Eté 1941. Les USA ne sont toujours pas entrés dans la Seconde Guerre Mondiale mais après la parution de Captain America Comics #1 qui a créé un précédent, les éditeurs de comics n’hésitent plus à désigner ouvertement les nazis et Adolf Hitler comme ennemis de l’Amérique. Bon, il y a les convictions d’une part mais il y a aussi les ventes de Captain America Comics #1 (Cap y affrontait Hitler sur la couverture) qui encouragent les concurrents à s’intéresser à un exercice de « politique internationale » dans ce qui, à l’époque, n’est guère qu’une littérature illustrée à destination d’un jeune public. Mais la maison d’édition Lev Gleason réfléchissait justement à l’opportunité de donner à son Daredevil sa propre série. Est-ce que faire du #1 une nouvelle aventure anti-Hitler n’était pas le plus sûr moyen de dupliquer le succès de Captain America ? Et pourquoi même ne pas aller encore plus loin et de faire de cet épisode un événement réunissant plusieurs héros du même éditeur, donnant naissance à un énorme crossover ?
Pendant ce temps, dans le « nid d’aigle », Hitler reçoit les membres les plus emblématiques de son équipe. Goebbels, Goering et bien d’autres sont là et on notera le souci de réalisme des auteurs. Le côté superstitieux d’Hitler est même utilisé dans l’histoire, quand il explique aux autres avoir vu dans une boule de cristal qu’il faut continuer de bombarder l’Angleterre. Et les autres, aussi superstitieux que lui, d’acquiescer: « Le cristal ne ment jamais. A bas l’Angleterre! ». Mais quand le médium qui utilise la boule de cristal poursuit en expliquant que le seul moyen de battre le pays ennemi est de s’associer avec Mussolini, Hitler, furieux, brise la boule sur la tête de l’homme. Daredevil, déguisé en nazi, observait la scène et regrette qu’aucune date formelle n’ait été évoquée. Il aurait pu en informer les alliés. Mais le garde qu’il avait assommé en début d’épisode est revenu à lui. Les nazis savent qu’il y a un intrus dans l’édifice. Plutôt que d’être fait prisonnier, Daredevil n’a qu’une solution: travers la pièce tout en n’oubliant pas de décocher un coup de poing à Adolf Hitler (il est certain que la scène ne peut qu’avoir été directement influencée par la couverture de Captain America Comics #1). Puis « DD » passe à travers une fenêtre et disparait dans la nuit. Daredevil arrive à atteindre le plus proche terrain d’aviation et à s’emparer d’un avion allemand, s’envolant vers l’Angleterre.
Dans le bureau de Churchill, Daredevil et le Silver Streak ne sont pas dupes. Daredevil conseille aux Anglais d’envoyer une toute petite portion de l’armée, de manière à ce que les nazis pensent que leur plan fonctionne. Mussolini, dont les forces ont souffert du passage du détachement anglais, téléphone en pleurs à Hitler. « Pourquoi n’attaquent’ ils pas quelqu’un de leur taille ? » se lamente le dictateur italien. Hitler présente ses condoléances mais ce n’est qu’une façade. Intérieurement, il ricane. Si les anglais sont passés par la méditerranée, c’est qu’ils vont vers Suez. Son plan marche, il en est sur… Pendant ce temps Silver Streak et Whiz partent en avion au dessus de la Manche, laissant Daredevil veiller sur l’Angleterre. Tout le monde attend l’offensive nazie sans savoir quand elle viendra. On a d’ailleurs droit à une scène montrant Londres de nuit, ville où la population ne dort pas, se demandant quand l’alerte viendra. C’est là aussi une évocation assez profonde du « Blitz » et de la pression à laquelle est soumise Londres dans la réalité. S’en suit alors une scène d’attaque avec combats aériens, bombardements et attaques navales qui n’ont rien à envier à un épisode des Têtes Brulées. Pourtant, Londres résiste, les nazis sont mis en déroute et Churchill remercie les deux super-héros américains: « Londres est presque détruite mais nous pourrons la reconstruire, grâce à vous et à mon peuple courageux ». Les scénaristes peuvent alors dénoncer la propagande nazie en montrant des journaux allemands qui parlent de la grande bataille en « oubliant» de mentionner qu’elle a été une défaite pour Hitler.
