas poser de problème et explique à Electro de bien penser à se recharger une fois par jour. Placidement, Electro rétorque qu’il s’en souviendra. Vu la silhouette massive du personnage, sa rigidité apparente et son côté taciturne il est difficile de ne pas penser à l’acteur Boris Karloff quand on voit cette créature. A plus forte raison parce que dans certains films (en particulier dans la Momie), Karloff portait un fez sur la tête. Accidentellement ou pas, Electro ressemble à une compression entre deux rôles de Karloff : la Momie, donc, et le Monstre de Frankenstein… Bien vite Electro est expédié en Amérique et il arrive « à la faveur de la nuit, alors que la paisible Amérique dort sans se douter du danger ». Parce que, pour enfoncer le clou, il faut que les communistes n’introduisent pas leurs agents dans la journée mais bien la nuit, quand les américains pacifiques dorment… Avant de laisser Electro à sa mission, on l’informe d’un dernier point : « Captain America est un adversaire formidable ! Cependant il a une faiblesse ! Son affection pour son jeune partenaire Bucky, pour qui il donnerait sa vie ! Si rien d’autre ne marche, il faudra t’en souvenir ! ».
Déguisé sous un lourd imperméable, son visage caché par un chapeau, Electro prend ensuite la direction de Broadway. Il sait en effet qu’une grande parade doit s’y dérouler le lendemain, parade à laquelle prendront part Captain America et Bucky. Vingt-quatre heures plus tard, à l’heure dite, les deux super-héros passent sur un char conduit par une militaire blonde qui a ceci d’intéressant que son visage pourrait tout aussi bien avoir été dessiné par Lee Elias, trahissant les influences de John Romita Sr (à moins qu’il s’agisse d’un « art assist », Elias ayant travaillé pour Marvel à la même période). À l’époque. Mais Broadway est une avenue connue pour ses nombreuses enseignes lumineuses. Et bientôt Bucky remarque que le texte d’une des enseignes vient de se modifier, affichant désormais « Captain America dies today » (« Captain America va mourir ce jour »). On voit au passage que le bouclier du héros est décoré d’une large bande blanche et d’un seul cercle rouge (donc très simplifié par rapport à ce qu’on connait). C’est le fruit d’une décision éditoriale de l’époque qui voulait que, pour gagner du temps, les dessinateurs ne devaient plus prendre la peine de dessiner les ellipses recouvrant le dit-bouclier. On pensait que les coloristes se chargeraient d’appliquer les bandes de couleurs. Les coloristes, eux, trouvaient qu’ils n’étaient pas payés pour et pratiquaient une certaine résistance passive, diminuant graduellement le nombre de cercles. Ici, le bouclier est presque devenu blanc, avec un halo rouge sur la bordure. Décidant immédiatement d’enquêter, Cap demande à une voiture de pompier (qui faisait sans doute partie du cortège) de sortir sa grande échelle, de manière à ce qu’il puisse monter à hauteur de l’enseigne. Mais une fois à la hauteur du panneau, voyant une silhouette étincelante, le héros s’écrie « Attention Bucky ! Il y a un court-circuit ! ». En fait, le lecteur aura compris (et l’image le prouve) que c’est le fait du tueur soviétique, qui se présente sans plus attendre : « Ce n’est que moi ! Electro… L’homme qui te détruira ! ».
Heureusement pour Captain America et Bucky, Electro a beau être un être puissant, il ne se sert pas beaucoup de son cerveau. Au lieu d’électriser l’échelle sur laquelle ils se tiennent (il pourrait ainsi les griller sur place), Electro se contente d’essayer de leur tirer dessus des rafales d’énergie. Et comme il les manque pitoyablement, les héros ne sont pas plus blessés que çà. A moins que ce ne soit pas Electro qui soit à la ramasse mais bien le scénariste inconnu. Car quand le tueur, irradiant toujours autant d’électricité, saute sur l’échelle de pompier, Cap et Bucky ne semblent pas indisposés. Il faut croire que le matériel pris en main par Electro n’est pas réellement conducteur… Il faut qu’Electro touche sa proie pour réellement la blesse ou la tuer. Les deux héros commencent donc à prendre la poudre d’escampette plutôt qu’Electro leur mette, au sens propre, la main dessus. L’assassin ricane : « Pour la première fois le monde voit Captain America qui fuit devant un ennemi ! ».
