Oldies But Goodies: Crash Comics #4 (Sept. 1940)

[FRENCH] De nombreux super-héros ou super-criminels se sont inspirés du règne animal. A l’intérieur de cette mouvance, le fait de trouver plusieurs Catman n’est donc pas très étonnant. Dans la plupart des cas il n’existe pas vraiment de filiation directe entre ces hommes-chats et l’idée est sans doute plutôt d’approcher, à une lettre près, le nom fameux de Batman. Dans les années 40, le plus célèbre Catman serait celui publié par Holyoke Comics et dont les origines lorgnaient ouvertement sur… Tarzan ?

La revue Crash Comics, publié par l’éditeur Holyoke, cachait mal le fait qu’elle s’inspirait grandement des productions de la concurrence. On y trouvait ainsi un certain Strongman qui n’était qu’un Superman de deuxième zone.

Et à partir du moment où Holyoke capitalisait sur le modèle de Superman, il n’est pas étonnant que, quelques mois plus tard, la même revue accueille les débuts d’un certain Catman, de son vrai nom David Merrywether. « Catman » n’était déjà plus en soi un nom exceptionnel. Quelques temps plus tôt Tarpe Mills avait elle aussi lancé les éphémères aventures d’un Catman (un as du déguisement qui assassinait ses victimes à l’aide d’un chat aux griffes empoisonnées). Mais il parait fort probable qu’Holyoke ne s’intéressait pas du tout à la création de Tarpe Mills.

Le nouveau Catman ressemblait à un empilement d’archétypes empruntés à d’autres personnages populaire. L’homonymie avec la création de Mills semble être totalement accidentelle, les deux héros n’ayant absolument aucun point commun… Bien en prendra d’ailleurs à Holyoke car si le Catman de Tarpe Mills peut se targuer d’être « l’original », il n’a duré que deux épisodes là où celui qui nous intéresse présentement deviendra rapidement le Catman le plus célèbre du Golden Age, détenteur, à terme, de sa propre série tout en devenant lui-même le modèle d’un certain nombre de concepts. Pourtant, on n’aurait pas forcément parié sur les chances du nouveau héros en découvrant ses origines pour le moins tarabiscotées…

Tout commence dans « l’Inde profonde« , où le scientifique William Merrywether a consacré sa vie à l’étude des « spécimens tropicaux » tout en emmenant avec lui sa petite famille (C’est à dire son épouse, sa fille ainée et son petit bébé David). Un jour, tandis que David dort, le père, la mère et la fille sont attablés à l’extérieur. William annonce alors qu’il compte compléter sa collection de « libellules tropicales » la semaine suivante. Mais soudain surgissent des « hommes sauvages de la jungle » qui attaquent et massacrent la famille (sans qu’aucune raison spéciale vienne expliquer cette brutalité). Seul le petit David est épargné car les sauvages n’ont pas aperçu son berceau. Ils repartent en laissant les cadavres des deux adultes et de la fillette à l’extérieur.

Bientôt une tigresse affamée arrive sur les lieux. Elle est attirée par les pleurs du bébé survivant qui, entretemps, s’est réveillé et a faim. On pourrait s’attendre à ce que la tigresse affamée ne fasse qu’une bouchée du bébé mais ce qui est identifié comme « l’instinct maternel » prend le dessus. Elle coince la couche du bébé dans sa gueule et le soulève, l’emportant comme s’il s’agissait d’un de ses propres petits. On est clairement dans le registre de l’origine de Tarzan, si ce n’est qu’ici les tigres remplacent les singes. Peut-être aussi une pincée du Livre de la Jungle.

D’un coup, la narration s’accélère. L’histoire est courte et les auteurs n’ont sans doute pas toute la place qu’ils voudraient. Aussi la case suivante est occupée par tout un pavé de texte qui raconte, sans la montrer, l’enfance du héros.

