Oldies But Goodies: Cat-Man Comics #23 (Mars 1944)
7 septembre 2013[FRENCH] La revue de Cat-Man n’hébergeait pas que le seul homme-chat qui lui donnait son titre. Parmi les autres héros costumés qu’on y trouvait il y avait The Hood, un personnage qui aurait bien été à sa place parmi les Minutemen de Watchmen. C’est à dire que c’était un justicier masqué assez générique, tel qu’on en trouvait beaucoup pendant le Golden Age. Mais la bataille qui l’attendait cette fois avait réellement un goût de déjà vu…
Apparu en pointillé pendant le Golden Age, the Hood était le énième agent du F.B.I. qui avait décidé en 1941 qu’il combattrait mieux le crime s’il mettait une cagoule et un costume coloré (qui n’est d’ailleurs pas sans lui donner certains airs de l’Atom du Golden Age). Son entraînement d’agent spécial justifiait sans doute qu’il soit expert en un peu tout ce que ses aventures nécessitaient. Mais c’était visiblement un bouche-trou au point qu’au fur et à mesure des épisodes ils s’embrouillaient dans le nom civil qu’il était supposé porter (tantôt étant Craig Williams, Craig Reynolds ou le Major Craig Wood). Si on veut être charitable, on peut s’amuser à penser que The Hood était un de ces héros à la Shadow qui entretenaient des identités multiples pour mieux infiltrer diverses couches de la société. Mais très honnêtement, à la lecture des épisodes on sent bien que ce n’était pas le cas. Les auteurs n’avaient juste pas de suite dans les idées et leur éditeur, lui, sur cette série comme sur d’autres, lâchait la bride en termes de logique interne ou de continuité…
Dans Cat-Man Comics #23, l’intitulé de l’épisode est pour le moins curieux. On sait que dans les années 40 les super-héros étaient assez peu portés sur la romance, les scénaristes préféraient ménager une tension sexuelle entre le héros en civil et une ingénue qui, le plus souvent, était incapable de faire le rapprochement. The Hood étant un personnage de troisième catégorie, il n’avait pas vraiment de place pour étendre son univers et on n’avait pas réellement pensé à lui créer une fiancée. Mais le commentaire d’introduction semble presque s’en venter : « The Hood croise assez rarement une femme, mais quand il se retrouve face à face avec celle-là, il reçoit plus que sa part de problèmes. Mais notre combattant de réseaux d’espions se débrouillera bien dans son… AVENTURE AVEC LADY SATAN ! » La Dame Satan en question est sur la page d’introduction : une sculpturale femme brume… mais pour pourvue d’un visage affreux, évoquant un crâne sans peau qui le recouvrirait.
Tout commence à l’extérieur de la compagnie d’aviation Garling, où deux hommes aperçoivent de loin une jeune femme en train de pleurer, se prenant la tête dans les mains. Jouant les gentlemen, ils approchent d’elle pour lui demander de l’aide mais, après leur avoir dit qu’elle était trop malheureuse, la femme baisse les mains et… révèle une vision horrible et haineux : « Très bien, stupides idiots, pour votre curiosité vous allez mourir ! ». Soudain, il y a comme une « flamme presque invisible », comme si la femme avait déclenché une force terrible. Les deux hommes s’écroulent, morts !
Bientôt une foule se forme autour des deux corps. En ces temps de guerre, la mort simultanée de deux employés d’une compagnie d’aviation ne passe pas inaperçu. Un des curieux s’exclame : « Ils sont morts ! Tués par un terrible éclair ! ». Un autre homme dans la foule explique qu’il les a vus parler avec une femme, quelques minutes plus tôt. Puis on trouve une note sur un des deux cadavres. Le message explique que Lady Satan a frappé et qu’elle continuera de le faire ! La vie de tous les employés de cette compagnie est menacée ! Le personnel est bien sur consterné…
Le lendemain, le Major Wood est en train de passer une soirée agréable au restaurant avec Ray Herman, une jolie blonde (alors qu’on nous avait dit pourtant qu’il en croisait rarement). Mais on vient vite le chercher. Il est convoqué pour une réunion importante, chez le Colonel Quinlan, suite aux évènements récents. On lui présente alors Mr. Garling, le propriétaire de la compagnie évoquée plus tôt. Un autre officiel explique qu’après les deux morts de la soirée, deux ouvrières ont été découvertes ce matin, dans les mêmes circonstances. Du coup de nombreux employés veulent quitter la société. Quinlan explique à Wood avec ses expériences dans ce domaine, il a décidé d’attribuer l’affaire au Major. Après avoir accepté la mission, Craig Wood n’oublie pas qu’il est gentleman et prend un taxi pour retourner récupérer Ray au restaurant. Il entend bien la raccompagner chez elle. Mais son taxi est attaqué par une voiture rouge qui ouvre le feu. Le chauffeur, touché à la gorge, s’écroule. Le taxi fonce dans le décor mais Craig a le temps de sauter du véhicule avant le choc : « Quiconque voulait me mettre hors service n’a pas fait dans la dentelle ! Je ferais mieux de partir d’ici vite ! ».