Le combat prend alors une tournure typique d’un autre scénariste, Bill Finger (le co-créateur de Batman). Finger avait une prédilection pour les batailles au sein d’éléments géants (par exemple une caisse enregistreuse géante, théâtre d’un combat Batman/Catwoman dans Batman #62, en 1951). Il avait collaboré avec Timely/Atlas/Marvel dans l’après-guerre, vers 1946-1949 mais on ne trouve pas trace de lui dans les crédits de 1953/1954 et il est peu probable qu’il puisse être le « scénariste mystère » de cette saga.
Par contre il semble que l’auteur ait voulu imiter une recette qu’on avait déjà vue chez DC sur des séries comme Batman, entamée avec des éléments comme le dollar géant dans la Batcave. Ainsi Electro poursuit Captain America et Bucky à travers une exposition où trône une machine à écrire géante (Bill Finger lui-même utiliserait précisément ce genre de machine à écrire géante dans le plus tardif Batman #115). Aussi fantasque et irréelle que l’idée puisse paraître, elle trouve sans doute sa base dans un fait réel.
Pour l’Exposition Universelle de 1939, Underwood, société qui commercialisait des machines à écrire, avait commandé un modèle géant qui pesait 14 tonnes. En théorie, un adulte devait se tenir debout sur une touche pour taper du texte. Underwood allant jusqu’à organiser une session photo où un éléphant semblait taper du texte (les touches étant à la taille de sa patte).
Ici, l’idée est que Captain America et Bucky ne peuvent toucher leur adversaire. Mais en courant sur les touches du clavier géant ils les actionnent… Et Electro est frappé avec violence par les éléments de la machine. Profitant du fait que le soviétique est désorienté, Captain America porte un véritable coup de grâce en appuyant sur la touche du retour-chariot. Electro est touché par un véritable bélier mécanique… Mais le tueur arrive à court-circuiter la machine. En se relevant il touche un câble qui, pour le coup, doit être conducteur puisqu’il arrive ainsi à électrocuter à distance Bucky, qui tombe dans les pommes. Mais intérieurement Electro fulmine. Il réalise que toute cette dépense d’énergie a épuisé ses réverses et qu’il lui faudra rapidement se recharger grâce à une dynamo. Bucky est sonné mais pas mort. Electro le prend donc en otage, menace de l’achever si Captain America ne se rend pas. En fait il semble qu’en vérité le tueur n’aurait pas assez de pouvoir pour mettre à bien sa menace. Toute l’astuce consiste à trouver du temps… Electro recule légèrement pour pouvoir toucher le générateur qui donne du courant à toute l’exposition : « Encore un petit peu et j’aurais assez de pouvoir pour les tuer tous les deux ! ».
Mais Captain America remarque la manœuvre et bondit vers un levier pour actionner une autre attraction de l’exposition : une chute d’eau artificielle ! Au moment même où Electro touche la dynamo et est traversé par le courant, il est aussi touché par la chute d’eau. D’où un court-circuit géant… Electro tombe, victime de son propre pouvoir. Le commentaire se moque alors de l’assassin communiste, battu par un des éléments les plus simples à trouver : l’eau ! Bucky, alors, se reprend, tandis que son mentor explique que dès qu’il a remarqué qu’Electro en voulait à cette dynamo il a compris que quelque chose ne tournait pas rond : « Ce rat gagnait du temps ! Il n’aurait pas attendu s’il avait réellement pu nous achever ! ».