Comme on pouvait s’y attendre, la tigresse élève David parmi ses petits. Du coup, au sein de sa « famille adoptive« , l’humain apprend « la langue de la jungle« . Arrivé à l’âge adulte, David sauve la vie d’un de ses « frères adoptifs » (autrement dit un tigre) et la vieille tigresse qui a veillé sur lui, par reconnaissance, décide de le conduire à la civilisation humaine. Ce qui n’est pas tout à fait logique car si l’animal considérait vraiment David comme un de ses petits, elle ne l’aurait sans doute pas « rendu » ainsi aux humains. On verra plus tard que ce n’est pas la seule chose illogique qui hante ce récit. Toujours dans ce pavé de texte, on nous explique que David, parce qu’il a « fréquenté la jungle pendant des années« , possède « toutes les facultés de la famille des chats, à laquelle appartiennent les tigres » : Il peut voir dans le noir, sauter aussi bien entre les arbres ou les immeubles. Enfin, plus étrange : ses yeux s’allument dans l’obscurité, émettant des faisceaux semblables à celui émis par un phare. Admettons que la vie dans la jungle ait entraîné des habitudes physiques qui ont généré une agilité hors normes. Admettons que la vie avec les tigres ait préparé David a aiguiser ses sens, y compris sa vision en plein obscurité. Le fait d’émettre des faisceaux lumineux est plus inexplicables. Déjà, il faudrait que les tigres aient ce genre d’aptitudes, ce qui n’est pas vraiment le cas. Et même en acceptant cette énormité, il faudrait imaginer un stratagème pour expliquer comment ces « tigres lumineux » auraient pu transmettre un tel don à un humain.

Autre chose étrange : David Merrywether est un « enfant sauvage ». Il a perdu sa famille alors qu’il était encore un bébé qui ne savait même pas parler. Et il a été élevé jusqu’à l’âge adulte par une tigresse. En théorie, en retrouvant l’humanité, il devrait avoir d’énormes lacunes culturelles et/ou cognitives. Il faudrait lui apprendre l’anglais, le forcer à porter des vêtements (et probablement à se tenir sur ses deux jambes). Merrywether devrait avoir un retard énorme, de quoi le condamner exclusivement à une existence simple, probablement en institution. Au contraire, David Merrywether retourne aux USA et y mène une existence de rentier (il est probable qu’il a hérité d’une fortune familiale). Mais surtout le narrateur explique : « Les maux de ce monde agressent son sens de la droiture. Aussi il décide de consacrer sa vie à combattre le Mal. Le temps passe et, en raison de ses exploits merveilleux il devient connu sous le nom de… Catman !« . Il faut croire que Tigerman n’était pas assez logique pour David. Mais ne soyons pas dupes, comme dit plus tôt, il s’agissait sans doute de se rapprocher du nom de Batman… Et quel « sens de la droiture » aurait un être élevé par des tigres ?

Un soir, David Merrywether écoute un feuilleton policier diffusé en direct à la radio. Mais au même moment d’authentiques gangsters font irruption dans le studio où le programme est joué. Ils s’arrangent pour que le son ne laisse rien apparaître du drame qui est en train de se jouer. Avec un panneau, ils ordonnent aux acteurs de continuer à réciter leur texte comme si tout était normal. Mais l’équipe tente quand même une astuce. Le responsable sonore joue avec les bruits de mitraillettes supposés illustrer le feuilleton. Il les émet de manière à imiter le code morse. Bientôt David Merrywether, toujours chez lui, réalise que les bruits forment le code « S.O.S. ». Sans perdre de temps, il passe sa tenue de Catman. Un uniforme vert et noir qui n’évoque pas spécialement la fourrure des tigres. Encore que quelques « taches » sur la fourrure donnent l’impression que le dessinateur voulait donner une impression de fourrure mais que c’est à l’étape de la mise en couleur qu’il en a été décidé autrement. Loin de ces considérations visuelles, Catman fait comme de nombreux héros de BD et se parle à lui-même : « J’ai l’impression que quelque chose tourne mal au studio ! Il n’y pas une minute à perdre ! » s’écrie le héros en décidant pourtant qu’il est plus rapide de quitter son immeuble en descendant par le mur de la façade de son propre immeuble. L’idée est sans doute de montrer que prendre l’escalier serait beaucoup trop banal pour un héros qui, en usant de gants équipés de griffes, peut se déplacer le long des murs (sans doute que dans l’esprit des auteurs c’est aussi une aptitude propre aux tigres).