Craig ne se doute pas que pendant ce temps quelqu’un d’autre s’occupe de Ray Herman. Une femme voilée passe la prendre au restaurant, en lui assurant que c’est le Major Wood qui l’envoie et qu’elle doit la suivre. Quand Wood arrive, on lui explique que son invitée est partie en compagnie de la femme au voile. Soucieux, Craig se demande ce qui se passe… et il décide de passer à l’action. Se précipitant dans une proche ruelle, il commence à se changer : « J’ai l’intuition que la solution à ce mystère se cache à l’usine d’avion de Garling et c’est là où je cours… mais sous l’identité du Hood ! ».
Pendant ce temps Ray réalise qu’elle a été manipulée. D’autant que l’autre femme a retiré son voile, révélant un faciès pour le moins ingrat. Vous aurez compris que c’est la femme à la tête de crane qu’on a déjà croisé plus tôt : « Je suis Lady Satan ! En t’amenant ici, j’incite ton ami le Major Wood à venir ici bien rapidement que prévu, de manière à m’en débarrasser plus vite. Je te laisse maintenant car j’ai du travail ! ».
A ce moment-là, The Hood arrive à l’usine, en sautant par dessus le mur d’enceinte car « il n’a pas le temps de passer par la porte ». Alors que le héros s’introduit ainsi sur les lieux, deux autres employés de l’usine trouvent une femme gisant face contre terre. Plutôt que de se dire « ca fait des jours que certains d’entre nous sont tués en croisant une femme inconnue, méfions-nous que ce ne soit pas elle », les deux ouvriers se précipitent au contraire pour la redresser et voir son visage, histoire de l’identifier. Mais ils aperçoivent alors le visage horrible de Lady Satan, qui leur promet une mort rapide… Sauf que cette fois The Hood intervient. Il s’interpose entre les deux hommes et Lady Satan, faisant un pas vers la femme mystérieuse. Le corps de la meurtrière dégage alors un arc d’électricité et The Hood titube, semblant se prendre le choc de plein fouet. Les deux ouvriers semblent alors s’enfuir sans demander leur reste…
Contre toute attente le choc mortel diffusé par Lady Satan ne tue pas The Hood. La tueuse s’enfuit alors à travers l’usine. Moins familier avec les lieux, le héros masqué la perd vite de vue mais se promet de la retrouver. En fait, Lady Satan est retournée là où l’on retient la jolie Ray : « Ton ami le Major Wood n’est pas encore arrivé mais un adversaire plus dangereux est ici… The Hood ! Mais je vais vite me débarrasser de lui ! » promet Lady Satan devant une Ray stupéfaite. Puis la femme à la tête de mort s’en va à nouveau. Quelques instants plus tard, c’est toute une famille qui débarque dans la salle où Ray est prisonnière. Il s’agit d’Abel Garling, de sa femme et de sa fille. L’industriel explique alors à Ray qu’ils ont vu, de loin, la créature la traîner ici. Ray explique qu’elle est une amie du Major Wood (et sans doute qu’entre deux cases elle leur raconte le reste de l’histoire). Informé, Garling décide d’aller alerte la police en compagnie de sa femme. Ray attendra ici, avec la fille Garling qui lui tiendra compagnie. A l’évidence le père Garling n’est pas très malin puisque ca revient à demander aux deux jeunes femmes d’attendre là où Lady Satan est sûre de savoir les trouver. Il aurait été plus logique qu’ils partent ensemble tous les quatre pour aller voir la police.
Restée avec Ray, la fille Garling lui tient alors de curieux propos, lui disant que si elle est intelligente elle filera sans demander son reste. Ray est surprise du ton mais, avant qu’elle puisse en savoir plus, The Hood fait irruption dans la pièce. Visiblement il a tout entendu à travers la porte et demande lui aussi à la fille de l’industriel ce qu’elle veut dire par là… Surprise, la jeune femme bredouille mais la pièce accueille bientôt de nouveaux arrivants : Abel Garling (un revolver à la main) suivi de Lady Satan elle-même. Garling répond alors au héros encagoulé : « C’est cela qu’elle voulait dire, Monsieur Hood ! Ma fille a bêtement placé sa vie au dessus de ce qui est bon pour le troisième reich… Pour ça, elle va mourir avec vous deux ! Venez ici, Madame Satan ! ».