Dans le chapitre suivant, Hitler veut conquérir l’Afrique et Daredevil s’est allié à un autre héros de la gamme Lev Gleason: Lance O’Hale est une sorte de Tarzan qui serait également un archer hors-pair. Daredevil et Lance trouvent le camp africain d’Hitler et DD s’y introduit sans difficulté, en profitant pour casser la figure une nouvelle fois à Hitler. Les nazis poursuivent alors l’acrobate masqué mais Lance, en seigneur de la jungle qu’il est, s’arrange pour qu’un éléphant s’interpose. Rejoignant Lance en haut de l’éléphant, Daredevil demande à Lance ce qu’il prépare. L’archer vise et décoche une flèche qui… arrache la moustache d’Hitler. Daredevil s’empare d’une liane et s’élance en précisant « j’ai déjà vu faire ça dans les films ». Il rejoint Hitler en haut d’un tank et lui assène un nouveau coup de poing. Lance ordonne même à son éléphant de s’emparer du nazi avec sa trompe mais Hitler promet une grosse récompense à qui capturera son assaillant. Aussitôt Lance est encerclé mais c’est le moment où Daredevil se sert de son fameux boomerang pour désarmer les soldats. Hitler tente à peu près toutes les armes contre le duo de héros mais Lance finit par faire exploser les bombes allemandes qui étaient là. Hitler n’a d’autre choix que s’enfuir en avion jusqu’en Allemagne…
Nouveau chapitre, nouveau héros. Cette fois c’est Dickie Dean, le « Boy Inventor » qui est mis à contribution. Il s’agit du stéréotype même de l’enfant génial, en quelque sorte l’un des ancêtres du Jack B. Quick d’Alan Moore. Après une petite bio consacrée à Goebbels, entre autres choses responsable de la propagande nazie, on nous montre que Dickie Dean a été convoqué à Washington. L’enfant s’y rend sans perdre de temps en utilisant le Skybug, un engin volant de son invention. Dickie Dean a en effet inventé un décodeur qui peut décrypter les communications nazies. Rapidement Dickie est donc envoyé en Grande Bretagne pour mettre en marche sa machine. Mais très vite des espions s’attaquent à lui et volent le décodeur. Les britanniques proposent alors à Dickie d’aller en Allemagne récupérer le précieux engin. Il aura pour garde du corps un agent spécial qui n’est autre que… Daredevil (il est partout). Le décodeur est en possession de Goebbels et c’est donc lui qu’il faut trouver. DD et Dickie s’introduisent une nouvelle fois dans un repaire nazi mais ils sont quand même faits prisonniers. Daredevil s’échappe et, à distance, utilise son boomerang pour libérer Dickie et ses jeunes amis. Goebbels se fait à nouveau taper dessus et Daredevil ainsi que les enfants s’enfuient par un passage secret. Daredevil explique qu’il connait tous les passages. Heureusement pour eux, les allemands semblent eux les ignorer… Le chapitre s’achève sur Goebbels attaché piteusement à la fenêtre d’Hitler, portant la carte de visite commune de Daredevil et Dickie… Pendant deux derniers chapitres (qu’on m’excusera de résumer plus vite) Daredevil va s’attaquer au nazi Goering (avec l’aide de l’aviateur Cloud Curtis et de ses Sky-Fighters) puis au marin Von Roeder, cette fois en compagnie d’un héros de Lev Gleason plus bizarre, le Pirate Prince. Ce dernier patrouille sur les mers dans un authentique bateau de flibustiers, un peu comme si un fan des Pirates des Caraïbes pensait pouvoir défier les sous-marins à bord d’un bateau antique… Dans les deux cas Daredevil et ses alliés gagnent, arrivant à briser le blocus qui empêchait l’Angleterre d’être ravitaillé. Reste un dernier segment du comic book qui est en fait… une biographie illustrée d’Hitler, surnommé le « Man of Hate »…
Par rapport à Captain America Comics #1, il y a clairement une surenchère. Contrairement à Captain America, Daredevil ne se contente pas d’un coup de poing. Il rosse plusieurs fois le dictateur mais aussi plusieurs autres nazis réels au cours de l’épisode. A une époque où les crossovers n’étaient pas si courants, la manœuvre sera efficace sur le plan commercial. Daredevil Battles Hitler sera une réussite, consacrant le héros rouge au bleu au rang de superstar du Golden Age et permettant la poursuite de la série sous le titre Daredevil Comics jusqu’en 1956 (à comparer Silver Streak, lui, cessa de paraître régulièrement à partir de 1942, complètement dépassé par la notoriété de son collègue). A comparer, la série de Daredevil (bien qu’il ne soit forcément dans tous les numéros) aura plus de longévité que les premières séries consacrées à Captain America, Human Torch, Sub-Mariner ou même la Justice Society. Ironiquement Daredevil s’est arrêté quelques mois avant que le Silver Age ne démarre vraiment. Si son éditeur avait tenu, Stan Lee n’aurait pas pu utiliser le même nom pour son héros aveugle et c’est une partie de l’histoire de Marvel qui aurait été changée…
[Xavier Fournier]
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