Arrivé devant l’immeuble de la radio, Catman utilise la même technique pour se hisser à la hauteur du studio concerné. Quand à savoir comment Catman peut savoir à quel étage se trouve le studio en question, c’est là aussi un mystère que le scénario n’a pas envie de nous expliquer. Mais le super-héros arrive trop tard. Quand il fait irruption dans la pièce, il ne trouve que des gens ligotés et bâillonnés (il faut croire que la transmission de l’émission a été interrompue entretemps). Soulagés, les acteurs sont cependant curieux. Qui est ce mystérieux homme masqué ? Serait-il le fameux Catman dont on parle tant ? Et comment savait-il qu’il y avait un problème au studio ? Sans donner de détails, Catman s’en tient au fait qu’il a reconnu du morse dans les bruitages de l’émission. Mais la seule chose importante est que quelqu’un manque à l’appel. L’objectif des gangsters était de kidnapper la célèbre actrice Stella Richards. Et ils y sont parvenus ! La bande de Bull Jackson a en fait dans l’idée de prendre le contrôle de l’émission animée par Richards, en la forçant à leur obéir. Mais au même moment, au repaire des criminels, Stella ne plie pas : « Je préférerais mourir plutôt que d’utiliser mon programme pour vos plans véreux !« .

Heureusement, comme nous l’explique le narrateur : « Le Catman, après de nombreux combats contre le Mal, connaît le repaire de Bull Jackson et « sentant » la destination des gangsters, les retrouve ». Ce qui là encore nous paraît cousu de fils blancs. D’abord si vraiment Catman connaît le repaire de Bull Jackson depuis longtemps, pourquoi ne pas avoir coffré la bande depuis belle lurette ?

Mais surtout comment sait-il qu’il doit précisément traquer la bande de Jackson puisque rien, dans les déclarations des acteurs de la radio, n’établit un lien avec ce gangster ? Enfin, la narration laisse entendre que Catman « sent » (non pas de manière olfactive mais bien à travers une sorte de sixième sens) les déplacements des gangsters. Sans doute encore un improbable pouvoir surnaturel transmis par la tigresse…

Catman fait donc irruption dans le repaire de Bull Jackson, passant à travers une fenêtre. Certains des hommes le reconnaissent tandis que leur patron lance un « tirez-lui encore dessus, les gars !« , ce qui souligne que ce n’est pas le premier combat entre cette bande et Catman. Mais visiblement ce n’est pas la bonne méthode pour en découdre avec le héros puisqu’il est assez agile pour éviter les balles. Il se moque d’ailleurs des gangsters en leur disant qu’ils utilisent sans doute des « revolvers lents ». Une balle, néanmoins, frappe l’ampoule qui éclaire la pièce. Les lieux sont instantanément plongés dans l’obscurité. Mais cet environnement avantage Catman, qui utilise alors ses yeux si particuliers, qui émettent des rayons semblables à des lampes-torches, qui terrorise le gang. Catman, qui ne sait visiblement pas utiliser un escalier conventionnel, saute à nouveau à l’extérieur de la pièce, emportant Stella Richards sous un de ses bras : « N’ayez pas peur ! Je vous protégerais !« .

Catman saute donc… et atterrit sur le toit d’un immeuble proche, faisant preuve de son agilité surhumaine. Stella peut alors lui expliquer : « Il voulait que je passe des signaux à ses hommes chaque soir, pendant mon émission, ce qui leur aurait facilité la tache pour organiser des hold-ups !« . Mais avant que le héros et la comédienne puissent vraiment s’éloigner, un des hommes de Jackson les repère et, d’une position en hauteur, pousse une vieille cheminée branlante : « Voilà ! Ils sont sont juste en dessous ! Je ne peux pas les manquer !« . Puis l’homme annonce à Bull Jackson qu’il les a coincé. Le caïd est satisfait : « Bon travail ! Emmenez-les à notre prison !« . Le gang de Jackson a donc sa propre prison ? C’est plutôt une sorte de donjon dans lequel Catman et Stella reviennent à eux, après avoir été assommés par les briques. Mais un simple donjon ne peut retenir Catman, qui utilise ses aptitudes « animalières » pour escalader les murs tout en transportant la jeune femme. Ensemble, ils arrivent alors à passer par une lucarne située en hauteur. Leur fuite peut alors reprendre. S’élançant à nouveau sur les toits, Catman explique à Stella qu’il va la déposer au pénitencier, où on saura la protéger jusqu’à ce qu’il coffre Jackson. La comédienne, elle, n’a d’yeux que pour les prouesses du héros : « Je ne savais pas qu’un être humain pouvait faire des bonds aussi énormes que les vôtres !« .