Heureux, les deux héros peuvent alors admirer le panneau électrique de Broadway qui, au lieu d’annoncer la mort de Captain America, a été réparé de manière à proclamer qu’il est bien vivant. Le sort d’Electro, lui, semble plus funeste. De toute façon on ne saura pas réellement si son auteur avait prévu de le ramener dans des épisodes ultérieurs puisque la série Captain America Comics s’arrêtera… D’une part pour mévente mais aussi parce qu’avec l’instauration du Comics Code, Marvel fera le choix de se retirer quelques années du genre super-héroïque (tandis que DC fera le choix contraire, donnant naissance à l’Age d’Argent des Comics). La commission sénatoriale sur les comics date d’avril 1954. Captain America Comics #78, antidaté de septembre 1954, date probablement plutôt du même mois, à quelques jours près. Non seulement les ventes n’étaient pas au rendez-vous mais la courte renaissance de Captain America fut sans doute interrompue par peur des retombées de cette polémique (alors que DC ou d’autres, ayant des épaules plus larges que Marvel, n’eurent pas les mêmes frayeurs. Un détail des délibérations de cette commission est d’ailleurs souvent méconnu. Les sénateurs avaient compris que Martin Goodman avait l’habitude de créer des microsociétés (qu’il pouvait fermer ou ouvrir à volonté pour déjouer des créanciers). Les changements de noms Timely, Atlas, Marvel ne sont que la partie apparente de l’iceberg et les délibérations font état de beaucoup plus d’entités, déclarées au nom de Goodman ou de sa femme. Marvel avait donc chaud aux fesses et pas spécialement envie de voir s’abattre une punition…
Et Electro ? On n’allait pas le revoir pendant des décennies. C’est dans What If #9 (1978) que Roy Thomas et Don Glut le ramèneraient comme un des adversaires des « Avengers des années 50 » (le prototype des Agents of Atlas, dont les aventures se sont déroulées dans une autre réalité). De facto l’Electro aperçu dans What If #9 est une version alternative mais il finira par être mentionnée dans la « continuité principale » par (à nouveau) Roy Thomas dans Captain America Annual #13 (1994), soit quarante ans après sa première apparition. Au delà de sa courte carrière, Electro a laissé derrière lui un certain nombre d’héritiers, la plupart d’entre eux ayant été écrit par Stan Lee (ce qui ne prouve pas pour autant que cet Electro soit une création de Lee, ce ne serait pas la seule fois où Lee s’inspire d’un épisode qu’il a édité mais pas écrit). Décourageons les esprits qui voudraient voir en ce colosse vert un ancêtre communiste de Hulk… la couleur verte de l’alter-ego de Bruce Banner n’est que le fruit d’un accident d’imprimerie qui ne pouvait reproduire la couleur réellement prévue (le gris). Aucune chance, donc, que Stan Lee soit tombé sur l’Electro vert et se soit dit « tiens je vais refaire le même en le transformant en un antihéros ».
Non. Le principal écho qu’on peut trouver à l’Electro de 1954, c’est celui de 1964, adversaire de l’homme-araignée à partir d’Amazing Spider-Man #9 (coproduit par Stan Lee et Steve Ditko). Plus élégant, plus versatile que l’Electro communiste, Maxwell Dillon a lui aussi des pouvoirs électriques, un costume majoritairement vert et, si l’histoire diffère en de nombreux points, il n’en reste pas moins que Spider-Man le bat exactement de la même manière que Captain America, en lui lançant de l’eau dessus (ce qui provoque un court-circuit). Mais ce n’est pas pour autant la première fois où Lee avait surfé sur cette direction. Dans Journey into Mystery #93 (Juin 1963), en collaboration avec Jack Kirby, il avait donné naissance à un surpuissant « Radioactive Man » (« l’Homme Radioactif »), un ennemi vert et massif de Thor, qui irradie également de l’énergie (mais cette fois nucléaire) et qui se trouve être un agent communiste venu de Chine. Malgré le changement d’énergie, Radioactive Man est sans doute le personnage le plus similaire à l’Electro de 1954. Sans l’ennemi de Spider-Man qui s’est en quelque sorte accaparé le nom, sans doute que l’Electro des années 50 serait revenu de manière plus notable (après tout Ed Brubaker a ramené des personnages plus obscurs de cette période). En lieu et place il lui faut patienter dans les limbes de l’Histoire des comics.
[Xavier Fournier]