Mais The Hood est plus rapide que Garling. Il lui décroche un coup de poing qui l’envoie dans le décor et le désarme. Dans la foulée le héros arrache aussi à Lady Satan son visage… qui n’est qu’un masque. Sous le déguisement on reconnaît l’épouse de Garling. The Hood s’exclame : « Lady Satan, hein ? Ce sera bien le diable quand les services spéciaux de l’armée entendront parler de ça ! » et The Hood demande à une Ray rassurée de téléphone au colonel Quinlan sans perdre de temps… Le héros explique enfin à ray qu’il ne peut rester mais lui remet le revolver de Garling, lui demandant de tenir les criminels en respect jusqu’à l’arrivée des autorités… Quelques instants après le départ du Hood, les autorités en question arrivent, représentées par… le Major Wood.
L’affaire est donc résolue mais il reste encore à fournir des explications. C’est Quinlan lui-même qui les donne, une fois de retour au restaurant avec Craig et Ray : « Garling recevait de l’argent de la part des nazis car il ralentissait chez nous la production. Puis il a élaboré avec sa femme ce plan pour terroriser les ouvriers ! Ils avaient caché des lignes électriques dans le sol. Quand son talon entrait en contact avec le sol, elle générait de l’électricité ! Une femme adorale ! ». Craig, lui, taquine Ray : « Alors comme ça le Hood est arrivé en premier, à nouveau avant moi ? « . Rêveuse, Ray ne réalise pas, bien sur, qu’il est en train de la faire tourner en bourrique : « Et quel homme c’était Craig ! Quel homme ! ».
Normalement la lecture de cet épisode écrit par Jack Grogan et dessiné par Jack Alderman aurait du vous faire penser à un modèle célèbre, dont nous avons déjà parlé dans cette rubrique. Attention, il y a un piège. Déguisée en Lady Satan, Madame Garling pourrait, il est vrai, vaguement faire penser à la Black Widow telle que Marvel Comics la publiait dans les années 40, à partir de Mystic Comics #4 (1940). C’était une sorcière capable de tuer d’un seul regard et dont le visage était parfois remplacé par un crane. Qui plus est une copie de cette Black Widow fut plus tard lancée sous le nom de Madam Satan (Pep Comics #16, 1941). Lady Satan pourrait donc au demeurant se concevoir comme une imitatrice, mis à part qu’elle fait seulement semblant d’avoir les pouvoirs détenus par les deux autres. Oui mais voilà, il est là le piège. Ce n’est pas là qu’il faut chercher !
Cet épisode de Cat-Man Comics #23 fait en effet fortement penser à une histoire contenue dans Captain America Comics #1 (Mars 1941). D’abord parce que la vie du Major Wood fait un peu penser à celle de Steve Rogers (Captain America) si ce n’est que the Hood n’a pas d’équivalent de Bucky. Mais surtout l’intrigue est tout bonnement basée sur… La première apparition du Red Skull (Crâne Rouge). Dans Captain America Comics #1, en effet, le Red Skull passe le plus clair de son temps à tenter de faire croire qu’il peut tuer d’un simple regard, à la manière de Lady Satan ici. En fait, bien sur, le Red Skull n’a pas ce pouvoir, c’est un truc… mais en plus l’assassin qui porte un masque de crane fini par être identifié par le propriétaire de la Maxon Aircraft Corporation, une société d’aviation (ce n’est que plus tard, bien après le premier numéro, qu’on fera de ce meurtrier un allemand), sympathisant du Reich qui veut ralentir les efforts de guerre de l’Amérique. Autant dire que Garling a de gros airs de Maxon, mis à part qu’on cette fois transféré la fonction meurtrière à son épouse, qui ressemble du coup à une « fiancée du crâne rouge ». Ce n’est pas du mot à mot. Les dialogues et diverses situations sont différentes. Mais il est clair que Jack Grogan a lorgné fortement sur les débuts du Red Skull pour créer sa Lady Satan. Comme quoi, quand on regarde bien, un certain nombre d’histoires peuvent se « réincarner » de façon étonnante !
[Xavier Fournier]
Il y a un je ne sais quoi de Fantomah dans cette Lady Satan …. son doux sourire peut être 😉
Très vaguement. La ressemblance physique avec Madam Satan est bien plus marquée. Mais dans les deux cas, conceptuellement, c’est le Red Skull qui l’emporte…
Sympathique mélange de la dame blanche et du basilic (et je ne parle pas cuisine)
Superbe chronique encore une fois.
Merci.