Bull Jackson, qui s’est rendu compte de l’évasion, est bien sûr furieux. Il ordonne à ses hommes de chercher Catman et reste seul dans son repaire. Enfin pas tout à fait seul puisque Catman passe à nouveau par la fenêtre : « Je pensais bien que tu serais seul, Bull, tandis que tes hommes sont probablement en train de me chercher !« . L’effet de surprise ne joue cependant pas comme on pourrait le croire puisque Bull Jackson prend Catman de vitesse (joli exploit puisque le héros est plus vif que les balles) et le poignarde en pleine poitrine. L’homme-chat s’effondre au sol, blessé mortellement. Et Bull jubile : « Voilà pour toi ! Maintenant il nous faut coincer cette fille ! Elle en sait trop !« . Et si Catman semblait sentir instinctivement où se trouvait Bull Jackson, ce dernier semble avoir la connaissance innée de l’endroit où le héros a caché la jeune femme (on verra plus loin cependant qu’il y a bien une explication sur ce point précis). Il saute dans une voiture avec ses hommes, bien décidé à attaquer la prison pour mettre la main sur Stella.

Au même moment, Stella a un pressentiment. Elle sent que quelque chose est arrivé à Catman et tente de convaincre le directeur de la prison d’organiser des recherches. Mais l’homme ne bouge pas, par excès de confiance envers le héros : « Il vous a laissé sous ma protection et je vais vous garder ici jusqu’à ce qu’il vienne vous récupérer. Il s’en sortira très bien !« . Mais l’instant d’après, Jackson arrive et s’en prend au directeur : « Nous allons tous vous tuer, tout comme j’ai tué Catman !« . Stella est horrifiée : « Catman… Mort ?« .

Oui, mais pas tout à fait. Car au même moment l’esprit de la tigresse entre en contact avec David au moment où il meurt. Le narrateur nous explique alors comme un fait avéré que « les membres de la famille des chats ont neuf vies… Bull Jackson en a juste tué une ! L’ange gardien de Catman, sous la forme de la tigresse qui l’a élevé, lui donne alors la seconde de ses neuf vies !« . Voici le pouvoir ultime de Catman ! Il a des vies de rechange ! Voici, encore, une caractéristique qui n’a rien à voir avec les vrais tigres. Néanmoins il est intéressant de noter qu’on nous parle d’un « ange gardien » apparaissant sous la forme de la tigresse plutôt que de la tigresse elle-même. A partir de là on comprendra que David (bien que ses origines n’en aient rien laissé paraître) est sous la protection d’une sorte de dieu-tigre. Cette idée sera d’ailleurs accentuée dans des épisodes plus tardifs de Catman… A partir de là, Catman devient donc un héros au moins en partie mystique et les incohérences de ses pouvoirs (rayons lumineux, vies de rechanges…) s’expliquent mieux s’ils se libèrent du carcan de la science.

Catman revient à lui en s’écriant : « C’était un sommeil qui n’est pas de ce monde ! Je dois rejoindre Stella ! Je sens qu’elle est en danger !« . A nouveau on insinue que le héros a une sorte de don prémonitoire. Il se précipite à la prison et « atteint le bureau du directeur au beau milieu du M…. ». Le quoi ? Le « M ? ». L’encart de texte se termine sur cette simple lettre plutôt que sur un mot. Puisque la scène montre Bull Jackson en train d’étrangler le directeur de la prison, il y a de bonnes chances que ce M était la première lettre du mot « Murder » (« Meurtre ») mais que pour une raison ou pour une autre on n’a pas fini de lettrer l’encart. Peut-être l’éditeur ne voulait-il pas officialiser qu’un gangster était montré en train d’assassiner un représentant des forces de l’ordre et qu’une retouche maladroite est venue retirer le terme de meurtre. Jackson est cependant penché sur sa victime quand il voit Catman arriver : « Bon sang ! Je pensais que je venais de te tuer ! Qu’est-ce tu essaies de faire ? Tu veux me hanter ?« . Cette fois Jackson n’est pas le plus rapide. Catman s’empare de lui et le soulève : « Je vais te montrer quelques techniques de combat que j’ai appris dans la jungle !« . Il pousse Jackson et le reste du gang au fond d’une cellule qu’il referme. Jackson se lamente : « Je serais condamné à perpétuité pour les crimes dont ils vont m’accuser ! Bull Jackson piégé par un homme mort ! C’est un comble !« . En fait la phrase montre les signes d’une autre ironie. Quand il parle de « piégé« , Bull Jackson utilise le terme « licked« , mot que nous avons déjà vu dans cette chronique et qui, au sens littéral, veut dire « léché » (tandis qu’au figuré il véhicule bien l’idée d’être battu ou capturé). Il semble probable que la phrase initiale devait être « Bull Jackson léché par un Catman ! C’est un comble ! » et qu’on a changé le dialogue (la bulle de texte porte des marques évidentes de retouche à cet endroit).

Plus tard, Catman et Stella sont dans le bureau du directeur de la prison. Sauf que, comme par un coup de baguette magique, il n’est plus du tout le directeur de la prison mais le commissaire de police. Pourtant le dialogue va vite nous montrer qu’il s’agit d’un seul et même personnage. L’homme se demande comment les gangsters ont su que Miss Richards se trouvait ici. Et Catman explique alors qu’il a lui-même planté un indice « qu’elle se trouvait là avec vous car j’étais convaincu qu’ils tenteraient d’envahir la prison ! Maintenant vous les tenez tous !« . Le directeur/commissaire le remercie alors : « Vous avez été d’une grande aide ! J’aimerais avoir un homme comme vous dans les effectifs de police !« . Modestement, Catman répond « Merci, monsieur le commissaire, mais je préfère agir en solitaire !« . L’épisode s’achève ainsi, en promettant que Catman reviendra dans chaque nouveau numéro de Crash Comics. En fait, sa renommée dépassera bientôt les limites de cette anthologie et Holyoke lui consacrera bien vite une série à son nom, Catman Comics.

Au fil des mois, Catman arrivera à sa formule classique. Ses pouvoirs, trop spectaculaires pour être pris au sérieux, connaîtront ainsi un certain « réglage ». On oubliera bien vite, par exemple, cette incroyable (et relativement inutile) capacité à projeter des rayons lumineux à partir de ses yeux. Et le « compte à rebours » des neuf vies sera un peu mis de côté. Il apparaîtra que Catman a bien plusieurs vies renouvelables mais qu’elles ne se limitent pas à neuf. Ou bien qu’il les régénère entre deux aventures distinctes. Avec le temps, Catman se rapprochera du modèle de Batman en recrutant une jeune assistante qui aurait pu s’appeler Catgirl mais qu’on surnommera Kitten. Un des premiers adversaires de Batman avait été le Doctor Death ? Catman aussi aurait son propre Doctor Death (baptisé Doctor Macabre), ressemblant énormément à celui du modèle batmanien. Mais surtout le costume vert et noir de Catman laisserait la place à une tenue rouge et orange plus élégante, plus proche du design d’un uniforme de Batman dont on aurait changé les couleurs. Cette nouvelle apparence, moins caricaturale, permettrait d’asseoir la popularité du personnage pendant de longues années. Holyoke n’était qu’un petit éditeur. Rien à voir avec l’influence d’un DC Comics ou de Fawcett à l’époque. C’est sans doute ce qui fera que le personnage ne dépassera un certain « périmètre ». Si Catman était paru chez DC ou Marvel, on aurait pu facilement l’imaginer dans les rangs de la Justice Society of America ou encore parmi le All-Winners Squad. Mais Holyoke n’était pas disposé à former une équipe avec ses principaux héros (d’ailleurs peu d’entre eux connaîtront l’aura de Catman, il aurait donc été difficile de trouver quelqu’un de son rang avec qui le « regrouper »).

Par contre, sa jeune auxiliaire Kitten serait membre d’une sorte de mini version des Young Allies (les Little Leaders), dans laquelle elle serait la co-équipière de Mickey (pas la souris du même nom mais le sidekick d’un autre héros d’Holyoke, le Deacon). Il ne fait pas l’ombre d’un doute que David Merrywether serait une influence majeure derrière la création bien plus tardive d’un autre Catman, adversaire, lui, de Batman (et connu, à l’ère moderne, pour être membre des Secret Six). Bien sûr les deux Catman font tous les deux références au dicton qui veut que les chats sont supposés avoir neuf vies et on pourrait se dire que la ressemblance ne tient qu’à une coïncidence, deux équipes créatives étant parties du même dicton à deux décennies de distance. Mais le costume du Catman de DC est à peu de choses près le même que celui porté par David Merrywether dans sa période « classique ». D’où une ressemblance bien trop frappante pour être le fruit du hasard. Quand DC décida d’ajouter un Catman au cheptel des adversaires de Batman, Holyoke avait fermé boutique depuis des années et il n’y avait plus d’ayant-droit à proprement parler. A défaut d’un propriétaire en bonne et due forme, Catman était donc tombé dans une sorte de domaine public de fait. DC pouvait donc l’utiliser en toute connaissance de cause… et en ne risquant pas grand chose.

C’est le fait d’appartenir au « pot commun » des super-héros privés de propriétaires (c’est à dire d’être à personne et donc un peu à tout le monde) qui a assuré au vrai Catman (David Merrywether) d’apparaître à nouveau chez différents éditeurs à l’ère moderne. A partir des années 80, Catman et Kitten sont ainsi réapparus chez AC Comics, dans l’univers de la série Femforce, où on expliqua qu’ils faisaient partie d’une sorte de programme de sauvegarde des super-héros. A la fin des années 40, de nombreux héros avaient été mis en hibernation, dans l’attente du jour où les USA auraient à nouveau besoin d’eux. Catman et Kitten seront ainsi réveillés à l’ère moderne et seront à nouveau actifs, à des degrés divers, dans le contexte de Femforce. De la même manière, les deux personnages ont aussi fait leur réapparition chez un autre éditeur, Dynamite, au sein de la série Project Superpowers. Cette fois aussi il est question d’une « mise à la réserve » : Catman et Kitten font partie des nombreux héros pris au piège dans une urne mystique après la fin de la guerre. Kitten s’en est sortie relativement inchangée et est devenue, à l’ère moderne, membre des Inheritors, une équipe regroupant tous les jeunes héros des années 40. David Merrywether, lui, est sorti de l’urne beaucoup plus marqué, rendu plus bestial (ce qui n’est pas illogique si on se réfère à ses origines d’enfant sauvage). Sous cette forme moins humaine (mais aussi parce que Dynamite voulait pouvoir déposer le copyright du personnage sans être gêné par les autres versions), le héros est nommé « Man-Cat ».

Enfin, dans les pages de Savage Dragon (Image Comics), Catman fait partie d’une bande de héros du Golden Age qui ont été retenus prisonniers pendant des décennies dans un engin qui aspirait leurs pouvoirs. Libérés, ces personnages ont intégré l’univers de Savage Dragon à des degrés divers. Si on considère le Catman de DC comme étant une « version » de David Merrywether malgré leurs identités civiles différentes, il y a donc ces temps-ci quatre avatars différents de Catman dans les comics modernes. Mais vu qu’on nous avait prévenu dès le départ qu’il disposait de neuf vies, cela lui laisse encore de la marge… D’ailleurs même dans les années 40 cela ne tarda pas à se vérifier : le Catman d’Holyoke Comics était la création d’un certain Charles M. Quinlan (scénario) et de Irwin Hasen (dessin). Quelques mois plus tard, Hasen, passé chez le concurrent DC, fut le co-créateur d’un autre personnage félin, le célèbre Wildcat (par la suite pilier de la Justice Society of America). Comme quoi rien ne se perd !

[Xavier Fournier]

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